Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     DES-7-96

ENTRE:          Le très honorable Brian MULRONEY, C.P.

     Requérant

ET:              Le Procureur général du Canada
             -et-
             Madame Kimberly PROST
             -et-
             Monsieur J.P.R. MURRAY
             -et-
             Monsieur Fraser FIEGENWALD,

     Intimés

     O R D O N N A N C E

LE JUGE DENAULT:

La Cour

-      ACCUEILLE la requête du requérant;
-      REJETTE les objections du sous-commissaire Frank Garrat Palmer contenues dans les Certificats du 4 novembre 1996 et du 8 novembre 1996 en autant qu'elles invoquent l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada;
-      RÉFÈRE à la Cour supérieure du Québec les Certificats du sous-commissaire Frank Garrat Palmer pour qu'elle dispose des objections fondées sur l'article 37 de la Loi sur la preuve au Canada;
-      frais à suivre.

OTTAWA, le 3 janvier 1997

J.C.F.C.

     DES-7-96

ENTRE:          Le très honorable Brian MULRONEY, C.P.

     Requérant

ET:              Le Procureur général du Canada
             -et-
             Madame Kimberly PROST
             -et-
             Monsieur J.P.R. MURRAY
             -et-
             Monsieur Fraser FIEGENWALD,

     Intimés

     MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE DENAULT:

     Dans le cadre d'une action en responsabilité civile pour atteinte à sa dignité, son honneur et sa réputation, le requérant demande le rejet d'objections formulées par les intimés Murray et Fiegenwald en vertu des articles 37 et 38 de la Loi sur la preuve au Canada à l'encontre de questions qu'il entend poser à un fonctionnaire suisse lors d'une commission rogatoire et à l'encontre de la production d'un projet de document.

     Pour la compréhension du litige dont cette Cour est saisie, il importe de situer le cadre factuel et juridique dans lequel il s'inscrit.

     Le requérant s'est porté demandeur devant la Cour supérieure du Québec1 contre les intimés dans une action en responsabilité civile délictuelle pour des fautes commises lors de la préparation, la transmission et l'envoi aux autorités suisses d'une Demande d'entraide juridique en matière criminelle2. Saisi de cette demande en justice, l'honorable André Rochon de la Cour supérieure du Québec a, le 8 octobre 1996, accueilli en partie la requête des intimés pour l'obtention d'une commission rogatoire aux fins d'interroger M. Pascal Gossin, avocat et haut fonctionnaire attaché à la Section d'entraide juridique internationale de l'Office fédéral de la police suisse, résidant à Berne en Suisse, et a ordonné aux parties de dresser la liste des questions à être posées à M. Gossin.

Le premier certificat

     Suite à la soumission par le requérant de sa liste de 100 questions à être posées à M. Gossin, les intimés J.P.R. Murray et F. Fiegenwald, respectivement commissaire à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et officier responsable de l'enquête, ont déposé, le 5 novembre 1996, un certificat d'un sous-commissaire à la GRC, Frank Garrat Palmer, (le "premier certificat") pour valoir comme objection en vertu des articles 37 et 38 de la Loi sur la preuve au Canada à l'égard des questions 19, 20, 21, 22, 55, 56, 813 et 89 du requérant.

     Les questions 19, 20, 21, 22, 55, 56 et 89 du requérant auxquelles les intimés s'objectent dans le premier certificat et dont le requérant demande maintenant le rejet des objections sont les suivantes:

     Q.19:      L'envoi par le Ministère de la Justice du Canada de la demande d'entraide du 29 septembre 1995 a-t-il été précédé d'un ou plusieurs entretiens et/ou échanges de correspondances entre des fonctionnaires/diplomates canadiens, d'une part, et suisses, d'autre part?
     Q.20:      Si oui, pouvez-vous indiquer pour chacun de ces entretiens/échanges de correspondances quand, comment, entre qui et quel était leur objet exact?
     Q.21:      Si l'on excepte Mme Kimberly PROST, avez-vous, personnellement, eu des entretiens/échanges de correspondances avec d'autres fonctionnaires/représentants du gouvernement canadien, rattachés ou non au Ministère de la Justice du Canada, en relation avec la demande d'entraide du 29 septembre 1995?
     Q.22:      Si oui, pouvez-vous indiquer pour chacun de ces entretiens/échanges de correspondances avec qui, quand, comment et quel était leur objet?
     Q.55:      Avez-vous tenu informé l'État requérant de l'avancement de la procédure en Suisse?
     Q.56:      Si oui, à quelles occasions et quelle a été, à chaque fois, la teneur exacte des informations transmises à l'autorité requérante?
     Q.89:      Savez-vous, si l'officier de liaison en question a fourni des renseignements à l'autorité requérante en relation avec la demande d'entraide du 29 septembre 1995 et, le cas échéant, quand et de quel ordre?

