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                                                                                                                                           Date : 20010504

                                                                                                                                       Dossier : T-585-01

                                                                                                           Référence neutre : 2001 CFPI 435

ENTRE :

CROMPTON CO./CIE

                                                                                                                                              demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

                                                                                                                                                     défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1]         Il s'agit d'une requête présentée en vertu de l'article 18.2 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985) ch. F-7, dans sa forme modifiée, en vue de l'obtention d'une réparation provisoire en attendant le règlement définitif d'une demande de contrôle judiciaire que Crompton Co./Cie (la demanderesse) a présentée le 4 avril 2001 en vue de contester la validité des mesures prises par le ministre de la Santé et par le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire (les défendeurs) lorsqu'ils ont agi en violation des conditions s'appliquant au retrait volontaire, en date du 28 octobre 1999 et en violation de l'article 16 du Règlement sur les produits antiparasitaires, C.R.C., ch. 1253, dans sa forme modifiée, (le Règlement) en intervenant dans la vente d'un produit antiparasitaire (le lindane) destiné à être utilisé sur des semences de canola et de navette et en interdisant la vente de ce produit.


[2]         La demanderesse sollicite des ordonnances interlocutoires :

a) interdisant aux défendeurs de prendre des mesures en vue de limiter

(i) la vente du lindane destiné à être utilisé sur les semences de canola et de navette avant le 1er juillet 2001, ou

(ii) l'utilisation subséquente de tout lindane acheté avant le 1er juillet 2001;

b) empêchant les défendeurs d'intervenir ou de tenter d'intervenir de quelque façon que ce soit

(i) dans la vente du lindane avant le 1er juillet 2001 et

(ii) dans l'utilisation subséquente du lindane ainsi acheté;

c) enjoignant aux défendeurs de délivrer des avis publics en vue d'informer le public et, en particulier, les acheteurs existants et possibles que le lindane acheté avant le 1er juillet 2001 peut subséquemment être utilisé conformément à l'étiquette figurant sur le produit.

LES FAITS

[3]         La demanderesse, une société remplaçante d'Uniroyal Chemical, est une filiale canadienne possédée en propriété exclusive par Crompton Corp., des États-Unis. La demanderesse fabrique et vend divers produits, notamment des insecticides, des pesticides et des fongicides agricoles. Ces produits sont vendus et commercialisés au Canada par l'entremise de Gustafson Partnership, une société aux activités de laquelle participent la demanderesse et Bayer Inc., dont la principale entreprise consiste à vendre des produits servant au traitement des semences.


[4]         La demanderesse est titulaire d'une homologation en vertu de la Loi sur les produits antiparasitaires, L.R.C. (1985), ch. P-9, dans sa forme modifiée, (la Loi) à l'égard du lindane vendu commercialement sous le nom de « Vitavax® rs Flowable » dont la matière chimique active est le lindane. L'homologation est en vigueur depuis 1980.

[5]         Le lindane a été homologué et approuvé en vue d'être utilisé dans la lutte contre les puces terrestres, la pourriture des semences, la fonte des semis ou la pourriture des racines en début de saison causées par le phythium, le rhizoctonia et l'alternaria du canola, de la navette, de la moutarde, du chou, du chou-fleur, du brocoli, des rutabagas et des choux de Bruxelles.

[6]         Le lindane est vendu aux sociétés de traitement de semences, et notamment à divers détaillants agricoles, syndicats de blé, entreprises de semences et distributeurs indépendants de semences, en vue de traiter les semences avant que les semences traitées soient vendues aux utilisateurs finaux ou directement aux utilisateurs finaux en vue du traitement des semences avant que celles-ci soient mises en terre.

[7]         La matière chimique active, le lindane, peut être utilisée sur d'autres semences, notamment le blé, l'orge, l'avoine, le seigle, la moutarde et certains légumes, au Canada et aux États-Unis.

[8]         La demanderesse a toujours détenu plus de 70 p. 100 du marché du canola en ce qui concerne les produits servant au traitement des semences et contenant du lindane.


[9]         La fabrication et la vente du lindane dépendent principalement de la période des semailles dans l'Ouest canadien. Le lindane est principalement vendu du mois de novembre au mois d'avril (inclus) et toutes les ventes pour la campagne agricole pertinente sont conclues avant la fin du mois de juin.

