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     Date : 19971223

     T-569-95

OTTAWA (ONTARIO), LE 23 DÉCEMBRE 1997

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NOËL

E n t r e :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     requérant,

     et

     ERICHS TOBIASS,

     intimé.

     ORDONNANCE

     La Cour fait droit en partie à la requête du requérant pour les motifs prononcés en l'espèce, et ordonne que soit suivie la procédure suivante :

     1.      L'intimé produira un mémoire exposant les moyens qu'il compte invoquer dans le présent renvoi, conformément au paragraphe 16 des motifs de la présente ordonnance;
     2.      Chaque partie déposera et signifiera un affidavit portant énumération des documents conformément à la règle 448 et, par la même occasion, un avis informant l'autre partie qu'elle peut les examiner, conformément à la règle 452;
     3.      Dès qu'elle constate que l'affidavit qu'elle a déposé est inexact ou insuffisant, l'une ou l'autre partie déposera et signifiera sans tarder un autre affidavit pour corriger l'inexactitude ou insuffisance constatée;
     4.      Chaque partie permettra, conformément à la règle 452, à l'autre partie d'examiner les documents mentionnés dans son affidavit portant énumération des documents;
     5.      Les deux parties se soumettront à un interrogatoire préalable. Le requérant désignera la personne qui sera interrogée pour son compte;
     6.      L'une ou l'autre partie peut, en lui envoyant un préavis, demander à l'autre partie d'admettre l'authenticité de tout document en conformité avec la règle 468(2) et la formule 23;
     7.      L'une ou l'autre partie peut, en lui envoyant un préavis, demander à l'autre partie d'admettre des faits en conformité avec la règle 468(3) et la formule 24;
     8.      La partie qui a l'intention de faire témoigner un expert à l'audition du renvoi déposera et signifiera un affidavit exposant l'essentiel du témoignage que cet expert se propose de donner, au moins 30 jours avant le début de l'audition;
     9.      L'intimé déposera et signifiera son exposé écrit dans les 30 jours qui suivent le 1er janvier 1998; les affidavits portant énumération de documents et les avis relatifs à leur examen seront déposés et signifiés dans les 60 jours qui suivent le 1er janvier 1998; les interrogatoires préalables devront être terminés dans les 120 jours qui suivent le 1er janvier 1998;
     10.      La date d'audition du renvoi sera fixée après jugement de la requête en commission rogatoire pour audition de témoins à l'étranger que le requérant doit présenter.

     Pour les motifs exposés dans les motifs de l'ordonnance, la requête incidente de l'intimé est rejetée.

     Marc Noël

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

     Date : 1997.12.23

     T-569-95

E n t r e :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     requérant,

     et

     ERICHS TOBIASS,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NOËL

[1]      Le requérant présente une demande de directives sur la procédure à suivre dans le cadre du présent renvoi. Par sa requête incidente, l'intimé s'oppose à la prise de certaines des mesures demandées et réclame la divulgation de certains documents et de certains renseignements. Avant d'examiner ces requêtes en détail, je rappellerai brièvement la genèse de la présente instance afin de situer l'affaire dans son contexte.

[2]      En janvier 1995, le greffier de la citoyenneté a envoyé un avis de révocation à l'intimé. Cet avis avait pour objet d'informer l'intimé que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le requérant) se proposait de soumettre au gouverneur en conseil un rapport recommandant la révocation de la citoyenneté de l'intimé. Cet avis informait également l'intimé qu'il avait le droit de demander le renvoi de l'affaire devant la Section de première instance de la Cour fédérale.

[3]      À la demande de l'intimé, le requérant a ensuite déposé devant la Cour un avis de renvoi tendant à faire déclarer que l'intimé avait obtenu la citoyenneté par fraude, fausses déclarations ou dissimulation de faits essentiels. Peu de temps après, en mai 1995, le requérant a déposé un avis de requête en vue d'obtenir des directives au sujet de la procédure à suivre, et l'intimé a déposé une requête incidente.