Le deuxième certificat

     Par un autre jugement daté du 1er novembre 1996, le juge Rochon a ordonné aux intimés Procureur général du Canada et madame Kimberly Prost de fournir les documents suivants à savoir: 1) la copie du projet détaillé d'une demande d'entraide transmis au cours de l'été 1995 par l'intimé Fiegenwald à l'intimée Prost; 2) les diverses annexes du projet de lettre d'entraide transmises par l'intimé Fiegenwald à l'intimée Prost. Le 11 novembre 1996, les intimés Murray et Fiegenwald ont déposé un autre certificat du sous-commissaire Palmer pour valoir comme objection en vertu des articles 37 et 38 de la Loi sur la preuve au Canada à l'égard de ce jugement du 1er novembre 1996 du juge Rochon; ce certificat daté du 8 novembre 1996 est considéré comme le "deuxième certificat".

La requête en rejet des certificats

     Le requérant a présenté devant la Cour supérieure du Québec une requête en rejet des deux certificats du sous-commissaire Palmer ou, subsidiairement, en contestation de ceux-ci et, le 26 novembre 1996, le juge Rochon a référé au juge en chef de la Cour fédérale les objections formulées dans ces certificats dans la mesure, en particulier, où ils alléguaient que les réponses à ces questions ou la divulgation de ces renseignements porteraient préjudice aux relations internationales du Canada, aux termes de l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada.

     Il importe de reproduire les dispositions pertinentes de la Loi sur la preuve au Canada (L.R.C. (1985) chap.C-5):

     37.(1)      Un ministre fédéral ou toute autre personne intéressée peut s'opposer à la divulgation de renseignements devant un tribunal, un organisme ou une personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements, en attestant verbalement ou par écrit devant eux que ces renseignements ne devraient pas être divulgués pour des raisons d'intérêt public déterminées.
     (2)      Sous réserve des articles 38 et 39, dans les cas où l'opposition visée au paragraphe (1) est portée devant une cour supérieure, celle-ci peut prendre connaissance des renseignements et ordonner leur divulgation, sous réserve des restrictions ou conditions qu'elle estime indiquées, si elle conclut qu'en l'espèce, les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation l'emportent sur les raisons d'intérêt public invoquées lors de l'attestation.

     ...

     (5)      L'appel des décisions rendues en vertu des paragraphes (2) ou (3) se fait:
     a)      devant la Cour d'appel fédérale, pour ce qui est de celles de la Section de première instance de la Cour fédérale;
     ...
     38.(1)      Dans les cas où l'opposition visée au paragraphe 37(1) se fonde sur le motif que la divulgation porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, la question peut être décidée conformément au paragraphe 37(2), sur demande, mais uniquement par le juge en chef de la Cour fédérale ou tout autre juge de ce tribunal qu'il charge de l'audition de ce genre de demande.
     ...
     (3)      Il y a appel de la décision visée au paragraphe (1) devant la Cour d'appel fédérale.

     ...

     (5)      Les demandes visées au paragraphe (1) font, en premier ressort ou en appel, l'objet d'une audition à huis clos; celle-ci a lieu dans la région de la capitale nationale définie à l'annexe de la Loi sur la capitale nationale si la personne qui s'oppose à la divulgation le demande.
     (6)      La personne qui a porté l'opposition qui fait l'objet d'une demande ou d'un appel a, au cours des auditions, en première instance ou en appel et sur demande, le droit de présenter des arguments en l'absence d'une autre partie.

     Dans la mesure où les objections des intimés Murray et Fiegenwald invoquent à la fois des raisons d'intérêt public (article 37) et de préjudice aux relations internationales (article 38), ce litige est du ressort de cette Cour et le soussigné a été désigné par le juge en chef de la Cour fédérale pour en disposer.

