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Date : 20181221


Dossier : T-191-17

Référence : 2018 CF 1299

Ottawa (Ontario), le 21 décembre 2018

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

COMPLEXE ENVIRO PROGRESSIVE LTÉE

demanderesse

et

LE MINISTRE DES TRANSPORTS ET LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La demanderesse, la société Complexe Enviro Progressive Ltée [CEPL], est une entreprise qui exploite un lieu d’enfouissement technique [LET] sur le territoire de la ville de Terrebonne [LET de Lachenaie]. CEPL s’adresse à la Cour pour demander le contrôle judiciaire d’une décision rendue en date du 13 janvier 2017 par un préposé du ministère des Transports [Délégué du Ministre], M. Justin Bourgault [Décision]. Aux termes de sa Décision, le Délégué du Ministre a refusé de donner suite à une mise en demeure dans laquelle CEPL demandait au ministre des Transports [Ministre] de reconsidérer une décision qu’il avait prise le 31 octobre 2016. Dans cette décision d’octobre 2016, le Ministre avait approuvé, suite à une consultation publique menée entre février et avril de la même année, la relocalisation des activités de l’ancien aéroport de la ville de Mascouche et le projet d’aménagement d’un nouvel aérodrome sur un site qui se rapprocherait d’environ 1,6 kilomètre du terrain où CEPL exploite le LET de Lachenaie.

[2]  Dans sa mise en demeure envoyée le 8 décembre 2016, CEPL attaquait la décision du Ministre approuvant le nouvel aérodrome projeté. Incidemment, les arguments développés par CEPL dans cette mise en demeure étaient étroitement similaires à ceux qui se retrouvent aujourd’hui dans la demande de contrôle judiciaire dont la Cour est maintenant saisie. Dans sa demande, CEPL recherche notamment des ordonnances de la Cour déclarant la Décision déraisonnable et invalide, et enjoignant au Ministre de renverser sa décision d’octobre 2016 et de s’opposer à l’aménagement de tout aérodrome à moins de huit (8) kilomètres du LET de Lachenaie opéré par CEPL. Au soutien de sa demande, CEPL allègue qu’en autorisant l’aménagement du nouvel aérodrome, le Ministre aurait abdiqué ses prérogatives en matière de sécurité aérienne, notamment quant à la gestion de la faune aviaire vivant à proximité de l’aérodrome projeté parmi laquelle figurent un grand nombre de goélands (une situation que CEPL qualifie de « péril aviaire »). CEPL soutient que la Décision serait également déraisonnable en raison du fait que le Ministre n’aurait pas tenu compte des éléments factuels dont il disposait ni des orientations que son propre ministère aurait élaborées relativement au risque aviaire et aux normes de distance sécuritaire avec un LET.

[3]  Les deux défendeurs, le Ministre et la procureure générale du Canada, s’opposent à la demande de CEPL. Ils relèvent d’abord que le recours logé par CEPL confond allègrement la Décision du Délégué du Ministre de janvier 2017 et la décision du Ministre d’octobre 2016. Or, disent les défendeurs, CEPL n’a pas présenté de demande de contrôle judiciaire de la décision du Ministre d’octobre 2016 et elle ne peut, sous le couvert d’une demande de contrôle judiciaire de la Décision du Délégué du Ministre, contester indirectement la décision du Ministre qui avait permis l’aménagement du nouvel aérodrome.

[4]  Les défendeurs soumettent aussi que la lettre du Délégué du Ministre se contentait de fournir des informations générales au sujet du risque aviaire et expliquait comment cet élément avait été effectivement pris en compte dans la décision du Ministre d’octobre 2016. Selon eux, la Décision de janvier 2017 exprime le jugement exercé par le Délégué du Ministre à l’effet qu’il n’y avait pas lieu de saisir le Ministre de la mise en demeure envoyée par CEPL et d’enclencher le processus de reconsidération souhaité par elle. Les défendeurs soutiennent que cette détermination est raisonnable, qu’elle représente l’exercice valide d’un pouvoir discrétionnaire par le Délégué du Ministre, et qu’elle est d’autant plus justifiée que CEPL n’a soumis, à l’appui de sa mise en demeure, aucun élément nouveau ni aucune prétention qu'elle n’avait pas déjà portés à l’attention du Ministre dans le cadre de la consultation publique ayant mené à l’approbation du projet de nouvel aérodrome.

[5]  Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire déposée par CEPL doit échouer. En effet, la Décision qui fait l’objet du recours logé par CEPL ne peut être que la détermination faite en janvier 2017 par le Délégué du Ministre, à l’effet qu’il n’y avait pas lieu de saisir le Ministre de la mise en demeure de CEPL et d’enclencher le processus de reconsidération souhaité. À tous égards, cette Décision du Délégué du Ministre se justifie au regard des faits et du droit et elle possède les attributs de justification, de transparence et d’intelligibilité propres aux décisions raisonnables. Elle appartient aux issues possibles et acceptables dans les circonstances, et il n’y a par conséquent aucun motif pour justifier l’intervention de la Cour. Par ailleurs, dans la mesure où le recours de CEPL viserait à attaquer indirectement la décision du Ministre d’octobre 2016, il n’est pas fondé.

II.  Contexte

A.  Les faits

[6]  Au début de l’année 2016, un projet pour l’aménagement d’un nouvel aérodrome dans les villes de Mascouche et de Terrebonne débute afin de pallier à la cessation imminente des activités de l’aéroport régional de Mascouche, dont la fermeture est prévue pour novembre 2016. Les promoteurs du nouvel aérodrome sont la Corporation de l’aéroport de Mascouche et la société canadienne 9105425 Canada Association [Promoteurs]. L’emplacement de l’aérodrome projeté se situe à l’intérieur d’un rayon de huit (8) kilomètres du LET de Lachenaie et à moins de deux (2) kilomètres de l’ancien aéroport de Mascouche, qui a été lui-même en opération pendant plus de 40 ans.

[7]  Le projet d’aérodrome fait l’objet de vives oppositions de la part d’intervenants provenant de la communauté avoisinante. Un litige portant sur l’applicabilité de diverses lois et règlements québécois d’ordre environnemental au projet de construction de l’aérodrome s’est d’ailleurs retrouvé devant la Cour supérieure du Québec, qui a éventuellement déclaré constitutionnellement inapplicable l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ c Q-2 [Loi sur la qualité de l’environnement] visant à imposer l’obtention d’un certificat d’autorisation pour l’établissement du nouvel aérodrome.

[8]  En raison des fortes oppositions locales contre le projet d’aménagement du nouvel aérodrome, le Ministre institue un processus de consultation publique aux termes d’un arrêté ministériel qu’il émet en mars 2016, conformément au paragraphe 4.32(1) de la Loi sur l’aéronautique, LRC 1985, c A-2 [Loi sur l’aéronautique] (il s’agissait à l’époque de l’article 4.31, dont seule la numérotation a été modifiée). Cet arrêté ministériel interdit entre autres l’aménagement de tout aérodrome sur le site projeté avant la clôture de la consultation publique et la remise au Ministre d’un rapport portant sur les enjeux exposés par celle-ci. Plus précisément, l’arrêté ministériel exige que, suite aux renseignements qui seront reçus lors de la consultation publique, le Ministre devra aviser si l’aménagement de l’aérodrome projeté peut débuter ou non.

[9]  La consultation publique se déroule du 17 février au 27 avril 2016, sous la direction des Promoteurs. Il en résulte un rapport intitulé « Consultations Aérodrome – Relocalisation des activités de l’aéroport de Mascouche et développement et amélioration de l’aérodrome Terrebonne / Mascouche » [Rapport], lequel se compose d’un rapport sommaire et d’un rapport détaillé. Après l’analyse du Rapport et la revue des différents enjeux liés au projet, le Ministre décide, le 31 octobre 2016, de permettre l’aménagement du nouvel aérodrome.

[10]  Dans le cadre de la consultation publique, CEPL présente des observations dans un argumentaire daté d’avril 2016. Les observations de CEPL portent essentiellement sur la présence de ses installations à proximité du nouvel aérodrome envisagé et sur le risque aviaire lié au projet. Le LET de Lachenaie exploité par CEPL se situe en effet sur le territoire de la ville de Terrebonne, à quelques kilomètres à peine du nouvel aérodrome envisagé, et il répond à plus du tiers des besoins d’enfouissement de matières résiduelles de la Communauté métropolitaine de Montréal [CMM]. Par ailleurs, CEPL prévoit des projets d’agrandissement jugés nécessaires afin de desservir les usagers de son LET et de continuer à répondre aux besoins d’enfouissement jusqu’à la fin de l’année 2030.

[11]  Dans ses soumissions, CEPL note qu’il est bien établi que les LET attirent les goélands, lesquels sont abondants dans la région. Or, selon CEPL, malgré le succès de ses mesures de contrôle prises pour empêcher les goélands de s’alimenter au LET de Lachenaie (telles que l’utilisation de la fauconnerie, de pistolets à balle sifflante, de canons de propane, etc.), les goélands vivent toujours en périphérie du LET et se trouvent ainsi dans l’axe des pistes proposées pour le nouvel aérodrome. D’après CEPL, l’aérodrome projeté créerait donc un danger que la faune aviaire entre en collision avec les aéronefs qui seront en phase d’approche ou de décollage et qui survoleront le LET de Lachenaie sur une certaine distance. Or, si les aéronefs tombent au sol, ils présenteraient alors un risque pour la sécurité des travailleurs du LET ainsi que pour les installations et équipements de CEPL. CEPL identifie également une série de risques pouvant découler de l’aménagement d’un nouvel aérodrome à proximité du LET, par exemple : 1) le risque de rupture du système de captage de biogaz et présence d’un milieu pouvant devenir explosif; 2) le risque de percuter les câbles électriques des pylônes d’Hydro-Québec se trouvant sur la propriété de CEPL; 3) le risque de percuter le système de traitement du « lixiviat »; 4) le risque de percuter les tours de lavage et de raffinage du système de traitement de biogaz pour la production de gaz naturel vert de qualité pipeline; et 5) le risque de percuter le front de déchets où il y a achalandage de camions.

