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Dossier : IMM‑4969‑18

Référence : 2018 CF 1076

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 24 octobre 2018

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

et

JW alias JH

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre), sollicite une ordonnance visant à surseoir à l’exécution de l’ordonnance modifiée (l’ordonnance de mise en liberté), datée du 15 octobre 2018, par laquelle la commissaire Ko de la Section de l’immigration (SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a ordonné la mise en liberté du défendeur jusqu’à la première des deux dates suivantes, soit la date à laquelle une décision sera rendue relativement à la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de l’ordonnance de mise en liberté, et la date du prochain contrôle des motifs de détention requis par la loi, actuellement fixée au 8 novembre 2018. Si le sursis est accordé, le demandeur sollicite également une ordonnance faisant droit à la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de l’ordonnance de mise en liberté et prévoyant l’instruction accélérée de la demande de contrôle judiciaire.

[2]  Au début de l’audition de la présente requête, le défendeur a demandé à la Cour de rendre une ordonnance de confidentialité, notamment afin de protéger son identité et celle des membres de sa famille. Le demandeur a accepté que cette ordonnance soit rendue. La Cour est convaincue que, dans les circonstances, et d’après les observations de l’avocat du défendeur et les renseignements contenus dans les documents dont elle dispose concernant la procédure connexe en cours se rapportant au statut d’immigrant du défendeur, l’ordonnance de confidentialité devrait être accordée. Par conséquent, le défendeur sera désigné par ses initiales, et les membres de sa famille, selon leurs initiales ou leur lien de parenté. Le dossier de requête et le dossier de demande seront mis sous scellés jusqu’à ce qu’une nouvelle ordonnance soit rendue par la Cour. Le défendeur a accepté de préparer un dossier public dans la mesure où cela s’avère nécessaire.

[3]  Le demandeur et le défendeur ont tous les deux déposé leurs dossiers de demande en plus de leurs dossiers de requête (les dossiers), étant donné que les mêmes renseignements sont pertinents relativement aux deux procédures. Les dossiers ont fourni à la Cour les renseignements détaillés nécessaires pour lui permettre de trancher les questions pertinentes dans le cadre de la présente requête. Dans l’éventualité où le sursis serait accordé et où la demande de contrôle judiciaire serait instruite selon la procédure expéditive, le demandeur et le défendeur ont reconnu que d’autres renseignements (par exemple, des transcriptions supplémentaires des audiences de contrôle des motifs de détention) pourraient être présentés pour compléter leurs dossiers respectifs aux fins de la demande de contrôle judiciaire, et que, le cas échéant, ces renseignements supplémentaires seraient fournis sous forme d’affidavits, au lieu de recourir au dépôt d’un dossier certifié du tribunal.

I.  Le contexte

[4]  En l’espèce, un bref historique des faits est nécessaire pour pouvoir placer les questions en litige dans leur contexte. Toutefois, l’historique exposé ici est loin d’être exhaustif.

[5]  JH, également connu sous le nom de JW, est un fugitif de la Chine, où il est recherché pour des accusations analogues à des accusations de fraude portant sur plusieurs millions de dollars. Les dossiers, qui comprennent des documents de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) décrivant l’historique d’immigration de JH et JW, révèlent notamment que JH est arrivé au Canada en 2012 en tant que visiteur. L’ASFC a plus tard appris que JH avait fui la Chine avec une dette importante. Par conséquent, un rapport d’interdiction de territoire pour fausses déclarations a été établi en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 (la Loi). Un mandat d’arrestation a été émis contre JH, mais ce dernier n’a pas pu être retrouvé.

[6]  En septembre 2013, JH, utilisant le nom JW, a obtenu un visa de résident temporaire grâce à un passeport du Guatemala délivré à JW. Vers la même époque, il a aussi obtenu un visa pour séjours multiples. JW est entré au Canada en octobre 2013 par des chemins détournés. Il a épousé une femme au Canada, puis, en octobre 2016, la demande de parrainage entre époux présentée à son sujet ayant finalement été approuvée, JW est devenu résident permanent du Canada.

[7]  Entre‑temps, l’ASFC a obtenu plus de renseignements de la Chine en ce qui concerne les antécédents de JH et les accusations auxquelles il faisait face en Chine, et qui découlaient de l’obtention illégale de produits de crédit auprès d’institutions financières.

[8]  L’ASFC a aussi appris que JH avait déjà été marié deux fois auparavant, et qu’il avait des enfants en Chine et aux États‑Unis. Ces enfants et ces mariages n’ont pas été divulgués dans ses demandes d’immigration antérieures.

[9]  En octobre 2017, l’ASFC a appris que le passeport du Guatemala qu’avait utilisé JW avait été [traduction« modifié », et que le nom JW ne figurait dans aucun registre du Guatemala. Il a plus tard été révélé que le passeport avait été acheté pour 160 000 $.

[10]  En février 2018, l’ASFC a établi un rapport en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi. Dans ce rapport, il était allégué que JW était interdit de territoire pour fausses déclarations, y compris en ce qui a trait à l’omission de divulguer son identité et aux accusations qui pesaient contre lui en Chine. Le rapport a été transmis à la SI aux fins d’une enquête. L’ASFC a délivré un mandat d’arrestation à l’encontre de JW, au motif qu’il risquait vraisemblablement de se soustraire à son enquête; en d’autres termes, il présentait un risque de fuite.