[4]      Ces requêtes visant à obtenir des directives se sont bientôt trouvées noyées dans des querelles de procédure qui, pour diverses raisons, ont duré près d'un an. Par suite d'incidents qui n'ont aucun rapport avec les présentes requêtes, une suspension d'instance a été accordée dans le présent dossier. Cette suspension a par la suite été infirmée par la Cour d'appel fédérale, dont l'arrêt a été confirmé par la Cour suprême du Canada le 25 septembre 19971.

[5]      Environ un mois après la levée par la Cour suprême de la suspension qui avait été prononcée en l'espèce, le requérant s'est désisté de sa requête initiale visant à obtenir des directives et a déposé la requête modifiée en directives dont la Cour est présentement saisie2. Le requérant demande de nouveau à la Cour de donner des directives au sujet de la procédure à suivre dans le présent renvoi. En particulier, il vise à obtenir une ordonnance :

     [TRADUCTION]         
     1)      Enjoignant à l'intimé de déposer et de signifier un résumé des faits et des éléments de preuve qu'il entend invoquer à l'audition de la cause;         
     2)      Enjoignant à chaque partie de produire une liste de documents comprenant :         
         a) une description suffisamment claire de tous les documents se rapportant à l'un quelconque des points en litige :
             (i)      qui se trouvent en sa possession, sous son autorité ou sous sa garde, et à l'égard desquels elle ne revendique pas le secret;
             (ii)      qui se trouvent en sa possession, sous son autorité ou sous sa garde, et à l'égard desquels elle revendique le secret;
         b) son affirmation qu'il n'existe, autant qu'elle le sache, aucun autre document pertinent à part les documents portés sur la liste;
     3)      Enjoignant aux deux parties, dès qu'elles constatent que la liste de documents qu'elles ont produite et signifiée est inexacte ou insuffisante, de déposer et de signifier une autre liste pour corriger sans délai l'inexactitude ou l'insuffisance constatée;         
     4)      Enjoignant aux deux parties de permettre à l'autre d'examiner tous les documents mentionnés dans la liste de documents, à l'exception de ceux à l'égard desquels le secret est revendiqué, durant les heures ouvrables et à un moment qui convient aux deux parties, au plus tôt le quinzième jour qui suit la signification de la liste de documents, et de tirer des copies de ces documents aux frais de la partie qui les examine;         
     5)      Portant que chaque partie peut interroger l'autre au préalable et que le requérant désignera la personne qui répondra à sa place;         
     6)      Portant que chaque partie peut, en envoyant l'avis prévu à la formule 23 des Règles de la Cour fédérale, demander à l'autre partie de reconnaître l'authenticité de tout document et prévoyant que si, dans les vingt jours qui suivent la signification de l'avis ou dans tout délai supplémentaire que peut accorder la Cour ou la partie qui a signifié l'avis, la partie qui a reçu signification du document n'a pas signifié à l'autre partie un affidavit niant l'authenticité du document ou exposant les raisons pour lesquelles elle n'en reconnaît pas l'authenticité, la partie qui a reçu signification est réputée avoir reconnu l'authenticité de ce document;         
     7)      Portant que chaque partie peut, au moins trente jours avant l'ouverture du procès demander à l'autre partie, au moyen de l'avis prévu à la formule 24 des Règles de la Cour fédérale, d'admettre la véracité des faits précis mentionnés dans l'avis en question, et ce, aux fins uniquement de l'audition de la présente affaire;         
     8)      Portant que la partie qui se propose de faire témoigner des experts à l'audition de la présente affaire produira et signifiera au moins trente jours avant l'ouverture de l'audience un affidavit exposant l'essentiel du témoignage que chaque témoin expert se propose de donner;         
     9)      Fixant le délai dans lequel chacune des mesures mentionnées aux paragraphes (1), (2) et (5) précités doivent être prises;         
     10)      Fixant la date d'audition de la présente affaire.         