B.  La décision du Ministre d’octobre 2016

[12]  La décision du Ministre du 31 octobre 2016 approuvant l’aménagement du nouvel aérodrome repose sur une longue « Note pour le Ministre des Transports » [Note] assortie de plusieurs annexes, et qui précède la signature officielle du Ministre. La Note a pour objet de recommander au Ministre d’aviser les Promoteurs que l’aménagement de l’aérodrome projeté peut débuter, et recense les principaux faits sous-jacents au Rapport. On y lit notamment que de nombreux intervenants (parmi lesquels figure CEPL) avaient manifesté publiquement leur mécontentement face au projet. Entre autres, de nombreuses correspondances avaient été adressées à Transports Canada [TC] par les maires de Mascouche et de Terrebonne, le gouvernement du Québec et la CMM en vue d’exposer leurs préoccupations quant à l’impact du projet sur l’environnement et le bruit, l’incertitude des gains économiques en résultant, ainsi que la protection des bois et des corridors forestiers métropolitains. La Note indique que ces préoccupations ont été à l’origine de l’arrêté ministériel du 4 mars 2016 interdisant l’aménagement de l’aérodrome avant que ne soit menée la consultation publique sur le projet et que le Rapport reflétant les observations et objections reçues soit émis.

[13]  La Note recommande que le Ministre approuve le projet, étant donné que, d’une part, l’exploitation prévue pourra s’effectuer en toute sécurité et que, d’autre part, le projet engendrera des bénéfices économiques pour le secteur de l’aviation en général. La Note souligne en outre que cette recommandation s’harmonise avec le mandat principal de TC d’assurer la sécurité tout en favorisant le progrès de l’aéronautique sur le territoire canadien. Dans l’analyse de l’incidence sociale, environnementale et économique du projet d’aérodrome, la Note indique que le projet est dans l’intérêt public pour plusieurs raisons, dont notamment : 1) l’impact plus limité du nouvel aérodrome par rapport à l’aéroport existant situé à moins de deux (2) kilomètres, puisque les opérations aériennes envisagées y seront moins élevées; 2) la possibilité d’exploiter l’aérodrome sans compromettre la sécurité aérienne ou celle du public; et 3) les multiples mesures d’atténuation proposées par les Promoteurs pour répondre aux préoccupations soulevées par les communautés affectées, au niveau tant du bruit que de l’environnement.

[14]  En novembre 2016, le Délégué du Ministre informe donc les Promoteurs que le Ministre ne s’oppose pas à l’aménagement du nouvel aérodrome et que, par conséquent, cet aménagement peut débuter. Mécontente de cette décision, CEPL envoie, en date du 8 décembre 2016, sa mise en demeure à laquelle sont jointes exactement les mêmes observations qu’elle avait soumises en avril 2016 dans le cadre de la consultation publique sur le projet d’aménagement. La lettre de mise en demeure est adressée à M. Bourgault, en sa qualité de mandataire du Ministre, et demande que le Ministre reconsidère sa position et qu'il s’oppose à l’aménagement de tout aérodrome à moins de huit (8) kilomètres du LET de Lachenaie.

C.  La Décision du Délégué du Ministre de janvier 2017

[15]  Dans la Décision du 13 janvier 2017 adressée aux avocats de CEPL, le Délégué du Ministre prend d’abord acte de la mise en demeure de CEPL. Le Délégué précise ensuite que les distances entre un aérodrome et les lieux d’élimination de matières résiduelles et les autres types d’endroits mentionnés dans le document de TC « Un ciel à partager – Guide de l’industrie de l’aviation à l’intention des gestionnaires de la faune – TP13549» [Guide] sont des recommandations et non des règlements. Il souligne que le type et la portée de telles activités varient d’un endroit à l’autre, et qu’il n’existe pas de règle absolue pour en éliminer l’impact. Le Délégué du Ministre poursuit en ajoutant que le risque aviaire évoqué par CEPL varie en fonction du type d’aéronefs qui utilisent l’aérodrome. Or, selon le Délégué, le risque est moindre pour les petits et lents appareils propulsés par des moteurs à piston, tels que ceux que l’on retrouvera à l’aérodrome projeté, que pour les appareils rapides à turboréacteurs.

[16]  Dans sa lettre, le Délégué du Ministre indique aussi que, lorsque des terrains avoisinant un aérodrome font l’objet d’utilisations pouvant attirer la faune, les exploitants de l’aérodrome sont responsables de prendre les mesures appropriées pour mitiger, le cas échéant, les effets négatifs en élaborant des programmes de gestion efficaces. Le Délégué note également que l’aérodrome proposé est situé à moins de deux (2) kilomètres de l’ancien aéroport de Mascouche qui, en plus de 40 ans d’opération, n’a jamais connu de problématique causée par les activités fauniques. Enfin, le Délégué du Ministre souligne le fait que la décision du Ministre est issue d’un processus décisionnel dans lequel, entre autres, la proximité du LET de Lachenaie exploité par CEPL a été examinée.

[17]  Aux dires de CEPL, cette Décision du Délégué du Ministre fait notamment ressortir les points suivants : 1) le fait que le Ministre s’en remet aux exploitants de l’aérodrome projeté pour prendre les mesures appropriées afin d’atténuer les effets négatifs des activités aéronautiques sur la faune aviaire; 2) le fait que le processus décisionnel ayant mené à la décision du Ministre comprenait entre autres l’évaluation de la proximité du LET de Lachenaie; et 3) le fait que l'aérodrome projeté sera situé à moins de deux (2) kilomètres de l’ancien aéroport de Mascouche où les activités fauniques n’ont pas soulevé de problèmes. CEPL ajoute que la Décision du Délégué du Ministre constitue en fait, de par son silence sur la reconsidération demandée par CEPL, une confirmation que le Ministre la refuse puisqu’en bout de ligne, le Ministre ne change pas sa position au sujet de l’aménagement de l’aérodrome projeté et ne s’oppose pas à ce que cet aménagement soit situé à une distance de moins de huit (8) kilomètres du LET de Lachenaie.

D.  L’ordonnance du 6 juillet 2017

[18]  D’entrée de jeu, les défendeurs ont fait valoir que la lettre du 13 janvier 2017 de M. Bourgault ne constituait pas une « décision » pouvant faire l’objet d’un contrôle judiciaire et que, partant, il n’y avait aucun dossier certifié à communiquer à CEPL. Dans une ordonnance émise le 6 juillet 2017, le protonotaire Morneau a rejeté la position des défendeurs et a plutôt conclu que la Décision rendue en janvier 2017 par le Délégué du Ministre « constitue et contient implicitement par son silence une décision de refuser la reconsidération demandée » (para 15). De plus, le protonotaire Morneau a également déterminé que cette lettre de M. Bourgault devait être considérée comme une décision révisable pouvant faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire devant cette Cour. Enfin, le protonotaire Morneau ordonnait aux défendeurs de signifier tout document qui était devant le décideur au moment de la Décision.

E.  Le cadre législatif et les dispositions pertinentes

[19]  La Loi sur l’aéronautique est la principale loi régissant l’aviation au Canada et est au cœur du présent litige. Cette loi vise à promouvoir l’aéronautique au pays, à atténuer les risques liés à la sûreté et à la sécurité de l’aviation, et à protéger les voyageurs. Le Ministre est chargé de son application ainsi que de l’ensemble de la réglementation en matière d’aéronautique, dont le principal instrument est le Règlement de l’aviation canadien, DORS/96-433 [Règlement]. Afin de ne pas alourdir inutilement le texte, les articles pertinents de la Loi sur l’aéronautique et du Règlement sont reproduits dans leur totalité à l’Annexe I jointe aux présents motifs. Le paragraphe 4.32(1), auquel le Ministre a eu recours en l’espèce, permet au Ministre de prendre un arrêté ministériel s’il estime que l’aménagement d’un aérodrome « risque de compromettre la sécurité aérienne ou n’est pas dans l’intérêt public ». On peut aussi mentionner le paragraphe 4.72(1) qui dispose que le Ministre peut prendre « des mesures pour la sûreté aérienne ». L’article 4.9 autorise pour sa part le gouverneur en conseil à adopter des règlements en ce qui concerne notamment les consultations que doivent mener les promoteurs d’aérodromes ou encore l’interdiction de l’usage de l’espace aérien ou d’aérodromes.

[20]  En 2014, des modifications avaient été apportées à la Loi sur l’aéronautique pour doter le Ministre de pouvoirs accrus afin de gérer plus efficacement le développement de l’aéronautique au Canada. C’est dans ce contexte qu’est apparu le paragraphe 4.32(1), aux termes duquel le Ministre s’est vu conférer le pouvoir d’interdire, par voie d’arrêté ministériel, l’aménagement ou l’agrandissement d’un aérodrome ou un changement à son exploitation s’il estime que cela risque de compromettre la sécurité aérienne ou n’est pas dans l’intérêt public.

