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     Date : 19990211

     Dossier : T-1721-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 11 FÉVRIER 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON

     Action personnelle en matière d'amirauté contre

     UNISPEED GROUP INC.

ENTRE :

     ORDINA SHIPMANAGEMENT LTD.,

     demanderesse,

     - et -

     UNISPEED GROUP INC.,

     défenderesse.

     ORDONNANCE

     La requête présentée par International Maritime Services Inc. en vue d'obtenir une ordonnance portant évaluation de ses dommages-intérêts est rejetée et les dépens sont adjugés à Ordina Shipmanagement Ltd.

                                 " MARC NADON "

                                         JUGE

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     Date : 19990211

     Dossier : T-1721-98

     Action personnelle en matière d'amirauté contre

     UNISPEED GROUP INC.

ENTRE :

     ORDINA SHIPMANAGEMENT LTD.,

     demanderesse,

     - et -

     UNISPEED GROUP INC.,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]      Il s'agit d'une demande présentée par International Maritime Services Inc. (I.M.S.) afin d'obtenir une ordonnance portant évaluation de ses dommages-intérêts dans la foulée de l'ordonnance rendue par le juge Dubé le 1er septembre 1998. Par son ordonnance, le juge Dubé a fait droit à la demande présentée par Ordina Shipmanagement Ltd. (Ordina) en vue d'obtenir une ordonnance de mesures de protection sous forme d'injonction Mareva contre la défenderesse Unispeed Group Inc.

[2]      L'ordonnance rendue par le juge Dubé est ainsi libellée :

     [traduction] LECTURE FAITE de la requête ex parte présentée au nom de la demanderesse ORDINA SHIPMANAGEMENT LTD. en vue du prononcé d'une ordonnance accordant une injonction interlocutoire, et après audition des arguments de l'avocat de la demanderesse, la Cour ordonne par les présentes ce qui suit :         
     1.      Il est interdit à Unispeed Group Inc. de céder, notamment par grèvement, renonciation ou dépossession, des éléments d'actif ou de sortir ces éléments d'actif du Canada jusqu'au prononcé d'une nouvelle ordonnance de la Cour.         
     2.      Il est interdit à Unispeed Group Inc., à M. Talal Hallal et à quiconque peut avoir connaissance de la présente ordonnance de la Cour de prendre des mesures, d'envoyer une communication, de rendre une ordonnance ou de faire une déclaration ayant pour effet, soit directement soit indirectement, de contrecarrer, de retarder ou d'empêcher le paiement, dans le cours normal des activités d'Unispeed Group Inc., du fret qui lui est valablement dû ou qui le deviendra dans le cours normal de ses activités, et d'empêcher le dépôt de ce fret dans les comptes bancaires que possède Unispeed Group Inc. à la Banque de Montréal, 1205, rue Sainte-Catherine ouest, Montréal.         
     3.      Unispeed Group Inc., M. Talal Hallal et quiconque peut avoir connaissance de la présente ordonnance de la Cour doivent consigner immédiatement à la Cour dans la présente action le fret ou les autres sommes d'argent que peut posséder Unispeed Group Inc. dans un compte bancaire détenu ou géré par Unispeed Group Inc., ou qui peuvent être dus à Unispeed Group Inc. ou le devenir, jusqu'à concurrence de 846 300 $ jusqu'au prononcé d'une nouvelle ordonnance de la Cour.         
     4.      Le paragraphe 3 de la présente ordonnance doit demeurer exécutoire jusqu'à ce que la somme de 846 300 $ ait été consignée à la Cour. Les autres sommes consignées à la Cour en sus de ce montant seront refusées par le greffe ou retournées à la personne qui les aura consignées. Les sommes consignées à la Cour, jusqu'à concurrence de 846 300 $, demeureront consignées jusqu'au prononcé d'une nouvelle ordonnance de la Cour.         
     5.      La présente ordonnance, la déclaration et la demande d'injonction interlocutoire de la demanderesse peuvent être valablement signifiées à la défenderesse et à toute autre personne par l'envoi d'une copie par télécopieur.         
     6.      La Cour permet par les présentes de déroger à l'exigence de dépôt de la présente requête ex parte au moins deux jours avant la date de l'audience.         
     7.      L'affaire est ajournée jusqu'au lundi 14 septembre 1998, à Montréal (Qc), date à laquelle la Cour entendra la demanderesse et, si besoin est, la défenderesse au sujet du renouvellement, de la modification ou de l'annulation de la présente ordonnance.         
     8.      Ordina s'est engagée à fournir, dans un délai de dix jours, un cautionnement de 10 000 $ sous forme de cautionnement, de lettre de garantie bancaire ou de numéraire à l'égard des dommages-intérêts éventuels à verser à Unispeed.         

[3]      Pour les motifs qui suivent, la demande d'I.M.S. doit être rejetée.

