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Date : 20040810

Dossier : T-2195-03

Référence : 2004 CF 1096

Ottawa (Ontario), le 10 août 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                                                 SCOTT SLIPP NISSAN LIMITED

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Le défendeur, le procureur général du Canada, a présenté une requête :

1.          pour que soit rendue une ordonnance rejetant la demande parce que la Cour n'a pas compétence lorsqu'un appel peut être interjeté;

2.          subsidiairement, pour que soit rendue une ordonnance radiant ou rejetant la demande, en application des articles 3, 4, 54 et 221 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, ou en vertu du pouvoir de la Cour sur sa propre procédure; et


3.          pour que soit rendue, si le redressement ci-dessus n'est pas accordé, une ordonnance, en application du paragraphe 8(3) et de l'article 307 des Règles, prorogeant le délai de dépôt des affidavits du défendeur de trente jours supplémentaires à compter de la date de l'ordonnance de la Cour disposant de la présente requête.

[2]                La demande que le défendeur voudrait faire rejeter est la demande de contrôle judiciaire déposée par la demanderesse, Scott Slipp Nissan Limited ( « SSNL » ), à l'encontre de la décision d'un préposé de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l' « ADRC » ), comme elle s'appelait alors, décision résumée dans une lettre datée du 24 octobre 2003. L'ADRC a refusé la pleine divulgation de documents recherchés par la demanderesse en conformité avec son protocole appelé « Renouvellement des appels » .

[3]                SSNL, la demanderesse dans la procédure de contrôle judiciaire, a été l'objet d'une cotisation en mai 2003 de la part de l'ADRC, en application de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, chapitre E-15.

[4]                L'avocat de SSNL, se fondant sur le protocole de l'ADRC relatif au renouvellement des appels, a demandé de recevoir « le dossier complet de vérification concernant ces deux cotisations de TVH » .

[5]                En octobre 2003, SSNL recevait des renseignements de l'ADRC, mais certains renseignements de tiers en étaient entièrement supprimés ou soustraits. Lors d'échanges ultérieurs avec SSNL, l'ADRC a adopté le point de vue selon lequel, même si les renseignements manquants recherchés par SSNL intéressaient les cotisations de mai 2003, les dispositions de la Loi sur la taxe d'accise faisaient obstacle à la communication de renseignements intéressant des tiers.

[6]                SSNL a déposé des avis d'opposition aux deux cotisations. L'ADRC n'a pas encore rendu de décision sur les avis d'opposition de SSNL, et SSNL n'a pas fait appel à la Cour canadienne de l'impôt en vue de faire annuler les cotisations ou d'obtenir une nouvelle cotisation.

Point litigieux

[7]                Le procureur général expose ainsi le point litigieux :

Le point soulevé est celui de savoir si la demande doit être radiée pour les motifs suivants :

a)              elle est empêchée par l'article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales parce qu'un appel est possible devant la Cour canadienne de l'impôt;

b)              la Cour fédérale ne doit pas, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, juger la demande parce que la demanderesse dispose d'un autre recours adéquat, sinon supérieur;

c)              la Cour fédérale ne doit pas, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, juger la demande parce que cette demande vise au contrôle d'une décision interlocutoire pour laquelle la demanderesse dispose d'un recours adéquat; et


d)              la demande n'a aucune chance de réussir parce qu'elle vise à l'application du principe [des attentes légitimes] pour empêcher l'accomplissement d'une obligation publique, et parce qu'elle vise à l'application du principe pour restreindre un pouvoir discrétionnaire.

Dispositions législatives applicables

[8]                Les dispositions applicables de la Loi sur la taxe d'accise sont les suivantes :

295. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

295(1) In this section

« personne autorisée » Personne engagée ou employée, ou précédemment engagée ou employée, par Sa Majesté du chef du Canada, ou en son nom, pour aider à l'application des dispositions de la présente loi.

"authorized person" means a person who is engaged or employed, or who was formerly engaged or employed, by or on behalf of Her Majesty in right of Canada to assist in carrying out the provisions of this Act;

« numéro d'entreprise » Le numéro, sauf le numéro d'assurance sociale, utilisé par le ministre pour identifier :

"business number" means the number (other than a Social Insurance Number) used by the Minister to identify

a) un inscrit pour l'application de la présente partie;

(a) a registrant for the purposes of this Part, or

b) une personne, sauf un particulier, qui demande un remboursement en vertu de la présente partie.

(b) an applicant (other than an individual) for a rebate under this Part;

« renseignement confidentiel » Renseignement de toute nature et sous toute forme concernant une ou plusieurs personnes et qui, selon le cas :

"confidential information" means information of any kind and in any form that relates to one or more persons and that is

a) est obtenu par le ministre ou en son nom pour l'application de la présente partie;

(a) obtained by or on behalf of the Minister for the purposes of this Part, or

b) est tiré d'un renseignement visé à l'alinéa a).

(b) prepared from information referred to in paragraph (a),

N'est pas un renseignement confidentiel le renseignement qui ne révèle pas, même indirectement, l'identité de la personne en cause.

but does not include information that does not directly or indirectly reveal the identity of the person to whom it relates;

« cour d'appel » S'entend au sens de la définition de cette expression à l'article 2 du Code criminel.

"court of appeal" has the meaning assigned by the definition of that expression in section 2 of the Criminal Code;

« fonctionnaire » Personne qui est ou a été employée par Sa Majesté du chef du Canada ou d'une province, qui occupe ou a occupé une fonction de responsabilité à son service ou qui est ou a été engagée par elle ou en son nom.