[21]  Pour sa part, le Règlement est un volumineux document lourd de plusieurs centaines d’articles, qui comporte diverses dispositions et exigences visant notamment la sécurité aérienne. Il définit entre autres la différence entre un « aéroport » et un « aérodrome », un aéroport étant un aérodrome ayant reçu un certificat et qui se trouve dès lors assujetti à des exigences plus nombreuses et plus strictes. Le Règlement précise les obligations qui incombent à chaque type d’installation, notamment au niveau de la planification et de la gestion de la faune. Une section complète du Règlement traite ainsi de la planification et de la gestion de la faune aux « aéroports » ainsi que des exigences quant au plan de gestion de la faune que doivent élaborer les exploitants d’aéroports.

[22]  En sus de la Loi sur l’aéronautique et du Règlement, TC dispose d’autres textes réglementaires ainsi que de différentes normes et politiques qui visent entre autres à promouvoir la sécurité et la sûreté aérienne, et à atténuer les risques relatifs au réseau de transport aérien et à la sécurité des Canadiens. TC publie aussi d’autres documents tels que des guides et des circulaires afin d’informer et d’aider les intervenants du milieu de l'aéronautique, le public et les autres tiers concernés par la mise en application des règles et leur compréhension. CEPL a référé à plusieurs d’entre eux dans ses soumissions devant cette Cour. J’y reviendrai plus loin.

F.  La norme de contrôle

[23]  Les deux parties conviennent que la norme de la décision raisonnable s’applique en l’espèce puisque les points en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire sont des questions mixtes de faits et droit, et que la Décision du Délégué du Ministre que CEPL cherche à faire invalider relève d’un pouvoir discrétionnaire (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir] aux para 51, 53; Henri c Canada (Procureur général), 2016 CAF 38 au para 16; Byfield c Canada (Procureur général), 2018 CF 216 au para 9; Rotor Maxx Support Ltd c Canada (Transports), 2018 CF 97 au para 35).

[24]  Lorsque la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable, la Cour doit faire preuve de déférence et se garder de substituer sa propre opinion à celle du décideur, pourvu que la décision en cause soit justifiée, transparente et intelligible, et qu’elle appartienne « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir au para 47). Les motifs d’une décision sont considérés raisonnables « s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [Newfoundland Nurses] au para 16). Dans la mesure où le processus et les résultats respectent les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, et que la décision est appuyée par des preuves acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, la Cour doit s’abstenir de remplacer la décision rendue par sa propre perspective d’un résultat préférable (Newfoundland Nurses au para 17). En d’autres termes, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, l’obligation d’une cour de révision est de « veiller à la légalité de l’action administrative » faisant l’objet du recours (Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2018 CSC 31 [CCDP] au para 40).

[25]  La norme de la décision raisonnable loge à l’enseigne de la déférence et commande la retenue envers le décideur, car elle « repose sur le choix du législateur de confier à un tribunal administratif spécialisé la responsabilité d’appliquer les dispositions législatives, ainsi que sur l’expertise de ce tribunal en la matière » (Edmonton (Ville) c Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd, 2016 CSC 47 au para 33; CCDP au para 40; Dunsmuir au para 49). Dans le cadre d’un examen du caractère raisonnable d’une décision, lorsqu’une question mixte de fait et de droit relève directement de l’expertise d’un décideur, « la cour de révision a pour tâche d’exercer une surveillance à l’égard de l’approche utilisée par le tribunal dans le contexte de la décision prise dans son ensemble. Son rôle n’est pas d’imposer l’approche de son choix » (CCDP au para 57). En l’espèce, la Loi sur l’aéronautique est la principale loi que le Ministre (et par ricochet, son Délégué) doit appliquer et mettre en œuvre; son interprétation et son application relèvent donc du champ d’expertise fondamental du Ministre. Dans de telles circonstances, la Cour doit afficher une grande déférence à l’égard des conclusions factuelles et de l’évaluation de la preuve tirées par le Ministre et son Délégué.

[26]  La question devant la Cour n’est donc pas de savoir si un autre résultat ou une autre interprétation aurait pu être possible. La question est de savoir si la conclusion tirée par le Délégué du Ministre fait partie des issues possibles acceptables dans les circonstances. Le fait qu’il pourrait y avoir d’autres interprétations plausibles et qu’une d’entre elles pourrait soutenir une conclusion plus favorable à CEPL n’implique pas que celle retenue par le Délégué du Ministre n’était pas raisonnable. En fait, la norme de la décision raisonnable reconnaît qu’il peut légitimement y avoir de multiples issues possibles, même lorsque celles-ci ne correspondent pas à la solution optimale que la cour de révision aurait pu elle-même retenir (CCDP au para 55).

[27]  Par ailleurs, la Décision du Délégué du Ministre constitue la manifestation d’une fonction gouvernementale essentiellement administrative exercée dans le cours normal des activités de TC, soit une détermination que la question soulevée par CEPL n’atteignait pas le seuil d’un enjeu devant être soumis au Ministre. Comme les défendeurs l’ont fait valoir à juste titre, en tant qu’acte pris en vertu d’un pouvoir discrétionnaire, la décision de ne pas saisir le Ministre de la demande de reconsidération de CEPL ne peut être considérée comme déraisonnable que si son auteur a agi à des fins contraires à l’esprit de la loi, s’il s’est fondé sur des considérations non pertinentes, ou s’il a agi de mauvaise foi ou de façon arbitraire (Comeau’s Sea Foods Ltd c Canada (Ministre des Pêches et Océans), [1997] 1 RCS 12 au para 36; Maple Lodge Farms c Gouvernement du Canada, [1982] 2 RCS 2 [Maple Lodge Farms] aux pp 7-8; Première Nation Waycobah c Canada (Procureur général), 2011 CAF 191 [Waycobah] aux para 12, 19).

III.  Analyse

[28]  CEPL soutient que la Décision du Délégué du Ministre est déraisonnable et doit être annulée par la Cour, et ce pour deux raisons. D’une part, en permettant au projet de nouvel aérodrome d’aller de l’avant, le Ministre aurait abdiqué ses prérogatives en matière de sécurité aérienne et, plus précisément, quant à la gestion de la faune aviaire à proximité de l’aérodrome projeté. Selon CEPL, la réglementation actuellement en place serait insuffisante pour assurer la sécurité aérienne vu les risques posés par le péril aviaire au LET de Lachenaie et, en permettant simplement aux exploitants de l’aérodrome de mitiger ces risques par les moyens qu’ils jugeront efficaces, le Ministre aurait refusé d’exercer le pouvoir de prendre des « mesures de sécurité » que lui confère le paragraphe 4.72(1) de la Loi sur l’aéronautique, plus précisément quant à la gestion de la faune aviaire. D’autre part, CEPL avance que la Décision est également déraisonnable en ce que le Ministre n’aurait pas tenu compte des éléments factuels dont il disposait ni des orientations de son propre ministère relativement à la norme de distance sécuritaire avec un LET.

[29]  Je ne suis pas d’accord et je ne partage pas les prétentions de CEPL. L’exercice, par le Délégué du Ministre, de son pouvoir administratif et discrétionnaire de ne pas soumettre la mise en demeure de CEPL au Ministre pour décision, s’articule autour d’un contexte factuel particulier qui ne fait pas intervenir des questions de droit. En vertu de la norme de la décision raisonnable, la Cour ne peut donc intervenir que si le Délégué du Ministre a tiré une conclusion inacceptable ne pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Ce n’est pas le cas ici.

A.  La décision en cause est celle du Délégué du Ministre

[30]  Je m’arrête un instant pour rappeler que, comme l’a confirmé le protonotaire Morneau dans son ordonnance de juillet 2017, la décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire est la Décision du Délégué du Ministre de janvier 2017 refusant de saisir le Ministre de la demande de reconsidération faite par CEPL dans sa mise en demeure de décembre 2016. Malgré les prétentions initiales des défendeurs voulant que la Décision ne soit somme toute qu’une simple « lettre de courtoisie », le protonotaire Morneau a tranché la question dans son ordonnance : la lettre de janvier 2017 doit être vue comme la décision révisable au cœur de la présente demande de contrôle judiciaire de CEPL.

[31]  Puisque c’est la Décision du Délégué du Ministre qui fait l’objet du recours de CEPL, seuls la conclusion et les motifs s’y trouvant sont en cause. Ainsi, le présent contrôle judiciaire ne porte pas sur la décision du Ministre d’octobre 2016 par laquelle le Ministre autorise le projet d’un nouvel aérodrome à Mascouche/Terrebonne. Il importe de le souligner car, dans ses soumissions et ses représentations tant écrites qu’orales devant cette Cour, CEPL confond les deux décisions. En effet, pour appuyer ses prétentions à l’effet que la Décision du Délégué du Ministre serait déraisonnable, CEPL réfère en fait souvent à la décision du Ministre du 31 octobre 2016, se trouvant ainsi à attaquer indirectement cette décision. D’ailleurs, outre ses conclusions sur le caractère déraisonnable de la Décision du Délégué du Ministre, CEPL demande également : que la Cour ordonne au Ministre de reconsidérer la position exprimée dans sa décision d’octobre 2016 relativement au projet d’aménagement de l’aérodrome; qu’elle ordonne au Ministre de prendre un arrêté en vertu du paragraphe 4.32(1) de la Loi sur l’aéronautique afin d’interdire le projet d’aménagement de l’aérodrome; et qu’elle ordonne au Ministre de s’opposer à l’aménagement de tout aérodrome à moins de huit (8) kilomètres du LET de Lachenaie. Ainsi, lorsque CEPL se plaint que, malgré ses représentations et sa mise en demeure, le Ministre a refusé et refuse toujours d’intervenir pour interdire l’aménagement de l’aérodrome projeté et/ou de tout autre aérodrome à une distance minimale du LET de Lachenaie, il est manifeste que CEPL ne vise pas tant la Décision du Délégué du Ministre de janvier 2017 en regard de sa mise en demeure que tout le processus décisionnel ayant mené à la décision du Ministre à la fin octobre 2016.

