Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 19990120


Dossier : T-1-95

ENTRE :

     BOURQUE, PIERRE & FILS LTÉE,

     demanderesse,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

     défenderesse.

     MOTIFS DES ORDONNANCES

LE JUGE MacKAY


[1]      Les présents motifs concernent principalement la décision relative à une requête en jugement sommaire1 présentée au nom de la défenderesse dans la présente action. Ils traitent également de questions préliminaires soulevées lors de l'audition de la requête en jugement sommaire le 19 juin 1998 et de questions soulevées à la suite de l'audition, par écrit, à la dernière occasion en septembre 1998.


[2]      La demanderesse est une compagnie constituée en vertu des lois du Canada et ayant son siège social à Ottawa (Ontario). Le 3 janvier 1995, la demanderesse a déposé une déclaration dans laquelle elle réclamait à la défenderesse des dommages-intérêts pour rupture présumée de contrat ou de garantie collatérale ou pour responsabilité délictuelle présumée de préposés de Sa Majesté, découlant d'interrelations entre les parties de décembre 1988 à avril 1989 et à la suite de la présentation par la demanderesse d'une soumission en réponse à un appel d'offres pour des locaux loués. Cet appel d'offres a ensuite été annulé et la défenderesse a renégocié un bail avec son locateur, démarche qui, en bout de ligne, a mené à l'action de la demanderesse.


Les questions préliminaires

[3]      Lors de l'audition de la requête de la défenderesse, j'ai rejeté une requête préliminaire qui avait été présentée par la demanderesse en vue de faire ajourner l'affaire en attendant la décision relative à l'appel formé par la demanderesse contre une ordonnance en date du 17 juin 1998 par laquelle monsieur le juge Hugessen a refusé à la demanderesse l'autorisation de déposer un affidavit en rapport avec la requête de la défenderesse. C'était la deuxième demande de ce genre de la demanderesse à être rejetée.


[4]      Ensuite, au cours de l'audition, l'avocat de la défenderesse s'est opposé à ce que la demanderesse mentionne et présente dans le cadre de l'instance un document qui émanait de la défenderesse, mais auquel la défenderesse s'était opposée lorsqu'il avait été présenté précédemment au cours du contre-interrogatoire du souscripteur d'un affidavit en faveur de la défenderesse. L'opposition était fondée sur une revendication de privilège en vertu de l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, et ses modifications.


[5]      Ces deux questions méritent qu'on s'y arrête brièvement, car la réponse qui leur sera apportée, du moins en partie, établit ce qui servira de cadre à la décision relative à la requête en jugement sommaire de la défenderesse. Les observations écrites présentées à la suite de l'audience ont été prises en considération dans la rédaction des présents motifs. Ces observations ont été présentées par la défenderesse, et la demanderesse y a répondu en rapport avec l'opposition faite en vertu de l'article 39, et ensuite il y a eu deux observations présentées au nom de la demanderesse, ainsi que les réponses apportées par la défenderesse, en rapport avec des décisions judiciaires, rendues pendant que la décision relative à la présente affaire était renvoyée à plus tard, qui sont considérées comme ayant trait aux questions dont la Cour est saisie.


[6]      J'ai rejeté la requête de la demanderesse en vue de faire ajourner l'audition de la demande de jugement sommaire de la défenderesse dans les circonstances suivantes. L'audition de la requête, déposée le 7 octobre 1997, était prévue initialement pour le 29 janvier 1998, mais elle a été ajournée du consentement des parties à la suite d'un changement d'avocats effectué par la demanderesse peu avant la date prévue pour l'audition. Une nouvelle date d'audition a été fixée au 30 mars 1998, mais l'audition a été ajournée de nouveau, à la demande de la demanderesse, au 1er mai 1998. Au moment de l'audition de la requête à cette dernière date, la demanderesse a sollicité un autre ajournement pour le motif qu'elle n'était pas prête à procéder. Malgré l'opposition de la défenderesse, j'ai ajourné l'instance ce jour-là et fixé la tenue de l'audience au 19 juin 1998, date convenue par les deux parties, pour que l'affaire soit instruite de façon prioritaire.


[7]      Ensuite, le 17 juin 1998, mon collègue le juge Hugessen a entendu et rejeté une requête présentée par la demanderesse pour être autorisée à déposer un affidavit en date du 21 mai 1998, en réponse à la requête en jugement sommaire de la défenderesse. Comme je l'ai fait remarquer précédemment, c'était la deuxième demande du genre de la demanderesse à être rejetée. L'autorisation était requise conformément à la règle 84(2), puisque la demanderesse avait commencé à contre-interroger en novembre 1997 le souscripteur d'un affidavit en faveur de la défenderesse, affidavit qui avait été déposé en octobre 1997 à l'appui de la requête en jugement sommaire de la défenderesse. Le 18 juin 1998, la demanderesse a déposé un appel contre la décision du juge Hugessen. Puis à l'audition de cette affaire le lendemain, la demanderesse a, dans une requête en ajournement, tenté d'obtenir que l'audience soit reportée en attendant qu'il soit disposé de cet appel. Il a été allégué que l'ajournement serait dans l'intérêt de la justice, bien qu'il y eût en suspens la question de la possibilité pour la demanderesse de produire une preuve par affidavit en réponse à la requête en jugement sommaire. Sans la possibilité de produire un affidavit, il n'y avait aucun élément de preuve émanant de la demanderesse à examiner relativement à la requête de la défenderesse.