"official" means a person who is employed in the service of, who occupies a position of responsibility in the service of, or who is engaged by or on behalf of, Her Majesty in right of Canada or a province, or a person who was formerly so employed, who formerly occupied such a position or who formerly was so engaged.

(2) Sauf autorisation prévue au présent article, il est interdit à un fonctionnaire :

(2) Except as authorized under this section, no official shall knowingly

a) de fournir sciemment à quiconque un renseignement confidentiel ou d'en permettre sciemment la fourniture;

(a) provide, or allow to be provided, to any person any confidential information;

b) de permettre sciemment à quiconque d'avoir accès à un renseignement confidentiel;

(b) allow any person to have access to any confidential information; or

c) d'utiliser sciemment un renseignement confidentiel en dehors du cadre de l'application ou de l'exécution de la présente partie.

(c) use any confidential information other than in the course of the administration or enforcement of this Part.

(3) Malgré toute autre loi fédérale et toute règle de droit, nul fonctionnaire ne peut être requis, dans le cadre d'une procédure judiciaire, de témoigner, ou de produire quoi que ce soit, relativement à un renseignement confidentiel.

(3) Notwithstanding any other Act of Parliament or other law, no official shall be required, in connexion with any legal proceedings, to give or produce evidence relating to any confidential information.

(4) Les paragraphes (2) et (3) ne s'appliquent :

(4) Subsections (2) and (3) do not apply in respect of

a) ni aux poursuites criminelles, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou sur acte d'accusation, engagées par le dépôt d'une dénonciation ou d'un acte d'accusation, en vertu d'une loi fédérale;

(a) criminal proceedings, either by indictment or on summary conviction, that have been commenced by the laying of an information or the preferring of an indictment, under an Act of Parliament; or

b) ni aux procédures judiciaires ayant trait à l'application ou à l'exécution de la présente loi, du Régime de pensions du Canada, de la Loi sur l'assurance-emploi, de la Loi sur l'assurance-chômage ou de toute loi fédérale ou provinciale qui prévoit l'imposition ou la perception d'un impôt, d'une taxe ou d'un droit.

(b) any legal proceedings relating to the administration or enforcement of this Act, the Canada Pension Plan, the Employment Insurance Act, the Unemployment Insurance Act or any other Act of Parliament or law of a province that provides for the imposition of a tax or duty.

(5) Un fonctionnaire peut :

(5) An official may

a) fournir à une personne un renseignement confidentiel qu'il est raisonnable de considérer comme nécessaire à l'application ou à l'exécution de la présente loi, mais uniquement à cette fin;

(a) provide such confidential information to any person as may reasonably be regarded as necessary for the purpose of the administration or enforcement of this Act, solely for that purpose;

b) fournir à une personne un renseignement confidentiel qu'il est raisonnable de considérer comme nécessaire à la détermination de tout montant dont la personne est redevable ou du remboursement ou du crédit de taxe sur les intrants auquel elle a droit, ou pourrait avoir droit, en vertu de la présente loi;

(b) provide to a person confidential information that can reasonably be regarded as necessary for the purposes of determining any liability or obligation of the person or any refund, rebate or input tax credit to which the person is or may become entitled under this Act;

c) fournir, ou permettre que soit fourni, un renseignement confidentiel soit à toute personne autorisée par le ministre ou faisant partie d'une catégorie de personnes ainsi autorisée, sous réserve de conditions précisées par le ministre, soit à toute personne qui y a par ailleurs légalement droit par l'effet d'une loi fédérale, ou lui en permettre l'examen ou l'accès, mais uniquement aux fins auxquelles elle y a droit;

(c) provide, allow to be provided, or allow inspection of or access to any confidential information to or by

(i) any person, or any person within a class of persons, that the Minister may authorize, subject to such conditions as the Minister may specify, or

(ii) any person otherwise legally entitled thereto by reason of an Act of Parliament, solely for the purposes for which that person is entitled to the information;

d) fournir un renseignement confidentiel :

(d) provide confidential information

(i) à un fonctionnaire du ministère des Finances, mais uniquement en vue de la formulation ou de l'évaluation de la politique fiscale ou pour les besoins d'un accord d'application, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, conclu avec un gouvernement autochtone, au sens de ce paragraphe, ou pour les besoins d'un accord d'application, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations,

(i) to an official of the Department of Finance solely for the purposes of the formulation or evaluation of fiscal policy or for the purposes of an administration agreement, as defined in subsection 2(1) of the Federal-Provincial Fiscal Arrangements Act, entered into with an aboriginal government, as defined in that subsection, or for the purposes of an administration agreement, as defined in subsection 2(1) of the First Nations Goods and Services Tax Act,

(ii) à un fonctionnaire, mais uniquement en vue de la mise à exécution de la politique fiscale ou en vue de l'application ou de l'exécution du Régime de pensions du Canada, de la Loi sur l'assurance-emploi, de la Loi sur l'assurance-chômage ou d'une loi fédérale qui prévoit l'imposition ou la perception d'un impôt, d'une taxe ou d'un droit ou qui prévoit que les mentions du prix de biens ou de services, ou de la contrepartie relative à ceux-ci, comprennent la taxe prévue par la présente loi,

(ii) to an official solely for the purpose of the initial implementation of a fiscal policy or for the purposes of the administration or enforcement of the Canada Pension Plan, the Employment Insurance Act, the Unemployment Insurance Act or an Act of Parliament that provides for the imposition or collection of a tax or duty or that provides that displays or indications of the price or consideration for property or services include tax under this Act,

