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Date : 20181019


Dossier : IMM-4856-17

Référence : 2018 CF 1048

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 octobre 2018

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

ABCHIR MOHAMED OSMAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Le demandeur est âgé de 29 ans et affirme être un citoyen de la Somalie. Il sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 18 octobre 2017 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] selon laquelle il n’a pas qualité de réfugié ni celle de personne à protéger au sens de l’article 96 ou du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi]. Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

II.  Contexte

[2]  Le demandeur affirme être né à Mogadiscio, en Somalie. Il allègue y avoir vécu jusqu’en 2001, au moment où son frère aîné a été tué en raison de disputes au sein de leur clan. Le demandeur a déménagé avec ses parents dans le petit village de Miirtaqwe, où il travaille à la ferme de son père depuis l’âge de 12 ans.

[3]  En 2009, son autre frère a été embauché comme officier par le gouvernement fédéral transnational de la Somalie. Son beau-frère travaillait comme policier à Mogadiscio. En mai 2014, Al-Shabaab a tué son beau-frère parce qu’il aurait fait de l’espionnage pour le compte du gouvernement. En juin 2014, Al-Shabaab a confisqué un véhicule dont le demandeur était propriétaire et s’en est servi pour exploiter une entreprise de taxis. Il a informé le chauffeur de taxi que le demandeur avait été condamné à mort pour avoir fait de l’espionnage pour le compte du gouvernement par l’entremise de son beau-frère. Pour cette raison, le demandeur a fui chez un ami, et avec l’aide de son oncle maternel, il a trouvé un passeur qui a accepté de l’aider à se rendre aux États-Unis.

[4]  Le demandeur est passé par l’Afrique du Sud pour se rendre aux États-Unis, où il a demandé l’asile, qui lui a été refusé. Il a par la suite eu des nouvelles de son épouse, Aayan Aaden (Mme Aaden), en Somalie, selon lesquelles son frère avait été tué par Al-Shabaab en mars 2015, et le reste de sa famille avait fui, mais le lieu où elle se trouvait était inconnu. Craignant d’être expulsé des États-Unis vers la Somalie, le demandeur est venu au Canada et y a demandé l’asile en mai 2015. Le 9 décembre 2016, la SPR a conclu qu’il n’avait pas qualité de réfugié ni celle de personne à protéger parce qu’il n’avait pas établi son identité. Le demandeur a interjeté appel devant la SAR, qui a conclu qu’il n’avait pas établi son identité. Cette décision fait l’objet du présent contrôle. 

III.  La décision de la SAR

[5]  En application du paragraphe 110(4) de la Loi, la SAR devait déterminer si la nouvelle preuve était admissible. La SAR a cité l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96 (Singh), où la Cour d’appel fédérale a conclu que la SAR peut aussi appliquer les critères retenus dans l’arrêt Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385 (Raza), pour évaluer l’admissibilité d’une nouvelle preuve. Le demandeur a demandé à faire admettre l’affidavit de Mohammed Omar (l’« interprète ») qui a traduit l’affidavit de Mme Osman (une témoin appelée à établir l’identité), l’affidavit d’Abdikarim Idole (M. Idole), qui était également un témoin sur la question de l’identité, ainsi que des articles de presse portant sur la situation dans le pays en cause, comme les attaques perpétrées par Al-Shabaab, qui ont été publiés après la décision de la SPR.

[6]  Étant donné que la SAR n’a pas accepté de nouveaux éléments de preuve, elle a conclu qu’il ne lui était pas loisible de tenir une audience en application des paragraphes 110(3), (4) et (6) de la Loi. La SAR a procédé à l’examen de la décision de la SPR.

[7]  Les principaux éléments de la décision de la SAR sont exposés ci-après.

