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Date : 20181221


Dossier : T‑784‑18

Référence : 2018 CF 1298

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 décembre 2018

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

BANQUE DE MONTRÉAL

demanderesse

et

YANPING (KATE) LI

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La Banque de Montréal [la BMO] sollicite le contrôle judiciaire d’une décision préliminaire rendue par une arbitre [l’arbitre] en vertu de la section XIV de la partie III du Code canadien du travail, LRC (1985), ch L‑2 [le Code]. L’arbitre a conclu qu’elle avait compétence pour entendre la plainte de congédiement injuste déposée par Mme Yangping (Kate) Li en vertu du Code. La BMO a contesté la compétence de l’arbitre au motif qu’elle avait déjà réglé les réclamations de Mme Li en versant une indemnité de départ forfaitaire et en obtenant une renonciation.   

[2]  L’arbitre estimait être liée par la décision Banque nationale du Canada c Canada (Ministre du Travail) (1re inst.), [1997] 3 CF 727, conf. par National Bank of Canada c Canada (Minister of Labour), 1998 CanLII 8077 (CAF) [Banque Nationale]. Dans la décision Banque Nationale, la Cour a conclu qu’un employé ne perd pas son droit à la réparation prévue au Code par suite d’une entente conclue avec un employeur en ce qui concerne la cessation d’un emploi et une renonciation signée en faveur de ce dernier. La décision a été confirmée par la Cour d’appel fédérale et lie l’arbitre et la Cour. 

[3]  Aucune considération de politique générale ne permet à la Cour de s’écarter de la décision Banque Nationale. La décision de l’arbitre de se déclarer compétente à l’égard de la plainte de congédiement injuste de Mme Li était raisonnable et correcte. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II.  Contexte

[4]  Mme Li a travaillé pour la BMO à titre de planificatrice financière de mai 2011 jusqu’au 29 mars 2017, date de son licenciement. Au moment où il a été mis fin à son emploi, la BMO a proposé deux options à Mme Li, l’informant qu’elle devait faire son choix d’ici au 25 avril 2017 : a) demeurer sur la liste de paie pendant une période maximale de 18 semaines; ou b) accepter un paiement forfaitaire.

[5]  Dans une lettre datée du 18 avril 2017, la BMO a confirmé que Mme Li avait choisi l’indemnité de départ forfaitaire. La lettre comprenait une entente de règlement et une renonciation [l’entente et renonciation]. La BMO a demandé à Mme Li de signer et de lui retourner le document d’ici le 10 mai 2017, ce qu’elle a fait le 20 avril 2017.  

[6]  L’entente et renonciation prévoyait un paiement forfaitaire de 24 546 $ à Mme Li et un versement du salaire s’élevant à 2 608 $ en échange de son respect de certaines conditions, notamment la suivante :   

[traduction] 10. En échange de la contrepartie indiquée aux paragraphes 2 et 3, par les présentes, l’employée libère et dégage, de façon définitive, la BMO, ses filiales, sociétés affiliées et successeurs, ainsi que ses dirigeants, administrateurs, employés et mandataires, de la responsabilité relative à toute action, cause d’action, réclamation, demande et procédure en dommages‑intérêts, à tous dédommagements, frais engagés et indemnités, et à tout autre recours dont l’employé ou ses héritiers, administrateurs ou ayants droit peuvent se prévaloir à présent ou à l’avenir, découlant de l’emploi de l’employée ou de la cessation d’emploi.  

[7]  Malgré sa signature de l’entente et renonciation, le 22 mai 2017, Mme Li a déposé une plainte de congédiement injuste en vertu de l’article 240 du Code auprès d’Emploi et Développement social Canada. Le 27 septembre 2017, elle a déposé une demande en recouvrement de salaire sous le régime de l’article 247 du Code.

[8]  Le ministre du Travail a nommé l’arbitre en application de l’article 242 du Code pour entendre la plainte de congédiement injuste. Dans une lettre datée du 18 janvier 2018, la BMO a demandé que la plainte de congédiement injuste et la demande en recouvrement de salaire soient entendues ensemble et a demandé une enquête préliminaire pour déterminer si l’arbitre avait compétence à l’égard des réclamations, étant donné que Mme Li avait signé l’entente et renonciation.   