[8]      Aucun élément de preuve par affidavit n'a été porté à ma connaissance pour expliquer le retard de la demanderesse à solliciter l'autorisation de déposer un affidavit. Il est clair que, dans le cas d'une requête en jugement sommaire, la partie intimée a l'obligation de faire de son mieux en fournissant des éléments de preuve à l'appui de sa position2. L'audition de la requête de la défenderesse avait été ajournée déjà à trois reprises à la demande de la demanderesse, et les parties étaient au courant que l'audience prévue le 19 juin 1998 était fixée de façon prioritaire. Un appel en suspens ne constitue pas une base dans le cas ordinaire de l'examen d'une requête en ajournement ou en suspension d'instance en attendant qu'il soit statué sur l'appel. La demanderesse est elle-même à l'origine de son désavantage, si tel est le cas, de n'avoir aucun élément de preuve qui ait été porté à la connaissance de la Cour relativement à sa demande. Tout compte fait, l'intérêt de la justice dans les circonstances de l'espèce justifie l'audition de la requête en jugement sommaire de la défenderesse ainsi que la décision relative à cette requête, laquelle a été déposée plus de huit mois avant l'audience et a déjà été ajournée à trois reprises à la demande de la demanderesse. Pour ces motifs, j'ai rejeté la requête de la demanderesse en vue d'un autre ajournement, et la Cour a procédé à l'audition de la requête en jugement sommaire de la défenderesse.


[9]      Au cours de l'audience consécutive tenue le 19 juin 1998, l'avocat de la demanderesse s'est reporté à un document qui portait la mention " Pièce 5 " du contre-interrogatoire du représentant de la défenderesse. Une opposition à ce renvoi et à la présentation du document en question en rapport avec la requête en jugement sommaire de la défenderesse a été soulevée à l'audience par l'avocat de la défenderesse, qui s'était opposé de la même façon à sa présentation au cours du contre-interrogatoire et qui avait prescrit qu'il ne soit pas répondu aux questions concernant le document. La principale raison pour s'opposer à la mention ou à l'admission du document était qu'il s'agit d'un document émanant de la défenderesse qui est protégé en tant que document confidentiel du cabinet, conformément à l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada .


[10]      Comme cette question a été soulevée à l'audience tenue le 19 juin sans avis préalable, l'avocat de la défenderesse a alors eu la possibilité de présenter des observations écrites à la suite de l'audience et l'avocat de la demanderesse, celle d'y répondre. Après l'audience, par voie d'observations en date du 29 juin 1998, la défenderesse a présenté des observations écrites supplémentaires, dont un certificat signé par le greffier du Conseil privé, en date du 24 juin 1998, attestant que le document en question contenait des renseignements constituant des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada conformément à l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada et que le document est un renseignement confidentiel de ce Conseil. Ce certificat, déposé à la Cour le 30 juin 1998, satisfait aux exigences prévues à l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada.


[11]      La demanderesse soutient que le fait de décider que le document n'est pas admissible l'empêchera de signifier une demande de reconnaissance conformément à la règle 255 des Règles de la Cour fédérale (1998)3 et d'entamer une contestation conformément à la Charte canadienne des droits et libertés, qui, prétend-elle, devrait avoir lieu à l'étape de l'interrogatoire préalable. Elle allègue que le refus d'admettre le document violerait les principes de justice fondamentale. Quant à la demanderesse, elle fait également valoir que les circonstances de l'espèce se comparent à celles de l'affaire Best Cleaners and Contractors Ltd. c. La Reine du chef du Canada4, où la Cour d'appel a refusé d'admettre qu'un certificat prévu à l'article 39 interdisait la production de renseignements provenant d'un document du Conseil du Trésor auquel le certificat se rapportait. Mais je ne suis pas convaincu qu'il s'agisse d'une affaire analogue, car, dans l'affaire Best, le document en question avait été présenté à l'interrogatoire préliminaire par la défenderesse, la Couronne elle-même, sans opposition et sans revendication de privilège. En l'espèce, le document, tout en émanant de la Couronne, n'a pas été produit par la défenderesse, et l'opposition à sa production par la demanderesse a été continuelle, tant en contre-interrogatoire que lorsque la question a été soulevée à l'audition de la présente requête.


[12]      À mon avis, le fait que le certificat ait été déposé après que la question eut été soulevée à l'audience ne réduit pas la valeur de la revendication de privilège en l'espèce. Cette revendication est attestée en conformité avec le paragraphe 39(1) de la Loi sur la preuve au Canada avant que n'ait été rendue la décision d'admettre ou d'examiner le document en question, après l'audience mais avant la décision relative à cette question pendant qu'elle était en suspens. Conformément au paragraphe 39(1), il est interdit à la Cour d'examiner le document ou de tenir une audition au sujet des renseignements qu'il contient. Ce paragraphe prévoit :

     39. (1) Where a minister of the Crown or the Clerk of the Privy Council objects to the disclosure of information before a court, person or body with jurisdiction to compel the production of information by certifying in writing that the information constitutes a confidence of the Queen's Privy Council for Canada, disclosure of the information shall be refused without examination or hearing of the information by the court, person or body.

39. (1) Le tribunal, l'organisme ou la personne qui ont le pouvoir de contraindre à la production de renseignements sont, dans les cas où un ministre ou le greffier du Conseil privé s'opposent à la divulgation d'un renseignement, tenus d'en refuser la divulgation, sans l'examiner ni tenir d'audition à son sujet, si le ministre ou le greffier attestent par écrit que le renseignement constitue un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada.