A.  L’affidavit de l’interprète

[8]  Dans son affidavit, l’interprète a confirmé qu’il a traduit l’affidavit de Mme Osman et que les mots [traduction] « traduction » et « interprétation » sont souvent employés de manière interchangeable. La SAR a conclu que cet élément de preuve ne satisfaisait pas aux exigences du paragraphe 110(4) du fait qu’il aurait raisonnablement pu être présenté à la SPR. La SAR a fait observer qu’à l’audience, la SPR avait exprimé des réserves concernant la traduction de l’affidavit de Mme Osman et affirmé qu’il incombait au demandeur de répondre adéquatement aux réserves de la SPR. La SAR a aussi indiqué avoir d’autres préoccupations concernant l’affidavit de Mme Osman (soit qu’elle n’a pas été appelée à témoigner et n’avait jamais rencontré le demandeur avant que ce dernier arrive au Canada) auxquelles l’affidavit de l’interprète ne répondait pas et, par conséquent, même s’il était admis, il ne changerait pas le poids que la SAR accorderait à l’affidavit de Mme Osman.

B.  L’affidavit d’Abdikarim Hassan Idole

[9]  Dans son affidavit, M. Idole atteste qu’il est né en Somalie et qu’il a grandi à Miirtaqwe, qu’il a quitté le pays il y a plus de 20 ans et qu’il est maintenant citoyen canadien. Il affirme qu’il est retourné à Miirtaqwe en 2013 pour rendre visite à sa mère âgée et qu’il y est resté environ six mois, au cours desquels il a rencontré le demandeur. Il affirme avoir rencontré le demandeur par hasard dans un restaurant somalien en janvier 2017 et qu’il est heureux de renouer avec lui. Il indique également que le demandeur est un citoyen somalien et vivait à Miirtaqwe en 2013.

[10]  La SAR a conclu que ce document devait être examiné à la lumière des conclusions de la SPR concernant l’autre témoin du demandeur sur la question de l’identité, Sharmarke Omar [M. Omar]. La SAR a relevé de nombreuses incohérences entre le témoignage de M. Omar et celui du demandeur et a remarqué que le demandeur en savait très peu au sujet de M. Omar. Plus particulièrement, la SAR a fait observer que le demandeur a décrit sa rencontre avec M. Omar comme une coïncidence et un hasard, alors que la preuve indiquait le contraire. Plus précisément, le demandeur est entré au Canada muni d’un bout de papier sur lequel était inscrit le numéro de téléphone de M. Omar. La SAR a conclu que le demandeur « manquait de crédibilité relativement au témoin qu’il a présenté à la SPR » pour confirmer son identité et que cette situation a soulevé des préoccupations quant à la crédibilité des autres témoins. Elle a également conclu que « la capacité de l’appelant de trouver par hasard des témoins capables d’attester son identité » semblait trop belle pour être vraie. Compte tenu de ces préoccupations, la SAR n’a pas accepté comme nouvelle preuve l’affidavit de M. Idole, estimant qu’il n’était pas crédible. 

C.  Les articles de presse publiés après la décision défavorable de la SPR

[11]  Ces articles portent sur l’exécution de présumés espions ordonnée par Al-Shabaab, sur des attaques perpétrées par Al-Shabaab à Mogadiscio et dans d’autres régions, et sur la résurgence d’Al­Shabaab après le retrait des troupes. La SAR a conclu que ces articles n’étaient pas accessibles à la SPR, mais qu’ils n’étaient pas pertinents du fait que les questions principales à trancher étaient l’identité et la crédibilité du demandeur, alors que les articles traitaient seulement de la situation en Somalie.

D.  L’affidavit de Sadia Muke Osman

[12]  La SPR a indiqué que le traducteur de l’affidavit de Mme Osman a indiqué avoir traduit un document en pièce jointe de la langue somalienne à l’anglais, mais que le document en pièce jointe était rédigé seulement en anglais, sans version en langue somalienne. En outre, la SPR a observé que Mme Osman n’a pas été appelée à témoigner et que le demandeur n’avait jamais rencontré Mme Oman avant son entrée au Canada.