[11]  L’ASFC a arrêté JW le 22 février 2018 et, depuis cette date, il est placé en détention aux fins de l’immigration, compte tenu de la probabilité qu’il se soustraie à son enquête en n’étant pas détenu.

[12]  Depuis son arrestation, JW a fait l’objet de divers contrôles des motifs de détention en matière d’immigration conformément aux dispositions de la Loi, c’est‑à‑dire dans les sept jours suivant le premier contrôle, et en général tous les 30 jours par la suite.

A.  Contrôles des motifs de détention depuis février 2018

[13]  Les transcriptions des contrôles des motifs de détention ont été versées aux dossiers, et elles ont été examinées. Tous les contrôles des motifs de détention étaient rigoureux. Les commissaires respectifs de la SI qui ont décidé si la détention devait se poursuivre ont tenu compte des facteurs applicables liés au risque de fuite de JW, à savoir notamment : son comportement lorsqu’il est entré au Canada; ses moyens financiers qui lui ont permis d’acheter un passeport, et qui laissent croire que la perte d’une somme correspondant à un cautionnement risque de ne pas avoir d’effet dissuasif; sa relation avec les personnes proposées à titre de cautions et leur capacité à agir en tant que telles; le fait que M. Wong ait des enfants non seulement au Canada, mais également aux États‑Unis et en Chine, de sorte que la présence de membres de la famille au Canada ne constitue pas un lien avec le Canada; et la période qu’il a passée en détention. Aux contrôles des motifs de détention successifs, la SI a conclu que JW présentait un risque de fuite qui ne pouvait pas être atténué, et que le maintien en détention était nécessaire pour assurer sa comparution à son enquête.

[14]  Au premier contrôle des motifs de détention, en mars 2018, le commissaire a conclu que JW présentait un risque élevé de fuite, et que les solutions de rechange à la détention n’atténueraient pas ce risque. Le commissaire a noté que, si la surveillance électronique était utile dans le cas de personnes représentant un danger, elle l’était moins en ce qui concerne des personnes présentant un risque de fuite. Selon les éléments de preuve présentés à ce moment‑là concernant la surveillance électronique, il était possible de retirer les bracelets de surveillance. Le commissaire a également conclu que le cautionnement proposé n’avait pas de caractère dissuasif, étant donné les ressources de JW et l’absence de crédibilité de la caution.

[15]  En avril, la commissaire Ko a effectué le contrôle des motifs de détention. Elle a mentionné les facteurs énoncés à l’article 248 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement), pour ensuite conclure qu’il n’y avait pas de solutions de rechange à la détention. La commissaire Ko a fait remarquer que le comportement de JW indiquait qu’il n’était pas fiable, et que le cautionnement et la caution proposés n’influenceraient probablement pas son comportement, compte tenu du passeport qu’il avait acheté et de son témoignage indiquant qu’il avait suffisamment d’argent pour rembourser une somme confisquée à titre de garantie.

[16]  Des contrôles des motifs de détention ont été tenus en mai, juin, juillet, août et septembre, en donnant toujours lieu à la même conclusion, c’est‑à‑dire que le risque de fuite de JW ne pouvait être atténué par les divers plans de mise en liberté soumis. Une surveillance électronique a été proposée à plusieurs reprises; en outre, divers types d’appareils de surveillance électronique et de mesures d’intervention en cas d’altération de ceux-ci, jumelés à des cautionnements et à des cautions, ont été pris en considération.

[17]  Il convient de noter qu’en juin 2018, la commissaire Ko a examiné les options proposées par JW relativement à une surveillance électronique assurée par l’entreprise Tratek et au cautionnement et à la caution proposés. Elle a conclu que JW demeurerait tout aussi peu susceptible de comparaître à son enquête, laquelle était alors en cours, et que le maintien de sa détention était justifié. La commissaire Ko a indiqué, entre autres, qu’elle avait tenu compte du comportement passé de JW (qu’elle a décrit plus en détail dans sa décision d’avril 2018), y compris ses fausses déclarations et ses histoires changeantes; son intention de venir au Canada pour échapper aux autorités chinoises, son utilisation d’un faux passeport; et sa volonté de dépenser d’importantes sommes d’argent pour rester au Canada tout en évitant d’être repéré par les autorités canadiennes et chinoises. Elle a mentionné la [traduction« situation difficile » dans laquelle il se trouvait, eu égard à une éventuelle conclusion d’interdiction de territoire susceptible de mener à une mesure de renvoi et à l’incertitude concernant sa demande d’asile. La commissaire Ko a de nouveau fait remarquer que la volonté manifestée par JW d’éviter les procédures en matière d’immigration l’avait amenée à mettre en doute sa fiabilité quant à sa présence dans le cadre de futures instances.