Le document en question ne peut tout simplement pas être admis dans la présente instance.

[13]      Je passe maintenant à la requête en jugement sommaire de la défenderesse, après un bref examen des faits.

Les faits

[14]      À l'automne de 1988, le ministère des Travaux publics (le MTP), qui est un ministère de la défenderesse, a institué un appel d'offres pour la location de locaux dans un immeuble dans la grande région d'Ottawa-Hull. L'édifice devait loger l'administration centrale du ministère des Transports, qui à l'époque était située principalement à la Tour " C " de Place de Ville, à Ottawa, tout en ayant également des bureaux dans un certain nombre d'autres édifices. La défenderesse a fait paraître des annonces dans divers journaux en décembre 1988 et a fait parvenir des propositions de bail aux parties intéressées, dont la demanderesse.

[15]      La proposition de bail était accompagnée d'une invitation faite aux parties intéressées de rencontrer des fonctionnaires du MTP le 19 décembre 1988 pour discuter du processus de soumission qui serait utilisé et pour poser des questions. La demanderesse allègue que, lors de la rencontre, la requérante, par l'intermédiaire de son représentant, a signalé qu'elle conclurait certainement un bail pour des locaux avec une compagnie qui a soumis une proposition satisfaisant aux Normes relatives aux locaux loués qui étaient incluses dans la proposition de bail, et elle a signalé qu'il s'agissait d'une véritable invitation en vue d'obtenir des soumissions et non pas simplement pour améliorer sa position de négociation vis-à-vis de son locateur à Place de Ville. La défenderesse attire l'attention sur des déclarations précises de la publicité et de la proposition de bail et désavoue toute obligation de conclure un contrat et elle prétend avoir rappelé à ceux qui assistaient à la rencontre que toute soumission recommandée par le MTP serait assujettie à l'approbation du Conseil du Trésor. L'échange suivant serait survenu durant une période de questions au cours de la rencontre, entre un représentant de l'une des compagnies intéressées et M. Louis Plante, qui était le directeur de la location du MTP pour la région de la Capitale nationale :

                 [traduction]                 
                 Le représentant d'une compagnie : Est-il certain que les Travaux publics accorderont cette soumission à quelqu'un?                 
                 M. Plante : Nous avons besoin de locaux, oui.                 
                 Le représentant : Ainsi, il est certain que la présente proposition sera accordée à quelqu'un.                 
                 M. Plante: Oui, en dernier lieu (inaudible).                 

[16]      En contre-interrogatoire sur son affidavit à l'appui de la requête de la défenderesse, M. Plante a expliqué que, à l'époque de la rencontre, il croyait que le projet ferait l'objet d'un contrat et il ne savait nullement qu'il n'y serait pas donné suite. De plus, il a fait remarquer qu'une partie de l'échange susmentionné est inaudible sur l'enregistrement de la rencontre parce que d'autres personnes enterraient sa voix, et il a contesté avoir utilisé l'expression " en dernier lieu " dans sa réponse.

[17]      Le MTP a révisé sa proposition de bail en distribuant trois addenda en janvier 1989 aux parties intéressées. La demanderesse a présenté sa soumission le 2 février 1989. La défenderesse a conclu que quatorze des vingt et une propositions présentées, y compris celle de la demanderesse, satisfaisaient aux critères requis. La défenderesse a écarté entre autres la proposition de son locateur à l'époque, Corporation Campeau, qui offrait de renégocier le bail des locaux de Place de Ville pour loger le ministère des Transports.

[18]      La demanderesse allègue que sa proposition a été la proposition gagnante parce qu'elle satisfaisait aux exigences des Normes relatives aux locaux loués au coût global minimum. La défenderesse prétend que le MTP n'est pas arrivé à la conclusion que l'un des soumissionnaires était supérieur aux autres ou que la soumission de la demanderesse était la soumission gagnante ou prévoyait le coût global minimum. Lors du contre-interrogatoire portant sur son affidavit, cependant, M. Plante a admis, au nom de la défenderesse, qu'il avait été cité dans un article de journal comme ayant dit que le MTP était en train de prendre une décision fondée sur les renseignements qu'il possédait en mars 1989, décision qui était sujette à l'approbation du Conseil du Trésor.

[19]      La défenderesse a décidé d'annuler le projet de soumission le 17 avril 1989, avant d'amorcer des négociations pour reconduire le bail des locaux qu'elle occupait à l'époque à Place de Ville. La défenderesse et Corporation Campeau sont arrivées à un accord préliminaire en vue de reconduire le bail le 18 avril 1989. M. Plante a reconnu dans son contre-interrogatoire que le coût des bureaux en ce qui concerne le bail de Corporation Campeau dépassait celui de la proposition de la société Bourque. Le 27 avril 1989, le MTP a reçu l'ordre d'annuler le projet de soumission et cette décision a été annoncée dans les Documents budgétaires présentés ce jour-là.

[20]      La décision d'annuler le projet de soumission a mené à l'action de la demanderesse, intentée par le dépôt de la déclaration le 3 janvier 1995, à laquelle la défenderesse a répondu par une défense déposée le 3 février 1995. La déclaration a été modifiée en août 1996.

[21]      Le 30 octobre 1997, mon collègue le juge Campbell a rejeté une requête de la défenderesse visant à radier la déclaration. Un appel formé contre cette décision a été rejeté en mai 1997. Par la suite, le 7 octobre 1997, la défenderesse a déposé une défense modifiée et a déposé en même temps la requête en jugement sommaire dont il est ici question.