[10]       Au mois de juin 1998, la United States Environmental Protection Agency (l'USEPA) a formellement avisé le Canada que les semences traitées à l'aide de pesticides non homologués aux États-Unis doivent elles-mêmes être homologuées aux États-Unis avant d'être légalement vendues, distribuées ou importées. Or, le lindane destiné à être utilisé sur le canola n'est pas homologué aux États-Unis.

[11]       À la suite de l'annonce de la position de l'USEPA, l'Association canadienne des producteurs de canola et le Conseil canadien du canola (qui représentent tous les deux les utilisateurs finaux), l'Association canadienne du commerce des semences (qui représente les gens qui traitent la semence de canola à l'aide de lindane) et les titulaires d'homologations se rapportant aux produits contenant du lindane servant au traitement de semences ont présenté une proposition conjointe en vue d'empêcher de leur plein gré la vente des produits à base de lindane servant au traitement des semences de canola par les titulaires d'homologations ainsi que l'utilisation des semences ainsi traitées.


[12]       Le 26 novembre 1998, l'Association canadienne des producteurs de canola, pour le compte des titulaires d'homologations, a proposé ce qui suit à l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (l'ARLA) :

[TRADUCTION]

(1) Interprovincial Cooperative Ltd., Rhone-Poulenc Seed Treatments, Uniroyal Chemical Ltd. et Zeneca Agro retireront de leur plein gré les revendications relatives au canola et à la navette des étiquettes figurant sur les produits homologués contenant du lindane qui servent au traitement de semences de canola au plus tard le 31 décembre 1999.

(2) Les stocks commerciaux de produits contenant du lindane destinés à être utilisés sur le canola et les semences de canola traitées au lindane ne pourront plus être utilisés après le 1er juillet 2001.

(3) L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (l'ARLA) et l'Environmental Protection Agency américaine continueront à collaborer avec les titulaires d'homologations en vue de faciliter l'accès aux produits remplaçant le lindane. L'Association canadienne des producteurs de canola (l'ACPC) et le Conseil canadien du canola (le CCC) s'engagent à collaborer avec les organismes susmentionnés en vue de faciliter ces activités.

Dossier de la requête de la demanderesse se rapportant à l'injonction interlocutoire, affidavit d'Alfred F. Ingulli (fait sous serment le 2 avril 2001), onglet 2, pièce B, page 28.

[13]       Par la suite, à compter de la fin du mois de décembre 1998 et jusqu'au mois d'octobre 1999, la demanderesse a tenté d'obtenir de l'ARLA, comme condition du retrait volontaire, un engagement selon lequel les stocks de produits à base de lindane servant au traitement de semences de canola et les semences traitées au lindane existant au mois de décembre 1999 pouvaient être écoulés sans qu'une limite de temps soit fixée à leur égard.


[14]       L'ARLA a refusé de permettre l'écoulement des stocks de lindane existant dans le commerce pour une période indéfinie. Par une lettre en date du 27 octobre 1999, la demanderesse a proposé des conditions en vue du retrait volontaire, lesquelles prévoyaient notamment que tous ses [TRADUCTION] « produits contenant du lindane servant à traiter le canola et la navette [pourraient] être utilisés jusqu'au 1er juillet 2001 inclus » . L'ARLA a confirmé l'entente assortie de ces conditions par une lettre en date du 28 octobre 1999.

[15]       Conformément à l'entente relative au retrait volontaire, la demanderesse a cessé de fabriquer son produit à base de lindane le 31 décembre 1999. Le produit à base de lindane fabriqué jusqu'à cette date est, conformément à l'homologation y afférente, étiqueté pour des utilisations qui comprendraient son utilisation sur des semences de canola.

[16]       Peu de temps avant le 12 février 2001, M. Alfred F. Ingulli, vice-président exécutif, Division de la protection des cultures, de Crompton Corp. et la personne qui avait conclu l'entente relative au retrait volontaire, a été informé de déclarations attribuées à l'ARLA qui circulaient dans les groupes agricoles, selon lesquelles non seulement la vente de produits à base de lindane destinés à être utilisés sur le canola était prohibée après le 1er juillet 2001, mais aussi l'utilisation de toute semence de canola traitée au lindane, les acheteurs et les utilisateurs étant passibles d'amendes pouvant atteindre 200 000 $. La déclaration précise qui soulevait des préoccupations était ainsi libellée :

[TRADUCTION]

Après le 1er juillet, l'ARLA peut inspecter les installations en vue de s'assurer qu'il n'y a pas de produits à base de lindane ou de semences traitées au lindane sur les lieux. Après cette date, la vente de lindane ou de semences traitées au lindane constituerait une infraction criminelle et les amendes pourraient atteindre 200 000 $.

