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Date : 20040831

Dossier : T-1315-02

Référence : 2004 CF 1197

ACTION RÉELLE ET PERSONNELLE EN MATIÈRE D'AMIRAUTÉ

À L'ENCONTRE DU NAVIRE « MAPLEGLEN »

ACTION SIMPLIFIÉE

ENTRE :

                                            PARRISH & HEIMBECKER LIMITED

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                      LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES

                             AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE « MAPLEGLEN » ,

                                                 LE NAVIRE « MAPLEGLEN » et

                                            CANADIAN STEAMSHIP LINES INC.

                                                                                                                                          défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

[1]                Par suite d'une conférence préparatoire tenue le 27 mai 2004 dans la présente affaire, qui concerne une réclamation relative à une livraison à laquelle manquaient apparemment 41,34 tonnes de grain lors d'un bref trajet sur les Grands Lacs entre le terminal de chargement de grain de Thunder Bay (Ontario) et le terminal de déchargement de Goderich (Ontario), près de l'extrémité sud-est du lac Huron, l'instance a été portée au rôle en vue d'une audience de deux jours devant débuter le 4 octobre 2004.


[2]                Après avoir réévalué son affaire, la demanderesse croit maintenant que le terminal où le grain a été reçu, qui était soit son mandataire, soit le dépositaire de son grain, plutôt qu'une source de preuve au sujet du grain manquant au déchargement, devrait être partie à l'instance. Elle demande donc que Goderich Elevator Limited soit ajoutée comme partie, ce qui nécessite un ajournement de l'instruction.

[3]                La Cour fédérale ne surcharge pas son rôle. En conséquence, les demandes d'ajournement ne sont considérées que dans des circonstances exceptionnelles. Ce principe est énoncé dans la note de pratique numéro 4 du 17 février 1993, qui est citée à l'occasion dans la jurisprudence, notamment dans la décision relativement récente que le juge Rothstein, alors juge de la Section de première instance de la Cour fédérale, a rendue dans Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. Université Memorial de Terre-Neuve, décision non publiée rendue le 30 juillet 1999 dans le dossier no T-1164-97. Une des questions en litige dans cette affaire était la production de documents supplémentaires dont le demandeur connaissait l'existence, mais qu'il n'avait pas obtenus en temps opportun. Le juge Rothstein a statué que l'exigence de la directive de pratique numéro 4 n'avait pas été respectée, en raison de l'absence de circonstances exceptionnelles. Voici le texte de cette directive :

La Cour fédérale ne surcharge pas son rôle. Les ajournements sont donc très gênants et dispendieux.

Lorsque la Cour a fixé la date du procès ou de l'audition, tous les avocats doivent procéder à cette date. Les demandes d'ajournement, qui doivent être adressées au juge en chef adjoint, ne seront considérées que dans des circonstances exceptionnelles, à moins qu'elles soient faites dès que la date de l'audition est fixée.

En conséquence, la demande d'ajournement a été refusée.


[4]                Je sais que les règles qui étaient en vigueur avant 1998 au sujet des ajournements et en vertu desquelles la note de pratique a été publiée étaient différentes de la Règle 36(1), qui s'applique maintenant et prévoit ce qui suit :

Ajournement - La Cour peut ajourner une audience selon les modalités qu'elle juge équitables.

Le libellé de la Règle 36.1 semblerait permettre une certaine marge de manoeuvre. De plus, je sais que la circulaire numéro 1/2000 de la Cour d'appel fédérale, qui ne lie pas la Cour, mais qui peut servir de guide, dispose que :

Demandes d'ajournement :

Une fois que la date de l'audience est fixée, aucun ajournement n'est normalement accordé, même sur consentement. Toute demande d'ajournement fait l'objet d'une requête adressée à la Cour, à laquelle est joint un affidavit justificatif.

Cela étant dit, le critère que la Cour fédérale doit appliquer demeure celui que le juge Rothstein a énoncé dans Université Memorial de Terre-Neuve, précitée, celui de l'existence de circonstances exceptionnelles.


[5]                Récemment, la Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale ont envisagé la possibilité de faire droit à des demandes d'ajournement dans les cas opportuns, soit lors d'événements modifiant les faits à l'appui de la contestation de l'instance. Ainsi, dans Misquadis c. Procureur général du Canada, décision non publiée rendue le 24 février 1999 dans le dossier T-1314-98, un ajournement a été accordé et, dans Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Landmark Cinemas of Canada Ltd., jugement non publié de la Cour d'appel en date du 5 février 2004, 2004 CAF 57, dossier A-194-03, la Cour d'appel a imposé un ajournement, parce que de nouveaux défendeurs devaient être ajoutés afin que, de l'avis du protonotaire qui a ordonné le premier ajournement, toutes les questions en litige soient débattues en bonne et due forme.

[6]                Dans la présente affaire, la teneur des allégations a changé. La demanderesse se rend compte maintenant que la quantité mineure de grain manquant pourrait découler de la possibilité que Goderich Elevator ait égaré ou perdu un billet de pesée et qu'elle ait reçu toute la quantité du grain, car il est indéniable que le grain a été mis à bord du Mapleglen et que toute cette quantité a été déchargée du navire Mapleglen, de sorte qu'une quantité d'à peine un peu plus de 41 tonnes pourrait être manquante. Qui plus est, Goderich Elevator serait peut-être en mesure de présenter la preuve essentielle pour démontrer la quantité de grain qu'elle a reçue, mais la demanderesse laisse ainsi de côté une action distincte et une partie qui pourrait être tenue éventuellement de résoudre le problème, car il se peut que Goderich Elevator ait en sa possession le grain manquant. Par conséquent, je serais enclin à prime abord à faire droit à la demande d'ajournement. Cependant, il y a d'autres facteurs qui militent en faveur du rejet de cette demande.