[22]      Naturellement, la question dont est saisie la Cour dans une requête en radiation d'une plaidoirie diffère de celle dont la Cour est saisie dans une requête en jugement sommaire. Dans la première, la Cour examine la plaidoirie en question et, en supposant que ses allégations peuvent être démontrées au moyen d'éléments de preuve, la Cour décide si une véritable question à trancher est soulevée par la plaidoirie. Dans la deuxième, une requête en jugement sommaire, il est demandé à la Cour d'évaluer si, selon la preuve, les parties peuvent préciser par affidavit si l'ensemble ou une partie des demandes exposées par les plaidoiries en question, soit la déclaration de la demanderesse soit la défense de la défenderesse, soulève une véritable question à trancher. Selon la règle 216 de la Cour, l'évaluation comprend la responsabilité, en évaluant s'il y a une véritable question, de statuer sur les questions de droit ou de fait dans la mesure où celles-ci peuvent raisonnablement être tranchées suivant les éléments de preuve produits devant la Cour. Naturellement, si la preuve soulève des questions de crédibilité, celles-ci doivent être entendues lors du procès.

La requête en jugement sommaire de la défenderesse

[23]      Selon la règle 215, le défendeur dans le cadre d'une requête en jugement sommaire a l'obligation d'établir les faits, par affidavit, pour montrer qu'il y a une véritable question à trancher. La règle 216 énonce ensuite le pouvoir et la responsabilité de la Cour de traiter d'une requête en jugement sommaire :

216. (1) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that there is no genuine issue for trial with respect to a claim or defence, the Court shall grant summary judgment accordingly.

(2) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that the only genuine issue is

(a) the amount to which the moving party is entitled, the Court may order a trial of that issue or grant summary judgment with a reference under rule 153 to determine the amount; or

(b) a question of law, the Court may determine the question and grant summary judgment accordingly.

(3) Where on a motion for summary judgment the Court decides that there is a genuine issue with respect to a claim or defence, the Court may nevertheless grant summary judgment in favour of any party, either on an issue or generally, if the Court is able on the whole of the evidence to find the facts necessary to decide the questions of fact and law.

(4) Where a motion for summary judgment is dismissed in whole or in part, the Court may order the action, or the issues in the action not disposed of by summary judgment, to proceed to trial in the usual way or order that the action be conducted as a specially managed proceeding.


216. (1) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu'il n'existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.

(2) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est :

a) le montant auquel le requérant a droit, elle peut ordonner l'instruction de la question ou rendre un jugement sommaire assorti d'un renvoi pour détermination du montant conformément à la règle 153;

b) un point de droit, elle peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

(3) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour conclut qu'il existe une véritable question litigieuse à l'égard d'une déclaration ou d'une défense, elle peut néanmoins rendre un jugement sommaire en faveur d'une partie, soit sur une question particulière, soit de façon générale, si elle parvient à partir de l'ensemble de la preuve à dégager les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit.

(4) Lorsque la requête en jugement sommaire est rejetée en tout ou en partie, la Cour peut ordonner que l'action ou les questions litigieuses qui ne sont pas tranchées par le jugement sommaire soient instruites de la manière habituelle ou elle peut ordonner la tenue d'une instance à gestion spéciale.

[24]      Les principes applicables lors de l'examen d'une requête en jugement sommaire sont énoncés dans la décision rendue par madame le juge Tremblay-Lamer dans Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd.5. Parmi ces principes, l'un des plus importants est que, en l'absence de toute question de crédibilité, en vertu de la règle 216(3) de la Cour, celle-ci doit examiner et déterminer les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit si c'est possible à partir de l'ensemble de la preuve présentée. Cette responsabilité distingue le rôle du juge de la Cour fédérale qui traite une requête en jugement sommaire d'avec le rôle de son homologue qui examine une requête similaire en vertu de la règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario. Ce dernier rôle est étudié par le juge Borins dans Dawson et al. v. Rexcraft Storage and Warehouse Inc.6, un arrêt en date du 13 août 1998 que la demanderesse a invoqué dans des observations supplémentaires présentées par écrit à la suite du procès. Cette affaire est utile pour examiner comment le juge des requêtes a abordé une demande de jugement sommaire, mais la responsabilité sous le régime de la règle de l'Ontario, si je comprends bien, ne va pas jusqu'à établir " si elle [la Cour] parvient à partir de l'ensemble de la preuve à dégager les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit ".

[25]      En l'espèce, comme la demanderesse n'a produit aucune preuve à l'appui de sa cause et que le contre-interrogatoire de M. Plante n'a soulevé aucune question de crédibilité, on ne peut soulever aucune question de crédibilité en ce qui concerne la preuve produite au moyen de son affidavit à l'appui de la requête de la défenderesse. Malgré l'absence de preuve de la part de la demanderesse, la Cour doit encore apprécier les réclamations de la demanderesse, à la lumière de la preuve produite par la défenderesse, lors de l'examen de la requête de cette dernière. Cet examen exige que les réclamations de la demanderesse soient étudiées une par une.

[26]      Les réclamations semblent porter en matière contractuelle sur la rupture présumée du contrat en vue de conclure une entente formelle en vue du projet et sur la rupture présumée d'une garantie collatérale sur laquelle la demanderesse prétend s'être fondée, et aussi en matière délictuelle sur une déclaration inexacte faite avec négligence sur laquelle la demanderesse prétend s'être fondée à son détriment et sur le fait que la défenderesse aurait agi de " mauvaise foi " en exposant les raisons qui justifiaient sa décision d'annuler les appels de propositions. Je vais traiter ces réclamations à tour de rôle et ensuite brièvement en même temps que les défenses particulières soulevées par la défenderesse contre toute réclamation en responsabilité délictuelle.