[4]      Il est acquis en droit que l'ordonnance demandée par I.M.S. ne peut être rendue que si le requérant a fourni un engagement à la Cour. Il est également acquis en droit que la Cour ne peut pas contraindre un requérant à s'engager à verser des dommages-intérêts. Si le requérant refuse de fournir cet engagement, la Cour peut, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, refuser de rendre l'ordonnance demandée. Dans l'arrêt Hoffman-La Roche v. Trade Sec., [1975] A.C. 295 (H.L.), à la page 361, lord Diplock a expliqué la question en ces termes :

     [traduction] La cour n'est pas habilitée à contraindre la personne qui demande une injonction provisoire à s'engager à verser des dommages-intérêts. Tout ce qu'elle peut faire c'est de refuser l'injonction si le requérant ne consent pas à fournir l'engagement. Ce dernier est pris non pas envers le défendeur mais envers la cour elle-même. Son inexécution constitue un outrage au tribunal et non pas une inexécution de contrat, et elle donne ouverture aux recours prévus en cas d'outrage; mais la cour exige que l'engagement soit fourni pour le bénéfice du défendeur. Elle conserve le pouvoir discrétionnaire de ne pas rendre l'engagement exécutoire si elle estime que la conduite du défendeur relativement à l'obtention ou à la continuation de l'injonction, ou que l'exécution de l'engagement fait en sorte qu'il est injuste de le faire, mais si l'engagement devient exécutoire, le montant des dommages-intérêts qui sont de ce fait payables ne relève pas de son pouvoir discrétionnaire. Ce montant est évalué au cours d'une enquête portant sur les dommages-intérêts et où les principes à appliquer sont clairement déterminés. L'évaluation est faite de la même manière que les dommages-intérêts pour l'inexécution de contrat seraient déterminés si l'engagement avait constitué un contrat entre le demandeur et le défendeur, prévoyant que le demandeur n'empêcherait pas le défendeur de faire ce qui lui a été interdit de faire par le libellé de l'injonction : voir Smith v. Day (1882) 21 Ch.D. 42221, le lord juge Brett, à la p. 427.         

[5]      Il ressort clairement de l'ordonnance rendue par le juge Dubé qu'Ordina a fourni un engagement ainsi qu'un cautionnement sous forme de cautionnement à l'égard des dommages-intérêts auxquels la défenderesse pourrait avoir droit. Toutefois, Ordina n'a fourni aucun engagement à l'égard des dommages-intérêts auxquels des tiers comme I.M.S. pourraient avoir droit.

[6]      Comme Ordina n'a fourni aucun engagement à l'égard des dommages-intérêts auxquels des tiers pourraient avoir droit, l'affaire semblerait terminée. Le pouvoir de la Cour d'ordonner la tenue d'une enquête sur les dommages-intérêts découle de son pouvoir discrétionnaire de rendre exécutoire l'engagement fourni par la requérante. Comme aucun engagement n'a été fourni, la Cour ne saurait, à mon avis, ordonner la tenue d'une enquête sur les dommages-intérêts à verser à I.M.S.

[7]      L'avocat d'I.M.S. soutient que, conformément à la règle 373(2) des Règles de la Cour fédérale, un requérant qui obtient une injonction interlocutoire est réputé avoir fourni un engagement envers tous ceux qui pourraient avoir droit à des dommages-intérêts en raison du prononcé par la Cour de l'ordonnance demandée. La règle 373(2) est ainsi libellée :

373. (2) Unless a judge orders otherwise, a party bringing a motion for an interlocutory injunction shall undertake to abide by any order concerning damages caused by the granting or extension of the injunction.

(2) Sauf ordonnance contraire du juge, la partie qui présente une requête pour l'obtention d'une injonction interlocutoire s'engage à se conformer à toute ordonnance concernant les dommages-intérêts découlant de la délivrance ou de la prolongation de l'injonction.

[8]      Je n'interprète pas cette règle de la même façon que l'avocat. À mon avis, cette règle dispose simplement qu'un juge a le pouvoir discrétionnaire d'accorder une injonction à une partie sans exiger qu'elle s'engage à verser des dommages-intérêts. En l'espèce, le juge Dubé a accordé l'injonction et, pour ce faire, a demandé à Ordina de prendre un engagement à l'égard des dommages-intérêts auxquels la défenderesse pourrait avoir droit. Le juge Dubé n'a pas demandé à Ordina à fournir un engagement à l'égard des dommages-intérêts auxquels des tiers pourraient avoir droit.

[9]      Dans le supplément transitoire de l'ouvrage Federal Court Practice 1998 qui porte sur les Règles de la Cour fédérale (1998), les auteurs font les remarques suivantes au sujet de la règle 373(2) :

     [traduction] La règle 373(2) est nouvelle. Elle prévoit qu'une partie doit s'engager à se conformer à toute ordonnance concernant les dommages-intérêts découlant de la délivrance de l'injonction. Cette règle semble codifier la pratique qui consiste à fournir des engagements à l'égard des dommages-intérêts. Elle semblerait rendre la fourniture d'un engagement obligatoire, sauf si une partie convainc la Cour que cet engagement est inutile ou inapproprié.         

[10]      Je suis d'avis qu'on ne peut interpréter la règle 373(2) de la manière proposée par l'avocat d'I.M.S. Par conséquent, comme Ordina n'a fourni aucun engagement à l'égard des dommages-intérêts auxquels des tiers pourraient avoir droit, l'ordonnance demandée par I.M.S. ne peut être accordée. La demande sera donc rejetée.

[11]      Ordina a droit aux dépens de la requête.

                                 " MARC NADON "

                                     JUGE

Ottawa (Ontario)

Le 11 février 1999

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          T-1721-98

INTITULÉ :                  ORDINA SHIPMANAGEMENT LTD. c. UNISPEED GROUP INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :          Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 25 janvier 1999

MOTIFS DU JUGEMENT DE MONSIEUR LE JUGE NADON

EN DATE DU :              11 février 1999

COMPARUTIONS :

Peter Pamel                      POUR LA DEMANDERESSE

Richard Desgagnés                  POUR INTERNATIONAL MARITIME

Tony Henriques                  SERVICES INC.

Louis Buteau                      POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McMaster Gervais                  POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Ogilvy Renault                  POUR INTERNATIONAL MARITIME

Montréal (Québec)                  SERVICES INC.

Sproule Castonguay Pollack              POUR LA DÉFENDERESSE

Montréal (Québec)

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