[13]  La SAR a conclu que même si l’affidavit de Mme Osman était véridique, il n’aidait nullement à établir que le demandeur était effectivement Abchir Mohamed Osman. La SAR a aussi remarqué que le témoin appelé à établir l’identité du demandeur (M. Omar) a livré un témoignage contradictoire sur la façon dont il a rencontré le demandeur, et que compte tenu de cet élément, aucun poids ne peut être accordé à un affidavit d’une personne que le demandeur n’a jamais rencontrée et qu’il est impossible de questionner.

E.  L’affidavit d’Ayaan Yusuf Aaden

[14]  La SAR a conclu que bien qu’il était inscrit sur le document qu’il s’agissait d’un affidavit, rien n’indiquait qu’il s’agissait d’une déclaration vérifiée ayant été faite sous serment ou sous peine de parjure. La SAR a aussi conclu que même si la lettre était apparemment rédigée par l’épouse du demandeur, le notaire public n’aurait pas pu confirmer l’identité de la personne sans pièce d’identité ou autre preuve digne de foi ou fiable. La SAR a ensuite conclu que rien dans l’affidavit ne permettait d’établir que le demandeur est la personne qu’il prétend être, puisqu’il ne contient aucune photo, pièce d’identité ou date de naissance. Là encore, elle a souligné que le témoignage du témoin appelé pour confirmer l’identité du demandeur était incohérent. La SAR a conclu que le document n’avait donc aucune valeur probante et ne constituait rien de plus qu’une déclaration faite par une personne qui allègue être l’épouse du demandeur.

F.  Les omissions concernant les études

[15]  La SAR a conclu que la SPR n’a pas commis d’erreur en tirant une inférence défavorable du fait que le demandeur a indiqué dans son formulaire de fondement de la demande qu’il était scolarisé à domicile, alors qu’à l’audience, il a déclaré avoir fréquenté l’école primaire Alfarji de 1999 à 2001.

G.  Le permis de conduire

[16]  La SPR a tiré une inférence défavorable quant à la crédibilité du fait que le demandeur a affirmé avoir conduit sans permis de conduire alors que des documents indiquaient qu’il pouvait faire une demande de permis de conduire. La SAR a conclu que cette inférence était déraisonnable étant donné que la déclaration du demandeur, selon laquelle il n’y avait pas de gouvernement fonctionnel pour délivrer de permis et qu’il n’utilisait pas le système, était cohérente et plausible. La SAR a conclu que la conclusion déraisonnable de la SPR n’entachait pas sa décision, étant donné que le demandeur n’était toutefois pas parvenu à établir son identité.

H.  Les questions concernant le passeport somalien du demandeur

[17]  La SPR a indiqué que le demandeur a fourni des réponses incohérentes aux questions posées concernant son passeport somalien. La SAR a estimé qu’il était raisonnable pour la SPR de tirer une inférence défavorable concernant la crédibilité en raison de ces incohérences, et qu’il était raisonnable de s’attendre à ce qu’une personne signale la perte de pièces d’identité rares, comme un passeport.

I.  Les incohérences entre la demande d’asile présentée aux États-Unis et celle présentée au Canada

[18]  La SAR a constaté de nombreuses incohérences et omissions entre ces deux demandes, qui ont miné la crédibilité du demandeur.

IV.  Les questions en litige

[19]  Les questions soulevées au cours de l’argumentation étaient les suivantes :

V.  La norme de contrôle

[20]  La Cour est d’accord avec l’avocate du demandeur et l’avocat du défendeur pour dire que la norme de contrôle de la décision de la SAR est celle de la décision raisonnable. La norme de la décision raisonnable tient à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau­Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).   

[21]  Le demandeur a aussi soutenu que la norme de contrôle applicable à tout manquement à l’équité procédurale commis par la SAR est celle de la décision correcte. La Cour en convient.