(a)      La rupture de contrat

[27]      À l'appui de sa réclamation pour rupture de contrat, la demanderesse doit alléguer l'obligation contractuelle de la défenderesse d'accorder un contrat à la demanderesse en réponse à sa soumission et fournir des éléments de preuve à l'appui de cette obligation. Ce n'est pas allégué clairement dans la déclaration. Tout au plus, celle-ci suppose l'existence d'une obligation pour le motif que la demanderesse avait présenté la plus basse soumission, que la défenderesse était tenue d'accepter.

[28]      Aucun élément de preuve ne vient étayer la réclamation de la demanderesse. Dans son exposé des faits et du droit, elle fait valoir que, comme sa soumission satisfaisait à toutes les spécifications requises par la proposition de bail au prix le plus bas, elle créait un contrat de bail exécutoire comme dans l'affaire Canada Square Corp. v. Versafood Services Ltd.7. À mon avis, il faut établir une distinction d'avec cette affaire parce qu'elle ne portait pas sur un appel d'offres en vue de la conclusion d'un bail mais sur une entente en vue de la location d'un espace bien déterminé. La demanderesse soutient en outre que sa soumission était faite [traduction] " par un promoteur qualifié et pour le meilleur prix ", ce qui supposait que la défenderesse était tenue d'accepter la plus basse soumission, qui, selon la demanderesse, était la sienne.

[29]      La preuve ne va pas en ce sens. Dans son affidavit, M. Plante, au nom de la défenderesse, affirme que le MTP n'a jamais conclu que la soumission de la demanderesse était [traduction] " la proposition gagnante " comme il est allégué dans la déclaration, ou que le prix proposé par la demanderesse était le plus bas. Il avance plutôt qu'au moment de l'annulation du projet en avril 1989, l'évaluation des soumissions présentées par des promoteurs qualifiés n'était pas terminée. Sa déposition n'a pas été ébranlée par le contre-interrogatoire, même s'il savait effectivement au moment de l'annulation du projet que la soumission de la demanderesse figurait parmi les trois ou quatre plus basses.

[30]      À part l'absence de preuve que la soumission de la demanderesse comportait le prix le plus bas, l'annonce concernant le projet et invitant les parties intéressées à la rencontre de décembre 1988 mentionnait précisément [traduction] " La plus basse ou n'importe quelle soumission non nécessairement acceptée " et le MTP incluait, à la page 4 de ses Instructions soumissionnaires, la disposition suivante :

                 [traduction]                 
                 (6)      Le prix le plus bas ou tout autre prix au mètre carré auquel tout local est offert ne sera pas nécessairement accepté.                 

De plus, selon la déposition par affidavit de M. Plante, lui-même et d'autres personnes avaient rappelé aux participants de la rencontre de décembre, à laquelle la demanderesse a assisté, que toute soumission dont l'acceptation serait recommandée par le MTP serait assujettie à l'approbation du Conseil du Trésor.

[31]      Dans les observations écrites présentées pour la demanderesse à la suite du procès, il est allégué que sa position est étayée par la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Martel Building Ltd. c. Canada8, en date du 16 juillet 1998. Je ne suis pas convaincu que les faits de l'espèce soient analogues à ceux de l'affaire Martel, car, dans le cas présent, il n'y a pas de preuve contradictoire qui vienne appuyer la prétention de demanderesse selon laquelle sa soumission était la plus basse. La seule preuve à cet égard est le témoignage de M. Plante selon lequel le MTP n'avait pas établi qu'elle était la plus basse soumission ou la soumission gagnante au moment où il fut décidé d'annuler le projet. Mais même si la soumission de la demanderesse était la plus basse, dans ce cas il n'existe aucune obligation de conclure un contrat, si l'on tient compte du déni précis d'une telle obligation dans les documents communiqués aux soumissionnaires éventuels.

[32]      Dans l'arrêt M.J.B. Enterprises v. Defence Construction (1951) Ltd.9, il a été jugé que la clause qui permettait à la défenderesse d'accepter une soumission autre que celle provenant du plus bas soumissionnaire à la suite d'un appel d'offres constituait une défense pleine et entière à une action intentée par un soumissionnaire qui prétendait avoir présenté la plus basse soumission. En l'espèce, la clause figurant précisément dans les instructions soumissionnaires suffit, à mon avis, à nier toute obligation pour la défenderesse d'accepter la soumission de la demanderesse et de conclure un contrat, même si elle s'avérait être la plus basse soumission. La réclamation de la demanderesse pour rupture de contrat n'est tout simplement pas fondée.

(b)      La rupture de garantie collatérale

[33]      La demanderesse prétend qu'elle s'est fondée, à son détriment, sur une garantie collatérale selon laquelle [traduction] " la défenderesse conclurait certainement un bail pour les nouveaux locaux avec l'une des compagnies présentant une proposition satisfaisant aux Normes relatives aux locaux loués ", laquelle garantie a été rompue par la décision de la défenderesse de ne pas donner suite au projet. Ainsi qu'il est mentionné dans la déclaration, [traduction ] " la demanderesse a accepté de bonne foi l'invitation de soumettre une proposition relative aux locaux loués en croyant que la défenderesse conclurait un bail avec le soumissionnaire retenu ".