[18]  La commissaire Ko a conclu que M. Yan n’était pas une caution fiable, et que le cautionnement de 30 000 $ proposé avait peu de chances d’assurer le respect, par JW, du plan de mise en liberté proposé. Elle a conclu que la personne proposée à titre de caution — c’est‑à‑dire M. Sikorski, qui acceptait de déposer un cautionnement de 20 000 $ —, était bien intentionnée, et que, même si cette personne avait une relation avec le fils de JW, elle n’en avait aucune avec JW. La commissaire Ko a conclu que M. Sikorski avait peu de chances d’exercer une influence ou une pression morale sur JW afin de s’assurer qu’il respecte les conditions, vu la capacité démontrée de JW à ne pas tenir compte de ces conditions, l’incapacité de M. Sikorski à communiquer avec JW et la volonté de ce dernier d’utiliser ses ressources financières pour se soustraire aux procédures en matière d’immigration et éviter d’être repéré.

[19]  La commissaire Ko a également traité du moyen de surveillance électronique précis proposé à ce moment‑là, qui faisait appel au système de Tratek. Entre autres préoccupations, elle a exprimé l’avis selon lequel cette technologie ne constituait pas un moyen efficace de s’assurer que la personne surveillée reste dans des limites géographiques fixées. De plus, la preuve indiquait que les bracelets pouvaient être coupés et que, le cas échéant, il n’y aurait aucune façon de retracer JW. La commissaire Ko a souligné que, dans l’avenir, il pourrait y avoir d’autres technologies susceptibles de répondre à ses préoccupations. Elle a également fait état de préoccupations concernant la capacité de l’ASFC d’assurer une surveillance.

[20]  La commissaire Ko a estimé que, pour le moment, la surveillance électronique n’était pas une option viable, et elle a ajouté que son refus d’accepter la surveillance électronique était [traduction« dû au fait qu[‘elle] trouv[ait] que le délai avant l’enquête — le délai relatif à l’enquête — [était] très court, et qu’à ce stade il ne favoris[ait] pas la mise en liberté selon cette solution de rechange hypothétique ». La commissaire Ko a pris en compte la période passée en détention par JW, en soulignant ne pas croire que cette détention se poursuivrait encore longtemps en attendant l’enquête. Elle a ordonné le maintien en détention, au motif qu’il était peu probable que JW comparaisse à son enquête.

[21]  Les contrôles des motifs de détention de juillet et d’août ont donné lieu à des conclusions semblables, de même qu’au maintien de la détention.

[22]  En septembre 2018, la commissaire Ko a une nouvelle fois présidé au contrôle des motifs de détention. Le 11 septembre 2018, JW a présenté un nouveau plan de mise en liberté plus solide, qui s’appuyait sur un autre moyen de surveillance électronique fourni par une société de sécurité différente, et qui prévoyait des propositions de surveillance supplémentaires pour remédier aux préoccupations précédemment soulevées. L’audience s’est poursuivie les 19, 20 et 25 septembre pour permettre l’analyse des propositions. La commissaire Ko a alors conclu que JW devait être mis en liberté conformément à un plan de mise en liberté détaillé, et elle a rendu ses motifs de décision de vive voix le 9 octobre 2018. L’ordonnance de mise en liberté a été modifiée le 15 octobre 2018.

B.  Autres procédures en matière d’immigration

[23]  L’enquête de JW a commencé en mai 2018, et elle s’est poursuivie sur plusieurs jours en juin, en juillet, en août et en septembre, pour se conclure le 4 octobre 2018. La décision est pendante. La commissaire Ko a fait remarquer, au moment où elle a prononcé l’ordonnance de mise en liberté, qu’il n’était pas possible d’estimer la date à laquelle la décision sur l’enquête serait rendue.

[24]  L’audience relative à la demande d’asile de JW a commencé en août 2018. Selon les renseignements fournis par les avocats inscrits au dossier dans le cadre de la présente requête, les observations finales seront bientôt présentées à la Section de la protection des réfugiés.

II.  L’ordonnance de mise en liberté d’octobre 2018

[25]  La transcription de la décision de la commissaire Ko rendue de vive voix s’étend sur 35 pages. La commissaire Ko a examiné l’historique des faits; les décisions précédentes où il avait été déterminé que la détention de JW était nécessaire; les dispositions pertinentes de la Loi; la jurisprudence mettant en évidence la nécessité de motifs clairs et convaincants pour pouvoir aller à l’encontre d’une décision antérieure (citant Canada (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Thanabalasingham, 2004 CAF 4, 247 FTR 159 [Thanabalasingham]); et la jurisprudence ayant établi que la surveillance électronique pouvait être une solution de rechange à la détention dans des circonstances appropriées.