(iii) à un fonctionnaire, mais uniquement en vue de l'application ou de l'exécution d'une loi provinciale qui prévoit l'imposition ou la perception d'un impôt, d'une taxe ou d'un droit, qui prévoit que les mentions du prix ou de la contrepartie de biens ou de services comprennent la taxe prévue par la présente loi ou qui permet de rembourser à des personnes des sommes payées ou payables par elles au titre d'une taxe prévue par la présente loi,

(iii) to an official solely for the purposes of the administration or enforcement of a law of a province that provides for the imposition or collection of a tax or duty, that provides that displays or indications of the price or consideration for property or services include tax under this Act or that provides for reimbursements to persons of amounts paid or payable by the persons as or on account of tax under this Act,

(iv) à un fonctionnaire provincial, mais uniquement en vue de la formulation ou de l'évaluation de la politique fiscale,

(iv) to an official of the government of a province solely for the purposes of the formulation or evaluation of fiscal policy,

(iv.1) à une personne autorisée par le conseil d'une bande dont le nom figure à l'annexe de la Loi d'exécution du budget de 2000, mais uniquement en vue de la formulation, de l'évaluation et de la mise à exécution de la politique fiscale relative à une taxe que le conseil de la bande peut imposer par un règlement administratif pris en vertu du paragraphe 24(1) de cette loi,

(iv.1) to a person authorized by the council of a band listed in the schedule to the Budget Implementation Act, 2000 solely for the purposes of the formulation, evaluation or initial implementation of fiscal policy relating to a tax that the council of the band may impose under a by-law made under subsection 24(1) of that Act,

(iv.2) à une personne autorisée par le corps dirigeant d'une première nation dont le nom figure à l'annexe de la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations, mais uniquement en vue de la formulation, de l'évaluation ou de la mise à exécution de la politique fiscale relative à une taxe visée par cette loi,

(iv.2) to a person authorized by the governing body of a first nation listed in the schedule to the First Nations Goods and Services Tax Act solely for the purposes of the formulation, evaluation or initial implementation of fiscal policy relating to a tax referred to in that Act,

(v) à un fonctionnaire d'un ministère ou organisme fédéral ou provincial, quant aux nom, adresse et profession d'une personne et à la taille et au genre de son entreprise, mais uniquement en vue de permettre à ce ministère ou à cet organisme de recueillir des données statistiques pour la recherche et l'analyse,

(v) to an official of a department or agency of the Government of Canada or of a province as to the name, address, occupation, size or type of business of a person, solely for the purposes of enabling that department or agency to obtain statistical data for research and analysis,

(vi) à un fonctionnaire, mais uniquement en vue de procéder, par voie de compensation, à la retenue, sur toute somme due par Sa Majesté du chef du Canada, de tout montant égal à une créance :

(vi) to an official solely for the purposes of setting off, against any sum of money that may be due or payable by Her Majesty in right of Canada, a debt due to

(A) soit de Sa Majesté du chef du Canada,

(A) Her Majesty in right of Canada, or

(B) soit de Sa Majesté du chef d'une province s'il s'agit de taxes ou d'impôts provinciaux visés par une entente entre le Canada et la province en vertu de laquelle le Canada est autorisé à percevoir les impôts ou taxes payables à la province,

(B) Her Majesty in right of a province on account of taxes payable to the province where an agreement exists between Canada and the province under which Canada is authorized to collect taxes on behalf of the province, or

(vii) à un fonctionnaire, mais uniquement pour l'application de l'article 7.1 de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les contributions fédérales en matière d'enseignement postsecondaire et de santé;

(vii) to an official solely for the purposes of section 7.1 of the Federal-Provincial Fiscal Arrangements and Federal Post-secondary Education and Health Contributions Act;

e) fournir un renseignement confidentiel, mais uniquement pour l'application des articles 23 à 25 de la Loi sur la gestion des finances publiques;

(e) provide confidential information solely for the purposes of sections 23 to 25 of the Financial Administration Act;

f) utiliser un renseignement confidentiel en vue de compiler des renseignements sous une forme qui ne révèle pas, même indirectement, l'identité de la personne en cause;

(f) use confidential information to compile information in a form that does not directly or indirectly reveal the identity of the person to whom the information relates;

g) utiliser ou fournir un renseignement confidentiel, mais uniquement à une fin liée à la surveillance ou à l'évaluation d'une personne autorisée, ou à des mesures disciplinaires prises à son endroit, par Sa Majesté du chef du Canada relativement à une période au cours de laquelle la personne autorisée était soit employée par Sa Majesté du chef du Canada, soit engagée par elle ou en son nom, pour aider à l'application ou à l'exécution de la présente loi, dans la mesure où le renseignement a rapport à cette fin;

(g) use, or provide to any person, confidential information solely for a purpose relating to the supervision, evaluation or discipline of an authorized person by Her Majesty in right of Canada in respect of a period during which the authorized person was employed by or engaged by or on behalf of Her Majesty in right of Canada to assist in the administration or enforcement of this Act, to the extent that the information is relevant for that purpose;

h) donner accès à des documents renfermant des renseignements confidentiels à l'archiviste national du Canada ou à une personne agissant en son nom ou sur son ordre, mais uniquement pour l'application de l'article 5 de la Loi sur les Archives nationales du Canada, et transférer de tels documents sous la garde et le contrôle de ces personnes, mais uniquement pour l'application de l'article 6 de cette loi;

(h) provide access to records of confidential information to the National Archivist of Canada or a person acting on behalf of or under the direction of the National Archivist of Canada, solely for the purposes of section 5 of the National Archives of Canada Act, and transfer such records to the care and control of such persons solely for the purposes of section 6 of that Act;

i) utiliser un renseignement confidentiel concernant une personne en vue de lui fournir un renseignement;