[34]      La garantie alléguée se fonde sur la réponse positive donnée verbalement par M. Plante lors de la réunion de décembre lorsqu'on lui a demandé si [traduction] " cette proposition sera[it] accordée à quelqu'un ". Cependant, il semble clair selon la loi que l'intention nécessaire pour qu'une partie considère de façon sérieuse ce qui est présenté comme une promesse, une garantie collatérale, est minée si la garantie alléguée contredit les termes précis d'un contrat ou d'une offre. En l'espèce, toute déclaration de Plante lors de la réunion de décembre 1988 qui contredit les termes précis figurant dans la proposition de bail ne peut pas constituer une garantie collatérale, tout particulièrement dans des circonstances où l'annonce de l'appel d'offres et les observations faites lors de la réunion de décembre signalaient que l'acceptation de toute soumission exigeait en dernier lieu l'approbation du Conseil du Trésor. La réclamation de la demanderesse relativement à une rupture de garantie collatérale n'est donc nullement fondée.

(c)      La déclaration inexacte faite avec négligence

[35]      Dans l'arrêt La Reine c. Cognos Inc.10, la Cour suprême du Canada a énoncé les éléments requis pour établir une action pour déclaration faite avec négligence. Sans que j'aie examiné tous ces éléments, il ressort de la preuve présentée devant moi dans l'affidavit de M. Plante que la déclaration considérée comme ayant été prise en compte par la demanderesse, c'est-à-dire la déclaration présumée de M. Plante selon laquelle un contrat serait conclu avec le soumissionnaire retenu, effectuée à la réunion de décembre 1988, a été faite au moment où le MTP poursuivait son projet de trouver de nouveaux locaux pour Transports Canada. En effet, il l'a faite durant quelque quatre mois jusqu'à ce que le projet soit annulé. Lorsque les remarques de M. Plante ont été faites, elles n'étaient pas fausses, inexactes ou erronées ni n'ont été faites par négligence ou sans diligence raisonnable quant à leur exactitude. La preuve ne vient tout simplement pas étayer les éléments essentiels pour une demande de perte qui découlerait d'une déclaration inexacte faite avec négligence, c'est-à-dire que la déclaration soit fausse ou erronée et qu'elle été faite par négligence au moment où elle a été prononcée.

(d)      La mauvaise foi

[36]      La dernière réclamation de la demanderesse semble fondée sur les dommages découlant des actes de mauvaise foi de la défenderesse. Les actes allégués ont trait aux raisons données au sujet de l'annulation du contrat, raisons concernant la perception que le gouvernement avait de la nécessité de limiter les dépenses publiques ainsi que les économies qui pourraient résulter de l'annulation du projet et de la renégociation du bail en cours. Il est mentionné dans la déclaration et dans l'exposé des faits et du droit de la demanderesse que les raisons alléguées au sujet de la mesure prise sont fausses et ont été données de mauvaise foi comme l'était, implicitement, la décision de renégocier un bail avec le locateur de l'époque dont la proposition avait été écartée en ce qui concernait le projet.

[37]      Aucune preuve de mauvaise foi reposant sur des faits n'a été portée à la connaissance de la Cour quant à l'un quelconque des aspects réclamés, en rapport avec les actes du gouvernement dont on se plaint en l'espèce. De plus, il est clair qu'aucune réclamation particulière en responsabilité délictuelle pour négociations de mauvaise foi n'est encore établie comme l'une des réclamations reconnues en droit, au moins devant la Cour11 et la demanderesse n'a pas prouvé qu'il s'agissait d'un tort en l'espèce.

(e)      Les moyens de défense généraux à l'égard de toute réclamation en responsabilité délictuelle

[38]      Dans la mesure où les réclamations de la demanderesse semblent porter sur la responsabilité délictuelle, que ce soit en raison d'une déclaration faite prétendument avec négligence ou en raison de la mauvaise foi de la défenderesse dans le cadre des négociations ou dans l'annulation du projet ou même en raison de la négligence générale de la défenderesse dans le processus de négociations, je suis d'accord avec les observations de la défenderesse selon lesquelles une telle réclamation ne donne pas naissance à une action intentée sous le régime de la Loi sur la responsabilité de l'État12 contre Sa Majesté et aussi selon lesquelles toute réclamation en responsabilité délictuelle de ce genre serait irrecevable par application du paragraphe 7(1) de la Loi sur l'immunité des personnes exerçant des attributions d'ordre public13 de l'Ontario.

[39]      Une action en responsabilité délictuelle ne peut pas être maintenue contre la Couronne lorsqu'elle a pris naissance à la suite d'une décision de politique du gouvernement. Dans Just c. Colombie-Britannique, M. le juge Cory, au nom de la Cour suprême du Canada, a établi une distinction entre les décisions de politique et les décisions opérationnelles et il a fait la remarque suivante14:

                 ...Les véritables décisions de politique devraient être à l'abri des poursuites en responsabilité délictuelle, de sorte que les gouvernements soient libres de prendre leurs décisions en fonction de facteurs sociaux, politiques ou économiques ...                 
                 ...                 
                 De façon générale, les décisions concernant l'allocation de ressources budgétaires à des ministères ou organismes gouvernementaux seront rangées dans la catégorie des décisions de politique.                 