[26]  La solution de rechange à la détention approuvée par la commissaire Ko, précisée dans les conditions de l’ordonnance de mise en liberté et décrite dans les motifs de cette dernière, diffère à plusieurs égards des propositions ayant été soumises auparavant, lesquelles jumelaient des moyens de surveillance électronique à une caution et à des cautionnements. Les conditions de cette ordonnance prévoient : le confinement à domicile de JW, avec un système de surveillance GPS « SecureCuff » nécessitant l’utilisation de deux bracelets de cheville; une surveillance assurée par SafeTracks GPS Canada à l’aide des bracelets et d’une balise à installer dans la maison de JW; une alarme aiguë censée se déclencher en cas de violation des conditions ou d’altération des appareils de surveillance; plusieurs répondants devant intervenir en cas d’altération des bracelets, y compris Hilton Security, l’ASFC, la GRC (à l’appel de l’ASFC), des pouvoirs d’arrestation de citoyens conférés à Hilton Security; le retrait par l’ASFC des outils se trouvant dans la maison de JW; l’approbation préalable, par l’ASFC, de tous les visiteurs se présentant chez ce dernier et de tous les rendez‑vous médicaux ou autres rendez-vous requis, lesquels nécessiteront également une escorte. De plus, M. Sikorski, qui a été approuvé en tant que caution, a versé un cautionnement de 20 000 $. Monsieur Yan a aussi été approuvé à titre de caution, et il a déposé un cautionnement de 30 000 $. D’autres conditions mentionnées dans l’ordonnance comprennent également l’interdiction d’utiliser des téléphones cellulaires ou Internet. L’ordonnance de mise en liberté accorde en outre à l’ASFC le pouvoir de perquisitionner la maison de JW afin de vérifier le respect des conditions, et indique que ces dernières peuvent être examinées et modifiées sur demande.

[27]  La commissaire Ko a conclu à l’existence de motifs clairs et convaincants justifiant d’aller à l’encontre de décisions antérieures, y compris ses propres décisions, où il avait été conclu que JW serait peu susceptible de comparaître à une enquête et que le maintien de la détention était nécessaire. Elle a estimé que l’on disposait maintenant d’une solution de rechange raisonnable à la détention qui permettrait d’atténuer suffisamment le risque que JW ne comparaisse pas à son enquête.

[28]  La commissaire Ko a une nouvelle fois dressé l’historique des fausses déclarations et autres comportements de JW, y compris son utilisation de deux identités différentes ainsi que des ressources importantes dont il disposait pour tromper les autorités canadiennes. La commissaire Ko a souligné qu’en l’espèce, la préoccupation était qu’une fois mis en liberté, JW risquait d’agir comme il l’avait fait par le passé et de vivre dans la clandestinité. Elle a indiqué que JW était un fugitif recherché par la justice, et que ses liens avec le Canada n’étaient pas solides, compte tenu des autres membres de sa famille vivant aux États‑Unis et en Chine. Elle a mentionné les facteurs énoncés à l’article 248 du Règlement, et conclu que le motif de détention était bien établi, dans la mesure où JW présentait un risque de fuite. Elle a ensuite examiné d’autres facteurs, y compris la durée de la détention, en faisant observer qu’il s’agissait là d’un facteur neutre.

[29]  La commissaire Ko a déclaré qu’en l’espèce, la question déterminante justifiant la conclusion selon laquelle le maintien de la détention n’était plus nécessaire consistait en la solution de rechange à la détention qui était maintenant en place pour atténuer le risque que JW se soustraie à ses procédures en matière d’immigration. Elle a mentionné le fait que les nouveaux éléments de preuve et le nouveau plan de mise en liberté l’avaient amenée à une conclusion différente de celles qu’elle avait tirées dans ses décisions antérieures.

[30]  La commissaire Ko a indiqué que l’élimination de tous les risques n’était pas possible, et que la perfection n’était pas la norme (citant Canada c Berisha, 2012 CF 1100, au paragraphe 85, [2014] 1 RCF 574 [Berisha]. La commissaire Ko a examiné la surveillance électronique proposée, en soulignant notamment que celle-ci pouvait être efficace pour dissuader JW de violer ses conditions, parce qu’il se saurait surveillé. La commissaire Ko a examiné la preuve qui avait été fournie par l’entreprise de sécurité en ce qui concerne l’équipement et la surveillance, et qui indiquait que cette entreprise, l’ASFC et la caution seraient prévenues de toute altération des bracelets. La commissaire Ko a conclu qu’il était presque impossible pour JW de retirer les deux bracelets sans qu’une alerte soit envoyée et qu’il y ait une réaction rapide, en ajoutant que le retrait d’un bracelet à l’aide de ciseaux avait pris 30 minutes, et que le retrait avec un coupe‑boulons pouvait blesser JW.

[31]  La commissaire Ko a reconnu qu’elle avait déjà rejeté des propositions de surveillance électronique en raison de préoccupations concernant la technologie, mais qu’elle avait laissé la porte ouverte à l’examen d’une nouvelle proposition. Elle a conclu que la proposition actuelle se distinguait nettement des autres, en invoquant l’efficacité probable de cette forme de surveillance électronique pour justifier une telle conclusion différente.

[32]  La commissaire Ko a répété que la surveillance électronique n’était pas simplement une condition ou un plan de mise en liberté, mais qu’il s’agissait d’un mécanisme pour [traduction« aider à assurer le respect des conditions garantissant que vous êtes à la disposition de l’ASFC pour la poursuite de vos procédures d’immigration ».