(i) use confidential information relating to a person to provide information to that person;

j) fournir, à un fonctionnaire d'un ministère ou organisme fédéral ou provincial, le numéro d'entreprise, le nom, l'adresse et les numéros de téléphone et de télécopieur d'un détenteur d'un numéro d'entreprise, mais uniquement en vue de l'application ou de l'exécution d'une loi fédérale ou provinciale, à condition que le détenteur du numéro d'entreprise soit tenu par cette loi de fournir l'information, sauf le numéro d'entreprise, au ministère ou à l'organisme;

(j) provide the business number, name, address, telephone number and facsimile number of a holder of a business number to an official of a department or agency of the Government of Canada or of a province solely for the purpose of the administration or enforcement of an Act of Parliament or a law of a province, if the holder of the business number is required by that Act or that law to provide the information (other than the business number) to the department or agency;

k) fournir à une personne un renseignement confidentiel, mais uniquement en vue de l'application ou de l'exécution d'une loi provinciale qui prévoit l'indemnisation des accidents du travail;

(k) provide confidential information to any person, solely for the purposes of the administration or enforcement of a law of a province that provides for workers' compensation benefits; or

l) fournir un renseignement confidentiel à un policier, au sens du paragraphe 462.48(17) du Code criminel, mais uniquement en vue de déterminer si une infraction visée à cette loi a été commise ou en vue du dépôt d'une dénonciation ou d'un acte d'accusation, si, à la fois :

(l) provide confidential information to a police officer (within the meaning assigned by subsection 462.48(17) of the Criminal Code) solely for the purpose of investigating whether an offence has been committed under the Criminal Code, or the laying of an information or the preferring of an indictment, if

(i) il est raisonnable de considérer que le renseignement est nécessaire pour confirmer les circonstances dans lesquelles une infraction au Code criminel peut avoir été commise, ou l'identité de la ou des personnes pouvant avoir commis une infraction, à l'égard d'un fonctionnaire ou de toute personne qui lui est liée,

(i) such information can reasonably be regarded as being relevant for the purpose of ascertaining the circumstances in which an offence under the Criminal Code may have been committed, or the identity of the person or persons who may have committed an offence, with respect to an official, or with respect to any person related to that official,

(ii) le fonctionnaire est ou était chargé de l'application ou de l'exécution de la présente partie,

(ii) the official was or is engaged in the administration or enforcement of this Part, and

(iii) il est raisonnable de considérer que l'infraction est liée à cette application ou exécution.

(iii) the offence can reasonably be considered to be related to that administration or enforcement.

(7) Le ministre ou la personne contre laquelle une ordonnance est rendue, ou à l'égard de laquelle une directive est donnée, dans le cadre ou à l'occasion d'une procédure judiciaire enjoignant à un fonctionnaire de témoigner, ou de produire quoi que ce soit, relativement à un renseignement confidentiel peut sans délai, par avis signifié aux parties intéressées, interjeter appel de l'ordonnance ou de la directive devant :

(7) An order or direction that is made in the course of or in connexion with any legal proceedings and that requires an official to give or produce evidence relating to any confidential information may, by notice served on all interested parties, be appealed forthwith by the Minister or by the person against whom the order or direction is made to

a) la cour d'appel de la province dans laquelle l'ordonnance est rendue ou la directive donnée, s'il s'agit d'une ordonnance ou d'une directive émanant d'une cour ou d'un autre tribunal établi en application des lois de la province, que ce tribunal exerce ou non une compétence conférée par les lois fédérales;

(a) the court of appeal of the province in which the order or direction is made, in the case of an order or direction made by a court or other tribunal established under the laws of the province, whether that court or tribunal is exercising a jurisdiction conferred by the laws of Canada; or

b) la Cour d'appel fédérale, s'il s'agit d'une ordonnance ou d'une directive émanant d'une cour ou d'un autre tribunal établi en application des lois fédérales.

(b) the Federal Court of Appeal, in the case of an order or direction made by a court or other tribunal established under the laws of Canada.

(9) L'application de l'ordonnance ou de la directive objet d'un appel interjeté en application du paragraphe (7) est différée jusqu'au prononcé du jugement.

(9) An appeal instituted under subsection (7) shall stay the operation of the order or direction appealed from until judgment is pronounced.

301. (1) Pour l'application du présent article, la personne à l'égard de laquelle est établie une cotisation au titre de la taxe nette pour sa période de déclaration, d'un montant (autre que la taxe nette) qui est devenu à payer ou à verser par elle au cours d'une telle période ou du remboursement d'un montant qu'elle a payé ou versé au cours d'une telle période est une personne déterminée relativement à la cotisation ou à un avis d'opposition à celle-ci si, selon le cas :

301. (1) Where an assessment is issued to a person in respect of net tax for a reporting period of the person, an amount (other than net tax) that became payable or remittable by the person during a reporting period of the person or a rebate of an amount paid or remitted by the person during a reporting period of the person, for the purposes of this section, the person is a "specified person" in respect of the assessment or a notice of objection to the assessment if

a) elle est une institution financière désignée visée à l'un des sous-alinéas 149(1)a)(i) à (x) au cours de la période en question;

(a) the person was a listed financial institution described in any of subparagraphs 149(1)(a)(i) to (x) during that reporting period; or

b) elle n'était pas un organisme de bienfaisance au cours de la période en question et le montant déterminant qui lui est applicable, déterminé en conformité avec le paragraphe 249(1), dépasse 6 000 000_$ pour son exercice qui comprend cette période ainsi que pour son exercice précédent.

