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Date : 20041105

Dossier : T-775-04

Référence : 2004 CF 1555

Ottawa (Ontario), le 5 novembre 2004

Présent : Monsieur le juge Blais

ENTRE :

                                             BANQUE NATIONALE DU CANADA

                                                                                                                                demanderesse

                                                                            et

                                                                DIANE LEPIRE

                                                                             

                                                                                                                                  défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La présente affaire est une demande de contrôle judiciaire d'une ordonnance rendue le 15 mars 2004 par Me Jean Poudrier en sa qualité d'arbitre nommé en vertu de l'article 242 du Code canadien du Travail [Code], (L.R.C. (1985), ch. L-2). La décision de l'arbitre ordonnait à la Banque Nationale du Canada (demanderesse) de payer à Diane Lepire (défenderesse) une indemnité équivalant à 12 mois de salaire avec intérêts.


FAITS

[2]                Le défenderesse Diane Lepire a été embauchée le 28 septembre 1971 par la Banque Provinciale à laquelle la demanderesse Banque Nationale a succédé. Depuis ce temps, elle occupa différents postes, et au mois de décembre 1996 jusqu'au moment de son congédiement, elle exerçait la fonction de directrice de comptes. À ce titre, elle pouvait octroyer des marges de crédit ou prêts de moins de 100 000$ aux entreprises.

[3]                Le 12 septembre 1997, Diane Lepire a octroyé un prêt à sa mère et l'a administré par la suite, contrairement au Code de déontologie. Quand l'employeur s'en est aperçu plus de trois ans plus tard, il envoya une lettre à Diane Lepire le 4 avril 2001 l'avisant d'une suspension rétroactive de 10 jours sans solde, pour la période s'échelonnant du 12 au 19 mars 2001. Elle fut aussi avertie par la demanderesse que tout futur manquement au Code de déontologie ne serait pas toléré et qu'elle s'exposait à des mesures correctives plus sévères pouvant aller jusqu'au congédiement.


[4]                Six mois plus tard, en octobre 2001, la défenderesse ouvrait un compte sous le nom « Messagerie DLP » , permettant à elle et son ex-conjoint, M. Denis Pelletier, de signer tout document pertinent à ce compte commercial. Elle a attribué une cote au compte qui n'était pas justifiée par la situation financière de son ex-conjoint. Cette cote accordait à l'utilisateur du compte aucune limite au montant de retrait au dépôt, et aucune durée de retenue de fonds. L'employeur ne s'en est aperçu qu'en août 2002 et a alors congédié la défenderesse le 16 octobre 2002.

[5]                La défenderesse a déposé une plainte pour congédiement injuste le 21 novembre 2002. Elle ne demande pas sa réintégration, mais réclame diverses compensations monétaires dont des dommages moraux entre $25,000 et $50,000.

DÉCISION DE L'ARBITRE

[6]                Après avoir examiné tout le contexte pertinent, l'arbitre a décidé que le congédiement était injuste. Bien qu'elle ait enfreint le Code de déontologie deux fois en six mois, la plaignante n'a pas commis de vol, de malversation ou de fraude grave et elle a agi sans arrière-pensée. Il trouve que la plaignante doit être traitée de façon juste et équitable, en comparaison avec ses collègues qui ont bénéficié du « Guide de l'employé - Réorganisation du secteur, Services aux entreprises » , lequel a attribué 16 mois de salaire à tout employé licencié par la Banque. Donc, il considère que 12 mois de salaire représente une réparation juste et raisonnable.


QUESTIONS EN LITIGE

[7]                1.        Quel est le critère de révision applicable à l'examen par cette Cour des conclusions contestées de la décision de l'arbitre;

2.        L'arbitre a-t-il agi de façon manifestement déraisonnable dans la qualification de :

a)          la nature des fautes prouvées;

b)          l'appréciation des circonstances atténuantes et aggravantes;

c)          la réparation ordonnée.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES



242. Renvoi à un arbitre

Décision de l'arbitre

(3) Sous réserve du paragraphe (3.1), l'arbitre :

a) décide si le congédiement était injuste;

b) transmet une copie de sa décision, motifs à l'appui, à chaque partie ainsi qu'au ministre.

Cas de congédiement injuste

(4) S'il décide que le congédiement était injuste, l'arbitre peut, par ordonnance, enjoindre à l'employeur :

a) de payer au plaignant une indemnité équivalant, au maximum, au salaire qu'il aurait normalement gagné s'il n'avait pas été congédié;

b) de réintégrer le plaignant dans son emploi;

c) de prendre toute autre mesure qu'il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier.

