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Date : 20181004


Dossier : IMM-3611-17

Référence : 2018 CF 996

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 4 octobre 2018

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

et

ROSALIE JAVIER AMERGO

défenderesse

JUGEMENTS ET MOTIFS

[1]  Rosalie Amergo (la défenderesse) est venue au Canada des Philippines et a travaillé comme aide familiale résidente. Après plusieurs années, elle a présenté une demande de résidence permanente. Elle a affirmé ne s’être jamais mariée. Les agents d’immigration ont consulté les autorités des Philippines, qui leur ont appris qu’un document qu’elle avait fourni pour démontrer qu’elle n’était pas mariée était frauduleux. Les autorités ont également fourni deux certificats de mariage indiquant son nom. Ces documents ont été fournis à la défenderesse, mais elle a continué d’insister sur le fait qu’elle n’avait jamais été mariée et a déclaré que les certificats de mariage n’étaient pas valides. Un agent d’immigration (l’agent) a conclu qu’elle était interdite de territoire parce qu’elle avait fait de fausses déclarations sur son état civil. À la suite d’une audience sur la question, la Section de l’immigration (SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) a infirmé la décision de l’agent. Le ministre (le demandeur) a interjeté appel et, à la suite d’une autre audience, la Section d’appel de l’immigration (SAI) a également tranché en faveur de la défenderesse.

[2]  Il s’agit du contrôle judiciaire de la décision de la SAI. Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

I.  Le contexte

[3]  La défenderesse est une citoyenne des Philippines qui est entrée au Canada en 2006 et qui a travaillé comme aide familiale résidente. La durée de son permis de travail a été prolongée à plusieurs reprises, puis elle a présenté une demande de résidence permanente en 2009. Sa demande a été approuvée en principe et elle a obtenu un permis de travail ouvert, dont la durée a également été prolongée à plusieurs reprises. En novembre 2012, elle a fait l’objet d’une enquête pour fausse déclaration sur son état civil.

[4]  La défenderesse a indiqué dans sa demande de résidence permanente qu’elle était célibataire, sauf que le demandeur a été en mesure de produire deux certificats de mariage différents des Philippines portant son nom. Les signatures sur les certificats semblaient similaires à celles sur les autres documents fournis par la défenderesse, y compris sa demande de résidence permanente. Elle a nié avoir déjà été mariée et a déclaré que ces certificats de mariage devaient avoir été obtenus frauduleusement.

[5]  À la suite d’une entrevue, la demande de résidence permanente de la défenderesse a été refusée pour motif de fausse déclaration. Un rapport d’interdiction de territoire en vertu de l’article 44 a été préparé et l’affaire a été renvoyée à la SI pour une audience. À la suite de cette audience, la SI a conclu que la défenderesse était de fait admissible au Canada. Le demandeur a interjeté appel auprès de la SAI, qui a rejeté l’appel le 3 août 2017. Le demandeur demande le contrôle judiciaire de la décision de la SAI.

II.  Les questions et la norme de contrôle

[6]  La seule question à trancher en l’espèce est de savoir si la décision de la SAI était raisonnable.

[7]  Lorsqu’elle revoit une décision selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit tenir compte de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité du processus de prise de décision, puis établir si la décision fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47). Il convient de faire preuve de retenue à l’égard de ces conclusions et il n’appartient pas à la Cour de soupeser à nouveau l’importance relative de la preuve qui a été présentée au décideur (Ali Gilani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 243, au paragraphe 35).

III.  L’analyse

[8]  Puisque les arguments des deux parties en l’espèce portent sur les faits, il sera utile d’examiner les principaux éléments de la décision de la SAI. L’allégation de fausse déclaration se rapporte uniquement à la question de savoir si la défenderesse était mariée ou non, et c’est sur cette question que porte ce résumé.

A.  La décision faisant l’objet du contrôle judiciaire

[9]  La décision de la SAI commence par un examen de la preuve. Il est souligné que la défenderesse avait indiqué être célibataire lorsqu’elle a présenté sa demande de résidence permanente. Elle a fourni un certificat « officiel » d’absence d’acte de mariage (CENOMAR aux Philippines) pour en attester. L’agent a consulté les autorités des Philippines, qui ont conclu que ce document était contrefait. L’agent a aussi obtenu deux certificats de mariage du Bureau national des statistiques des Philippines, indiquant que la défenderesse s’était mariée deux fois, soit en 1994 et en 1996. Les signatures sur les certificats de mariage ressemblaient à la signature de la défenderesse sur son passeport et sur sa demande de résidence permanente.