(b) the person was not a charity during that reporting period and the person's threshold amounts, determined in accordance with subsection 249(1), exceed $6 million for both the person's fiscal year that includes the reporting period and the person's previous fiscal year.

(3) Sur réception d'un avis d'opposition, le ministre doit, avec diligence, examiner la cotisation de nouveau et l'annuler ou la confirmer ou établir une nouvelle cotisation.

(3) On receipt of a notice of objection, the Minister shall, with all due dispatch, reconsider the assessment and vacate or confirm the assessment or make a reassessment.

(4) Le ministre peut confirmer une cotisation sans l'examiner de nouveau sur demande de la personne qui lui fait part, dans son avis d'opposition, de son intention d'en appeler directement à la Cour canadienne de l'impôt.

(4) Where, in a notice of objection, a person who wishes to appeal directly to the Tax Court requests the Minister not to reconsider the assessment objected to, the Minister may confirm the assessment without reconsideration.

302. La personne, ayant présenté un avis d'opposition à une cotisation, à qui le ministre a envoyé un avis de nouvelle cotisation ou de cotisation supplémentaire concernant l'objet de l'avis d'opposition peut, dans les 90 jours suivant cet envoi :

302. Where a person files a notice of objection to an assessment and the Minister sends to the person a notice of a reassessment or an additional assessment, in respect of any matter dealt with in the notice of objection, the person may, within ninety days after the day the notice of reassessment or additional assessment was sent by the Minister,

a) interjeter appel devant la Cour canadienne de l'impôt;

(a) appeal therefrom to the Tax Court; or

b) si un appel a déjà été interjeté, modifier cet appel en y joignant un appel concernant la nouvelle cotisation ou la cotisation supplémentaire, en la forme et selon les modalités fixées par cette cour.

(b) where an appeal has already been instituted in respect of the matter, amend the appeal by joining thereto an appeal in respect of the reassessment or additional assessment in such manner and on such terms as the Tax Court directs.

306. La personne qui a produit un avis d'opposition à une cotisation aux termes de la présente sous-section peut interjeter appel à la Cour canadienne de l'impôt pour faire annuler la cotisation ou en faire établir une nouvelle lorsque, selon le cas :

306. A person who has filed a notice of objection to an assessment under this Subdivision may appeal to the Tax Court to have the assessment vacated or a reassessment made after either

a) la cotisation est confirmée par le ministre ou une nouvelle cotisation est établie;

(a) the Minister has confirmed the assessment or has reassessed, or

b) un délai de 180 jours suivant la production de l'avis est expiré sans que le ministre n'ait notifié la personne du fait qu'il a annulé ou confirmé la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.

(b) one hundred and eighty days have elapsed after the filing of the notice of objection and the Minister has not notified the person that the Minister has vacated or confirmed the assessment or has reassessed,

Toutefois, nul appel ne peut être interjeté après l'expiration d'un délai de 90 jours suivant l'envoi à la personne, aux termes de l'article 301, d'un avis portant que le ministre a confirmé la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.

but no appeal under this section may be instituted after the expiration of ninety days after the day notice is sent to the person under section 301 that the Minister has confirmed the assessment or has reassessed.

309. (1) La Cour canadienne de l'impôt peut statuer sur un appel concernant une cotisation en le rejetant ou en l'accueillant. Dans ce dernier cas, elle peut annuler la cotisation ou la renvoyer au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

309. (1) The Tax Court may dispose of an appeal from an assessment by

(a) dismissing it; or

(b) allowing it and

(i) vacating the assessment, or

(ii) referring the assessment back to the Minister for reconsideration and reassessment.

[9]                La Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, chapitre F-7, renferme les dispositions suivantes :

18.5 Par dérogation aux articles 18 et 18.1, lorsqu'une loi fédérale prévoit expressément qu'il peut être interjeté appel, devant la Cour fédérale, la Cour d'appel fédérale, la Cour suprême du Canada, la Cour d'appel de la cour martiale, la Cour canadienne de l'impôt, le gouverneur en conseil ou le Conseil du Trésor, d'une décision ou d'une ordonnance d'un office fédéral, rendue à tout stade des procédures, cette décision ou cette ordonnance ne peut, dans la mesure où elle est susceptible d'un tel appel, faire l'objet de contrôle, de restriction, de prohibition, d'évocation, d'annulation ni d'aucune autre intervention, sauf en conformité avec cette loi.

18.5 Despite sections 18 and 18.1, if an Act of Parliament expressly provides for an appeal to the Federal Court, the Federal Court of Appeal, the Supreme Court of Canada, the Court Martial Appeal Court, the Tax Court of Canada, the Governor in Council or the Treasury Board from a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal made by or in the course of proceedings before that board, commission or tribunal, that decision or order is not, to the extent that it may be so appealed, subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with, except in accordance with that Act.


Analyse et décision

[10]            Point - (a)

La demande de contrôle judiciaire est-elle empêchée par l'article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales parce qu'un appel est possible devant la Cour canadienne de l'impôt?

Le procureur général avance que la Cour n'a pas compétence pour juger cette demande parce que SSNL a le droit d'interjeter appel à la Cour canadienne de l'impôt. Puisque le ministre du Revenu national n'a pas répondu aux avis d'opposition de SSNL dans le délai de 180 jours prévu par l'article 306 de la Loi sur la taxe d'accise, alors, selon le procureur général, le recours dont dispose SSNL est un appel à la Cour canadienne de l'impôt pour qu'elle annule les cotisations de mai 2003 ou qu'elle ordonne une nouvelle cotisation. Le procureur général fait aussi valoir que tout différend sur la communication de documents doit être porté devant la Cour canadienne de l'impôt et que la Cour fédérale est empêchée d'intervenir par l'article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales.