243. Caractère définitif des décisions

(1) Les ordonnances de l'arbitre désigné en vertu du paragraphe 242(1) sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

Interdiction de recours extraordinaires

(2) Il n'est admis aucun recours ou décision judiciaire -- notamment par voie d'injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto -- visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l'action d'un arbitre exercée dans le cadre de l'article 242.

242. Reference to adjudicator

Decision of adjudicator

(3) Subject to subsection (3.1), an adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1) shall

(a) consider whether the dismissal of the person who made the complaint was unjust and render a decision thereon; and

(b) send a copy of the decision with the reasons therefor to each party to the complaint and to the Minister.

Where unjust dismissal

(4) Where an adjudicator decides pursuant to subsection (3) that a person has been unjustly dismissed, the adjudicator may, by order, require the employer who dismissed the person to

(a) pay the person compensation not exceeding the amount of money that is equivalent to the remuneration that would, but for the dismissal, have been paid by the employer to the person;

(b) reinstate the person in his employ; and

(c) do any other like thing that it is equitable to require the employer to do in order to remedy or counteract any consequence of the dismissal.

243 Decisions not to be reviewed by court

(1) Every order of an adjudicator appointed under subsection 242(1) is final and shall not be questioned or reviewed in any court.

No review by certiorari, etc.

(2) No order shall be made, process entered or proceeding taken in any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise, to question, review, prohibit or restrain an adjudicator in any proceedings of the adjudicator under section 242.


ANALYSE

[8]                D'entrée de jeu, je suis d'accord de façon générale avec les arguments avancés par la partie demanderesse dans ce dossier. À mon avis, la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie pour les motifs qui suivent.

[9]                La partie demanderesse a décidé de congédier la partie défenderesse pour un manquement au Code de déontologie de la Banque. C'est donc à partir de ce Code de déontologie que l'on doit débuter notre analyse.


[10]            En fait, il m'apparaît important de rappeler que c'est dans le Code civil du Québec que l'on retrouve la notion de bonne foi aux articles 6, 7 et 1375; de cette obligation de faire preuve de bonne foi dans les contrats d'emploi, naît une autre obligation, celle d'être loyal envers son employeur suivant les dispositions de l'article 2088 du Code civil du Québec.

[11]            Il est important de rappeler cette obligation de faire preuve de bonne foi ainsi que l'obligation de loyauté d'un employé par rapport à son employeur puisque ces obligations existent indépendamment de l'existence d'un code de déontologie auquel est soumis, de temps à autre, un employé à l'égard de son employeur. Le Code de déontologie de la partie demanderesse dans le présent dossier stipule:

Un employé est en conflit d'intérêts lorsqu'il est dans une situation qui peut l'amener directement ou indirectement à choisir

-                entre les intérêts de la Banque ou de ses clients et ses intérêts personnels, ses intérêts d'affaires ou les intérêts d'une personne avec qui il est lié de quelque façon que ce soit,

-              ou encore entre les intérêts de deux de ses clients,

de même que dans toute situation susceptible d'affecter son jugement et sa loyauté envers la Banque.

[12]            Dans le cas qui nous occupe, il n'était pas nécessaire pour la Banque d'établir qu'elle avait subi un préjudice pour déterminer si oui ou non la partie défenderesse s'était placée dans une situation de conflit d'intérêts. L'existence seule du conflit d'intérêts crée déjà une situation de préjudice éventuel, ce qui est important particulièrement pour l'institution bancaire.

[13]            En ce sens, il était primordial pour la partie demanderesse de rappeler que le système bancaire est largement fondé sur l'honnêteté et l'intégrité et que le lien de confiance entre employeur-employé tout comme entre la Banque et ses clients est primordial. Tel qu'indiqué dans l'arrêt Vaillancourt c. Banque Nationale du Canada (29 février 1984), J.-J. Turcotte, arbitre, page 32 :

Le respect des règlements bancaires est à un salarié d'une banque l'équivalent du respect d'un compte en fidéicommis pour les professionnels qui reçoivent des sommes d'argent à être distribuées parmi leurs clients.

[...]

Lorsque le doute, l'incertitude, l'incroyance, s'installent dans l'esprit d'un supérieur par rapport au travail d'un subordonné, si haut gradé fut-il, il est alors très difficile de faire renaître la foi, la tranquillité et une douce crédulité.

Le milieu bancaire, comme nous l'avons déjà souligné, ne peut pas souffrir de "breach of confidence" pour la simple raison que les salariés d'une succursale bancaire sont en relation constante avec l'argent de tierces personnes et avec les avoirs de la banque.