[6]      Dans sa requête incidente, l'intimé cherche à obtenir les mesures suivantes :

     [TRADUCTION]         
     1)      Une ordonnance enjoignant au requérant de communiquer les renseignements demandés dans la lettre jointe à l'affidavit souscrit par Linda Cassell le 4 mai 1995 avant que l'intimé n'ait à présenter une réponse;         
     2)      Une ordonnance enjoignant au requérant de fournir le détail des présumés crimes de guerre que l'intimé aurait commis;         
     3)      Une ordonnance interdisant au requérant d'utiliser à l'audience tout élément de preuve que l'intimé a obtenu de la Commission Deschênes;         
     4)      Des directives précisant si l'intimé peut présenter une demande lors du renvoi ou avant le renvoi en vue de faire rejeter sommairement la demande du requérant sur le fondement des éléments de preuve admissibles que le requérant pouvait obtenir et qui ont été fournis à l'intimé avant la présentation de cette requête et précisant le délai dans lequel le requérant est tenu de divulguer ces éléments à l'intimé de façon complète et exacte à cette fin;         
     5)      Une ordonnance enjoignant au représentant du requérant de se soumettre à un interrogatoire sous serment complet avant la tenue du renvoi ou avant que l'intimé n'ait à présenter de réponse, de manière à ce que l'intimé soit pleinement informé de ce qu'il doit établir;         
     6)      Une ordonnance reportant la présentation de la requête du requérant qui est présentable le 8 mai 1995 jusqu'à ce que le requérant ait divulgué à l'intimé toutes les questions en litige de façon complète et exacte;         
     7)      Une ordonnance précisant que l'intimé n'est tenu de répondre qu'aux questions portant directement sur les questions en litige dans le cadre du renvoi, c'est-à-dire les questions qui lui ont été posées au moment où il a présenté sa demande d'établissement au Canada et lorsqu'il a présenté sa demande de citoyenneté canadienne;         
     8)      Une ordonnance enjoignant au requérant de fournir à l'intimé des copies de tous les décrets, directives du cabinet, règlements pertinents en matière d'immigration, de sécurité et de police et notes de service interne de l'Administration qui ont trait aux questions soulevées par l'application de ces textes à compter de l'année précédant l'établissement de l'intimé au Canada jusqu'à maintenant;         
     9)      Une ordonnance enjoignant au requérant de fournir à l'intimé une copie de sa demande d'immigration au Canada et les documents connexes et, si ces documents ne peuvent être fournis, une explication de la raison pour laquelle ils ne peuvent être fournis et, s'ils ont été détruits, une explication précisant quand, par quelle autorité et sur l'ordre de qui ils ont été détruits;         
     10)      Une ordonnance enjoignant au requérant, si les documents demandés au paragraphe 9 ne peuvent être fournis, de communiquer à l'intimé des détails au sujet des politiques relatives à la suppression et à la destruction de documents qui étaient en vigueur au sein des ministères et organismes du gouvernement canadien, plus particulièrement au ministère de l'Immigration, au ministère des Affaires extérieures, à la GRC et au SCRS pendant les époques pertinentes à la présente instance;         
     11)      Une ordonnance enjoignant au requérant de communiquer à l'intimé des précisions au sujet des motifs de la destruction de dossiers d'immigration qui a eu lieu en 1982 et 1983, et plus précisément des précisions au sujet des personnes qui ont autorisé la destruction des dossiers en question et par quelle autorité elles l'ont autorisée;         
     12)      Une ordonnance prescrivant que toutes les questions relatives à la Charte, s'il en est, soient examinées de préférence au début de l'audition du renvoi;         
     13)      Une ordonnance précisant qu'il est loisible à l'intimé de demander à la Cour de rendre une ordonnance radiant en tout ou en partie les plaidoiries qui, selon ce qu'allègue l'intimé, sont scandaleuses ou dénuées de pertinence;         
     14)      Une ordonnance enjoignant au requérant de préciser à l'intimé quand il a constaté les présumés actes fautifs de l'intimé et ce qu'il a fait de ces renseignements depuis qu'il les a obtenus;         
     15)      Une ordonnance déclarant irrecevable tout aveu que l'intimé pourrait faire au sujet d'un comportement criminel à moins que l'intimé soit informé de son droit de consulter un avocat et qu'il comprenne ce droit;         
     16)      Une ordonnance autorisant l'une ou l'autre partie à demander d'autres directives ou réparations à la Cour à la suite de toute divulgation ou enquête préalable et avant la tenue de tout renvoi.         