     De l'aveu même des procureurs des parties lors de l'audition de cette requête, les mêmes arguments qui avaient été plaidés devant le juge Rochon de la Cour supérieure, sauf quant à la question de sa compétence, ont été repris devant cette Cour. Le juge Rochon ayant bien cerné les questions en litige, je me permets d'emprunter à son texte sa façon de les énoncer4:

     De façon générale, les procureurs du demandeur soumettent que les officiers de la Gendarmerie Royale ne peuvent alléguer un préjudice aux relations internationales. À l'appui de cette prétention, on allègue que la G.R.C. n'a aucune juridiction en ces matières. Plus particulièrement, la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle (L.R.C. (1985) c.-30 (4ième supplément) prévoit que c'est le ministre de la Justice et le secrétaire d'État aux Affaires extérieures qui ont juridiction en matière de traités et d'ententes administratives reliés à la coopération internationale.
     De plus, la majorité des questions ont trait aux échanges entre monsieur Pascal Gossin, madame Kimberly Prost et les fonctionnaires de son entourage. Comment, dans ce contexte, disent-ils, un officier de la G.R.C. peut-il signer des certificats alors qu'il n'a exercé aucun contrôle quant aux échanges intervenus entre monsieur Gossin et les fonctionnaires fédéraux canadiens?
     De façon plus particulière, les procureurs du demandeur formulent cinq objections qu'ils résument ainsi dans leurs notes d'argumentation:
         À leur face même, les deux certificats démontrent que leur signataire:
         1.      n'a effectué aucun balancement des intérêts en jeu;
         2.      est en conflit d'intérêts;
         3.      n'est pas "une personne intéressée" au sens de la Loi sur la preuve au Canada pour les fins des articles 37 et 38;
         4.      affuble des motifs d'opposition relevant de l'article 37 de la Loi sur la preuve au Canada d'un vocable relevant de l'article 38 de la Loi sur le preuve au Canada; et
         5.      est absolument dénué de tout détail qui pourrait permettre d'en juger du sérieux.
     Ce bref résumé ne rend certes pas justice aux arguments des procureurs du demandeur. De leur part, les procureurs des défendeurs demandent le rejet de la requête du demandeur pour des motifs non moins articulés.

     Devant cette Cour, les intimés ont également plaidé que les questions auxquelles ils s'objectent ne sont pas pertinentes et que le requérant n'a pas démontré qu'elles étaient cruciales à sa cause5.

     L'audition de cette requête s'est déroulée en deux temps. Lors d'une première audition (13 décembre 1996), les procureurs des parties ont exposé leurs points de vue respectifs6, et lors d'une seconde audition (20 décembre 1996) tenue à huis clos comme le permet le paragraphe 38(5) de la Loi, le signataire des certificats a exposé plus en détail les motifs de son objection.

     Le tribunal entend disposer rapidement de l'argument des intimés à l'effet que le requérant n'avait pas démontré que les questions en litige sont pertinentes et cruciales à sa cause. Dans la mesure où ces questions se rapportent à des entretiens ou échanges de correspondance qui ont précédé la demande d'entraide du 29 septembre 1995, laquelle constitue la base même de l'action en dommages, j'estime qu'aux fins de décider de la validité des objections dans le cadre de cette demande, elles sont à la fois pertinentes et cruciales à la cause.

     Le tribunal entend maintenant traiter de l'argument soulevé par le procureur du requérant à savoir que l'auteur des certificats n'est pas une personne intéressée au sens de la Loi sur la preuve au Canada aux fins des articles 37 et 38 et qu'à tout événement, il est en conflit d'intérêts.

     Aux termes du paragraphe 37.(1) de la Loi, un ministre fédéral ou toute autre personne intéressée peut s'opposer à la divulgation de renseignements pour des raisons d'intérêt public déterminées. Les autres paragraphes de l'article 37 énoncent quelle cour peut être saisie de ce litige et comment on dispose de ces objections. À l'article 38, le législateur a précisé que si l'opposition se fonde, entre autres, sur le motif que la divulgation des renseignements porterait préjudice aux relations internationales, la question doit être décidée par le juge en chef de la Cour fédérale ou un autre juge de ce tribunal.

Le contenu des certificats

     Il appert des certificats que Frank Garrat Palmer est sous-commissaire à la Gendarmerie royale du Canada pour la région du Nord-Ouest depuis le 1er avril 1996. Il fait partie, avec le commissaire Murray7 et quatre autres sous-commissaires, du Comité exécutif senior de la GRC. Il s'occupe en particulier des services policiers du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et des Territoires du Nord-Ouest. Bachelier en droit, il est membre de la GRC depuis environ trente-quatre ans8. Dans chacun des certificats, le sous-commissaire Palmer a d'abord indiqué la provenance de son intérêt dans le dossier9, avant de certifier que la divulgation des renseignements

serait préjudiciable à l'intérêt public, dans les termes suivants:

     Premier certificat: Disclosure of information: Detrimental to public interest
     10. I certify to this Honourable Court that the communication and/or disclosure of some of the requested documents and information, hereinafter respectively identified (the "requested documents") and (the "requested information") would be detrimental to the public interest, namely the proper administration of justice and the sound and efficient operation of the RCMP and of other law enforcement agencies in Canada and elsewhere in conducting criminal investigations and implementing the criminal law. Additionally, the communication and/or disclosure of some of these documents and information would be detrimental to Canada's international relations.
     Deuxième certificat: Disclosure of information: Detrimental to public interest
     7. From my review of the documents and my knowledge of the current circumstances, I have no objection to the disclosure of a copy of the appendix submitted with the detailed draft letter of request.
     8. From my review of the documents and my knowledge of the current circumstances, I certify to this Honourable Court that the communication and/or disclosure of portions of the draft letter of request which was presented by defendant Fraser Fiegenwald to defendant Kimberly Prost, would be detrimental to the public interest, namely the proper administration of justice and the sound and efficient operation of the RCMP and of other law enforcement agencies in Canada and elsewhere in conducting criminal investigations and implementing the criminal law. Additionally, the communication and/or disclosure of portions of this draft letter of request would be injurious to Canada's international relations.

     Les certificats énoncent ensuite longuement les motifs d'objections, à savoir la nécessité de protéger une enquête criminelle en cours et le préjudice aux relations internationales.

     Le procureur du requérant plaide que le sous-commissaire Palmer ne peut se qualifier à titre de personne intéressée, d'abord aux fins de l'article 38 de la Loi, puisqu'à la vue des allégations contenues au certificat relativement au préjudice causé aux relations internationales du Canada, le signataire du certificat aurait dû être une personne oeuvrant au sein du département gouvernemental responsable de l'entraide judiciaire entre États où, à tout le moins, dans un département gouvernemental relié aux affaires étrangères. Selon le procureur, le fait que l'expression toute autre personne intéressée suive immédiatement les mots un ministre fédéral est déjà fortement indicateur du fait que l'intérêt requis réfère nécessairement aux responsabilités statutaires de la personne visée, directement ou par voie de délégation.

Analyse

     En vertu de la Loi sur la preuve au Canada un ministre fédéral ou toute autre personne intéressée peut soulever une objection aux termes des articles 37 et 38. Si l'expression ministre fédéral ne pose pas de problème sauf dans la mesure où l'un d'eux, directement visé dans une procédure, peut être en conflit d'intérêts, il n'en va pas ainsi de l'expression toute autre personne intéressée. Il ne peut s'agir d'une personne qui possède un intérêt quelconque, même direct, dans une instance civile ou criminelle. Dans l'arrêt R-v-Lines10, la Cour d'appel des Territoires du Nord-Ouest a rejeté l'appel d'un accusé qui voulait soulever une objection aux termes de l'article 36.1 (maintenant 37) de la Loi sur la preuve au Canada. La Cour d'appel a jugé qu'une personne intéressée à s'objecter devait avoir un statut officiel et l'autorité de le faire. Voici comment la Cour d'appel s'est exprimée:

     In our view Section 36.1 of the Canada Evidence Act cannot bear the interpretation that it can be invoked first by "a Minister of the Crown in the right of Canada" and secondly then by any other citizen of Canada. Parliament intended this section, in our opinion, to relate to official objections to disclosure of specified information from public records on the ground of some specified public policy. That is seen by the conjunction of "other person interested" with the words "Minister of the Crown in the right of Canada". It is not a case of ejusdem generis interpretation but it does show the official character of the objector. In addition the word "certify" is an inappropriate word to use if Parliament had intended the objection to be made by any casual passerby. "Certify" has the connotation of "attestation in an authoritative manner" though it is, of course, a word of wide import which may also refer merely to a formal or legal certificate.
     But what is contemplated by the section is that a Minister of the Crown or some person with an authority in relation to the public interest specified makes the objection.

     La jurisprudence sous l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada est fort limitée et il ne semble pas qu'on se soit interrogé sur la notion de personne intéressée11. Le tribunal note par ailleurs que dans les cas où on a soulevé la question du préjudice aux relations internationales, les certificats émanaient soit du directeur du Service canadien du renseignements de sécurité (SCRS)12, soit du directeur général, antiterrorisme, SCRS13, ou du solliciteur général adjoint14.