[32]  Or, ce n’est pas là l’enjeu de la demande de contrôle judiciaire de CEPL. Il est clair que CEPL ne peut pas, par le biais d’un recours contre la Décision du Délégué du Ministre, attaquer la décision préalable du Ministre rendue en octobre 2016 et demander des remèdes à l’encontre de cette décision. CEPL n’a pas demandé le contrôle judiciaire de cette décision du Ministre et a plutôt opté pour déposer une demande de reconsidération de celle-ci.

[33]  À tout événement, si tant est que l’objet de la demande de contrôle judiciaire de CEPL et la décision qui en est la source devaient réellement être la décision du Ministre d’octobre 2016, cette demande aurait de toute façon été prescrite aux termes de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 [LCF]. En effet, CEPL avait connaissance de la décision du Ministre depuis le début novembre 2016, soit plus de trois (3) mois avant le dépôt de sa demande de contrôle judiciaire effectué le 10 février 2017. Or, le paragraphe 18.1(2) de la LCF est clair: une demande de contrôle judiciaire doit être présentée dans les 30 jours suivant la première communication de la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire. J’ajoute qu’aucune demande de prorogation de délai n’a été présentée ou formulée par CEPL au sujet de la décision du Ministre d’octobre 2016 et du processus décisionnel y ayant mené.

[34]  Certes, dans sa mise en demeure de décembre 2016, CEPL avait argumenté que la décision du Ministre d’octobre 2016 ignorait complètement l’argumentaire transmis par CEPL, sans aucune justification ni aucune explication. En réponse, le Délégué du Ministre tente d’éclaircir, dans la Décision de janvier 2017, le processus qui a mené à la décision prise en octobre 2016, et écrit notamment : 1) que le Guide ne contient que des recommandations et non des règlements; 2) que le risque aviaire varie selon le contexte et que le risque est comparativement moindre en l’espèce; 3) que les exploitants de l’aérodrome seront responsables de mettre en place des programmes de mitigation du risque aviaire, au besoin; 4) que, par ailleurs, la proximité du site projeté au LET de Lachenaie a déjà été prise en considération lors du processus décisionnel; et 5) que le site projeté est très proche de l’ancien site, où il n’a d’ailleurs jamais eu d’incident du type allégué par CEPL. Ce faisant, je conviens que le Délégué du Ministre traite du contexte qui avait mené à la recommandation positive du Ministre. Mais ce n’est pas pour autant cette décision initiale du Ministre qui fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire logée par CEPL.

B.  La Décision du Délégué du Ministre fait écho au cadre législatif en place et est raisonnable

[35]  Il ressort de la Décision que le Délégué du Ministre y a implicitement déterminé qu’il n’y avait pas lieu de référer la mise en demeure de CEPL au Ministre et de déclencher le processus de reconsidération souhaité par CEPL. Le Ministre, je le rappelle, n’a donc pas été saisi comme tel de la demande de reconsidération de CEPL, ne s’est pas lui-même prononcé sur cette demande et n’a bien sûr pas reconsidéré sa décision d’octobre 2016. Pour les raisons qui suivent, je suis satisfait que rien dans le dossier n’autorise à conclure qu’en rendant sa Décision en janvier 2017, le Délégué du Ministre aurait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable.

[36]  D’une part, le cadre législatif en place n’impose aucune obligation au Ministre de déclencher une procédure de reconsidération en regard d’une décision liée à un arrêté ministériel pris en vertu du paragraphe 4.32(1) de la Loi sur l’aéronautique, ni n’établit de processus particulier devant être suivi pour ce faire. De la même manière, la Loi sur l’aéronautique ne prévoit pas non plus de droit pour CEPL de demander une reconsidération de la décision du Ministre rendue le 31 octobre 2016. CEPL n’a d’ailleurs référé la Cour à aucune disposition appuyant ou suggérant l’inverse.

[37]  Cette situation est différente de ce que la Loi sur l’aéronautique prévoit à d’autres de ses dispositions. Ainsi, l’article 7 concerne le danger pour la sécurité ou la sûreté aérienne, et le paragraphe 7(1) prévoit que le Ministre peut suspendre un document d’aviation canadien lorsqu’il y a un danger immédiat ou probable pour la sécurité ou la sûreté aérienne. Or, le paragraphe 7(3) prévoit expressément un recours en révision d’une telle décision émise par le Ministre. A contrario, un tel recours n’existe pas dans le cadre d’une décision liée à un arrêté ministériel pris en vertu du paragraphe 4.32(1) de la Loi sur l’aéronautique, comme c’est le cas ici pour la décision du Ministre.

[38]  Puisque CEPL ne disposait pas d’un droit à une reconsidération ou à un réexamen de la décision prise par le Ministre en octobre 2016 permettant de débuter l’aménagement de l’aérodrome projeté, le Délégué du Ministre n’avait pas à saisir le Ministre de la demande de reconsidération de CEPL ni à recommander un réexamen à ce dernier. Il relève des préposés de TC comme le Délégué du Ministre de déterminer l’opportunité de transmettre au Ministre une demande comme celle de CEPL. Le Délégué du Ministre exerce alors son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il évalue une demande de réexamen et détermine s’il y a lieu de procéder au réexamen ou plutôt de refuser de le faire (Borovic c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 939 aux para 15, 17). Dans le cas de CEPL, le Délégué du Ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire conformément à ce que prévoit la Loi sur l’aéronautique en décidant que, compte tenu de l’ensemble des circonstances, il n’y avait pas lieu d’exercer son pouvoir discrétionnaire de recommander la reconsidération souhaitée par CEPL. En l’absence d’une obligation légale imposant un devoir de reconsidération de la décision prise en vertu du paragraphe 4.32(1) de la Loi sur l’aéronautique, il est manifeste que la Décision du Délégué du Ministre de ne pas en saisir le Ministre constitue un exercice raisonnable de son pouvoir discrétionnaire.

[39]  Je peux comprendre les inquiétudes de CEPL et ses préoccupations quant au péril aviaire, mais cela ne rend pas la Décision déraisonnable ni ne justifie l’intervention de la Cour. Rien dans le dossier ne montre ou même ne suggère que le Délégué du Ministre aurait agi de façon déraisonnable ou arbitraire ou qu’il se soit fondé sur des considérations non-pertinentes en concluant comme il l’a fait.

[40]  D’autre part, il n’existe ici aucun contexte factuel ni aucune circonstance qui aurait pu créer une obligation pour le Ministre de procéder à une reconsidération de sa décision d’octobre 2016, ou qui aurait pu motiver le Délégué du Ministre à saisir le Ministre de la demande de CEPL. Il est indéniable que, dans cette affaire, CEPL a eu amplement l’occasion de faire valoir son point de vue et ses observations sur le péril aviaire lors de la consultation publique menée suite à l’arrêté ministériel. Comme le Rapport et la Note le démontrent avec éloquence, les observations et les représentations de CEPL ont été considérées par le Ministre dans le cadre du processus décisionnel. Rien n’indique ou ne permet d’inférer que ces représentations n’ont pas été prises en compte par le Ministre dans le cadre de sa décision. Or, CEPL n’a soumis aucun élément ou fait nouveau au soutien de sa demande de reconsidération envoyée au Délégué du Ministre. Incidemment, les observations jointes à sa mise en demeure du 8 décembre 2016 sont entièrement identiques à celles que CEPL avait déjà soumises en avril 2016 et portées à l’attention du Ministre dans le cadre du processus de consultation publique ayant mené à la décision du 31 octobre 2016. Strictement rien n’y a été ajouté.

[41]  Compte tenu de l’absence d’éléments nouveaux soumis par CEPL, rien n’autorise à conclure qu’en rendant sa Décision, le Délégué du Ministre aurait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable eu égard au contexte factuel en cause. Aussi, tant le cadre législatif que le contexte factuel démontrent  que la Décision du Délégué du Ministre est raisonnable et s’inscrit dans le spectre des issues possibles et acceptables au regard des faits et du droit.

C.  Les motifs invoqués par CEPL ne démontrent pas que la Décision du Délégué du Ministre est déraisonnable

[42]  J’aborde maintenant les deux arguments mis de l’avant par CEPL pour convaincre la Cour de déclarer déraisonnable et invalide la Décision du Délégué du Ministre.

[43]  Au premier abord, les deux reproches formulés par CEPL ne semblent aucunement viser la lettre du 13 janvier 2017 du Délégué du Ministre, bien que CEPL les présente dans ses soumissions comme étant des éléments qui justifieraient d’invalider cette Décision. En fait, la mise en demeure transmise par CEPL et à laquelle répond le Délégué du Ministre dans sa Décision somme le Ministre de reconsidérer sa décision d’octobre 2016 et d’interdire l’aménagement de l’aérodrome projeté. La demande de contrôle judiciaire de CEPL fait donc ressortir que le recours de CEPL possède en fait tous les attributs d’une attaque déguisée à l’endroit de la décision du Ministre, sous le couvert d’une demande de reconsidération. Les griefs de CEPL relatifs à l’abdication des prérogatives du Ministre en matière de sécurité aérienne et au manquement de tenir compte d’éléments factuels et d’orientations ministérielles visent assurément et avant tout le bien-fondé de la décision du Ministre d’octobre 2016. Cela dit, je reconnais que, dans sa Décision, le Délégué du Ministre a fourni certaines informations générales au sujet du risque aviaire et a expliqué en quoi cet élément a été pris en compte dans le contexte de la décision du Ministre. On pourrait donc y voir le reflet d’un certain chevauchement entre les motifs de la décision du Ministre d’octobre 2016 et ceux sous-jacents à la Décision du Délégué du Ministre de janvier 2017. Et, dans cette mesure, les arguments avancés par CEPL pourraient être lus comme visant également la Décision du Délégué du Ministre.