[10]  La défenderesse n’a pas nié que le CENOMAR pouvait être contrefait. Elle a affirmé que son frère l’avait obtenu par l’entremise d’un tiers et admis que ce n’était peut-être pas un document valide. L’ex-petit ami de la défenderesse (et prétendu second époux) a déclaré qu’il avait obtenu le deuxième certificat de mariage par des moyens frauduleux, à l’insu de la défenderesse. Il a décrit la facilité avec laquelle une personne pouvait obtenir des documents frauduleux et falsifier des signatures aux Philippines. Il a déclaré que la défenderesse n’avait pas participé à la fraude, qu’elle n’avait pas signé le deuxième certificat de mariage et qu’ils n’avaient jamais été mariés.

[11]  La défenderesse a retenu les services d’un détective privé pour tenter de trouver le prétendu premier époux, mais sans succès. Le détective privé a déclaré qu’il était également incapable de trouver la personne qui aurait célébré le mariage. Le demandeur a toutefois présenté des éléments de preuve selon lesquels cette personne avait été facilement localisée et qu’elle était enregistrée pour célébrer des mariages pendant la période visée. La défenderesse a quant à elle soutenu que la corruption était répandue aux Philippines et qu’il était relativement facile de faire enregistrer un mariage frauduleux.

[12]  La SAI a noté la nature contradictoire et confuse de la preuve concernant l’état civil de la défenderesse. Elle a conclu que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir, selon la prépondérance des probabilités, si la défenderesse était déjà mariée ou non. Le passage suivant décrit un facteur déterminant pour la SAI :

[traduction]

Le tribunal fait remarquer que, bien que l’appelant ait fourni des éléments de preuve de l’existence apparente de deux mariages validement enregistrés, aucun document faisant référence à la dissolution ou à l’annulation du premier mariage n’a été présenté. La bigamie est illégale aux Philippines. Pour qu’il y ait un deuxième mariage légalement enregistré au nom de la défenderesse, il faudrait qu’une preuve de la dissolution du premier soit présentée (page 18, pièce A-1). Or, aucune preuve en ce sens n’a été présentée. Le fait que la défenderesse ne peut pas être légalement mariée à deux hommes en même temps en présence de deux certificats de mariage m’amène à accorder moins de poids à ces deux documents comme preuve que la défenderesse s’est effectivement mariée deux fois aux Philippines.

[13]  La SAI a conclu que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la défenderesse avait fait une fausse déclaration au sujet de son état civil, et elle a rejeté l’appel.

B.  La décision est-elle déraisonnable?

[14]  La SAI saisit bien le défi auquel sont confrontés les décideurs en l’espèce au paragraphe 13 de sa décision : [traduction] « Le tribunal conclut qu’une grande partie de la preuve dont il est saisi est déroutante, contradictoire et en fin de compte non concluante en ce qui concerne la détermination, selon la prépondérance des probabilités, du fait que la défenderesse était mariée ou non. » La preuve, comme elle a été décrite précédemment, est pour le moins déroutante. Devant cette situation, et compte tenu du fait que le demandeur avait le fardeau de prouver qu’il y avait eu fausse déclaration, la SI a tranché en faveur de la défenderesse. La SAI a confirmé cette décision. On me demande maintenant de conclure que la décision de la SAI est déraisonnable.

[15]  Le demandeur présente plusieurs arguments, tous fondés sur les exigences du par. 40(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 :

Fausses déclarations

Misrepresentation

40 (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

40 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

b) être ou avoir été parrainé par un répondant dont il a été statué qu’il est interdit de territoire pour fausses déclarations;

(b) for being or having been sponsored by a person who is determined to be inadmissible for misrepresentation;

c) l’annulation en dernier ressort de la décision ayant accueilli la demande d’asile ou de protection;

(c) on a final determination to vacate a decision to allow their claim for refugee protection or application for protection; or

d) la perte de la citoyenneté  :

(d) on ceasing to be a citizen under

(i) soit au titre de l’alinéa 10(1)a) de la Loi sur la citoyenneté, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 8 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, dans le cas visé au paragraphe 10(2) de la Loi sur la citoyenneté, dans sa version antérieure à cette entrée en vigueur,

(i) paragraph 10(1)(a) of the Citizenship Act, as it read immediately before the coming into force of section 8 of the Strengthening Canadian Citizenship Act, in the circumstances set out in subsection 10(2) of the Citizenship Act, as it read immediately before that coming into force,

(ii) soit au titre du paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté, dans le cas visé à l’article 10.2 de cette loi,

(ii) subsection 10(1) of the Citizenship Act, in the circumstances set out in section 10.2 of that Act, or

(iii) soit au titre du paragraphe 10.1(3) de la Loi sur la citoyenneté, dans le cas visé à l’article 10.2 de cette loi.

(iii) subsection 10.1(3) of the Citizenship Act, in the circumstances set out in section 10.2 of that Act.