[9]  L’arbitre a accepté de procéder à une enquête préliminaire pour déterminer si elle avait compétence pour entendre la plainte de congédiement injuste et la demande en recouvrement de salaire. Elle a procédé à l’enquête le 20 mars 2018 et a prononcé sa décision le 30 mars 2018, qu’elle a modifiée le 20 avril 2018. 

[10]  L’arbitre a estimé être liée par la décision rendue par la Cour dans l’affaire Banque Nationale et a conclu qu’elle avait compétence pour entendre la plainte de congédiement injuste. Dans sa décision modifiée, l’arbitre a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour entendre la demande en recouvrement de salaire. En outre, après s’être entretenue avec le ministre, elle a conclu qu’elle avait été nommée en application du paragraphe 242(2) du Code pour entendre seulement la plainte de congédiement injuste. 

III.  Questions en litige

[11]  La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?

  2. L’arbitre avait‑elle compétence pour trancher la plainte de congédiement injuste?

  3. L’arbitre avait‑elle compétence pour trancher la demande en recouvrement de salaire?

IV.  Analyse

A.  Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?

[12]  La décision d’un tribunal qui interprète sa loi constitutive est habituellement assujettie à la norme de la décision raisonnable (Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2018 CSC 31, au paragraphe 27). La norme de la décision correcte ne s’applique que dans des circonstances limitées, notamment dans le cas des questions touchant véritablement à la compétence (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 59 [Dunsmuir]).

[13]  Dans l’arrêt Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 [Alberta Teachers], le juge Marshall Rothstein a déclaré ce qui suit au sujet des questions touchant véritablement à la compétence (au paragraphe 34) : 

La consigne voulant que la catégorie des véritables questions de compétence appelle une interprétation restrictive revêt une importance particulière lorsque le tribunal administratif interprète sa loi constitutive. En un sens, tout acte du tribunal qui requiert l’interprétation de sa loi constitutive soulève la question du pouvoir ou de la compétence du tribunal d’accomplir cet acte. Or, depuis Dunsmuir, la Cour s’est écartée de cette définition de la compétence. En effet, au vu de la jurisprudence récente, le temps est peut‑être venu de se demander si, aux fins du contrôle judiciaire, la catégorie des véritables questions de compétence existe et si elle est nécessaire pour arrêter la norme de contrôle applicable. Cependant, faute de plaidoirie sur ce point en l’espèce, je me contente d’affirmer que, sauf situation exceptionnelle — et aucune ne s’est présentée depuis Dunsmuir —, il convient de présumer que l’interprétation par un tribunal administratif de « sa propre loi constitutive ou [d’]une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie » est une question d’interprétation législative commandant la déférence en cas de contrôle judiciaire.

[14]  La BMO soutient néanmoins que la décision de l’arbitre soulevait une véritable question de compétence et commandait l’application de la norme de la décision correcte. La BMO invoque la décision Con‑Way Central Express Inc c Armstrong, [1997] ACF no 1831, au paragraphe 12. Cependant, comme elle a été rendue avant les arrêts Dunsmuir et Alberta Teachers, il faut faire preuve de prudence lorsqu’on s’y réfère.

[15]  La BMO s’appuie également sur la décision Joshi c Banque Canadienne Impériale de Commerce, 2014 CF 722, au paragraphe 27 [Joshi], où le juge James Russell a appliqué le raisonnement adopté par la Cour dans la décision MacFarlane c Day & Ross Inc, 2010 CF 556 [MacFarlane] et a conclu que « les décisions des arbitres rendues en vertu du paragraphe 242(3.1) du Code sont des questions de compétence auxquelles s’applique la norme de la décision correcte ». [Non souligné dans l’original.] Dans la décision Joshi, le juge Russell a conclu que l’évaluation par un tribunal de la question de savoir s’il devrait exercer sa compétence malgré une revendication concurrente de compétence par un autre tribunal entrait dans la rare catégorie des questions touchant véritablement à la compétence. Cette conclusion a été maintenue en appel (2015 CAF 105, au paragraphe 14).