[44]  Même si je donne le bénéfice du doute à CEPL, et que je considère alors les arguments avancés par elle non pas comme la seule contestation indirecte de la décision du Ministre qu’ils semblent être, mais comme des motifs au soutien de son recours à l’encontre de la Décision du Délégué du Ministre, je ne suis pas convaincu qu’ils suffisent à démontrer que la Décision est déraisonnable et qu’ils justifient l’intervention de la Cour.

(1)  Il n’y a pas eu d’abdication de pouvoirs

[45]  Le CEPL prétend d’abord que le Ministre aurait agi illégalement en abdiquant ses prérogatives en matière de sécurité et de sûreté des activités aéronautiques, notamment son pouvoir de prendre des mesures pour la sûreté aérienne en vertu du paragraphe 4.72(1) de la Loi sur l’aéronautique. Il existe, aux dires de CEPL, un risque manifeste pour la sécurité aérienne attribuable à la faune aviaire vu l’emplacement de l’aérodrome projeté près du LET de Lachenaie, et aucune mesure concrète n’a été mise de l’avant par le Ministre pour y faire face. CEPL reproche au Ministre de s’en remettre aux exploitants de l’éventuel aérodrome afin de prendre les mesures appropriées pour mitiger le risque aviaire par le biais de « programmes de gestion» et plaide que ceci constitue une abdication déraisonnable de ses pouvoirs. CEPL reconnaît que le Règlement prévoit que seuls les exploitants d’un « aéroport », et non d’un « aérodrome », ont l’obligation d’élaborer et de mettre en œuvre un plan de gestion de la faune. Mais, selon CEPL, cela témoigne du fait que, vu le silence du Règlement, les exploitants de l’aérodrome projeté n’ont et n’auront donc aucune obligation d’élaborer un plan de gestion une fois l’aménagement de l’aérodrome complété, et que le Ministre ne pouvait donc simplement s’en remettre à leur bonne volonté.

[46]  CEPL recense notamment le passage de la Décision de janvier 2017 dans lequel le Délégué du Ministre affirme que « les exploitants de l’aérodrome sont responsables de prendre les mesures appropriées pour mitiger, le cas échéant, les effets négatifs en élaborant des programmes de gestion efficace ». Selon CEPL, il est déraisonnable que les exploitants de l’aérodrome projeté n’aient aucune obligation plus précise d’élaborer un tel plan de gestion. CEPL soutient que le Ministre doit plutôt utiliser les pouvoirs qui lui sont dévolus et doit délivrer un arrêté ministériel en vertu du paragraphe 4.32(1) de la Loi sur l’aéronautique afin d’interdire l’aménagement de l’aérodrome projeté. CEPL ajoute que, dans les circonstances, cette façon de traiter le risque a posteriori et de s’en remettre aux éventuels exploitants de l’aérodrome constitue une abdication illégale du devoir du Ministre. S’appuyant notamment sur la décision St-Damien (Municipalité de) c Québec (Ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs), 2012 QCCS 2897 [St-Damien] aux para 434, 437), CEPL soutient que ce comportement du Ministre serait « tout à fait déraisonnable et contre l’intérêt public ».

[47]  Je ne partage pas le point de vue de CEPL. Je suis plutôt d’avis que le Ministre a rendu la décision qu’il pouvait rendre et a fait ce que le cadre législatif et règlementaire érigé par la Loi sur l’aéronautique et le Règlement l’autorise à faire, soit de remettre la question aux Promoteurs de l’aérodrome projeté.

[48]  Je partage l’avis des défendeurs à l’effet que CEPL confond la notion d’abdication de pouvoirs avec l’exercice du pouvoir réglementaire prévu par la Loi sur l’aéronautique. Une abdication de pouvoirs signifie que le décideur n’exerce pas lui-même sa discrétion ou rend une décision en se basant sur les conclusions d’un tiers ou sur des documents par lesquels il se serait erronément lié. Or, en l’espèce, le régime retenu par le Ministre selon lequel les exploitants se voient confier la responsabilité de déterminer et de mettre en place les mesures requises en matière de risque aviaire, constitue un choix réglementaire validement exercé et ouvert au Ministre aux termes des articles 4.9 de la Loi sur l’aéronautique et 302.301 et suivants du Règlement. Non seulement n’y a-t-il pas abdication de pouvoirs, mais il y a en fait l’exercice d’un pouvoir et d’une option que prévoit le cadre législatif et règlementaire applicable.

[49]  Le Règlement établit une distinction entre les aéroports et les aérodromes. À sa Partie III et aux articles 302.301 et suivants, le Règlement prévoit un régime réglementaire lourd et précis pour la gestion de la faune dans les aéroports. Cependant, les règles imposant à l’exploitant d’un aéroport d’élaborer un plan de gestion de la faune conformément à l’article 302.305 du Règlement ne s’appliquent qu’aux aéroports et non aux aérodromes, comme le reconnaît d’ailleurs CEPL dans ses soumissions. Du même souffle, les exigences relatives aux plans de gestion de la faune s’appliquent aux aéroports, et ne sont pas étendues aux aérodromes. Certes, le Ministre pourrait décider de prolonger ce régime à certains aérodromes mais, en l’espèce, il ne l’a pas fait.

[50]  Dans sa Décision, le Délégué du Ministre rappelle expressément cet état de choses en précisant que, lorsque des terrains avoisinant un aérodrome font l’objet d’utilisations pouvant attirer la faune, les exploitants de l’aérodrome sont responsables de prendre les mesures appropriées pour mitiger, le cas échéant, les effets négatifs en élaborant des programmes de gestion efficaces. La Décision informe ainsi CEPL du cadre réglementaire existant en matière de risque aviaire et de la responsabilité imposée aux exploitants d’un aérodrome de déterminer et de mettre en place les mesures requises pour en éviter les effets négatifs. Il ne s’agit pas là d’une indication ou d’une preuve d’abdication de pouvoirs. Cette possibilité découle plutôt du Règlement lui-même. Le fait de conférer aux Promoteurs la responsabilité de déterminer et de mettre en place les mesures requises en matière de risque aviaire pour le nouvel aérodrome projeté est donc un choix réglementaire validement exercé aux termes de la Loi sur l’aéronautique et de son cadre réglementaire, et qui doit être respecté. Certes, ce n’est pas ce que souhaite CEPL, mais puisque la Loi sur l’aéronautique et le Règlement permettent cette possibilité et que c’est ce pouvoir réglementaire qui a été exercé par le Ministre, la Décision du Délégué du Ministre d’y faire référence ne saurait constituer une conclusion déraisonnable.

[51]  Par ailleurs, en l’espèce, lorsque le Ministre s’en remet aux exploitants comme le lui permet le régime réglementaire, il le fait dans un contexte factuel où les Promoteurs se sont spécifiquement engagés à élaborer et à mettre en place un plan de gestion de la faune, même s’ils ne sont pas assujettis aux impératifs règlementaires précis qui incombent aux exploitants d’un aéroport. CEPL conteste la suffisance de cet engagement mais, à la lecture du Rapport et de la Note qui ont servi de points d’ancrage pour la décision du Ministre d’octobre 2016, je suis satisfait qu’il y avait là un engagement clair des Promoteurs à cet égard. Dans les circonstances, laisser la responsabilité aux Promoteurs de mettre en place un plan de gestion de la faune pour l’aérodrome projeté fait donc partie des issues possibles et acceptables qui étaient ouvertes au Ministre.

[52]  La version détaillée du Rapport stipule en effet qu’en regard des objections relatives à la « proximité d’un site d’enfouissement et de traitement des sols contaminés incluant le péril aviaire », les Promoteurs connaissent le site retenu et proposent, à titre de mesures, « de développer et d’appliquer un manuel de gestion de la Faune ». Dans la Note préparée pour le Ministre (laquelle, je le rappelle, recommandait à ce dernier d’aviser les Promoteurs que l’aménagement de l’aérodrome projeté peut débuter), on indique que l’évaluation du Rapport a permis de déterminer que les Promoteurs proposent « des mesures de mitigation en réponse à la grande majorité des commentaires reçus lors de la consultation », et que les actions proposées permettront une opération sécuritaire aux yeux de TC. On y mentionne aussi que les Promoteurs s’engagent « à produire un plan de gestion de la faune afin d’assurer un contrôle faunique sur [leurs] installations » et proposent « d’investir pour mettre en œuvre des mesures compensatoires et ainsi, diminuer les impacts écologiques et environnementaux ». Pour sa part, le rapport d’analyse joint comme annexe à la Note mentionne lui aussi que les Promoteurs s’engagent « à produire un plan de gestion afin d’assurer un contrôle faunique sur [leurs] installations » et que les « procédures de contrôle pourront mitiger les impacts soulevés quant à la proximité du site d’enfouissement de Lachenaie ». J’observe que, comme CEPL l’a relevé, certains extraits du Rapport et de la Note restent plus vagues et disent plutôt qu’un plan de gestion de la faune « pourra être mis en place, si le problème apparaît », laissant planer une certaine incertitude quant à l’éventualité d’un plan de gestion du péril aviaire. Toutefois, je suis satisfait qu’à la lecture de l’ensemble du Rapport et de la Note, il ressort clairement qu’un engagement est effectivement pris par les Promoteurs pour un plan de gestion de la faune sur le site de l’aérodrome projeté. Considérant l’absence d’exigences expresses dans le cadre réglementaire, il ne fait pas de doute à mon avis que, malgré des paramètres qui restent à être précisés, les Promoteurs ont fourni des engagements qu’il était raisonnable pour le Ministre de juger adéquats. Encore une fois, je ne vois pas comment, dans ces circonstances et avec cette trame factuelle, on peut qualifier de déraisonnable et contraire à l’intérêt public la décision du Ministre de permettre l’aménagement de l’aérodrome projeté, ou la référence qu’y fait le Délégué du Ministre.