Dossier de la requête de la demanderesse se rapportant à l'injonction interlocutoire, affidavit d'Alfred F. Ingulli (fait sous serment le 2 avril 2001), onglet 2, paragraphe 46, et pièce P, page 70.


[17]       Étant donné que ces déclarations étaient incompatibles avec l'entente relative au retrait volontaire, la demanderesse a demandé à deux reprises des précisions au sujet de la position de l'ARLA.

[18]       Le 12 février 2001, M. Ingulli a écrit à l'ARLA pour attirer son attention sur ces déclarations et pour lui faire savoir que ces déclarations n'étaient pas conformes aux conditions de l'entente relative au retrait volontaire. Aucune réponse n'a été reçue à la suite de cette lettre, et aucun accusé de réception n'a été fourni.

[19]       Le 7 mars 2001, l'avocat de la demanderesse a écrit à l'ARLA pour lui demander de répondre à la lettre du 12 février 2001 et pour lui demander de prendre des mesures en vue de corriger les déclarations erronées. L'ARLA a répondu à la demanderesse en organisant une rencontre qui devait avoir lieu le 23 mars 2001.

[20]       La demanderesse allègue que, depuis que les déclarations attribuées à l'ARLA ont été faites, elle n'a pas été en mesure d'écouler la majeure partie de stocks de produits à base de lindane existant dans le commerce.

[21]       Il reste encore une grosse quantité de produits à base de lindane à vendre, soit environ 110 000 litres. Tout produit invendu devra être considéré comme un produit dangereux et devra être éliminé à grands frais.


DISPOSITIONS PERTINENTES

[22]       Le paragraphe 5(1) de la Loi sur les produits antiparasitaires se lit comme suit :


5. (1) Il est interdit d'importer ou de vendre au Canada des produits antiparasitaires_:

                a) qui n'ont pas été agréés conformément aux règlements;

                b) qui ne sont pas conformes aux normes réglementaires;

                c) dont l'emballage et l'étiquetage ne sont pas réglementaires.

5. (1) No person shall sell in or import into Canada any control product unless the product

                (a) has been registered as prescribed;

                (b) conforms to prescribed standards; and

                (c) is packaged and labelled as prescribed.


[23]       Les articles 6 et 16 du Règlement sur les produits antiparasitaires se lisent comme suit :

6. Sous réserve de l'article 5, tout produit antiparasitaire importé, vendu ou utilisé au Canada ou utilisé ou contenu dans un autre produit antiparasitaire au Canada doit être homologué conformément au présent règlement. DORS/83-937, art. 2; DORS/92-585, art. 2(F).

6. Subject to section 5, every control product imported into, sold or used in Canada or used or contained in another control product in Canada shall be registered in accordance with these Regulations. SOR/83-937, s. 2; SOR/92-585, s. 2(F).

16. Lorsque le titulaire d'homologation a l'intention de cesser la vente d'un produit antiparasitaire, il doit en informer le ministre, et l'homologation de ce produit antiparasitaire doit être maintenue aux conditions que le ministre peut déterminer, s'il en est, afin de permettre d'écouler la majeure partie des stocks de ce produit qui existent dans le commerce. DORS/92-585, art. 2(F).

16. Where the registrant intends to discontinue the sale of a control product, he shall so inform the Minister and the registration of that control product shall, on such terms and conditions, if any, as the Minister may specify, be continued to allow any stocks of the control product to be substantially exhausted through sales. SOR/92-585, s. 2(F).

ANALYSE

[24]       Dans l'arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada, [1994] 1 R.C.S. 311, la Cour suprême du Canada a énoncé un critère en trois étapes qui s'applique aux injonctions interlocutoires. La demanderesse doit démontrer ce qui suit :

1) il existe une question sérieuse à trancher;

2) le refus d'accorder l'injonction lui causera un préjudice irréparable; et


3) la prépondérance des inconvénients favorise l'octroi de l'injonction.