[40]      En l'espèce, il ne fait pas de doute que la réclamation de la demanderesse découle de la décision d'annuler le projet pour lequel avaient été lancés les appels d'offre. Dans son exposé des faits et du droit, la demanderesse soutient que la décision ne visait pas vraiment à annuler le projet mais plutôt à préférer l'un des soumissionnaires, écarté précédemment, aux autres qui avaient répondu à l'invitation de présenter une soumission. Mais la seule preuve portée à la connaissance de la Cour est celle fournie par l'affidavit de M. Plante qui dit que la décision a été prise afin d'annuler le projet, décision confirmée par les documents budgétaires déposés à la Chambre des communes et suivie de la décision de renégocier le bail des locaux déjà occupés. Bien que la demanderesse allègue ne pas être d'accord avec le gouvernement pour décrire la décision comme ayant été faite pour des raisons de restriction, il n'y a aucun élément de preuve à partir duquel la Cour puisse sérieusement mettre la décision en question. L'annulation du plan en vue de louer de nouveaux locaux pour le ministère des Transports pour des raisons de budget était manifestement une décision de politique qui ne donne naissance à aucune réclamation en responsabilité délictuelle contre Sa Majesté en vertu de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif.

[41]      Si je commets une erreur en écartant une réclamation en responsabilité délictuelle pour le motif que la réclamation découle d'une décision de politique du gouvernement, les réclamations de la demanderesse en responsabilité délictuelle sont écartées de toute façon en raison de l'application du paragraphe 7(1) de la Loi sur l'immunité des personnes exerçant des attributions d'ordre public de l'Ontario, qui prévoit :

                 7. (1) Nulle action, poursuite ou autre instance n'est recevable contre quiconque pour un acte accompli dans l'exercice ou en vue de l'exercice d'une fonction ou d'un pouvoir prévus par la loi ou d'ordre public, ou pour cause de négligence ou de manquement dans l'exercice de cette fonction ou de ce pouvoir, si elle n'est pas introduite dans les six mois suivant immédiatement le moment où la cause d'action a pris naissance ou, dans le cas où le préjudice s'est poursuivi pendant une certaine période, dans les six mois de la cessation de ce préjudice.                 

[42]      Selon les arguments présentés au nom de la demanderesse, le délai de prescription n'a pas commencé à courir en l'espèce, parce que la réclamation porte principalement sur le dommage permanent de la perte du revenu tiré du loyer des locaux loués durant une période de 20 ans. Je ne suis pas convaincu que les derniers mots concernant le délai de prescription de la loi de l'Ontario s'appliquent à l'espèce puisque la cause de la perte réclamée était l'annulation du projet pour lequel il y avait eu appels d'offres, soit une décision prise en avril 1989. Cela irait à l'encontre du but du délai légal de prescription s'il ne devait pas s'appliquer au cas où une réclamation est faite que la perte, de revenu ou de salaires ou de dépenses prévues médicales ou autres, considérée comme découlant d'un acte ou d'une négligence d'un fonctionnaire, se rapporte à un délai se prolongeant plus de six mois après l'acte ou la négligence alléguée qui donne naissance à la réclamation.

[43]      En l'espèce, l'action a été intentée en 1995, presque six ans après la décision et l'acte qui auraient donner naissance à la réclamation, longtemps après le délai de prescription prévu par la loi ontarienne. Aucune action, en responsabilité délictuelle tout au moins, ne peut être entamée contre un fonctionnaire conformément à la loi ontarienne. Si aucun fonctionnaire n'est responsable, il n'y a pas de responsabilité de la part de la Couronne, conformément à l'article 10 de la Loi sur l'immunité des personnes exerçant des attributions d'ordre public, qui prévoit qu'aucune poursuite en responsabilité délictuelle ne peut être intentée contre la Couronne à l'égard d'un acte ou d'une omission d'un préposé de la Couronne à moins que l'acte ou l'omission eût donné naissance à une cause d'action contre ce préposé. L'article 32 de la même loi prévoit que, sauf exceptions expresses, les lois relatives à la prescription et au délai des actions en vigueur dans une province entre particuliers s'appliquent aux poursuites contre la Couronne fédérale à l'égard d'une cause d'action prenant naissance dans cette province. Il est maintenant établi que la défenderesse n'est pas responsable en matière délictuelle de tout acte ou omission que ses fonctionnaires commettent en Ontario à moins qu'une action à l'égard du délit allégué ne soit intentée dans les six mois suivant le moment où la cause d'action a pris naissance, en conformité avec les dispositions de la Loi sur l'immunité des personnes exerçant des attributions d'ordre public de l'Ontario15. À mon avis, cette Loi et les dispositions pertinentes de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif écartent effectivement les réclamations de la demanderesse en responsabilité délictuelle puisque les poursuites n'ont pas été intentées dans le délai prescrit.

Les conclusions

[44]      Je résume mes conclusions. À mon avis, aucune des réclamations de la demanderesse, en matière contractuelle ou délictuelle, ne divulgue de véritable question de fait à trancher. Aucune question de crédibilité ne se pose et aucun élément de preuve n'a été porté à la connaissance de la Cour à l'appui des réclamations de la demanderesse. Aucune question de droit n'a été tranchée suivant le dossier présenté devant moi et à la lumière des observations présentées à l'audition de la requête de la défenderesse et exposées ensuite par écrit.

[45]      De plus, je suis d'avis que toute réclamation de la demanderesse en responsabilité délictuelle, pour déclaration inexacte faite avec négligence, pour actes de mauvaise foi ou pour négligence générale dans les négociations, même s'il y avait des éléments de preuve à l'appui d'une telle réclamation, serait irrecevable en l'espèce puisque la réclamation prend naissance à cause d'une décision de politique du gouvernement et puisque l'action est prescrite en vertu de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif et la Loi sur l'immunité des personnes exerçant des attributions d'ordre public de l'Ontario.