VI.  Analyse

A.  La SAR a-t-elle commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité du demandeur et de ses témoins? 

[22]  Le demandeur soutient que la SAR a souscrit de manière déraisonnable aux conclusions de la SPR sans mener sa propre appréciation de la preuve qu’elle est autorisée à faire. Le demandeur craint qu’une importance excessive ait été accordée [traduction] « à la forme plutôt qu’au fond » des affidavits de Mme Osman et de M. Aaden et est préoccupé par le traitement qui leur a été réservé lorsqu’ils ont été liés aux conclusions concernant le témoin appelé pour confirmer l’identité du demandeur, M. Omar, et le demandeur. Le demandeur soutient que les motifs de la SAR relativement à cette preuve n’ont aucun sens et sont déraisonnables.

[23]  Le défendeur est d’avis que la SAR n’a pas commis d’erreur. Le défendeur soutient en outre que les motifs de la SAR ne constituaient pas une acceptation générale des motifs de la SPR. Le défendeur soutient également que, d’après une simple lecture de la décision, il est clair que la SAR a examiné tous les aspects des conclusions de la SPR en matière de crédibilité, qu’elle a réexaminé les conclusions et qu’elle a fourni une justification de ses propres conclusions.

[24]  L’argument invoqué par le demandeur a convaincu la Cour. Nonobstant les commentaires sur la forme de l’affidavit de Mme Osman et les préoccupations soulevées par l’agent à cet égard, la SAR a néanmoins tenu compte du contenu de l’affidavit de Mme Osman. Elle n’a par la suite accordé aucun poids à l’affidavit parce que ce dernier, de l’avis de la SAR, n’a pas établi l’identité du demandeur. L’affidavit exposait plutôt les interactions entre Mme Osman et l’oncle du demandeur, et la SAR a observé que Mme Osman n’avait pas rencontré le demandeur avant son arrivée au Canada. La SAR a aussi conclu que l’affidavit manquait de détails, comme des photos ou la date de naissance du demandeur. La SAR a ensuite indiqué qu’en plus de ces préoccupations concernant l’affidavit de Mme Osman, elle avait d’autres préoccupations à l’égard du témoignage de M. Omar. Plus particulièrement, la SAR a estimé que les circonstances entourant la rencontre entre M. Omar et le demandeur étaient invraisemblables et que les événements ayant mené à leur rencontre comportaient des incohérences. La SAR a commis une erreur en écartant l’affidavit de Mme Osman parce qu’elle avait des réserves concernant le témoignage de M. Omar.

[25]  La Cour est d’avis que la SAR a commis une erreur en écartant l’affidavit de Mme Aaden. La SAR a conclu qu’aucune pièce d’identité ne permettait d’établir l’identité de Mme Aaden et que le document n’indiquait pas qu’elle jurait de la véracité de son contenu. La SAR a également écarté de façon déraisonnable l’explication du demandeur concernant l’incapacité de Mme Aaden d’être appelée à témoigner, comme la difficulté d’avoir accès à une ligne téléphonique interurbaine sécuritaire ainsi que le décalage horaire.

[26]  La SAR a fondé une grande partie de sa décision sur le témoignage de M. Omar, qui a assisté aux audiences à titre de témoin pour confirmer l’identité du demandeur. La SAR a examiné certaines incohérences entre le témoignage de M. Omar et celui du demandeur (y compris son point de vue selon lequel la rencontre fortuite était une coïncidence et un hasard), lesquelles ont ensuite été utilisées pour miner la crédibilité des autres témoins, comme Mme Osman et Mme Aaden. La SAR n’a pas agi de façon raisonnable. Chaque élément de preuve doit être examiné et apprécié individuellement. La SAR a commis une erreur en traitant la preuve de cette façon.

B.  La SAR a-t-elle commis une erreur en rejetant les nouveaux éléments de preuve présentés par le demandeur?

[27]  Le demandeur soutient que le témoignage de l’interprète aurait dû être admis puisqu’il fournissait de nouveaux éléments de preuve établissant l’identité. Le demandeur soutient en outre qu’il ne pouvait raisonnablement prévoir que la SPR rejetterait l’affidavit antérieur de l’interprète simplement parce qu’il y était inscrit le mot [traduction] « traduction » plutôt qu’« interprétation ».

[28]  Le défendeur est en désaccord et soutient que la SAR a traité l’affidavit de manière appropriée étant donné qu’il aurait raisonnablement pu être présenté à la SPR.