[33]  La commissaire Ko a alors abordé la question des cautions proposées. Elle a fait observer que M. Yan n’influencerait probablement pas JW de manière à l’amener à respecter ses conditions de mise en liberté. Elle a estimé que M. Sikorski aiderait vraisemblablement JW à respecter ces conditions lorsque la surveillance électronique serait en place. La commissaire Ko a une nouvelle fois mentionné qu’il n’existait pratiquement aucune relation entre M. Sikorski et JW, en plus des obstacles linguistiques qui se posaient; toutefois, M. Sikorski étant bien intentionné, il pourrait probablement réagir aux éventuelles alertes et accompagner JW à ses rendez‑vous approuvés.

[34]  La commissaire Ko a également abordé les autres conditions prévues par l’ordonnance de mise en liberté, y compris la nécessité de signer des contrats écrits avec les entreprises de sécurité et l’ASFC; un paiement devant être effectué l’avance par JW; l’installation d’une balise supplémentaire; la délimitation d’une zone d’inclusion à l’intérieur de laquelle on surveillerait la présence de JW; un protocole d’« alerte »; et le droit de l’ASFC de soumettre l’équipement à des tests et d’observer l’installation des deux bracelets sur JW.

III.  Le critère applicable au sursis de l’ordonnance de mise en liberté

[35]  Le critère conjonctif à trois volets énoncé dans l’arrêt RJR‑Macdonald Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311, et formulé par la Cour d’appel fédérale dans Toth c Canada (MEI), (1988) 86 NR 302 (CAF), s’applique afin de déterminer si le sursis demandé par le demandeur devrait être accordé. Selon ce critère, le demandeur doit établir tous les trois éléments suivants, c’est-à-dire : qu’il y a une question sérieuse à trancher; qu’il subirait un préjudice irréparable si le sursis n’était pas accordé; et que la prépondérance des inconvénients le favorise.

[36]  La jurisprudence a établi que le critère à appliquer pour démontrer l’existence d’une question sérieuse, dans ce contexte, est relativement peu exigeant. En effet, pour être sérieuse, une question ne doit être ni frivole ni vexatoire, mais doit avoir une chance raisonnable de réussite à l’étape du contrôle judiciaire (Mejia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 658, au paragraphe 18 (CanLII), [2009] ACF no 824 (QL)). Comme l’a fait remarquer le juge de Montigny dans Adetunji c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 708, [2012] ACF no 698, le critère de l’existence d’une question sérieuse, qui s’applique à l’égard des demandes de sursis, est moins rigoureux que la norme de l’argument défendable applicable aux demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire. Par conséquent, la Cour pourrait conclure qu’une question sérieuse a été établie selon le seuil moins rigoureux relatif au sursis, mais qu’aucun argument défendable n’a été établi pour ce qui est de la demande d’autorisation. Il serait aussi loisible à la Cour de conclure à l’existence d’un argument défendable en faveur de l’octroi de l’autorisation; toutefois, cela n’influencera pas le résultat de la demande de contrôle judiciaire, puisqu’un seuil plus exigeant s’appliquera alors pour ce qui est de démontrer le caractère déraisonnable d’une décision. En l’espèce, les parties reconnaissent que, si un sursis est accordé, même selon le seuil moins rigoureux relatif à la question sérieuse, l’autorisation devrait aussi être accordée, et la demande de contrôle judiciaire devrait être instruite de façon accélérée.

IV.  Les observations du demandeur

[37]  Le demandeur soutient que la décision de la commissaire Ko soulève des questions sérieuses, parce que cette dernière n’a pas fourni de motifs clairs et convaincants justifiant d’aller à l’encontre des décisions antérieures de la SI ayant maintenu la détention de JW, y compris les décisions qu’elle avait elle-même rendues, et selon lesquelles JW présentait un risque de fuite sérieux et la surveillance électronique conjuguée à un cautionnement n’était pas suffisante pour atténuer ce risque.

[38]  Le demandeur reconnaît que, dans sa décision, la commissaire Ko a passé en revue tous les précédents contrôles des motifs de détention et les préoccupations soulevées, et qu’elle a clairement conclu que JW présentait toujours un risque de fuite élevé. Le demandeur soutient que, malgré ces constats, la commissaire Ko a estimé que le nouveau plan de mise en liberté, qui consistait en une surveillance électronique accrue associée à deux cautions et à d’autres conditions, atténuerait adéquatement ce risque élevé. Le demandeur fait valoir que, malgré son affirmation selon laquelle elle a fourni des motifs clairs et convaincants, la commissaire Ko ne l’a pas fait. Même si elle a renvoyé aux faits saillants, à la jurisprudence et aux éléments principaux du plan de mise en liberté actuel, la commissaire Ko n’a pas mentionné le fait que JW lui‑même n’a pas changé : il continue de n’être ni digne de confiance, ni fiable, et il demeure désireux de s’enfuir, surtout dans la perspective d’une éventuelle conclusion d’interdiction de territoire, cette question étant pendante. Le demandeur soutient que les principales préoccupations soulevées dans tous les contrôles des motifs de détention avaient trait au comportement de JW, et en particulier à sa fiabilité. La commissaire Ko n’a pas directement expliqué en quoi ce comportement avait changé en septembre 2018. Au reste, le demandeur fait remarquer que JW a toujours des ressources financières considérables à sa disposition; que, par le passé, il a fait preuve d’ingéniosité et usé de tromperie; et qu’il est désireux d’éviter les conséquences possibles d’une enquête. Le demandeur soutient que JW pourrait trouver une façon de couper les deux bracelets – qui peuvent être retirés avec des ciseaux – malgré le fait que ce soit difficile, et s’enfuir, peut‑être avec l’aide d’autres personnes, ou établir un plan pour fuir avant de tenter de retirer les bracelets, et avant que la surveillance sophistiquée en place n’envoie un signal à l’ASFC, à Hilton Security ou à sa caution. Le demandeur soutient que le plan de mise en liberté requiert une coopération de la part de JW, et qu’on ne peut s’attendre à ce qu’il collabore ou qu’il soit disposé à le faire.