[53]  La décision St-Damien sur laquelle s’appuie CEPL ne lui est pas d’un grand secours. Dans St-Damien, le juge de la Cour supérieure du Québec avait déclaré déraisonnable l’octroi d’un certificat d’autorisation quant à l’exploitation d’une entreprise de disposition et recyclage de boues de fosses septiques en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement. La Cour supérieure a jugé que l’office gouvernemental en question avait erré en se fiant à un rapport rendu par un tiers et en se remettant aux mesures de contrôles, insuffisantes, prévues par celui-ci sans faire de vérification additionnelle, et en ne prévoyant ainsi aucun suivi particulier, faisant fi des faits indiquant la présence de risques importants. Mais, dans cette affaire, la Cour supérieure souligne à plus d’une reprise l’absence totale d’un cadre réglementaire pour baliser l’exercice du pouvoir discrétionnaire aux termes de la loi en cause (St-Damien aux para 29, 438). Les faits qui sous-tendent la décision dans St-Damien se distinguent donc aisément de ceux que le Ministre et son Délégué avaient devant eux en l’instance.

[54]  Pour l’ensemble de ces raisons, je ne suis pas convaincu qu’il y ait eu l’abdication de pouvoirs dont se plaint CEPL, et que ce reproche pourrait suffire à rendre déraisonnable la Décision du Délégué du Ministre.

(2)  Les éléments factuels pertinents et les politiques et orientations de TC ont été pris en compte

[55]  CEPL reproche également au Ministre de ne pas avoir tenu compte des éléments factuels dont il dispose ni des orientations de son ministère sur la norme de distance sécuritaire avec un LET. Ainsi, CEPL soutient que le Ministre aurait ignoré divers manuels, guides et publications publiés par TC qui traitent du péril aviaire à proximité des installations et des activités aéronautiques. CEPL avance que de tels guides et publications permettent de baliser le pouvoir discrétionnaire du Ministre (Société en commandite Investissements Richmond c Québec (Procureure générale) (Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques), 2015 QCCS 313 au para 82; Nu-pharm inc c Québec (Ministre de la santé et des services sociaux), [2000] RJQ 2478 (QC CA) aux para 46-47). CEPL fait aussi valoir que, si dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire le Ministre peut décider d’aller à l’encontre des normes prescrites par son propre ministère, encore faut-il qu’il justifie les raisons particulières pour s’écarter de celles-ci (Centre québécois du droit de l’environnement c Canada (Environnement), 2015 CF 773 [CQDE] au para 73).

[56]  Plus particulièrement, CEPL souligne que l’emplacement de l’aérodrome projeté ne respecterait pas une distance de 15 kilomètres entre l’extrémité d’une piste et un LET, sous réserve d’une étude portant sur le péril aviaire indiquant que ces sites ne sont pas susceptibles de poser un problème, dont fait état TC dans sa publication « Aérodromes – Normes et Pratiques recommandées (TP312) ». CEPL soutient aussi que l’emplacement de l’aérodrome projeté ne respecterait pas plus la distance minimale sécuritaire de huit (8) kilomètres par rapport à un LET, que prescrirait TC dans le Guide. CEPL admet que la Décision du Délégué du Ministre mentionne notamment le Guide et le fait qu’il comporte des recommandations et non des règlements, mais elle rappelle toutefois que le Guide et les autres publications de TC sont représentatifs de l’orientation à adopter lors de la prise de décision en matière de sécurité aérienne quant à la faune présente près des aérodromes, et qu’ils sont le reflet d’une administration saine et cohérente de la loi.

[57]  Selon CEPL, rien dans les documents qui étaient disponibles lors de sa prise de décision n’appuie logiquement la prise de position du Ministre à l’effet qu’il était convenable d’aller à l’encontre des orientations de son ministère et de permettre l’aménagement de l’aérodrome projeté malgré le fait qu’il sera situé à une distance trop rapprochée du LET de Lachenaie (CQDE au para 74).

[58]  Encore une fois, je ne suis pas d’accord avec CEPL.

[59]  Je ne décèle rien dans le dossier ou dans les arguments avancés par CEPL qui démontre de la mauvaise foi ou de l’arbitraire dans la Décision du Délégué du Ministre, ou un recours à des considérations non pertinentes. Les motifs détaillés dans la Décision du Délégué du Ministre font écho aux motifs retenus par le Ministre dans sa propre décision d’octobre 2016. Loin d’avoir été ignorées ou contredites, il appert que les directives et politiques ont été considérées et appliquées, tant par le Ministre que par le Délégué du Ministre. En regard de la norme de la décision raisonnable, particulièrement dans un contexte où un degré élevé de retenue est dû en regard du large pouvoir discrétionnaire dont jouissent le Ministre et son Délégué (non seulement dans le contexte étroit de la Décision donnant suite à la mise en demeure, mais plus largement en ce qui a trait aux décisions prises en vertu de la Loi sur l’aéronautique et du Règlement, matières en lesquelles le Ministre est présumé être expert), les arguments de CEPL sont peu convaincants.

[60]  Tel que mentionné plus haut, il appert d’abord du Rapport et de la Note à l’appui de la décision du Ministre d’octobre 2016 que les préoccupations quant à la proximité du LET de Lachenaie ont été considérées et adressées. En effet, dans les tableaux reproduits tant dans les versions sommaire que détaillée du Rapport, on trouve un « Résumé des observations, objections et mesures prévues ». Or, il y est indiqué que la « proximité d’un site d’enfouissement et de traitement des sols contaminés incluant le péril aviaire » était une considération soulevée par les municipalités de Mascouche et de Terrebonne ainsi que par d’autres acteurs. Dans la colonne de « mesures prévues » pour le point 15, on lit donc qu’il s’agit d’un « [f]ait déjà connu [à l’aéroport de Mascouche]. Un plan de gestion de la faune pourra être mis en place, si le problème apparait ». Pareillement, dans le rapport d’analyse annexé à la Note, on peut lire que « la Corporation s’engage à produire un plan de gestion de la faune afin d’assurer un contrôle faunique sur ses installations. Les procédures de contrôle pourront mitiger les impacts soulevés quant à la proximité du site d’enfouissement de Lachenaie ». L’enjeu de la proximité du lieu des installations de CEPL a donc été évalué par le Ministre dans son processus décisionnel.

[61]  De plus, je ne suis pas d’avis qu’on peut reprocher au Ministre d’avoir ignoré les directives et politiques en places, ou de s’en être écarté. En ce qui a trait aux manuels, guides et publications du ministère, il est d’abord bien établi que ces documents ne peuvent revêtir une portée qui entraverait l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire d’un décideur (Maple Lodge Farms aux pp 6-7; Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 [Agraira] au para 60). Ce sont des outils d’information contenant des recommandations disponibles aux divers intervenants du milieu de l’aéronautique afin qu’ils puissent adopter des mesures appropriées en regard de chaque situation particulière. Comme l’a rappelé le juge LeBel dans l’affaire Agraira, de tels manuels ne constituent pas un code définitif et rigide, mais contiennent plutôt un ensemble de facteurs dont un ministre peut tenir compte dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. En l’absence d’une disposition législative leur accordant un poids et un effet normatifs, on ne saurait qualifier une décision ne les suivant pas comme étant déraisonnable (Waycobah au para 12; Maple Lodge Farms aux pp 6-8).

[62]  Par ailleurs, je ne suis pas persuadé que les guides et politiques de TC imposent les contraintes que CEPL semble vouloir y lire. Les défendeurs ont indiqué lors de l’audience que la référence à la distance de 15 kilomètres provient du Guide, qui date de mai 2004. Or, la version révisée de ce Guide qui date de septembre 2015 (soit la Publication TP312) ne mentionnerait pas cette zone de 15 kilomètres. De la même manière, la publication intitulée « Aviation – Utilisation des terrains au voisinage des aérodromes – TP1247 », dont la dernière mise à jour date de 2013-2014, ne comporte plus la référence à la zone de huit (8) kilomètres provenant du Guide et sur laquelle table CEPL. Lorsque ce document réfère au péril aviaire et au risque des représentent des terrains dangereux comme les sites d’enfouissement de déchets putrescibles, il ne recommande pas une interdiction pure et simple d’un aérodrome à proximité de ces lieux, mais précise plutôt que l’évaluation peut varier selon chaque situation. L’approche préconisée en est une fondée sur la gestion des risques : l’acceptation d’utilisation des terrains est adaptée à l’emplacement et elle ne peut être déterminée « qu’au moyen d’évaluations détaillées de chaque aérodrome et de ses environs ». Et ce, même si les LET représentent des lieux à risque potentiellement élevé. De plus, le document TP1247 souligne « que l’on peut réduire les risques associés aux nombreuses utilisations des terrains par une atténuation et une surveillance appropriées ».

[63]  Le Guide illustre également que l’approche réglementaire mise sur la souplesse donnée aux aéroports pour la planification et la gestion de la faune afin de déterminer les méthodes de conformité. Un autre document soumis par CEPL, soit l’« Annexe B – Processus d’analyse des risques liés au péril aviaire aux aéroports » joint à la publication TP8240, ne parle pas de stricte interdiction d’installer des aérodromes à proximité de lieux connus pour la présence d’espèces fauniques, mais indique plutôt que les risques peuvent être atténués par la surveillance et que les niveaux de risque attribués aux espèces peuvent varier. Il y a donc une certaine discrétion laissée au Ministre dans l’appréciation et l’évaluation des risques et des mesures à prendre pour les atténuer.