[11]            SSNL dit que, interprété simplement et sans artifice, l'article 18.5 ne fait obstacle au contrôle judiciaire d'un acte de l'administration que lorsqu'il existe un droit d'appel à l'encontre d'un tel acte. Puisque SSNL sollicite le contrôle judiciaire du refus de l'ADRC de lui communiquer des renseignements de tiers, et non le contrôle judiciaire des cotisations de mai 2003 directement, alors, selon SSNL, l'article 18.5 ne prive pas la Cour fédérale de sa compétence. SSNL avance que la divulgation intégrale prévue par l'article 295 de la Loi sur la taxe d'accise est essentielle pour qu'elle soit en mesure de déposer utilement et de faire valoir ses avis d'opposition et qu'elle ne devrait pas être tenue de s'adresser à la Cour canadienne de l'impôt sans les renseignements qu'elle recherche.

[12]            Les règles relatives aux attributions de compétence entre d'une part les demandes de contrôle judiciaire présentées à la Cour fédérale et d'autre part les procédures introduites devant la Cour canadienne de l'impôt ont été récemment examinées par le protonotaire Morneau dans l'affaire Beaudry c. Canada (Agence des douanes et du revenu) (2001), 215 F.T.R. 18, 2001 CFPI 1347, aux paragraphes 16 à 21 :

Dans Optical Recording Corp. c. Canada, supra, la Cour d'appel fédérale s'est appuyée notamment sur le sous-paragraphe 152(8) de la Loi de l'impôt sur le revenu, pour conclure que la Cour fédérale n'avait pas compétence d'instruire une requête introductive d'instance présentée en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale et concluant, entre autres, à la nullité d'une cotisation d'impôt.

Il est vrai que le paragraphe 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale donne compétence exclusive à la section de première instance de la Cour fédérale sur les formes traditionnelles de contrôle judiciaire à l'égard de l'administration fédérale. Par ailleurs, l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale permet la présentation d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision d'un « office fédéral » .

Toutefois, l'article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale impose l'utilisation prioritaire des voies d'appel prévues par la loi et, à cette fin, écarte le contrôle judiciaire lorsque la loi prévoit un droit d'appel spécifique.

S'appuyant sur l'article 18.5 (et anciennement l'article 29) de la Loi sur la Cour fédérale et sur le sous-paragraphe 152(8) de la Loi de l'impôt sur le revenu, une jurisprudence bien établie rejette donc pour défaut de compétence les procédures en contrôle judiciaire qui ont pour but ultime l'annulation ou la révision de cotisations d'impôt. (Voir Albion Transportation Research Corp. v. Canada (1re inst.), [1998] 1 C.F. 78; Greene v. MNR, 95 DTC 5684 (CAF); Optical Recording Corp. c. Canada, [1991] 1 C.F. 309 (CAF); et M.R.N. c. Parsons, [1984] 2 C.F. 331 (CAF).)

Le Parlement a donc retenu une procédure particulière et intégrée en matière d'annulation et de révision des cotisations d'impôt. Il a légiféré par voie d'exclusion, en écartant d'abord dans ce domaine tout autre recours que l'opposition et l'appel, en attribuant ensuite une compétence exclusive à la Cour canadienne de l'impôt sur les appels interjetés à l'encontre de cotisations d'impôt et, finalement, en excluant le contrôle judiciaire en Cour fédérale dans la mesure où un droit d'appel existe. (Voir Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, L.R.C. (1985), ch. T-2 , art. 12; Loi de l'impôt sur le revenu du Canada, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1, par. 152(8), art. 169 et 171; et Loi sur la Cour fédérale, art. 18(1) et 18.5.)


Partant, il est clair et évident à mon avis que la Cour fédérale est par conséquent privée de toute compétence pour se prononcer sur l'annulation ou la révision des cotisations d'impôt établies à l'égard des demandeurs pour les différentes années d'imposition comprises entre 1982 et 1994.

[13]            La Cour fédérale n'a pas compétence sur les procédures structurées comme procédures de contrôle judiciaire qui en fin de compte visent à faire annuler ou réformer des cotisations fiscales, mais la présente demande n'est pas une tentative déguisée de SSNL de contester ses cotisations. SSNL conteste plutôt le refus de l'ADRC de lui communiquer intégralement son dossier de vérification, dossier dont SSNL affirme avoir besoin pour déposer utilement des avis d'opposition et les faire valoir. Sans exprimer aucune opinion sur l'à-propos du refus de l'ADRC de divulguer des renseignements de tiers en application de la Loi sur la taxe d'accise, je crois que SSNL devrait bénéficier d'une tribune où elle puisse faire valoir que la décision de l'ADRC était illégale. La Cour fédérale est une tribune à laquelle peut s'adresser SSNL.


[14]            Je ne suis pas persuadé que la Cour est dépourvue de compétence pour juger cette demande de contrôle judiciaire en raison de l'article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales, précitée. La décision contestée par SSNL concerne la divulgation incomplète de son dossier de vérification par l'ADRC, et non le fond même des cotisations de mai 2003. L'article 18.5 empêche la Cour fédérale de procéder au contrôle judiciaire d'une décision « dans la mesure où elle est susceptible d'un tel appel » (je reprends ici les mots employés dans la Loi) devant, notamment, la Cour canadienne de l'impôt. La Loi sur la taxe d'accise ne prévoit pas expressément un droit d'appel à la Cour canadienne de l'impôt à l'encontre de la décision du ministre de refuser la divulgation, et la décision de non-divulgation n'est pas non plus si étroitement liée aux cotisations de SSNL au point de transformer toute contestation de la décision de non-divulgation en une contestation des cotisations elles-mêmes.