[25]       En ce qui concerne la première étape du critère, les cours ont recours à une exigence minimale peu élevée en vue de déterminer s'il existe une question sérieuse. La demande satisfait à l'exigence minimale si elle n'est ni vexatoire ni futile. (RJR-MacDonald, précité, page 337).

[26]       En l'espèce, la demanderesse soutient en premier lieu que l'article 16 du Règlement est l'unique disposition régissant l'entente relative au retrait volontaire. Il est soutenu que les défendeurs ont omis d'agir conformément aux conditions de l'entente relative au retrait volontaire et qu'ils ont excédé les pouvoirs conférés par la Loi et le Règlement en omettant de permettre l'écoulement de la majeure partie des stocks de produits à base de lindane existant dans le commerce et en interdisant l'utilisation du produit antiparasitaire après le 1er juillet 2001.

[27]       Subsidiairement, les conditions de l'entente relative au retrait volontaire interdisent toute vente de produits à base de lindane avant le 1er juillet 2001, ou l'utilisation de produits à base de lindane avant ou après le 1er juillet 2001; ces dispositions vont au-delà des pouvoirs conférés aux défendeurs par l'article 16 du Règlement.

[28]       Le défendeur soutient que l'article 16 du Règlement ne s'applique pas en l'espèce. Premièrement, rien ne montre que les participants aient cru qu'ils agissaient en vertu de l'article 16.


[29]       Deuxièmement, l'article 16 du Règlement s'applique lorsque le titulaire d'une homologation décide de cesser de vendre un produit antiparasitaire et que le ministre impose des conditions destinées à empêcher qu'un problème se pose à l'égard de l'élimination du produit. En pareil cas, le titulaire de l'homologation n'annule pas ou ne modifie pas l'homologation. Le ministre peut empêcher le titulaire de l'homologation de mettre un plus grand nombre de produits sur le marché, mais l'homologation continue à s'appliquer de façon à permettre à ceux qui ont des stocks de vendre et d'utiliser ceux-ci dans le cours normal de leurs activités.

[30]       Dans ce cas-ci, la demanderesse n'a pas conservé son homologation de façon à pouvoir écouler la majeure partie de ses stocks avant de demander que le produit antiparasitaire cesse d'être homologué. La demanderesse a mis fin à l'homologation de son produit sans avoir vendu ses stocks, sous réserve d'une entente conclue avec l'ARLA selon laquelle cette dernière ne prendrait pas de mesures entre le 1er janvier 2000 et le 1er juillet 2001.

[31]       Le défendeur soutient que l'entente relative au retrait volontaire permet simplement à la demanderesse de continuer à vendre les produits contenant du lindane jusqu'au 1er juillet 2001, même si ces produits ne sont plus homologués depuis le 1er janvier 2000.


[32]       Bref, il est soutenu qu'en pratique, les défendeurs se sont engagés, en vertu de l'entente relative au retrait volontaire, à ne pas appliquer le Règlement entre le 1er janvier 2000 et le 1er juillet 2001 - période au cours de laquelle il est en théorie illégal de vendre du lindane pour traiter le canola parce que le produit n'est pas homologué pour cette utilisation.

[33]       Plus particulièrement, la preuve présentée par le défendeur donne à entendre que l'entente relative au retrait volontaire que les producteurs de canola ont conclue avec les quatre titulaires d'homologations touchés visait en bonne partie à éviter la prise par les autorités américaines de mesures visant à interdire l'importation de semences de canola traitées au lindane et de produits à base de canola provenant de semences traitées.

[34]       Il a été considéré qu'il était important que le délai fixé aux fins de l'utilisation des produits à base de lindane et des semences de canola traitées à l'aide de lindane soit suffisant pour permettre d'en arriver à cette fin. Si des mesures fondées sur l'article 16 du Règlement avaient été prises, on aurait peut-être continué à utiliser le lindane pour traiter les semences pendant au moins quatre ans, alors que les producteurs considéraient qu'il était important que l'utilisation prenne fin le 1er juillet 2001.

[35]       Par conséquent, les défendeurs ont demandé que les titulaires d'homologations acceptent de faire modifier leurs homologations de façon que les semences de canola cessent d'être utilisées le 31 décembre 1999 à condition que les produits fabriqués avant cette date et les semences de canola traitées à l'aide de ces produits puissent continuer à être utilisés jusqu'au 1er juillet 2001.