[64]  De plus, contrairement aux prétentions de CEPL, il y a également des passages du Guide qui appuient les affirmations du Délégué du Ministre à l’effet que la vitesse des aéronefs a une incidence sur les risques aviaires, et que les moteurs à piston, turbopropulseurs et turbomoteurs qui équipent les plus petits aéronefs sont moins susceptibles de subir d’importants dommages résultant  des impacts d’oiseaux. Enfin, il faut préciser que, dans le cas de l’aérodrome projeté à Mascouche/Terrebonne, le contexte factuel dont le Ministre disposait indiquait que l’ancien aéroport de Mascouche avait opéré sans problème de faune aviaire pendant 40 ans, et qu’il était déjà situé en deçà d’un rayon de huit (8) kilomètres du LET de Lachenaie.

[65]  J’ajoute que la Note pour le Ministre et les documents qui y sont joints font bien ressortir que le Ministre a considéré une panoplie de facteurs avant de prendre sa décision d’octobre 2016, y compris les engagements des Promoteurs et leur expérience de gestion de la faune en tant qu’ancien exploitant de l’aéroport de Mascouche.

[66]  Au surplus, si jamais il s’avérait que des enjeux de sécurité se manifestent, le Ministre pourrait toujours se prévaloir des pouvoirs dont il dispose encore pour intervenir et prendre les mesures pour que soit assurée la sécurité aérienne. D’ailleurs, la Note préparée pour le Ministre indique que ce dernier pourrait, au besoin, exiger la certification de l’aérodrome projeté, engendrant de ce fait l’application d’une panoplie d’exigences règlementaires applicables aux aéroports et de dispositions encadrant l’exploitation du site, et que ceci reste une option qui pourrait être envisagée.

[67]  Je ne peux donc pas conclure que le deuxième argument avancé par CEPL suffit à démontrer que la Décision du Délégué du Ministre était déraisonnable. Tout au contraire, la Décision n’est pas entachée d’erreurs de droit déraisonnable, elle fait partie des issues possibles et acceptables dans les circonstances, et il n’appartient pas à la Cour de s’immiscer dans les conclusions rendues par le Ministre et son Délégué dans le cadre de leur expertise.

D.  Les conditions pour l’octroi de mandamus ne sont pas remplies

[68]  Finalement, je partage l’avis du Ministre sur le fait que plusieurs des conclusions recherchées par CEPL sont de la nature du mandamus et ne peuvent pas être prononcées par cette Cour dans les circonstances. Je réfère ici aux conclusions demandant à la Cour d’ordonner au Ministre de reconsidérer sa position relativement au projet d’aménagement d’un aérodrome dans les villes de Mascouche et Terrebonne; de délivrer un arrêté en vertu du paragraphe 4.32(1) de la Loi sur l’aéronautique afin d’interdire le projet; et de s’opposer à l’aménagement de tout aérodrome à moins de huit (8) kilomètres du LET de Lachenaie.

[69]  Bien que CEPL n’aborde pas dans ses soumissions les critères qui doivent être satisfaits par toute personne qui recherche un mandamus à l’encontre d’une autorité publique, ceux-ci sont bien établies par la jurisprudence (Apotex Inc c Canada, [1994] 1 CF 742 (CAF) [Apotex] au para 45, conf par [1994] 3 RCS 1100; Magalong c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 966 au para 22). Un mandamus est un recours extraordinaire, et les principales conditions présidant à la délivrance d’un bref de mandamus sont clairement exposées dans l’arrêt Apotex. Ces conditions sont cumulatives et toutes doivent être réunies avant que la Cour ne puisse envisager de délivrer un bref de mandamus. Elles incluent notamment : 1) l’existence d’une obligation légale d’agir à caractère public; 2) le fait que cette obligation doit exister envers le demandeur; et 3) l’existence d’un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation, notamment en ce que a) le demandeur a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation et b) il y a eu (i) une demande d’exécution de l’obligation, (ii) un délai raisonnable a été accordé pour permettre de donner suite à la demande à moins que celle-ci n’ait été rejetée sur-le-champ, et (iii) un refus ultérieur, exprès ou implicite, par exemple un délai déraisonnable (Apotex au para 45). D’autres s’y ajoutent mais il n’est pas nécessaire de les considérer dans le cas qui nous occupe.

[70]  Compte tenu du caractère cumulatif de ces conditions, il suffit, pour disposer des conclusions de mandamus contenues dans la demande de contrôle judiciaire de CEPL, de traiter de l’existence « d’un droit clair d’obtenir l’exécution d’une obligation ». En l’espèce, pour les raisons exposées plus haut, il ne fait aucun doute qu’il n’existait aucune obligation légale pour le Ministre de reconsidérer sa décision d’octobre 2016, et la mise en demeure envoyée par CEPL n’est pas non plus une source d’obligation. Il n’y a donc aucune obligation légale d’agir comme l’aurait souhaité CEPL, si bien que la Cour ne saurait ordonner les remèdes de nature mandatoire recherchés par CEPL.

IV.  Conclusion

[71]  Pour les motifs énoncés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire de CEPL est rejetée. Selon la norme de la décision raisonnable, il suffit qu’une décision susceptible de contrôle judiciaire ait les caractéristiques exigées de justification, de transparence et d’intelligibilité. En l’espèce, la Décision fait partie des issues possibles et acceptables que pouvait déterminer le Délégué du Ministre dans les circonstances au regard des faits et du droit. Par conséquent, je ne peux pas infirmer la Décision du Délégué du Ministre et il n’y a pas de motifs justifiant l’intervention de la Cour.


JUGEMENT au dossier T-191-17

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens;

 « Denis Gascon »

Juge


ANNEXE I

Les dispositions pertinentes de la Loi sur l’aéronautique se lisent comme suit :

Autorisation ministérielle

Delegation by Minister

4.3 (1) Le ministre peut autoriser toute personne, individuellement ou au titre de son appartenance à telle catégorie de personnes, à exercer, sous réserve des restrictions et conditions qu’il précise, les pouvoirs et fonctions que la présente partie lui confère, sauf le pouvoir de prendre des règlements, arrêtés, mesures de sûreté ou directives d’urgence.

4.3 (1) The Minister may authorize any person or class of persons to exercise or perform, subject to any restrictions or conditions that the Minister may specify, any of the powers, duties or functions of the Minister under this Part, other than the power to make a regulation, an order, a security measure or an emergency direction.

Réserve

Exception

(1.1) Malgré le paragraphe (1), le ministre peut autoriser toute personne, individuellement ou au titre de son appartenance à telle catégorie de personnes, à prendre des arrêtés, mesures de sûreté ou directives d’urgence s’il y est expressément autorisé par une disposition de la présente partie.

(1.1) Despite subsection (1), the Minister may authorize any person or class of persons to make an order, a security measure or an emergency direction if a provision of this Part specifically authorizes the Minister to do so.

Arrêtés ministériels

Ministerial orders

(2) Le ministre peut, lorsque le gouverneur en conseil l’y autorise par règlement, prendre des arrêtés en toute matière que ce dernier peut régir par règlement au titre de la présente partie.

(2) The Governor in Council may by regulation authorize the Minister to make orders with respect to any matter in respect of which regulations of the Governor in Council under this Part may be made.

Subdélégation

Deputy may be authorized to make orders

(3) Le ministre peut autoriser le sous-ministre à prendre des arrêtés dans les domaines mentionnés à l’alinéa 4.9 l).

(3) The Minister may authorize his deputy to make orders with respect to the matters referred to in paragraph 4.9 (l).

[…]

[…]

Arrêtés ministériels

Ministerial order

4.32 (1) S’il estime que l’aménagement ou l’agrandissement d’un aérodrome donné ou un changement à son exploitation risque de compromettre la sécurité aérienne ou n’est pas dans l’intérêt public, le ministre peut prendre un arrêté pour l’interdire.

4.32 (1) The Minister may make an order prohibiting the development or expansion of a given aerodrome or any change to the operation of a given aerodrome, if, in the Minister’s opinion, the proposed development, expansion or change is likely to adversely affect aviation safety or is not in the public interest.

Exemption

Exemption

(2) L’arrêté n’est pas soumis à l’examen, à l’enregistrement et à la publication prévus par la Loi sur les textes réglementaires.

(2) An order under subsection (1) is exempt from examination, registration and publication under the Statutory Instruments Act.

[…]

[…]

Mesures de sûreté

Security Measures

Pouvoir du ministre: mesures de sûreté

Minister may make security measures

4.72 (1) Le ministre peut prendre des mesures pour la sûreté aérienne.

4.72 (1) The Minister may make measures respecting aviation security.

Réserve

Restriction

(2) Le ministre ne peut prendre de mesure de sûreté sur une question que si :

(2) The Minister may only make a security measure in relation to a particular matter if

a) d’une part, celle-ci peut faire l’objet d’un règlement sur la sûreté aérienne;

(a) an aviation security regulation could be made in relation to that matter; and

b) d’autre part, la sûreté aérienne ou la sécurité d’un aéronef, d’un aérodrome ou d’autres installations aéronautiques ou celle du public, des passagers ou de l’équipage d’un aéronef serait compromise si la matière qui fait l’objet de la mesure de sûreté était incluse dans un règlement et que celui-ci devenait public.

(b) aviation security, the security of any aircraft or aerodrome or other aviation facility or the safety of the public, passengers or crew members would be compromised if the particular matter that is to be the subject of the security measure were set out in a regulation and the regulation became public.