[7]      L'intimé conteste les conclusions de la requête par lesquelles le requérant réclame le genre d'échange de renseignements préalables à l'instance qui a normalement lieu dans une action civile. En particulier, l'intimé s'oppose à la demande d'interrogatoire préalable formulée au paragraphe 5 de la requête en directives modifiée du requérant. En ce qui concerne sa requête incidente, l'intimé a, lors de l'audience, adopté le point de vue selon lequel la seule question en litige est sa demande de divulgation intégrale des documents et renseignements demandés3.

Décision

[8]      L'intimé reconnaît que les règles de pratique civile qu'invoque le requérant lui donneraient le moyen d'obtenir la divulgation et les réponses qu'il réclame du requérant. Cette admission règle effectivement le sort de toutes les demandes de divulgation de documents et de renseignements que formule l'intimé dans sa requête incidente.

[9]      L'intimé est prêt à se soumettre à un interrogatoire préalable à condition que celui-ci se limite à certaines parties des allégations qui ont été formulées contre lui. L'intimé établit une distinction entre ce qu'il estime être les aspects civils et criminels des allégations qui ont été formulées contre lui et il adopte le point de vue qu'il ne devrait répondre qu'aux questions portant sur les circonstances dans lesquelles il a obtenu la citoyenneté. Il affirme qu'il a le droit de garder le silence au sujet des présumés actes criminels qui font l'objet de son présumé défaut de divulguer.

[10]      À l'appui de sa thèse, l'intimé invoque à la fois le droit de l'accusé de ne pas être contraint de témoigner dans un procès criminel intenté contre lui et le droit du témoin de ne pas répondre aux questions susceptibles de l'incriminer.

[11]      En ce qui concerne le premier moyen, je ne crois pas que la présente instance puisse être considérée comme une instance à la fois civile et criminelle comme le prétend l'intimé. Ou bien il agit en l'espèce en tant qu'inculpé, auquel cas il a le droit de garder le silence, ou bien il ne comparaît pas en cette qualité, auquel cas il est contraignable. Pour les motifs exposés dans le jugement Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et Johann Dueck, T-938-954, je suis d'avis qu'il s'agit en l'espèce d'une instance civile et il s'ensuit que l'intimé est contraignable.

[12]      En ce qui concerne le second moyen, l'intimé affirme que les actes qu'on lui reproche sont des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité qui constituent des actes criminels au sens du Code criminel5, et il ajoute qu'il s'expose toujours à des poursuites pour ces infractions. Il reconnaît que l'article 13 de la Charte garantit le droit de chacun à ce qu'aucun témoignage incriminant qu'il donne ne soit utilisé pour l'incriminer dans d'autres procédures6, mais il affirme que cette disposition ne le protégerait pas dans le cas de poursuites intentées à l'étranger. Si j'ai bien compris la thèse de l'intimé, le droit garanti à l'article 13 de la Charte devrait se voir accorder une application extra territoriale et, comme le respect de ce droit ne peut être imposé à un tribunal étranger, l'article 13 devrait être interprété comme protégeant le droit absolu que la common law reconnaît au témoin de refuser de répondre aux questions susceptibles de l'incriminer.