[16]  Cette disposition a été interprétée au sens large et appliquée aux fausses déclarations qui étaient à la fois directes et indirectes, et qui découlaient de déclarations ou d’omissions de la personne qui demandait le statut, ou sur lesquelles cette personne s’appuyait : Khan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 512; Wang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CFA 345; Mohammed c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [1997] 3 C.F. 299.

[17]  Une exception restreinte de « bonne foi » a été reconnue dans certaines décisions, mais a été limitée à des situations dont les faits étaient plutôt exceptionnels : Osisanwo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1126; Khedri c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1397, aux paragraphes 25-26.

[18]  Même si le par. 40(1) a déjà été interprété au sens large, la Cour a également souligné qu’il faut des éléments de preuve clairs et convaincants pour appuyer une conclusion reposant sur la prépondérance des probabilités selon laquelle une fausse déclaration a été faite. Ce raisonnement a été confirmé dans la décision Hehar c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 FC 1054 :

[35] Enfin, la demanderesse insiste sur le fait que les conclusions de fausses déclarations doivent reposer sur la prépondérance des probabilités, comme l’indiquent les lignes directrices ministérielles, et non simplement sur la base de motifs raisonnables de croire autre chose, comme l’exige l’article 133 de la LIPR. Je suis d’accord et je conviens également qu’une preuve claire et convaincante est requise, voir Chughtai c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 416 [Chughtai] :

[29] Une demande pour un visa de résidence permanente peut être rejetée si le demandeur ou la demanderesse n’arrive pas à satisfaire le fardeau de preuve nécessaire pour convaincre un agent de son admissibilité. Toutefois, une conclusion d’interdiction de territoire est de nature plus grave. En vertu de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, une personne est interdite de territoire au Canada si elle « fai[t] une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi ». Comme mon collègue le juge Barnes l’a déclaré dans Xu au paragraphe 16, « Une conclusion de fausse déclaration aux fins de l’article 40 de la LIPR a des conséquences sérieuses, et il ne faut ainsi pas tirer pareille conclusion en l’absence d’une preuve claire et convaincante […] » [Non souligné dans l’original]. Parallèlement, dans l’arrêt Berlin, au paragraphe 21, le juge Barnes mentionne qu’« on n’établit pas l’existence de fausses déclarations sur de simples apparences. Ainsi que le guide opérationnel sur l’exécution de la loi du défendeur le reconnaît, l’existence d’une fausse déclaration doit être établie selon la prépondérance des probabilités. » Bien qu’un demandeur de résidence permanente a une obligation de franchise exigeant de lui la divulgation des faits substantiels et que même une omission innocente de fournir un renseignement substantiel peut avoir pour conséquence une conclusion d’interdiction de territoire (Baro au paragraphe 15), il doit malgré tout être démontré de façon claire et convaincante selon la prépondérance des probabilités que le demandeur n’a pas divulgué des faits substantiels pour pouvoir tirer une conclusion de fausse déclaration.

[19]  Le demandeur soutient que les éléments de preuve étaient clairs et que la défenderesse a fait une fausse déclaration sur son état civil dans sa demande. La défenderesse a déclaré qu’elle n’était pas mariée dans sa demande de résidence permanente. Cependant, deux éléments de preuve importants contredisent cette affirmation. Premièrement, les autorités aux Philippines ont confirmé que le CENOMAR fourni par l’intimé était frauduleux. Deuxièmement, deux certificats de mariage officiels ont été fournis directement par les autorités aux Philippines, et la SAI aurait dû accorder plus de poids à ces certificats plutôt qu’aux documents fournis par la défenderesse.

[20]  Le demandeur soutient également que la SAI a commis une erreur en rejetant les deux certificats de mariage, étant donné que ces documents ont été fournis directement par les autorités aux Philippines, contrairement au CENOMAR sur lequel s’est appuyé la défenderesse, lequel a été obtenu d’un tiers inconnu.

[21]  Ensuite, on soutient que la SAI a commis une erreur en accordant autant de poids à l’absence de preuve pour démontrer que le premier mariage avait pris fin par divorce ou par annulation. Puisque la bigamie est illégale aux Philippines, la SAI a conclu qu’elle ne pouvait pas se fonder sur les deux certificats de mariage parce qu’elle ne savait pas exactement comment un deuxième certificat aurait pu être délivré par les autorités sans preuve que le premier mariage avait pris fin. Le demandeur réplique que, même si l’absence de preuve de divorce ou d’annulation permet de douter de la validité du deuxième mariage, rien n’indique que le premier mariage était invalide, ce qui suffit à prouver que l’intimée a fait une fausse déclaration au sujet de son état civil. Les doutes au sujet du deuxième mariage n’auraient pas dû amener la SAI à rejeter la validité du premier.