[…]

[…]

Réglementation sur l’aéronautique

Regulations respecting aeronautics

4.9 Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements sur l’aéronautique et notamment en ce qui concerne:

4.9 The Governor in Council may make regulations respecting aeronautics and, without restricting the generality of the foregoing, may make regulations respecting

[…]

[…]

k.1) l’interdiction d’aménager ou d’agrandir des aérodromes ou d’apporter tout changement à leur exploitation;

(k.1) the prohibition of the development or expansion of aerodromes or any change to the operation of aerodromes;

k.2) les consultations que doivent mener les promoteurs d’aérodromes avant d’aménager un aérodrome ou par les exploitants d’aérodromes avant d’agrandir un aérodrome ou d’apporter tout changement à son exploitation;

(k.2) the consultations that must be carried out by the proponent of an aerodrome before its development or by the operator of an aerodrome before its expansion or any change to its operation;

l) l’interdiction de l’usage de l’espace aérien ou d’aérodromes;

(l) the prohibition of the use of airspace or aerodromes;

m) l’interdiction de tout autre acte ou chose qui peut être visée par un règlement d’application de la présente partie;

(m) the prohibition of the doing of any other act or thing in respect of which regulations under this Part may be made;


Les dispositions pertinentes du Règlement se lisent comme suit :

Sous-partie 1 — Définitions

Subpart 1 — Interpretation

[…]

[…]

aéroport Aérodrome à l’égard duquel un certificat d’aéroport délivré en vertu de la sous-partie 2 de la partie III est en vigueur.

airport means an aerodrome in respect of which an airport certificate issued under Subpart 2 of Part III is in force

[…]

[…]

Sous-partie 2 — Aéroports

Subpart 2 — Airports

Section I — Généralités

Division I — General

Application

Application

302.01 (1) Sous réserve du paragraphe (2), la présente sous-partie s’applique :

302.01 (1) Subject to subsection (2), this Subpart applies in respect of

a) aux aérodromes situés dans la zone bâtie d’une ville ou d’un village;

(a) an aerodrome that is located within the built-up area of a city or town;

b) aux aérodromes terrestres utilisés par un exploitant aérien afin de fournir un service aérien régulier de transport de passagers;

(b) a land aerodrome that is used by an air operator for the purpose of a scheduled service for the transport of passengers; and

c) à tout autre aérodrome, autre qu’un aérodrome visé au paragraphe (2), pour lequel le ministre est d’avis que le respect des exigences nécessaires à la délivrance d’un certificat d’aéroport serait dans l’intérêt public et augmenterait la sécurité quant à l’utilisation de l’aérodrome.

(c) any other aerodrome, other than an aerodrome referred to in subsection (2), in respect of which the Minister is of the opinion that meeting the requirements necessary for the issuance of an airport certificate would be in the public interest and would further the safe operation of the aerodrome.

(2) La présente sous-partie ne s’applique pas :

(2) This Subpart does not apply in respect of

a) aux aérodromes militaires;

(a) a military aerodrome;

b) aux aérodromes terrestres visés à l’alinéa (1)b) si le ministre a délivré une autorisation écrite aux termes de laquelle l’exploitant aérien peut utiliser cet aérodrome pour y atterrir ou y décoller;

(b) a land aerodrome referred to in paragraph (1)(b) where the Minister has issued a written authorization for each air operator using the aerodrome to land at and take-off from the aerodrome; or

c) aux héliports.

(c) heliports.

(3) Le ministre délivre l’autorisation visée à l’alinéa (2)b) s’il est possible de préciser dans l’autorisation des conditions visant l’utilisation de l’aérodrome qui permettront d’assurer un niveau de sécurité équivalent à celui établi par la présente sous-partie; en pareil cas, le ministre précise dans l’autorisation ces conditions

(3) The Minister shall issue an authorization referred to in paragraph (2)(b) where it is possible to specify conditions in the authorization that will ensure a level of safety in respect of the use of the aerodrome that is equivalent to the level of safety established by this Subpart, and, in any such authorization, the Minister shall specify those conditions.

[…]

[…]

Section III — Planification et gestion de la faune aux aéroports

Division III — Airport Wildlife Planning and Management

[…]

[…]

Application

Application

302.302 (1) Sous réserve du paragraphe (2), la présente section s’applique, selon le cas :

302.302 (1) Subject to subsection (2), this Division applies to airports

a) aux aéroports où ont été effectués, au cours de l’année civile précédente, 2 800 mouvements d’aéronefs commerciaux de transport de passagers qui sont utilisés sous le régime des sous-parties 4 ou 5 de la partie VII;

(a) that, within the preceding calendar year, had 2 800 movements of commercial passenger-carrying aircraft operating under Subpart 4 or 5 of Part VII;

b) aux aéroports qui sont situés dans une zone bâtie;

(b) that are located within a built-up area;

c) aux aéroports qui disposent d’une installation d’élimination des déchets située dans un rayon de 15 km du centre géométrique de l’aéroport;

(c) that have a waste disposal facility within 15 km of the geometric centre of the airport;

d) aux aéroports où s’est produit un incident mettant en cause un aéronef à turbomoteur qui est entré en collision avec un ou plusieurs animaux sauvages autres que des oiseaux et qui a subi des dommages, est entré en collision avec plus d’un oiseau ou a aspiré un oiseau dans un moteur;

(d) that had an incident where a turbine-powered aircraft collided with wildlife other than a bird and suffered damage, collided with more than one bird or ingested a bird through an engine; or

e) aux aéroports où la présence de périls fauniques, y compris ceux visés à l’article 322.302 des Normes d’aéroports — Planification et gestion de la faune aux aéroports, a été observée dans un circuit de vol à l’aéroport ou sur une aire de mouvement.

(e) where the presence of wildlife hazards, including those referred to in section 322.302 of the Airport Standards-Airport Wildlife Planning and Management, has been observed in an airport flight pattern or movement area.

(2) L’article 302.303 s’applique à tous les aéroports.

(2) Section 302.303 applies to all airports.

[…]

[…]

Plan de gestion de la faune à l’aéroport

Airport Wildlife Management Plan

Généralités

General

302.305 (1) L’exploitant d’un aéroport doit élaborer un plan de gestion de la faune à l’aéroport conformément à l’article 322.305 des Normes d’aéroports — Planification et gestion de la faune aux aéroports.

302.305 (1) The operator of an airport shall develop an airport wildlife management plan in accordance with section 322.305 of the Airport Standards-Airport Wildlife Planning and Management.

(2) L’exploitant de l’aéroport doit soumettre le plan au ministre, à sa demande, conformément aux exigences prévues au paragraphe 322.305(2) des Normes d’aéroports — Planification et gestion de la faune aux aéroports.

(2) The operator of the airport shall submit the plan to the Minister, on request by the Minister, in accordance with the requirements set out in subsection 322.305(2) of the Airport Standards-Airport Wildlife Planning and Management.

(3) L’exploitant de l’aéroport doit conserver une copie du plan à l’aéroport et elle doit être mise à la disposition du ministre, à sa demande.

(3) The operator of the airport shall keep a copy of the plan at the airport and it shall, on request by the Minister, be made available to the Minister.

(4) L’exploitant de l’aéroport doit mettre en œuvre le plan.

(4) The operator of the airport shall implement the plan.

(5) L’exploitant de l’aéroport doit revoir le plan tous les deux ans.

(5) The operator of the airport shall review the plan every two years.

(6) L’exploitant de l’aéroport doit modifier le plan et soumettre au ministre le plan modifié dans les 30 jours de la modification si, selon le cas:

(6) The operator of the airport shall amend the plan and submit the amended plan to the Minister within 30 days of the amendment if

a) la modification est nécessaire à la suite de la revue effectuée en application du paragraphe (5);

(a) the amendment is necessary as a result of the review conducted under subsection (5);

b) un incident mettant en cause un aéronef à turbomoteur qui est entré en collision avec un ou plusieurs animaux sauvages autre qu’un oiseau et qui a subi des dommages, est entré en collision avec plus d’un oiseau ou a aspiré un oiseau dans un moteur;

(b) an incident has occurred in which a turbine-powered aircraft collided with wildlife other than a bird and suffered damage, collided with more than one bird or ingested a bird through an engine;

c) une variation dans la présence des périls fauniques, y compris ceux visés à l’article 322.302 des Normes d’aéroports — Planification et gestion de la faune aux aéroports, a été observée dans un circuit de vol à l’aéroport ou sur une aire de mouvement;

(c) a variation in the presence of wildlife hazards, including those referred to in section 322.302 of the Airport Standards-Airport Wildlife Planning and Management, has been observed in an airport flight pattern or movement area; or

d) il y a eu un changement, selon le cas :

(d) there has been a change

(i) dans le processus de gestion de la faune ou les méthodes utilisées pour gérer ou limiter les périls fauniques,

(i) in the wildlife management procedures or in the methods used to manage or mitigate wildlife hazards,

(ii) dans les types d’aéronefs à l’aéroport,

(ii) in the types of aircraft at the airport, or

(iii) dans les types d’opérations aériennes à l’aéroport

(iii) in the types of aircraft operations at the airport.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-191-17

INTITULÉ :

COMPLEXE ENVIRO PROGRESSIVE LTÉE c LE MINISTRE DES TRANSPORTS ET LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 mai 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GASCON

DATE DES MOTIFS :

LE 21 DÉCEMBRE 2018

COMPARUTIONS :

Robert Daigneault

Pour lA DEMANDERESSE

Linda Mercier

Caroline Laverdière

Pour LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Daigneault, avocats inc.

Montréal (Québec)

pour la demanderesse

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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