     Au Canada, c'est le ministre de la Justice, d'office procureur général de Sa Majesté, qui a la responsabilité de veiller au respect de la loi dans l'administration des affaires publiques et d'exercer son autorité sur tout ce qui touche l'administration de la justice15. Entre autres attributions, il conseille les chefs des divers ministères sur toutes les questions de droit qui les concernent16.

     Par ailleurs, le ministre des Affaires étrangères exerce les pouvoirs et fonctions relevant de tous les domaines de compétence du Parlement non attribués de droit à d'autres ministères ou organismes fédéraux et liés à la conduite des affaires étrangères du Canada17. Dans le cadre de ses fonctions, le ministre des Affaires étrangères dirige les relations diplomatiques et est chargé des communications officielles entre le gouvernement du Canada d'une part et les gouvernements étrangers ou les organisations internationales d'autre part18.

     En vertu de la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle, L.R.C. (1985), ch. M-13.6, c'est le ministre de la Justice et le ministre des Affaires étrangères qui peuvent conclure avec un État une entente administrative prévoyant l'aide juridique en matière criminelle19.

     En l'espèce, le sous-commissaire Palmer peut-il s'autoriser de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (L.R.C. (1985) ch. R-10) pour s'attribuer le droit ou le privilège d'invoquer le préjudice que la divulgation de renseignements causerait aux relations internationales du Canada. Bref, est-il une personne intéressée au sens de la Loi sur la preuve au Canada ?

     La Gendarmerie royale du Canada relève du solliciteur général du Canada20. S'il n'est pas exclu que le solliciteur général du Canada, en tant que ministre fédéral, aurait pu lui-même émettre les certificats soulevant en particulier une objection en vertu de l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada, le tribunal estime qu'il n'en va pas ainsi du sous-commissaire Palmer.

Rien dans la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada ni dans le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada21 ne lui confère ce pouvoir et dans les certificats qu'il a préparés, il n'a pas démontré détenir une quelconque autorité législative ou administrative d'invoquer le motif prévu à cet article 38. Les hautes fonctions qu'il occupe à la GRC - sous-commissaire pour la région du Nord-Ouest - ne le qualifient pas à cette fin22, non plus que sa longue expérience et ses nombreuses années de service.

     Si tant est que la GRC a pu jadis arguer de la responsabilité en matière de renseignement de sécurité pour s'octroyer une compétence statutaire internationale, le tribunal estime qu'elle ne peut plus le faire depuis l'adoption de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité L.R.C. (1985), ch. S-13 qui confère à cet organisme civil une certaine juridiction en matière de conduite des affaires internationales du Canada (article 16), ou de conclusion d'ententes internationales après approbation du Solliciteur général en consultation avec le ministre des Affaires étrangères (article 17).

     En conséquence, le tribunal estime que les objections du sous-commissaire Frank Garrat Palmer en autant qu'elles invoquent le préjudice causé aux relations internationales, tel qu'énoncé à l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada, sont irrecevables et doivent être rejetées.

     Quant aux objections fondées sur l'article 37 de la Loi sur la preuve au Canada, il y a lieu de retourner la dossier à la Cour supérieure du Québec pour qu'elle en dispose.

OTTAWA, le 3 janvier 1997

J.C.F.C.

__________________

1      Dossier No.500-05-012098-958

2      Demande d'entraide juridique canadienne adressée aux autorités suisses, en date du 29 septembre 1995, par Kimberly Prost, avocate, directrice du Groupe d'assistance internationale du ministère de la Justice du Canada.

3      Vu que l'objection à l'égard de cette question ne traite que d'un motif d'intérêt public prévu à l'article 37 de la Loi sur la preuve au Canada , le juge Rochon s'est réservé le droit de trancher ultérieurement l'objection.

4      Jugement du 26 novembre 1996, onglet S de l'Avis de requête introductive d'instance au juge en chef.

5      Le procureur des intimés a invoqué en particulier Nazir Khan c. R (Cour fédérale DES-2-95, le 14 février 1996) et Goguen c. Gibson (C.A.F.)[1983] 2 C.F. 461.

6      Les avocats du Procureur général du Canada et de madame Kimberly Prost n'ont participé à aucune des auditions.

7      Il est à la fois intimé dans cette requête et un des défendeurs dans l'action.

8      Chacun des certificats fait longuement état - près de 6 pages - de sa carrière, de ses connaissances et de son expérience.