[39]  Le demandeur fait valoir que la commissaire Ko n’a pas suffisamment tenu compte de l’efficacité de la surveillance électronique une fois les bracelets retirés, et souligne que la surveillance ne ferait qu’indiquer où se trouvent les bracelets électroniques, et non où se trouve JW. Il soutient que, malgré les nombreuses conditions énoncées dans l’ordonnance, par exemple le retrait des outils de la maison de JW, sa famille aurait toujours accès à des outils, tout comme des visiteurs éventuels.

[40]  Le demandeur avance également que la commissaire Ko n’a pas fourni de motifs clairs et convaincants justifiant d’aller à l’encontre des décisions antérieures qui portaient sur la durée de la détention. Il soutient que la commissaire Ko n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles une solution de rechange à la mise en liberté était maintenant appropriée, étant donné que la détention avait été requise pour les huit derniers mois et qu’une décision faisant suite à l’enquête était maintenant pendante et imminente.

[41]  Dans ses observations orales, le demandeur a indiqué que le choix de la caution soulevait également une question sérieuse. Il avait auparavant été conclu que M. Yan et M. Sikorski ne convenaient pas en tant que cautions, et la commissaire Ko n’a pas expliqué ce revirement.

[42]  Pour ce qui est de la question du tort irréparable, le demandeur soutient que la mise en liberté de JW jetterait le discrédit sur l’intégrité du système d’immigration. JW, dont on a conclu à maintes reprises qu’il présentait un risque de fuite élevé, est un fugitif recherché par la justice. Il a déjà prouvé sa conduite trompeuse, et il s’est servi de ses importants moyens financiers pour tromper les autorités de l’immigration par le passé. Des lacunes dans l’efficacité du plan de mise en liberté pourraient permettre à JW de s’enfuir et, cela se produisait, le système de suivi proposé ne serait d’aucune aide, et il est peu probable que le demandeur arrive à le retrouver pour appliquer des mesures d’exécution de la loi à son encontre.

[43]  Le demandeur fait valoir que, dans les circonstances, la prépondérance des inconvénients favorise le ministre. L’intérêt public exige que JW demeure en détention jusqu’à ce que la Cour se penche sur la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, ou jusqu’au prochain contrôle des motifs de détention, qui en l’espèce arrivera très vite.

V.  Les observations du défendeur

[44]  Le défendeur fait valoir que la commissaire Ko a fourni des motifs clairs et convaincants justifiant d’aller à l’encontre des décisions antérieures. La commissaire Ko a minutieusement examiné le contexte et les décisions passées. Elle a reconnu le comportement passé de JW et son manque de fiabilité en général, ce qui l’a menée à conclure qu’il présentait toujours un risque de fuite. Toutefois, elle a raisonnablement conclu que le risque de fuite pouvait être atténué par le nouveau plan solide prévoyant une nouvelle technologie de bracelets électroniques fournie par SafeTracks, une surveillance par une entreprise de sécurité ainsi que d’autres moyens de surveillance et de nombreuses autres conditions qui, ensemble, permettraient de faire en sorte que JW respecte les conditions.

[45]  Le défendeur fait remarquer que, d’après la jurisprudence, la surveillance électronique peut être une solution de rechange efficace à la détention. La jurisprudence établit en effet que de telles solutions devraient être examinées (Sittampalam c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2006 CF 1118, au paragraphe 22, 300 FTR 48) et qu’une solution de rechange raisonnable ne signifie pas une solution de rechange parfaite (Berisha, au paragraphe 85). Le défendeur mentionne la jurisprudence suivant laquelle, en fonction des faits propres à une affaire et des preuves d’efficacité existantes, la surveillance électronique peut constituer une solution de rechange raisonnable à la détention.

[46]  Le défendeur fait valoir que, même en appliquant la norme moins rigoureuse de la question sérieuse, aucune question de ce type n’a été soulevée en l’espèce. Conformément aux lignes directrices fournies dans Thanabalasingham, la commissaire Ko a fourni des motifs clairs et convaincants pour aller à l’encontre de ses propres conclusions précédentes et de celles d’autres commissaires selon lesquelles la surveillance électronique n’était pas efficace. La commissaire Ko a reconnu que JW n’était pas fiable dans plusieurs passages qui traitaient des tromperies et de la conduite passées de ce dernier.

[47]  La commissaire Ko s’est concentrée sur de nouveaux éléments de preuve portant sur la nouvelle technologie et la surveillance qui serait assurée 24 heures sur 24, sept jours par semaine. Elle a parlé du fait que le retrait des bracelets était peu probable, ainsi que des délais d’intervention des divers répondants concernés.