[15]            Il est clair que je ne me range pas à l'avis du procureur général pour qui la divulgation de documents doit être obtenue à la faveur d'un appel interjeté à la Cour canadienne de l'impôt. La manière dont le procureur général considère le régime législatif forcerait les contribuables à aller de l'avant avec des avis d'opposition dénués de sens, parfois non fondés sur une connaissance des faits, qui auraient peu de chances de succès, sinon aucune, simplement pour être en mesure de se prévaloir des procédures de la Cour canadienne de l'impôt en matière de divulgation de documents. Selon moi, adopter une telle interprétation du régime législatif serait porter atteinte à l'objet avoué de la procédure de l'avis d'opposition, une procédure qui vise à offrir au contribuable une véritable occasion de persuader le ministre du Revenu national que sa cotisation devrait être annulée ou remplacée par une nouvelle cotisation. L'alinéa 301(1.2)c) de la Loi sur la taxe d'accise prévoit que, lorsqu'une personne produit un avis d'opposition, l'avis doit indiquer les questions à trancher et « les motifs et les faits sur lesquels se fonde la personne » . Pour une partie qui estime que les documents communiqués par l'ADRC sont insuffisants, la procédure de l'avis d'opposition n'est pas censée être une procédure non informée ou une procédure à laquelle elle doive dans les faits renoncer.


[16]            Je suis d'avis que la Cour d'appel fédérale défendait cette position dans l'arrêt Webster c. Canada, 2003 CAF 388, [2003] A.C.F. n ° 1569 (QL), autorisation de pourvoi à la CSC refusée, [2003] C.S.C.R. n ° 546 (QL). Dans cette affaire, M. Webster avait déposé un avis d'opposition en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), chapitre 1. Le ministre avait confirmé les cotisations de l'ADRC et M. Webster avait déposé un avis d'appel à la Cour canadienne de l'impôt. Au cours de la communication de la preuve avant le procès, selon ce que prévoient les Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), DORS/90-688a, M. Webster avait appris que le préposé aux appels qui avait examiné son avis d'opposition avait eu devant lui des renseignements qui avaient été expurgés de la série de documents de M. Webster. Invoquant un manquement aux principes de justice naturelle, M. Webster avait tenté de faire annuler la décision du ministre de confirmer sa cotisation. La juge Sharlow, s'exprimant pour la Cour d'appel, a estimé que la Cour fédérale n'avait pas compétence pour annuler une décision du ministre de confirmer des cotisations selon la Loi de l'impôt sur le revenu. Elle s'est exprimée ainsi, au paragraphe 20 :

L'avocat de M. Webster a fait valoir que, si la Cour fédérale n'est pas compétente pour statuer sur la demande de contrôle judiciaire qu'entendait présenter M. Webster, son client sera privé d'un examen équitable de ses oppositions. Il est sans doute plus exact de dire que, une fois achevée la procédure d'opposition, M. Webster sera privé de la possibilité de soutenir devant la Cour fédérale, par demande de contrôle judiciaire, que le ministre a l'obligation de conduire équitablement la procédure d'opposition et que la procédure suivie dans son cas particulier n'a pas été équitable. Cependant, le législateur s'est exprimé sur cette matière. Quels que soient les vices ayant pu entacher la procédure d'opposition dans le cas de M. Webster, la décision qui a résulté de cette procédure ne peut être contestée que d'une seule manière, par un appel devant la Cour de l'impôt. [Non souligné dans le texte]

[17]            En l'espèce, le ministre n'a rendu aucune décision sur les avis d'opposition de SSNL. Cette demande de contrôle judiciaire a été déposée avant que le droit d'appel de SSNL à la Cour canadienne de l'impôt ne prenne naissance et donc (pour reprendre les mots de la juge Sharlow) avant que ne soit « achevée la procédure d'opposition » .

[18]            Affirmer que, dès que prend naissance un droit d'appel à la Cour canadienne de l'impôt, un contribuable est contraint d'aller de l'avant avec cet appel au lieu d'obtenir par contrôle judiciaire la communication d'autres documents, ce serait permettre au ministre de se soustraire à l'objet même de la phase du régime qui concerne les oppositions. Par ailleurs, sans vouloir m'exprimer sur l'étendue de la divulgation imposée par le paragraphe 295(5) de la Loi sur la taxe d'accise, il me semble que le fait d'obliger un contribuable à renoncer à une procédure effective d'opposition risque également de contrarier les dispositions législatives qui concernent la divulgation de documents. Je suis donc d'avis que la Cour fédérale a compétence pour juger la présente affaire.

[19]            Point - (b)

La Cour doit-elle ou non, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, s'abstenir de juger la demande parce que la demanderesse dispose d'un autre recours adéquat, sinon supérieur?