[14]            Il est bien évident que le poste de responsabilité à titre de directeur de comptes de la partie défenderesse, loin de réduire l'importance de cette notion de conflit d'intérêts l'augmente et on doit s'attendre à davantage de la part d'un employé qui occupe un poste de responsabilité dans la Banque.

[15]            Une lecture attentive de la décision de l'arbitre nous amène à conclure que ce dernier s'est basé essentiellement sur la décision de la Cour suprême du Canada dans McKinley c. BC Tel, [2001] 2 R.C.S. 161.


[16]            Il apparaît que dans la décision McKinley, précitée, la Cour suprême a précisé les circonstances où un employeur serait en droit de congédier sommairement un employé en raison de son comportement malhonnête.

[17]            Je crois, sans équivoque, que cette décision doit être distinguée du présent dossier en ce qu'elle est beaucoup trop restrictive et inapplicable. Il m'apparaît que la malhonnêteté d'un employé quel que soit le niveau de cet employé par rapport à son employeur doit être traitée différemment de celle d'un employé qui sciemment se mettrait en situation de conflit d'intérêts, ce qui est la situation dans le présent litige.


[18]            Bien que la notion de conflit d'intérêts puisse se recouper à l'occasion avec une situation de « vol, malversation, faute grave » ce sont deux types de manquements graves qui sont distincts et qui peuvent tous les deux mener au congédiement comme l'a souligné le procureur de la partie demanderesse. L'arbitre, aux paragraphes 146 et suivants de sa décision, revient longuement sur le fait que l'employeur n'a jamais reproché à la plaignante des comportements s'assimilant à un « vol, malversation, faute grave » et semble banaliser la faute comme étant un simple conflit avec le Code de déontologie s'appliquant aux employés de la Banque. Il est même curieux que l'arbitre au paragraphe 149 manifeste son accord avec le procureur de l'employeur « à l'effet que dans le milieu des affaires bancaires, la confiance est la pierre angulaire d'une telle entreprise » .

[19]            L'arbitre rappelle qu'il s'agit d'une récidive puisque cette contravention au Code de déontologie survient à peine 6 mois après que la plaignante ait été suspendue pour 10 jours, là encore pour avoir contrevenu au Code de déontologie relativement à des transactions effectuées par elle pour une personne liée en l'occurrence sa mère. Il ajoute qu'il s'agit d'une circonstance aggravante au paragraphe 152, alors qu'au paragraphe précédent, l'arbitre concluait que la présence d'une seule suspension au dossier disciplinaire de la plaignante pouvait être considérée comme une circonstance atténuante.

[20]            La partie demanderesse a référé la Cour à l'arrêt Banque de Commerce Canadienne Impériale c. Marc Boisvert, [1986] 2 C.F. 431 (C.A.), décision du juge MacGuigan de la Cour d'appel fédérale. Dans cet arrêt important et beaucoup plus applicable au présent dossier, le juge MacGuigan a cassé la décision de l'arbitre Boisvert comme étant mal fondée en droit parce que l'arbitre avait conclu qu'il fallait que l'employé ait posé un acte illégal ou contraire à la loi pour qu'on puisse en arriver à trouver une cause juste et suffisante pour le congédiement.

[21]            Le juge MacGuigan a considéré que ce raisonnement devrait être rejeté particulièrement dans un cas de conflit d'intérêts. Le juge a insisté qu'il n'était pas nécessaire de prouver que l'employeur avait subi un préjudice réel mais que la possibilité seule d'un préjudice causé par le conflit d'intérêts était suffisant pour justifier un congédiement, à la page 454 de sa décision, il a indiqué :

Lord Esher a bien établi dans l'arrêt Pearce v. Foster (1886), 17 Q.B.D. 536 (C.A.), à la page 539, le critère général applicable aux motifs valables de congédiement:

[Traduction] La règle de droit est que l'employeur a le droit de congédier son employé qui agit de façon incompatible avec l'exercice régulier ou loyal de ses fonctions. Les relations entre l'employeur et l'employé supposent nécessairement que ce dernier sera en mesure d'exécuter son travail convenablement et loyalement, et si sa conduite l'en empêche, l'employeur peut le congédier ... Il est impossible d'énumérer les circonstances qui pourront empêcher un employé d'exercer ses fonctions convenablement ou d'exécuter son travail de façon loyale. Cette situation pourrait être illustrée tant par de nombreux faits qui se sont déjà produits que par d'autres, encore virtuels, qui se produiront un jour.