[16]  Les décisions Joshi et MacFarlane doivent être interprétées dans le contexte précis de l’alinéa 242(3.1)b) du Code, qui porte que :

Restriction

(3.1) L’arbitre ne peut procéder à l’instruction de la plainte dans l’un ou l’autre des cas suivants :

[…]

b) la présente loi ou une autre loi fédérale prévoit un autre recours.

Limitation on complaints

(3.1) No complaint shall be considered by an adjudicator under subsection (3) in respect of a person where

[…]

(b) a procedure for redress has been provided elsewhere in or under this or any other Act of Parliament.

[17]  Dans les décisions Joshi et MacFarlane, les plaintes de congédiement injuste comportaient des allégations de discrimination, et les anciens employés avait également déposé des plaintes auprès de la Commission canadienne des droits de la personne [la Commission] en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC (1985), ch H‑6. Dans la décision MacFarlane, le juge Robert Mainville a indiqué que l’arbitre devait définir la portée de sa compétence et celle de la Commission, et interpréter non seulement les dispositions pertinentes du Code, mais aussi celles de la Loi canadienne sur les droits de la personne (au paragraphe 35). Le juge Mainville a établi une analogie avec les circonstances de l’affaire Johal c Canada Agence du revenu, 2009 CAF 276 [Johal], où la Cour d’appel fédérale a conclu que « la norme de la décision correcte s’applique en l’espèce parce que le paragraphe 208(2) de la LRTFP et l’article 54 de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada délimitent le champ d’application de processus administratifs concurrents » (Johal, au paragraphe 30). 

[18]  En l’espèce, l’arbitre n’était pas appelée à définir la portée de sa compétence et celle d’un autre tribunal ou à la délimiter par rapport à des processus administratifs concurrents. Sa décision portait sur l’interprétation et l’application du paragraphe 168(1) du Code.

[19]  La norme de contrôle applicable est donc régie par l’arrêt prononcé par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Wilson c Énergie Atomique du Canada Ltée, 2016 CSC 29 [Wilson], qui portait également sur l’interprétation par un arbitre des dispositions du Code sur le congédiement injuste. Il importe peu que l’arrêt Wilson ait concerné le contrôle judiciaire de la décision d’un arbitre sur le fond plutôt qu’une décision préliminaire sur une question de compétence. Comme l’a statué la Cour suprême du Canada aux paragraphes 15 et 16 :   

[…] Les sentences des arbitres en droit du travail chargés d’interpréter des lois ou des ententes qui relèvent de leur expertise appellent la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, par. 68; Nor‑Man Regional Health Authority Inc. c. Manitoba Association of Health Care Professionals, [2011] 3 R.C.S. 616, par. 42).

La Cour d’appel fédérale elle‑même — sous la plume de deux des juges ayant statué dans l’affaire dont nous sommes saisis — a conclu récemment dans l’arrêt Yue c. Banque de Montréal, 2016 CAF 107, 483 N.R. 375, que c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique aux sentences des arbitres chargés d’appliquer les dispositions sur le congédiement injuste du Code : […]

[20]  La décision de l’arbitre est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

B.  L’arbitre avait‑elle compétence pour trancher la plainte de congédiement injuste?

[21]  Le paragraphe 168(1) du Code est ainsi libellé :

La présente partie, règlements d’application compris, l’emporte sur les règles de droit, usages, contrats ou arrangements incompatibles mais n’a pas pour effet de porter atteinte aux droits ou avantages acquis par un employé sous leur régime et plus favorables que ceux que lui accorde la présente partie.

This Part and all regulations made under this Part apply notwithstanding any other law or any custom, contract or arrangement, but nothing in this Part shall be construed as affecting any rights or benefits of an employee under any law, custom, contract or arrangement that are more favourable to the employee than his rights or benefits under this Part.

[22]  « La présente partie » renvoie à la partie III du Code, où se trouvent les dispositions de la section XIV portant sur les plaintes de congédiement injuste. L’arbitre a cité la décision de la Cour dans l’affaire Banque Nationale, où le juge Rothstein a décrit la question de droit comme suit (au paragraphe 1) :

La question intéressante que soulève le présent contrôle judiciaire est celle de savoir si Mme Paris a droit à la réparation prévue au Code ou si, au contraire, elle a perdu ce droit, vu l’entente qu’elle a conclue avec la Banque en ce qui concerne la cessation de son emploi et, en particulier, la renonciation qu’elle a signée en faveur de cette dernière.