[46]      Une ordonnance est rendue qui accueille la requête de la défenderesse et accorde un jugement sommaire en rejetant l'action de la demanderesse, de la façon qu'elle est exposée dans sa déclaration modifiée, dans son ensemble.

                                     W. Andrew MacKay

    

                                         Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 20 janvier 1999.

Traduction certifiée conforme

Yvan Tardif, B.A., LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-1-95
INTITULÉ DE LA CAUSE :      BOURQUE, PIERRE & FILS LTÉE c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          le 19 juin 1998
MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      le juge MacKay
DATE DE L'ORDONNANCE :      le 20 janvier 1999

ONT COMPARU :

Morris Kertzer                  POUR LA DEMANDERESSE
Jan Brongers                      POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lang Michener                  POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                  POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


Date : 19990120


Dossier : T-1-95

OTTAWA (Ontario), le 20 janvier 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :

     BOURQUE, PIERRE & FILS LTÉE,

     demanderesse,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

     défenderesse.

     SUR requête de la demanderesse en vue d'une ordonnance ajournant l'audition de la requête en jugement sommaire de la défenderesse, prévue de façon prioritaire pour le 19 juin 1998, en attendant qu'il soit disposé de l'appel formé par la demanderesse contre une ordonnance du juge Hugessen en date du 17 juin 1998;

     SUR requête présentée par la défenderesse le 7 octobre 1997 en vue d'un jugement sommaire rejetant la réclamation de la demanderesse telle qu'elle est exposée dans sa déclaration modifiée déposée le 21 août 1996;

     APRÈS avoir entendu les avocats des parties à Ottawa le 19 juin 1998, lorsque la requête en ajournement de la demanderesse a été rejetée et que la Cour a réservé sa décision relativement à la requête en jugement sommaire de la défenderesse et après examen des observations faites au nom des parties à l'audience et ensuite par écrit, par la défenderesse avec réponse de la demanderesse au sujet de l'opposition de la défenderesse à l'admission, à l'examen ou à la mention d'un document à l'égard duquel on revendique un privilège en vertu de l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada et par la demanderesse en rapport avec des décisions judiciaires publiées après l'audience qui, a-t-on soutenu, sont importantes pour des questions soulevées en l'espèce.

     ORDONNANCE

     LA COUR confirme que la requête de la demanderesse en vue de l'ajournement de l'audience du 19 juin 1998 a été rejetée lors de l'audition et la Cour ordonne maintenant :

     1.      Le document mentionné dans le certificat du greffier du Conseil privé du Canada, en date du 24 juin 1998, comme étant un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada, conformément à l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, dont il y a opposition à la divulgation du document ou des renseignements qu'il renferme, n'est pas un document admissible et les renseignements contenus dans ce document ne doivent pas être divulgués ou utilisés en preuve en l'espèce.
     2.      La requête en jugement sommaire de la défenderesse est accueillie et les réclamations de la demanderesse telles qu'elles sont exposées dans sa déclaration modifiée sont rejetées dans leur ensemble.

                                     W. Andrew MacKay

    

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

Yvan Tardif, B.A., LL.L.

__________________

     1      La requête a été déposée conformément aux règles 432.1 et 432.3 alors en vigueur, maintenant remplacées par les règles 213 et 216 des Règles de la Cour fédérale (1998) qui sont entrées en vigueur le 25 avril 1998, avant l'audition de la présente requête.

     2      Feoso Oil Ltd. c. Le navire Sarla (1995), 184 N.R. 307 (C.A.F.), le juge Stone, à la page 315, où il est fait mention de l'ancienne règle 432.2(1), qui est maintenant la règle 215.

     3      DORS/98-106.

     4      [1985] 2 C.F. 293 (C.A.F.).

     5      [1996] 2 C.F. 853 (C.F. 1re inst.).

     6      [1998] O.J. No. 3240 (C.A. Ont.), en direct : QL (OJ).

     7      (1981), 34 O.R. (2d) 250 (C.A. Ont.).

     8      [1998] 4 C.F. 300, 163 D.L.R. (4th) 504, 229 N.R. 187 (C.A.F.).

     9      (1997), 196 A.R. 124, 141 W.A.C. 124 (C.A. Alb.).

     10      [1993] 1 R.C.S. 87, à la page 110.

     11      Voir les motifs du juge Reed dans Martel Building Ltd. c. Canada, (1997), 129 F.T.R. 249, à la page 266, position non condamnée par la Cour d'appel lorsqu'elle a accueilli un appel pour d'autres motifs, Martel Building Ltd. c. Canada, [1988] 4 C.F. 300, à la page 314, 163 D.L.R. (4th) 504, aux pages 512 et 513, 229 N.R. 187, à la page 194 (C.A.F.).

     12      L.R.C. 1985, ch. C-50, et ses modifications.

     13      L.R.O. 1990, ch. P-38.

     14      [1989] 2 R.C.S. 1228, aux pages 1240 et 1245 .

     15      Al's Steakhouse and Tavern Inc. v. Deloitte & Touche, (1997) 13 C.P.C. (4th) 90 (C.A. Ont.); Olympia Interiors Ltd. c. La Reine (1993), 66 F.T.R. 81 (1re inst.) conf. par (1994), 170 N.R. 281 (C.A.F.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.