Il n'est pas nécessaire de prouver que l'employeur a subi un préjudice réel. Le préjudice virtuel suffit: Empey v. Coastal Towing Co. Ltd., [1977] 1 W.W.R. 673 (C.S.C.-B.); Tozer v. Hutchison (1869), 12 N.B.R. 540 (C.A.); ainsi que l'écrivait le juge Meldrum dans l'affaire Bursey v. Acadia Motors Ltd. (1980), 28 N.B.R. (2d) 361 (Q.B.), à la page 369 (décision modifiée sur un autre point en appel: (1982), 35 N.B.R. (2d) 587 (C.A.):

[TRADUCTION] Rien dans la preuve n'indique que les conflits d'intérêts potentiels nuisaient de quelque façon à la défenderesse. Néanmoins, dans les situations de conflits d'intérêts, c'est la règle applicable à la femme de César qui s'applique. Il ne faut pas même prêter le flanc aux soupçons.

Il n'importe pas que le comportement de l'employé visait à protéger seulement son propre intérêt et ne cherchait pas à nuire à celui de son employeur: Federal Supply and Cold Storage Co. of South Africa v. Angehrn & Piel (1910), 80 L.J.P.C. 1; Empey v. Coastal Towing Co. Ltd., précité.

Plus loin aux pages 460-461, il écrit :


Il ressort de ce passage que l'arbitre avait une conception tout à fait erronée du droit. À son avis, la juste cause de congédiement exigeait de la part de l'intimée la perpétration d'un acte illégal ou contraire à la loi. Si c'était là le critère applicable, plusieurs cas de conflits d'intérêts seraient éliminés. Cependant, le critère applicable à la détermination de la faute de l'employé est celui que lord Esher a formulé et que nous avons déjà cité: il vise les actes de l'employé qui sont « incompatible[s] avec l'exercice régulier ou loyal de ses fonctions » .

[...]

... et c'est seulement l'idée fixe de l'arbitre selon laquelle, pour qu'il y ait faute de l'employée, il doit y avoir la perpétration d'un acte contraire à la loi qui l'a empêché de voir la situation telle qu'elle était. Elle a trahi ses obligations envers son employeur en continuant de fréquenter une personne aussi manifestement désireuse de jouer les Robins des Bois pour son propre compte. Il ne faut rien de plus pour qu'il y ait incompatibilité avec les intérêts de son employeur.

[22]            Par ailleurs, je considère que l'analyse des circonstances atténuantes faites par l'arbitre est déraisonnable sous plusieurs aspects. Je suis particulièrement d'accord avec le procureur de la partie demanderesse à l'effet que l'ancienneté de 31 ans constitue davantage un facteur aggravant pour une personne qui non seulement est suspendue pour une période de 10 jours pour avoir manqué au Code de déontologie pour avoir effectué un prêt à sa propre mère, et qui récidive 6 mois plus tard pour effectuer des transactions pour et au nom de son ex-mari, encore une personne liée. Il s'agit d'une récidive à laquelle on ne serait pas en droit de s'attendre pour une personne qui travaille depuis 31 ans pour le même employeur.


[23]            Je ne comprends pas d'ailleurs pourquoi « la franchise, la sincérité et la collaboration de la plaignante » , à l'enquête et à l'audition, pourraient être considérées comme une circonstance atténuante alors que c'est seulement après que son employeur se soit aperçu de son nouveau manquement au Code de déontologie qu'elle a accepté de collaborer et qu'elle n'a pas voulu parler des circonstances entourant l'ouverture du compte au nom de son ex-conjoint se retranchant derrière l'explication « pour des raisons personnelles » . Elle a également voulu se déculpabiliser et reporter en partie la faute sur un problème de relation interpersonnelle avec son supérieur immédiat. Malgré des efforts, je n'arrive pas à comprendre comment on puisse tenter de justifier un manquement aussi grave au Code de déontologie de cette façon. S'il est une conséquence qu'on peut tirer de cette attitude pour le moins surprenante de la part de la partie défenderesse c'est bien de démontrer que le lien de confiance était irrémédiablement rompu et qu'il ne pouvait en aucun cas être rétabli entre la Banque et son employé.

[24]            Les motifs invoqués, tant pour le premier manquement au Code de déontologie à l'égard de sa mère que pour le manquement concernant son ex-mari, peuvent apparaître défendables sur le plan humain, mais demeurent tout à fait inacceptables dans le cadre d'une relation employeur-employé dans une institution bancaire.