[13]      À ma connaissance, le droit que la common law accorde au témoin de refuser de répondre aux questions qui sont susceptibles de l'incriminer dans une autre instance ne s'est jamais étendu aux éventuelles instances introduites à l'étranger. Qui plus est, l'intimé n'a pas été en mesure de nommer d'instance étrangère à l'égard de laquelle il courrait un risque.

[14]      J'en arrive par conséquent à la conclusion que l'intimé doit se soumettre à un interrogatoire préalable réciproque pour toutes les questions en litige dans la présente affaire.

[15]      Pour ce qui est des demandes précises formulées dans la requête en directives du requérant, les demandes énoncées aux paragraphes 3, 4, 6, 7 et 8 seront accueillies essentiellement telles qu'elles sont formulées.

[16]      En ce qui concerne la demande visant à obtenir que l'intimé dépose et signifie un résumé des faits et de la preuve7, la forme et le contenu de ce document devraient être déterminés en fonction des principes régissant les actes de procédure. Cette mesure permettra de mieux circonscrire le débat et facilitera le règlement des différends qui pourraient surgir au cours de l'interrogatoire et de la communication préalables. L'intimé devra donc produire un mémoire exposant les moyens qu'il compte invoquer dans la présente affaire. Dans cet exposé, l'intimé admettra, parmi les faits allégués dans le résumé des faits du requérant, ceux dont il reconnaît la véracité, niera ceux qu'il entend contester et plaidera son ignorance quant aux faits allégués dont il ignore l'existence, et déclarera s'il les admet ou non8. Le document contiendra également un exposé précis des faits essentiels sur lesquels l'intimé entend se fonder9 et, pour plus de certitude, l'intimé plaidera toute question qui, si elle n'est pas spécifiquement plaidée, pourrait prendre le requérant au dépourvu10.

[17]      En ce qui concerne les documents11, la Cour ordonnera aux deux parties de déposer et de signifier un affidavit portant énumération des documents conformément à la règle 448 et, par la même occasion, un avis informant l'autre partie qu'elle peut les examiner, conformément à la règle 452. L'interrogatoire préalable12 se déroulera oralement. Le requérant désignera la personne qui sera interrogée au préalable à sa place.

[18]      Pour ce qui est de la demande de fixation de dates13, la Cour est en mesure de fixer la date de la production du mémoire de l'intimé, de l'échange réciproque d'affidavits, de l'examen de ces derniers et de la tenue des interrogatoires préalables. L'ordonnance précisera que l'intimé doit déposer son mémoire dans les 30 jours qui suivent le 1er janvier, que la production réciproque des affidavits doit avoir lieu dans les 60 jours qui suivent cette date et que les interrogatoires préalables devront être terminés dans les 120 jours qui suivent cette date.

[19]      Vu cet échéancier, la Cour aurait été en mesure de mettre l'affaire au rôle avant les grandes vacances d'été. Toutefois, l'avocat du requérant a déclaré, à l'audience, qu'il avait maintenant l'intention de demander une ordonnance de commission rogatoire. Il a en outre précisé qu'il n'était pas en mesure de présenter cette demande pour le moment. Si j'ai bien compris, bien qu'ils aient été identifiés, les témoins proposés n'ont pas encore été contactés et la logistique nécessaire pour organiser la commission prévue n'est pas encore en place. Le requérant a déclaré que la requête serait présentée dans un délai de 60 jours.

[20]      J'ai déclaré à l'audience aux avocats que ce fait nouveau me déconcertait. Le présent renvoi est en instance depuis 1995. Dans son avis initial de requête en directives, le requérant sollicitait une ordonnance en vue de faire recueillir des témoignages à l'étranger. En octobre 1997, après que la Cour suprême eut levé le sursis d'instance et que les parties eurent été informées que toutes les requêtes préalables au procès qui n'avaient pas encore été jugées devaient être entendues et tranchées, le requérant s'est désisté de sa requête initiale en directives et a déposé une requête modifiée dans laquelle il ne cherchait plus à obtenir d'ordonnance de commission rogatoire. L'audience de décembre était censée porter sur toutes les requêtes non encore tranchées de manière à permettre sans plus de retard la tenue du renvoi fondé sur l'article 18.