9      Premier certificat: Interest      8.      I have reviewed and analyzed the ensemble of the documents in the investigators' file and discussed with them the information obtained during the course of their investigation and I have been periodically kept informed of the progress of their investigation. Therefore, I have an interest in the information sought from Mr. Gossin through the hereinabove listed questions to the extent, if any, to which the answers to the questions put to Mr. Pascal Gossin may yield information concerning the criminal investigation;
     9.      Also because the success of those of our investigations which take on an international perspective is dependent on Canada's good relations with foreign countries, I have an interest in ensuring that those good relations are not jeopardized in any way.
     Deuxième certificat: Interest      5.      I have reviewed and analyzed the ensemble of the documents in the investigators' file and discussed with them the information obtained during the course of the investigation and, more particularly, the documents mentioned in paragraph 4. Furthermore, I have been kept informed of the progress of the investigation. Therefore, I have an interest in the matters and information hereinabove mentioned in paragraph 4 to the extent that they may disclose information concerning the criminal investigation.
     6.      Also because the success of those of our investigations which take on an international perspective is dependent on Canada's good relations with foreign countries, I have an interest in ensuring that those good relations are not jeopardized in any way.

10      [1986] N.W.T.J. No.2, Appel No. N.W.T. 604.

11      Dans Rankin (Re) [1991] 1 C.F. 226, le certificat émanait du commissaire-adjoint Murray de la GRC et l'opposition de la requérante était axée sur l'existence d'un conflit d'intérêt.

12      Henrie c. Canada [1989] 2 C.F. 229

13      Kevork c. La Reine [1984] 2 C.F. 753.

14      Goguen c. Gibson [1983] 1 C.F. 872, confirmé par [1983] 2 C.F. 463.

15      Loi sur le ministère de la Justice, L.R.C. (1985), ch.J-2, paragraphes 4 a) et b).

16      Paragraphe 5 b) .

17      Loi sur le ministère des Affaires extérieures, L.R.C. (1985), ch.E-22, article 16 tel que modifié par la Loi sur le ministère des Affaires extérieures et d'autres lois en conséquence, L.C. (1995), ch. 5, article 7. Depuis cet amendement, on parle maintenant des affaires étrangères plutôt que des affaires extérieures.

18      Alinéas 19(2) a) et b).

19      6(1)      En l'absence de traité, le ministre des Affaires étrangères peut, avec l'accord du ministre (de la Justice) conclure avec un État une entente administrative prévoyant l'aide juridique en matière criminelle dans le cadre d'une enquête déterminée portant sur des actes qui, s'ils étaient commis au Canada, constitueraient des actes criminels.      ...      6(3).      L'entente administrative visée au présent article peut être mise en oeuvre par le ministre (de la Justice) sous le régime de la présente loi de la même manière qu'un traité.      ...      7(1)      Le ministre est chargé de la mise en oeuvre des traités et de l'application de la présente loi.      ...

20      Loi sur le ministère du Solliciteur général L.R.C. (1985) ch. S-13, paragraphe 4 c).

21      (1988), DORS/88-361, 30 juin 1988, (1988) 122 Gazette du Canada II p.3181.

22      Le procureur des intimés Murray et Fiegenwald a plaidé que les agents de liaison, au sein de la GRC, possèdent un statut diplomatique qui leur permet d'acheminer à qui de droit les demandes d'entraide juridique internationales. Si tel est le cas, il faut remarquer qu'en l'occurrence les certificats ne sont pas signés par un agent de liaison, et la supériorité hiérarchique du sous-commissaire Palmer ne lui confère sûrement pas le pouvoir que peut posséder un agent de liaison.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DE LA COUR: DES-7-96

INTITULÉ: LE TRÈS HONORABLE BRIAN MULRONEY, C.P. -ET­

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AL

LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE : LE 13 ET LE 20 DÉCEMBRE 1996 MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE DENAULT

EN DATE DU 3 JANVIER 1997

COMPARUTIONS

ME JACQUES JEANSONNE

ME DONALD BISSON

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

ME MAX BERNARD

ME MARIE-JOSÉE HOGUE

POUR LES PARTIES INTIMÉES

J.P.R. MURRAY ET

FRASER FIEGENWALD

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

MCCARTHY TETRAULT

MONTRÉAL (QUÉBEC)POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

ROBINSON SHEPPARD SHAPIRO

MONTRÉAL (QUÉBEC) POUR LES PARTIES INTIMÉES LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET KIMBERLY PROST

HEENAN BLAIKIE

MONTRÉAL (QUÉBEC) POUR LES PARTIES INTIMÉES J.P.R. MURRAY ET

FRASER FIEGENWALD

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.