[29]  L’argument invoqué par le défendeur a convaincu la Cour. Bien qu’on puisse soutenir que la SAR a traité cet affidavit de façon trop formaliste, il n’en demeure pas moins que cet affidavit aurait raisonnablement pu être présenté à la SPR. Même s’il s’agissait d’une tentative de clarifier un affidavit antérieur qui avait été présenté à la SPR, le demandeur a eu l’occasion d’aborder cette question devant la SPR.

[30]  En ce qui concerne l’affidavit de M. Idole, le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur lors de l’appréciation de cet affidavit en conjecturant sur la façon dont le demandeur a communiqué avec son autre témoin, M. Omar. Le demandeur soutient que le témoignage de M. Idole devrait être apprécié individuellement et que sa crédibilité ne doit pas être fondée sur le témoignage de M. Omar.

[31]  Le défendeur soutient que la rencontre fortuite entre le demandeur et M. Idole dans un restaurant somalien en 2017 était une coïncidence et un hasard, tout comme la rencontre fortuite entre le demandeur et M. Omar. À la lumière de ce qui précède, le défendeur a soutenu que l’affidavit de M. Idole ne répondait pas à l’exigence minimale de crédibilité pour être admissible énoncée dans l’arrêt Singh.

[32]  L’argument invoqué par le demandeur a convaincu la Cour. Le rejet de l’affidavit de M. Idole en raison de préoccupations voulant que la crédibilité du demandeur soit liée à M. Omar était déraisonnable. L’alinéa 110(6)a) de la Loi prévoit clairement que les nouveaux éléments de preuve qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur obligent la SAR à tenir une audience. Le rejet d’un élément de preuve par ailleurs crédible concernant un demandeur minerait l’objet de cette disposition (Zhao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1536). L’identité était en litige dans cette affaire. Il est bien établi qu’il est difficile d’obtenir des documents en Somalie; il faut donc tenir compte des éléments de preuve qui peuvent aider à établir l’identité d’un demandeur d’asile.

C.  La SAR a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas une audience?

[33]  Le paragraphe 110(6) de la Loi prévoit que de nouveaux éléments de preuve qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur obligent la SAR à tenir une audience. Comme il a été indiqué précédemment, l’affidavit de M. Idole constituait un nouvel élément de preuve qui a eu une incidence sur la crédibilité du demandeur. La SAR n’a exprimé aucune préoccupation en matière de crédibilité concernant l’affidavit de M. Idole. Elle n’a pas jugé qu’il était vague ni contradictoire, ou que l’affidavit soulevait des questions qui amèneraient la SAR à douter de sa crédibilité.

[34]  Comme l’identité était une question essentielle, le refus de tenir compte de l’affidavit de M. Idole est une erreur susceptible de contrôle. Il est loisible à la SAR de ne pas croire cet élément de preuve, mais elle ne peut le faire uniquement en raison de ses préoccupations quant à la crédibilité du demandeur et de M. Omar, sans d’abord tenir une audience pour examiner adéquatement l’affidavit de M. Idole.

D.  Y a-t-il eu violation des droits du demandeur en matière d’équité procédurale?

[35]  Ayant déterminé que la décision de la SAR n’était pas raisonnable dans sa façon de traiter l’affidavit de M. Idole, il n’est pas nécessaire que la Cour examine s’il y a eu violation du droit du demandeur à l’équité procédurale.

Conclusion

[36]  La Cour conclut que le refus de la SAR de tenir compte du nouvel élément de preuve de M. Idole et de tenir une audience constituait une erreur susceptible de contrôle. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier, et aucuns dépens ne sont adjugés.


JUGEMENT dans le dossier IMM-4856-17

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAR afin qu’une nouvelle décision soit rendue. Il n’y a aucune question à certifier et aucuns dépens ne sont adjugés.

« Paul Favel »

Traduction certifiée conforme

Ce 15e jour de novembre 2018.

Mylène Boudreau, B.A. en trad.



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