[36]       Le défendeur soutient que, conformément à l'entente relative au retrait volontaire, la demanderesse a soumis des demandes en vertu du paragraphe 13(1) du Règlement en vue de faire modifier les homologations relatives à ses produits, Cloak Seek Protectant Liquid et Vitavax® rs Flowable (undyed) Seed Protectant, aux fins du retrait de leur utilisation autorisée sur le canola et la navette.

[37]       Compte tenu des remarques qui précèdent et de la position que les défendeurs ont prise, à savoir que l'entente relative au retrait volontaire est [TRADUCTION] « en théorie illégale » , je suis convaincue que le fondement juridique de l'entente en question constitue une question sérieuse à trancher.

[38]       Quant à la deuxième partie du critère, la preuve de préjudice irréparable de la demanderesse doit être claire plutôt que simplement conjecturale (voir par exemple Centre Ice c. Ligue nationale de hockey (1994), 53 C.P.R. (3d) 34).

[39]       En l'espèce, la demanderesse allègue qu'elle a perdu des ventes, qu'elle a engagé des frais aux fins de l'élimination de déchets dangereux, qu'il existe de nouveaux concurrents, que sa réputation a été ternie et qu'il existe de l'incertitude au sujet de son entreprise et de ses produits. Toutefois, la demanderesse a omis de fournir des éléments de preuve au sujet de ces allégations.


[40]       La demanderesse a uniquement fourni des éléments de preuve au sujet de la baisse de son chiffre d'affaires. Comme il en a ci-dessus été fait mention, du 1er janvier 2001 au 31 mars 2001, la demanderesse a vendu 53 000 litres de produit à base de lindane à Gustafson, ce qui représente 25 p. 100 du chiffre d'affaires normal pour ce trimestre. Au cours de la même période, les ventes conclues par Gustafson en faveur du public ont baissé de 66 p. 100 par rapport aux niveaux habituels.

[41]       Toutefois, la demanderesse a omis de fournir des éléments de preuve clairs au sujet de la façon dont les mesures prises par les défendeurs ont causé cette baisse du chiffre d'affaires. Quoi qu'il en soit, je suis convaincue que même si la demanderesse avait démontré la chose, elle pourrait être dédommagée d'une façon adéquate au moyen de dommages-intérêts.

[42]       Étant donné la conclusion que j'ai tirée au sujet de la question du préjudice irréparable, je n'ai pas à examiner l'affaire plus à fond. Toutefois, j'examinerai la troisième partie du critère de façon à compléter mon analyse. Cette partie exige une appréciation de la question de savoir de quel côté penche la prépondérance des inconvénients.

[43]       D'une part, la demanderesse soutient que l'octroi de la réparation interlocutoire constitue l'unique moyen lui permettant de réduire ses stocks de produits à base de lindane, de mitiger ses pertes, de mettre fin à la confusion qui règne sur le marché et de maintenir le statu quo.


[44]       D'autre part, les défendeurs soutiennent que toute réparation interlocutoire aurait en pratique pour effet de les empêcher de donner effet à l'interdiction prévue à l'article 5 de la Loi et à l'article 6 du Règlement, selon laquelle les produits antiparasitaires qui sont vendus et utilisés au Canada doivent être homologués tel qu'il est prescrit.

[45]       Fondamentalement, les intérêts de la demanderesse qui sont en cause sont de nature financière (et si la chose est prouvée, il pourrait y avoir dédommagement sous la forme de dommages-intérêts) alors que les intérêts des défendeurs (et du public) qui sont en cause se rapportent à l'application de la Loi et du Règlement. Il est clair que la prépondérance des inconvénients exige que la réparation sollicitée soit refusée.

[46]       Pour ces motifs, la requête est rejetée. Dans ces conditions, chaque partie doit supporter ses propres frais en ce qui concerne la présente requête.

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 4 mai 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad.a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER :                                                         T-585-01

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                       CROMPTON CO./CIE

c.

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le 1er mai 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :                                        Madame le juge Tremblay-Lamer

DATE DES MOTIFS :                                                  le 4 mai 2001

ONT COMPARU

Michael L. Phelan et                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Martha Healey

Geoffrey Everest                                                               POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Ogilvy Renault                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                                                              POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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