Le procureur général dit qu'un appel à la Cour canadienne de l'impôt est un autre recours adéquat, sinon supérieur, qui s'offre à SSNL. Il me semble que l'une des raisons pour lesquelles les alinéas 295(5)a) et b) de la Loi sur la taxe d'accise prévoient la divulgation de renseignements était d'instituer un mécanisme efficace d'opposition grâce auquel le contribuable puisse connaître les raisons à l'origine de sa cotisation et d'offrir aux parties la possibilité de régler une cotisation contestée, sans qu'elles aient à s'adresser à la Cour canadienne de l'impôt. En l'espèce, les représentants du ministre ont déclaré que les cotisations de SSNL sont fondées en partie sur des renseignements provenant de tiers. Le point de savoir si les documents demandés seront communiqués dépendra de l'issue de la demande de contrôle judiciaire. Je crois que le fait pour la demanderesse de s'adresser directement à la Cour canadienne de l'impôt ne serait pas une solution acceptable car elle priverait la demanderesse de son droit à un véritable mécanisme d'opposition selon ce que prévoit le texte législatif.

[20]            Point - (c)

La Cour doit-elle ou non, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, s'abstenir de juger la demande parce que cette demande vise à faire réformer une décision interlocutoire pour laquelle la demanderesse dispose d'un recours adéquat?

Comme je l'ai dit précédemment dans le présent jugement, la procédure d'opposition doit se dérouler d'une manière effective et équitable. Si durant la procédure la demanderesse se voit refuser la communication de renseignements de tiers, il me semble qu'elle doit alors pouvoir mettre en doute la procédure d'opposition en présentant une demande de contrôle judiciaire à la Cour. Si la demanderesse se voit refuser cette possibilité et qu'elle est contrainte d'attendre et de faire appel de la décision du ministre à la Cour canadienne de l'impôt, elle aura perdu la possibilité de mettre en doute la procédure d'opposition, dont l'objet est de favoriser, grâce à la divulgation de renseignements dans les cas qui s'y prêtent, la conclusion d'un compromis sur telle ou telle cotisation, sans qu'il soit nécessaire d'engager une procédure d'appel. S'agissant des points soulevés par la présente demande, je vois le mécanisme d'opposition comme un mécanisme distinct de la procédure qui serait introduite par voie d'appel devant la Cour canadienne de l'impôt. En ce sens, la décision qui est l'objet d'un contrôle judiciaire n'est pas, au sens véritable du terme, une décision interlocutoire.

[21]            Point - (d)

Cette demande est-elle vouée à l'échec parce qu'elle cherche à faire appliquer le principe des attentes légitimes pour empêcher l'accomplissement d'une obligation publique et pour restreindre un pouvoir discrétionnaire?

Le procureur général avance que la position de SSNL, pour qui les dispositions du protocole de l'ADRC en matière de renouvellement des appels produisent des obligations formelles de divulgation, est une tentative illicite d'appliquer le principe des attentes légitimes pour soustraire l'ADRC à son obligation de préserver la confidentialité des renseignements et pour réduire le pouvoir discrétionnaire de l'ADRC de divulguer ou non des renseignements. Le procureur général affirme donc que la demande de contrôle judiciaire présentée par SSNL n'a aucune chance de succès et qu'elle devrait donc être radiée. Il m'est impossible de partager ce point de vue.

[22]            La mesure des obligations de divulgation de l'ADRC et la juste interprétation des dispositions de la Loi sur la taxe d'accise qui concernent la confidentialité, eu égard aux intérêts rivaux en jeu, le protocole de renouvellement des appels, enfin les circonstances de la présente affaire, tous ces aspects sont des questions ouvertes auxquelles devra répondre le juge qui entendra la demande de contrôle judiciaire. Le fond de la demande ne justifie pas sa radiation à ce stade de la procédure.

[23]            La requête du procureur général pour que soit accordé le redressement indiqué dans les paragraphes 1 et 2 de l'avis de requête est rejeté.


[24]            Subsidiairement, le procureur général a demandé, en application du paragraphe 8(3) et de l'article 307 des Règles de la Cour fédérale (1998), une ordonnance prorogeant le délai de dépôt de ses affidavits d'une durée de 30 jours à compter de la date de l'ordonnance de la Cour disposant de la requête. À l'audition de la requête, les avocats du procureur général ont indiqué qu'une période de dix jours à compter de la date de mon ordonnance constituerait une prorogation suffisante du délai de dépôt de ses affidavits, et c'est la prorogation que j'ordonne ici.

[25]            La demanderesse voulait que la requête en radiation soit rejetée, avec dépens, quelle que soit l'issue de la cause. J'accorderai à la demanderesse ses dépens dans la requête.

                                        ORDONNANCE

[26]            LA COUR ORDONNE :

1.          La requête du procureur général du Canada pour que soit rendue une ordonnance rejetant la demande au motif que la Cour n'a pas compétence lorsqu'un appel peut être interjeté ou, subsidiairement, pour que soit rendue, en application des articles 3, 4, 54 et 221 des Règles de la Cour fédérale (1998), ou conformément au pouvoir de la Cour sur sa propre procédure, une ordonnance radiant ou rejetant la demande, est rejetée.

2.          Le procureur général du Canada aura dix jours à compter de la date de la présente ordonnance pour déposer ses affidavits.


3.          Les dépens de cette requête seront adjugés à la demanderesse, Scott Slipp Nissan Limited.

                                                                            _ John A. O'Keefe _                

                                                                                                     Juge                             

Ottawa (Ontario)

le 10 août 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-2195-03

INTITULÉ :                                        SCOTT SLIPP NISSAN LIMITED

- et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                  HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 18 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                       LE 10 AOÛT 2004

COMPARUTIONS :

Bruce S. Russell                                    POUR LA DEMANDERESSE

Karl Seidenz

John J. Ashley                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McInnes Cooper                                   POUR LA DEMANDERESSE

Halifax (Nouvelle-Écosse)

Morris Rosenberg, c.r.                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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