[25]            Dans le dossier Vaillancourt, précité, l'arbitre Turcotte précise :

a) Il est vrai que le cas de Mme Vaillancourt est pathétique en un sens, fort compréhensible dans un deuxième sens, car elle a entraîné sa perte en voulant sauver son mari de la dégradation financière.


[...]

Or Mme Vaillancourt, sciemment, délibérément, pour des motifs qui peuvent être touchants sur le plan conjugal mais qui ne le sont pas du tout dans la réalité du monde bancaire, prend des moyens détournés pour faire profiter son mari de sommes additionnelles empruntées par deux personnes étrangères, sous de fausses représentations.

[...]

La plaignante s'est volontairement et directement placée dans une allée tortueuse, périlleuse, dont elle était en mesure de connaître l'issue malheureuse le jour où éclaterait au grand jour les malversions faites dans un but louable sur le plan conjugal mais inacceptable dans le domaine professionnel où travaillait la plaignante. [je souligne]

[26]            Il apparaît clair que l'analyse effectuée par l'arbitre et les conclusions de fait et de droit sont tout à fait déraisonnables dans les circonstances et l'intervention de cette Cour est parfaitement justifiée. L'arbitre Du Mesnil dans l'affaire Banque Nationale du Canada c. Salvant, D.T.E. 96T-1126, page 23, écrit :

Dans le domaine bancaire, pour des raisons évidentes, la question du lien de confiance est primordiale. Elle y prend plus d'ampleur, plus d'importance qu'ailleurs. Elle y est une préoccupation constante et de premier ordre. Rien de mieux pour résumer le tout que de citer quelques arrêts : [...]

[...]

Il résulte, de tout ceci, que, dans le secteur bancaire, en particulier, il doit toujours exister un lien de confiance entre l'employeur et l'employé et que, s'il y a rupture de ce lien de confiance, ce bris peut être considéré comme étant une cause juste de congédiement et ce, comme, entre autres, nous enseignent les arrêts déjà cités.


Il en résulte donc que, dans le domaine bancaire, tout particulièrement, et surtout, le lien de confiance, entre l'employeur et l'employé, doit toujours exister, ne subir la moindre atteinte et que, s'il y a bris ou rupture de ce lien de confiance, ce bris, cette rupture, comme nous l'enseigne la jurisprudence, peut être considéré comme étant une cause juste de congédiement. La perte de confiance, ayant pour effet immédiat la rupture de lien de confiance, résulte, dans la plupart des cas, de l'attitude, des faits et gestes, des réticences, du manque de franchise, du comportement de l'employé.

[27]            La décision de l'arbitre à l'effet que le congédiement était injuste sera donc cassée.

[28]            De plus, les conclusions erronées de fait et de droit par l'arbitre ont conduit le même arbitre à ordonner une réparation qui devient elle-même manifestement déraisonnable.

[29]            On peut comprendre que dans sa décision, l'arbitre a tenu compte d'une panoplie de facteurs dont j'ai traités plus haut; cependant, l'indemnité de 12 mois de salaire octroyée à Mme Lepire est abusive dans les circonstances, beaucoup trop généreuse et ne répond pas aux critères établis par la jurisprudence dans le domaine.

[30]            Je suis également d'avis que considérant que le congédiement était juste et raisonnable, les conclusions de l'arbitre quant à accorder une indemnité de 12 mois de salaire, doivent également être rejetées.


[31]            Pour ces motifs, je suis d'avis d'accueillir la présente demande de contrôle judiciaire, de casser la décision rendue le 15 mars 2004 par l'arbitre quant au congédiement injuste, ainsi que l'indemnité accordée qui doit également être annulée.            

                                   O R D O N N A N C E

LA COUR ORDONNE :

-           Que la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie.

-          De casser la décision rendue le 15 mars 2004 par l'arbitre quant au congédiement injuste.

-          De casser la décision de l'arbitre quant à accorder une indemnité de salaire de 12 mois.

-          Avec dépens contre la défenderesse.

                  « Pierre Blais »               

                       J.C.F.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                     

DOSSIER :                T-775-04

INTITULÉ :               BANQUE NATIONALE DU CANADA

demanderesse

                                                     et

DIANE LEPIRE

                                                                                      défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le 28 septembre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                                   5 novembre 2004

COMPARUTIONS :

André Giroux                                                    POUR LA DEMANDERESSE

Jean Lagacé                                                      POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ogilvy Renault                                                   POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Lagacé, Goupil & Lacasse                                             POUR LA DÉFENDERESSE

Pintendre (Québec)



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