[23]  Il a poursuivi au paragraphe 8 :

[…] L’article 168 est déterminant en l’espèce. Aux termes de cet article, la partie III du Code, dont la section XIV, s’applique malgré l’existence de tout contrat. Il semble donc que les parties ne peuvent se soustraire à l’application du Code en ce qui concerne les questions dont traite la partie III. Selon l’avocat du ministre, cette entrave à la liberté contractuelle, de la part du législateur, se justifie du fait que la partie III du Code offre aux employés un filet de protection tissé d’exigences minimales. […]

En résumé, si le contrat est plus favorable à l’employé que les droits prévus à la partie III, c’est le contrat qui sera appliqué; s’il l’est moins, c’est la partie III qui le sera. Le paragraphe 168(1) prévoit donc que les parties peuvent librement conclure des contrats obligatoires régissant les conditions d’emploi et la cessation d’emploi, sous réserve des exigences minimales de la loi en faveur des employés.

[24]  La décision Banque Nationale a été confirmée par la Cour d’appel fédérale. Elle lie donc l’arbitre et la Cour. La Cour d’appel fédérale s’est exprimée en ces termes au paragraphe 4 de sa décision :

[…] nous sommes tous d’avis que le juge des requêtes n’a pas commis d’erreur dans son interprétation des articles 168 et 240 du Code et des incidences de ces articles sur le règlement intervenu entre un employeur et un employé à la suite du congédiement. L’article 168 protège le droit de tout employé de se plaindre d’un congédiement injuste même si cet employé a signé un contrat prévoyant la cessation de son emploi. D’ailleurs, il n’est pas difficile d’envisager une situation dans laquelle un employé pourrait, après avoir signé un tel contrat, se rendre compte que la cessation de son emploi n’est pas, contrairement à ce qu’il a été amené à croire, le résultat d’une restructuration légitime de l’entreprise, mais qu’elle constitue plutôt une tentative indirecte ou déguisée de congédiement illicite. Ces dispositions témoignent de la sagesse dont le législateur a fait preuve dans le Code en permettant à l’employé qui a été congédié injustement d’obtenir réparation malgré la signature d’un contrat de cessation d’emploi avec son employeur.

[25]  Selon la BMO, le fait de permettre à d’anciens employés de déposer des plaintes de congédiement injuste après avoir accepté une indemnité de départ et signé une renonciation entraîne des effets pervers. Les employeurs régis par le fédéral seront enclins à n’offrir que l’indemnité de départ minimale prévue par le Code, à tout le moins au cours de la période de 90 jours où l’employé peut déposer une plainte de congédiement injuste. 

[26]   Cet argument repose sur des considérations de politique générale plutôt que sur le droit et ne permet pas à la Cour de s’écarter de la décision Banque Nationale. De plus, dans cette décision, le juge Rothstein dit ce qui suit au sujet des considérations de politique générale (aux paragraphes 20 et 21) :

[…] l’avocate de la Banque a soutenu que si l’on ne considérait pas que ces ententes liaient les parties et que si, même après avoir conclu de telles ententes, les employés pouvaient toujours exercer le recours prévu au Code, les employés quittant leur emploi et leurs employeurs seront peu enclins à conclure des ententes à l’amiable. Bien que je sois conscient de ce que cela implique d’un point de vue politique, d’une part, et des nombreux arguments pouvant être invoqués quant au bien‑fondé de l’application du droit commun des contrats à des cas semblables, d’autre part, je suis lié par la volonté du législateur qui, pour le meilleur et pour le pire, a une incidence de nature interventionniste dans les relations entre employeurs et employés.

Quant à la nature importune des dispositions législatives applicables, j’aimerais toutefois émettre quelques commentaires. Premièrement, les employés qui veulent déposer une plainte doivent le faire dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant leur congédiement. Les employeurs ne sont donc pas susceptibles, pendant une période indéfinie, de faire l’objet de recours prévus au Code exercés par des employés mécontents. Deuxièmement, le seul fait que l’employé puisse exercer un recours en vertu de la section XIV ne signifie pas qu’on demandera forcément à l’employeur de fournir davantage que ce que prévoit l’entente qu’il a conclue avec l’employé.