[7]                En premier lieu, dans la présente affaire, pour prouver que la livraison est incomplète, la demanderesse doit invoquer davantage qu'une lettre dans laquelle la Commission canadienne des grains appuierait l'exactitude des appareils de pesée utilisés au chargement et au déchargement et un examen des registres des silos par une tierce partie, probablement sans l'intervention d'une personne ayant des connaissances juridiques, car il s'agirait d'une preuve de troisième niveau. Cependant, dans une lettre datée du 25 novembre 2002, la Commission canadienne des grains a soulevé la question des billets de pesée manquants qui pourraient, dans certains cas, expliquer des anomalies. Il serait donc essentiel que la demanderesse obtienne le document fondamental faisant état du déchargement, les billets de pesée, afin de prouver la livraison incomplète.

[8]                L'avocat des défendeurs a bien compris l'importance des billets de pesée comme éléments de preuve en l'espèce. Le 30 octobre 2002, avant la réception de la lettre de la Commission canadienne des grains au sujet de la précision des appareils de pesée utilisés au déchargement, l'avocat avait demandé par écrit que la demanderesse produise les billets de pesée de Goderich Elevator. Selon la réponse obtenue, les billets de pesée établis lors du déchargement ne comportaient aucune irrégularité et la demanderesse ne pouvait voir là aucun fondement d'une défense.

[9]                Le 19 janvier 2003, l'avocat des défendeurs a demandé explicitement, dans le cadre des questions posées lors de l'interrogatoire préalable écrit, si la demanderesse avait examiné les billets de pesée établis par Goderich Elevator lors du déchargement. Dans sa réponse écrite aux questions de l'interrogatoire préalable, la demanderesse a répondu comme suit à cette question :

[TRADUCTION] Parrish ne demandera pas les billets de pesée de Goderich Elevator en ce qui a trait au déchargement des marchandises.


Ce n'est que lors de la conférence préparatoire tenue le 27 mai 2004 que la Cour a ordonné à la demanderesse de déployer tous les efforts voulus pour obtenir les billets de pesée de déchargement initiaux de Goderich Elevator Limited.

[10]            Lorsque la demanderesse a produit les billets de pesée, il est devenu évident que chaque billet produit indiquait environ 91 000 livres, soit un poids très semblable à celui des marchandises apparemment manquantes. Cette preuve a renforcé la position des défendeurs selon laquelle ils avaient livré la totalité du grain qui était à bord. Elle a également servi de fondement logique au soutien de leur défense : si une partie des marchandises semblait être manquante, c'était probablement parce qu'un billet de pesée avait été perdu ou égaré.

[11]            Les défendeurs ont déjà entrepris des démarches pour faire venir le capitaine du navire à Vancouver en vue de l'instruction; il s'agit d'un capitaine qui travaille à bord d'un navire et qui ne réside pas au Canada. Je souligne ici que l'action a été introduite voilà maintenant trois ans et que le souvenir des témoins risque de s'estomper davantage en cas de délai supplémentaire.

[12]            Il ne semble pas que l'affaire mette en cause un principe majeur ou vise à établir un précédent; elle concerne simplement une réclamation d'un montant de 13 221,89 $ au titre de la valeur de grain manquant et c'est peut-être ce qui expliquerait une production et une préparation incomplètes de la part de la demanderesse, sans toutefois la libérer de son obligation à cet égard.

[13]            Je reconnais que, si la demande d'ajournement est refusée, il se peut qu'une action distincte soit engagée contre Goderich Elevator; cependant, je souligne que la demanderesse n'a pas cherché activement à poursuivre la présente action, qui a été introduite il y a maintenant plus de trois ans.

[14]            Il se peut que la teneur des allégations et le fondement de la présente action aient changé en raison de la production récente des billets de pesée par la demanderesse, mais celle-ci a été informée de la nécessité de cette production en octobre 2002. L'omission de prendre au sérieux la question des billets et la découverte récente de l'importance de ceux-ci ne constituent pas une circonstance exceptionnelle nécessitant un ajournement; effectivement, si les billets de pesée sont exacts et complets et prouvent de ce fait qu'une partie de la marchandise est manquante, il suffira simplement qu'un témoin de Goderich Elevator Ltd. vienne tirer les choses au clair. Subsidiairement, la demanderesse est l'auteur de son propre malheur.

[15]            La demande d'ajournement est refusée.

[16]            Il serait inutile à ce moment-ci de permettre l'ajout de Goderich Elevator Ltd. comme partie défenderesse, eu égard au refus de la demande d'ajournement.

[17]            Les dépens taxés sont accordés aux défendeurs.

                                                                            « John A. Hargrave »               

                                                                                         Protonotaire                      

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 31 août 2004

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-1315-02

INTITULÉ :                                                    Parrish & Heimbecker Limited

c.

Le navire « MAPLEGLEN » et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Vancouver

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 30 août 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               le protonotaire Hargrave

DATE DES MOTIFS :                                   le 31 août 2004

COMPARUTIONS :

J. William Perret                                                            POUR LA DEMANDERESSE

Peter Swanson                                                              POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bromley Chapelski                                                        POUR LA DEMANDERESSE

(Vancouver)

Bernard & Partners                                                       POUR LES DÉFENDEURS

(Vancouver)


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