[21]      C'est le contexte dans lequel l'avocat du requérant a fait remarquer incidemment au cours de l'audience qu'il désirait maintenant de nouveau demander une commission rogatoire, mais qu'il n'était pas en mesure de le faire parce qu'il restait encore à obtenir les renseignements nécessaires. Si l'on tient compte du fait que le requérant a déclaré publiquement devant les deux sections de notre Cour, ainsi que devant la Cour suprême, que la présente affaire est extrêmement urgente précisément parce que les témoins sont âgés et mourants, le désistement de la demande qui a eu lieu en octobre et qui a été suivi par l'annonce désinvolte deux mois plus tard que cette demande serait présentée de nouveau un jour défie toute explication14.

[22]      Toute question concernant la tenue d'une commission rogatoire aurait déjà dû être soumise à la Cour. Au lieu de cela, trois mois après que la Cour suprême eut levé le sursis prononcé dans la présente instance, notre Cour se retrouve à attendre une requête qui ne sera peut-être pas produite avant un certain temps et qui, si elle est accueillie, aura nécessairement des incidences sur la date à laquelle le présent renvoi peut être entendu. Bien qu'au vu de sa requête, le requérant demande à la Cour de fixer la date de l'audition du présent renvoi, sa conduite empêche la Cour de fixer cette date.

[23]      Une ordonnance conforme aux présents motifs est prononcée aujourd'hui même.

     Marc Noël

                                     Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 23 décembre 1997.

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-569-95
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
                     c. Erichs Tobiass
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :      17 décembre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Noël le 23 décembre 1997

ONT COMPARU :

Me Graham Reynolds, c.r.                  pour le requérant

Me James Brender

Me Gesta J. Abols                      pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Me George Thomson                      pour le requérant

Sous-procureur général du Canada

Me Gesta J. Abols                      pour l'intimé

Toronto (Ontario)

__________________

1      Canada c. Tobiass et al., dossier no 25 811, 25 septembre 1997 (arrêt non encore publié).

2      La seule différence notable entre la présente requête et la requête initiale déposée en mai 1995 est le fait que, dans la présente requête, le requérant a retiré sa demande de commission rogatoire et qu'il y a ajouté une demande d'interrogatoires préalables réciproques.

3      Paragraphe 25 du mémoire supplémentaire des faits et du droit de l'intimé. L'intimé n'a pas donné suite aux autres réparations qu'il sollicitait dans sa requête incidente.

4      Jugement rendu le 23 décembre 1997.

5      Paragraphes 7(3.71) à 7(3.77) du Code criminel.

6      L'article 13 de la Charte prévoit :
         Chacun a droit à ce qu'aucun témoignage incriminant qu'il donne ne soit utilisé pour l'incriminer dans d'autres procédures, sauf lors de poursuites pour parjure ou pour témoignages contradictoires.

7      Paragraphe premier de l'avis de requête modifiée.

8      Règle 413, par analogie.

9      Règle 408, par analogie.

10      Règle 409b), par analogie.

11      Paragraphe 2 de l'avis de requête modifiée.

12      Paragraphe 5 de l'avis de requête modifiée.

13      Paragraphes 9 et 10 d l'avis de requête modifiée.

14      On ne saurait prendre au sérieux la prétention de l'avocat qu'il n'a pas donné suite en octobre à la demande de commission rogatoire parce qu'il croyait que, suivant les règles de procédure applicables, une telle demande devait être entendue séparément. Tous les précédents que l'avocat a cités à la Cour révèlent la pratique contraire. En tout état de cause, l'argument de l'avocat ne permet pas de savoir pourquoi cette requête n'a pas été déposée séparément en octobre.

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