[48]  En ce qui concerne l’observation du demandeur selon laquelle la question de l’incapacité de suivre JW une fois les bracelets retirés n’a pas été abordée, le défendeur soutient que la commissaire Ko en est arrivée à la conclusion qu’il est presque impossible de retirer les deux bracelets sans qu’une alerte se déclenche, ce qui élimine la possibilité de perdre la trace de JW.

[49]  Le défendeur soutient que la période déjà passée en détention a été mentionnée par la commissaire Ko, qui a conclu qu’elle n’était pas longue au point de favoriser la mise en liberté.

[50]  Pour ce qui est de la question du tort irréparable, le défendeur mentionne le guide des politiques du ministre lui-même, qui indique que les solutions de rechange à la détention devraient être plus nombreuses, et que la surveillance électronique est utilisée plus souvent dans certaines régions afin de permettre la mise en liberté. La mise en œuvre de cette politique dont le ministre souhaite élargir la portée n’aura aucune incidence sur l’intégrité du système d’immigration.

[51]  La partie défenderesse ajoute que la détention de JW et sa privation de liberté lui ont causé du tort, ainsi qu’à sa famille.

VI.  Le demandeur a établi que le sursis devrait être accordé

[52]  L’exigence relative aux motifs clairs et convaincants pour aller à l’encontre d’une décision antérieure rendue lors d’un contrôle des motifs de détention a été expliquée en ces termes dans Thanabalasingham, aux paragraphes 10 à 13 :

10. Les décisions rendues à l’égard du contrôle des motifs de la détention sont des décisions fondées essentiellement sur les faits pour lesquelles il est habituellement fait preuve de retenue. Bien que, comme il a été précédemment mentionné, un commissaire ne soit pas lié par les décisions antérieures, je partage l’opinion du ministre selon laquelle il faut, dans les cas où un commissaire décide d’aller à l’encontre des décisions antérieures ordonnant la détention d’une personne, que des motifs clairs et convaincants soient énoncés. Il existe des raisons valables pour exiger de tels motifs clairs et convaincants.

11. La crédibilité de la personne en cause et celle des témoins sont souvent des questions en litige. Dans les cas où un décideur antérieur a eu la possibilité d’entendre les témoins, d’observer leur comportement et d’évaluer leur crédibilité, il est nécessaire que le décideur subséquent explique clairement les raisons pour lesquelles l’évaluation de la preuve faite par le décideur antérieur ne justifie pas le maintien de la détention. Par exemple, l’admission de nouveaux éléments de preuve pertinents constituerait un fondement valable pour aller à l’encontre d’une décision antérieure ordonnant la détention. Subsidiairement, une nouvelle évaluation des éléments de preuve antérieurs fondée sur de nouvelles prétentions peut également être suffisante pour aller à l’encontre d’une décision antérieure.

12. La meilleure façon pour le commissaire de fournir des motifs clairs et convaincants serait d’expliquer précisément ce qui a entraîné la nouvelle conclusion, c’est‑à‑dire expliquer ce que la décision antérieure énonçait et les raisons pour lesquelles il a tiré une conclusion contraire.

13. Cependant, même si le commissaire n’énonce pas explicitement les raisons pour lesquelles il a tiré une conclusion différente de celle tirée par le commissaire antérieur, il peut le faire de façon implicite dans ses motifs de la décision subséquente. Ce qui serait inacceptable serait une décision rendue hâtivement sans qu’il soit fait mention d’une manière significative des motifs antérieurs de la détention.

[53]  En l’espèce, la commissaire Ko a reconnu la nécessité de fournir des motifs clairs et convaincants. Sa longue décision aborde plusieurs des préoccupations soulevées dans les décisions passées, et explique pourquoi elle est parvenue à une conclusion différente de celles ayant été tirées dans ces décisions.

[54]  Toutefois, je suis d’accord avec le demandeur pour dire que, malgré les explications fournies par la commissaire Ko pour justifier sa conclusion différente et permettre la mise en liberté de JW sur la base d’un nouveau plan plus solide et des éléments de preuve présentés, et même en appliquant la norme moins rigoureuse, ou seuil moins élevé requis pour établir une question sérieuse, les motifs invoqués par la commissaire Ko pour aller à l’encontre des conclusions précédentes ne précisent pas directement en quoi JW a changé, depuis le mois de juin, par exemple, ni ce qui le motiverait maintenant à se conformer à ce plan plus solide, et à respecter toutes les conditions visant à s’assurer qu’il soit présent à ses procédures d’immigration.

[55]  Je relève aussi que, dans sa décision de juin 2018, où elle avait conclu que la surveillance électronique n’était pas une option viable, la commissaire Ko avait notamment justifié son refus d’autoriser la surveillance électronique par le fait [traduction« qu[’elle] trouv[ait] que le délai avant l’enquête — le délai relatif à l’enquête — [était] très court, et qu’à ce stade il ne favoris[ait] pas la mise en liberté selon cette solution de rechange hypothétique ». Dans l’ordonnance de mise en liberté, la commissaire Ko souligne que la décision sur l’enquête est pendante, et que la durée de la détention à ce jour ne favorise pas la mise en liberté. Toutefois, elle n’indique pas pourquoi elle a changé d’idée depuis sa dernière décision, laquelle semble suggérer que le court délai restant jusqu’à l’enquête est l’élément qui favorise le maintien de la détention.