[27]  Au paragraphe 12 de sa décision, l’arbitre a reconnu le dernier point :

L’entente et renonciation signée par les parties en avril 2017 ne fait pas obstacle à l’instruction de la plainte de congédiement injuste, mais peut constituer un facteur important en ce qui concerne la réparation appropriée si le congédiement est jugé injuste.

[28]  La BMO indique que les arbitres nommés sous le régime du Code ont réagi de diverses manières à la décision Banque Nationale. Certains en ont fait entièrement abstraction (voir p. ex., Shannon c Orleans Maritime Inc, 2010 CarswellNat 2784; Bunn c Birdtail Sioux First Nation, [2012] CLAD no 97; Aceti c Canadian Imperial Bank of Commerce, [2004] CLAD no 63), d’autres ont tenté de distinguer l’affaire dont ils étaient saisis de l’affaire Banque Nationale pour des motifs douteux (voir p. ex., Morrison and Headline Sports Television Network, [1999] CLAD no 192) et d’autres encore l’ont suivie avec réticence (voir p. ex., Hussain and Bank of Nova Scotia, Re, 2017 CarswellNat 2782). La BMO soutient que cette incohérence dans les approches donne à penser que la Cour devrait réexaminer la décision Banque Nationale.

[29]  Encore une fois, cet argument ne permet pas à la Cour de s’écarter de la décision Banque Nationale. Les décisions d’arbitres qui n’ont pas suivi ou qui ont refusé de suivre la décision Banque Nationale ne peuvent être considérées comme des décisions valables. Si la politique générale qui sous‑tend les dispositions du Code sur le congédiement injuste doit être révisée, cette tâche relève du législateur, et non des tribunaux judiciaires ou administratifs.

[30]  La BMO invoque également la jurisprudence établie sous d’autres régimes de réglementation qui reconnaît la capacité de chacun de légalement renoncer à faire valoir que leurs droits garantis par la loi ont été violés (p. ex., Better Beef Ltd c MacLean, 2006 CanLII 17930 (ON SCDC); David Horner and Accenture Business Services for Utilities, 2016 HRTO 286). Cependant, en l’espèce, la jurisprudence relative aux régimes de réglementation prévus par des lois telles que la Loi sur l’équité salariale, LRO 1990, ch P.7, et le Code des droits de la personne, LRO 1990, ch H.19, est d’une utilité limitée. Ces lois provinciales ne comportent aucune disposition correspondant exactement au paragraphe 168(1) du Code, et la jurisprudence a évolué différemment (mais voir la dissidence du juge Romain Pitt dans la décision Bucyrus Blades of Canada Ltd c McKinley, 2005 CanLII 1491 (ON SCDC)).

[31]  Je conclus donc que la décision de l’arbitre de suivre la décision Banque Nationale et de se déclarer compétente à l’égard de la plainte de congédiement injuste de Mme Li était raisonnable et correcte.

C.  L’arbitre avait‑elle compétence pour trancher la demande en recouvrement de salaire?

[32]  La conclusion de l’arbitre voulant qu’elle n’ait pas la compétence d’instruire la demande en recouvrement de salaire est inattaquable. Sa compétence est définie par la loi. Elle a été nommée en application du paragraphe 242(2) du Code pour instruire seulement la plainte de congédiement injuste. La demande en recouvrement de salaire sera tranchée dans le cadre d’un processus distinct prévu par le Code.

V.  Conclusion

[33]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens d’un montant forfaitaire de 750 $, débours inclus.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens d’un montant forfaitaire de 750 $, débours inclus.

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 24e jour de janvier 2019.

Sophie Reid‑Triantafyllos, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑784‑18

 

INTITULÉ :

BANQUE DE MONTRÉAL c YANPING (KATE) LI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 NOVEMBRE 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

DATE DES MOTIFS :

LE 21 DÉCEMBRE 2018

 

COMPARUTIONS :

Sunil Kapur

Patrick Pengelly

POUR LA DEMANDERESSE

 

Yanpin (Kate) Li

pour son propre compte

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

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