[56]  De plus, la commissaire Ko n’explique pas pourquoi M. Yan et M. Sikorski sont désormais des cautions convenables, alors qu’ils ne l’étaient pas auparavant. Bien que la commissaire Ko précise que M. Sikorski est bien intentionné, celui-ci demeure incapable de communiquer avec JW, et ils ne semblent pas avoir développé de relation depuis la dernière décision (et les décisions antérieures), où il avait été déterminé que M. Sikorski n’était pas une caution appropriée. Dans des décisions précédentes, la commissaire Ko a conclu que M. Yan et M. Sikorski n’influenceraient pas JW, ou n’exerceraient pas de [traduction] « pression morale » sur lui pour qu’il respecte les conditions. La commissaire Ko décrit le rôle de la caution comme s’inscrivant dans le cadre d’un plan plus large, mais elle ne semble pas expliquer clairement pourquoi ces deux personnes sont maintenant des cautions convenables.

[57]  Selon le critère peu rigoureux à respecter pour établir l’existence d’une question sérieuse, je suis convaincue que le demandeur a soulevé une ou plusieurs questions sérieuses en ce qui a trait à la décision de la commissaire Ko.

[58]  S’agissant de la question du tort irréparable, il s’agit de savoir si le demandeur — soit, en l’espèce, le ministre — risque de subir un tort irréparable d’ici à ce qu’une décision sur la demande de contrôle judiciaire soit rendue, ce qui, en l’espèce, n’est peut-être qu’une question de semaines. Je remarque que JW demeure en détention, et qu’il ne sera pas mis en liberté avant que plusieurs conditions du plan de mise en liberté soient remplies, ce qui peut prendre une semaine ou plus. Toutefois, l’ordonnance de mise en liberté, si elle est mise en œuvre ainsi qu’elle est proposée, permettra probablement la mise en liberté de JW avant que la demande de contrôle judiciaire soit entendue. De façon générale, des spéculations concernant le tort irréparable ne suffisent pas. Toutefois, compte tenu du comportement passé de JW, ce n’est pas une simple spéculation, pour le demandeur, que de soutenir que JW est peut-être désireux d’échapper à la surveillance électronique, étant donné la décision en attente sur l’enquête. De plus, même si ce pire scénario ne se réalisait pas, le demandeur a établi qu’un tort serait causé à l’intégrité du système d’immigration du fait de la mise en liberté de JW à ce moment‑ci, étant donné son comportement passé, et ce malgré le fait que des solutions de rechange à la détention devraient être favorisées et utilisées au besoin.

[59]  Comme le défendeur le fait remarquer, dans Tursunbayev c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CF 504, au paragraphe 92, 409 FTR 176, la Cour a indiqué que le Règlement exige que, lorsqu’il existe des motifs de détention, l’alinéa 248e) du Règlement dispose que la Commission doit se demander s’il existe des solutions de rechange à la détention de l’intéressé. Cela dit, le demandeur ne conteste pas que des solutions de rechange devraient être envisagées; il soutient seulement que, compte tenu des circonstances globales de l’espèce, la solution de rechange proposée ne serait pas efficace.

[60]  Enfin, ayant appliqué la norme peu rigoureuse applicable en la matière, j’en arrive à la conclusion que le demandeur a soulevé une ou plusieurs questions sérieuses relativement à l’ordonnance de mise en liberté.

[61]  Dans les circonstances de l’espèce, le demandeur a également établi qu’il subirait un tort irréparable entre la date d’aujourd’hui et le moment où la demande de contrôle judiciaire sera finalement entendue, puisque l’intégrité du système d’immigration trouverait discréditée si les préoccupations du demandeur — qui reposent sur d’autres motifs qu’une simple spéculation — se matérialisaient, et si JW, qui présente clairement un risque de fuite, ne respectait pas les conditions de sa mise en liberté. Dans un tel scénario, la capacité du demandeur à appliquer les conditions de l’ordonnance de mise en liberté et à assurer la présence de JW à ses procédures d’immigration serait compromise.

[62]  Je remarque que JW sera de nouveau admissible à un contrôle des motifs de détention prévu par la loi le 8 novembre 2018. De plus, la demande de contrôle judiciaire sera instruite de façon accélérée et, en vertu d’une autre ordonnance, elle sera fixée au 5 novembre 2018. Le sursis à l’exécution de l’ordonnance de mise en liberté vise une brève période, soit le délai d’ici à la première de ces deux dates, et les décisions qui s’en suivront. Les préoccupations du demandeur concernant l’ordonnance de mise en liberté pourront être abordées à l’occasion d’un nouveau contrôle des motifs de détention, selon les renseignements disponibles à ce moment-là.

[63]  Je conclus également que, compte tenu des circonstances, la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur, qui doit s’assurer que les obligations prévues par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés sont respectées.




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