[22]  De plus, le demandeur signale des similitudes entre les signatures sur les certificats de mariage et celles sur les autres documents de l’intimée et fait valoir que la SAI n’a pas accordé suffisamment de poids à cette question. Le demandeur fait également remarquer certains autres éléments : i) la loi sur le mariage aux Philippines exige que les deux parties soient effectivement présentes, rendant ainsi improbable la possibilité que la défenderesse ne soit au courant d’aucun des deux mariages; ii) le demandeur a pu facilement localiser la personne qui a célébré le premier mariage, contredisant ainsi la preuve du détecteur privé dont la défenderesse a retenu les services; iii) l’explication donnée par le prétendu second époux quant à la façon dont le deuxième certificat de mariage a été obtenu frauduleusement était vague et peu crédible.

[23]  Compte tenu de l’ensemble de la preuve, le demandeur soutient que la décision de la SAI est déraisonnable.

[24]  La défenderesse soutient quant à elle que le demandeur me demande essentiellement de réévaluer la preuve, et la jurisprudence indique clairement que ce n’est pas le rôle d’un juge en contrôle judiciaire. Il convient de faire preuve de retenue à l’égard des décisions de la SAI et la Cour ne devrait intervenir que pour corriger des erreurs importantes dans le traitement de la preuve, comme le fait de ne pas tenir compte d’éléments de preuve importants ou de mal les interpréter, ou encore de tenir compte de la preuve extrinsèque ou de considérations non pertinentes : Aisikaer c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 708.

[25]  En réponse aux principaux arguments du demandeur, la défenderesse soutient qu’elle a toujours démenti avoir été mariée dans le cadre des procédures devant la SI et la SAI. Elle fait référence au témoignage de son prétendu second époux, selon lequel il s’était arrangé pour obtenir un certificat de mariage frauduleux, que sa signature avait été falsifiée par un professionnel et qu’ils n’avaient jamais été mariés. Elle affirme que la preuve démontre l’ampleur de la corruption aux Philippines et la facilité avec laquelle on peut obtenir des documents frauduleux. Elle a également mentionné d’autres éléments de preuve concernant la preuve produite par un enquêteur privé qu’elle avait engagé pour tenter de trouver de l’information au sujet du premier faux certificat de mariage.

[26]  La défenderesse soutient que la SAI a tiré une conclusion raisonnable lorsqu’elle a conclu que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’elle avait fait une fausse déclaration.

[27]  Je suis certes sensible à la position du demandeur : l’histoire de deux certificats de mariage frauduleux, combinée à la preuve du prétendu second époux, et la recherche de la personne qui aurait célébré la première cérémonie semblent, à première vue, difficiles à croire. Il y a de nombreuses lacunes et incohérences dans la preuve, et il est clair qu’il y a des raisons de douter de la validité d’au moins une partie de la documentation fournie.

[28]  La SAI s’est surtout concentrée sur la preuve des deux certificats de mariage, puisqu’il s’agissait d’éléments essentiels dans le dossier du demandeur pour fausse déclaration. Le demandeur fait valoir que, quelles que soient les incertitudes quant à l’existence du deuxième mariage, rien ne justifiait de mettre en doute la validité du premier, et que la SAI a tiré une conclusion déraisonnable en estimant que l’absence de preuve d’un divorce ou de l’annulation du premier mariage suffisait à mettre en doute la validité des deux certificats de mariage. Je ne suis pas convaincu.

[29]  Il faut se rappeler que la SAI avait devant elle divers documents prétendument « officiels » ainsi que la preuve d’un témoin sur la facilité avec laquelle on pouvait obtenir des documents falsifiés ou frauduleux. L’absence de preuve de la dissolution juridique du premier mariage constitue un facteur pertinent. Toutefois, compte tenu de la preuve de fraude relative au deuxième certificat de mariage, il était raisonnable pour la SAI de conclure que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir qu’il y avait eu fausse déclaration.

[30]  Malgré les observations valables de l’avocat et après avoir examiné les observations ainsi que la jurisprudence, je suis d’accord avec la position de la défenderesse. La SAI a examiné l’ensemble de la preuve des deux côtés de la question centrale en l’espèce. Le demandeur n’a pas été en mesure de démontrer que la SAI a commis une erreur de droit ou qu’elle a fait fi d’éléments de preuve importants. L’essentiel des arguments du demandeur porte sur le poids qui a été attribué à la preuve, et il est clair que mon rôle n’est pas de réévaluer la preuve dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

IV.  Conclusion

[31]  J’estime que la décision de la SAI s’inscrit dans la gamme des mesures raisonnables au regard de la loi et des faits en l’espèce. La preuve est déroutante et en fin de compte non concluante, mais la SAI n’a tout de même commis aucune erreur en concluant que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait. La décision est raisonnable.

[32]  Par conséquent, je rejette la demande de contrôle judiciaire. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier en l’espèce.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3611-17

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« William F. Pentney »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3611-17

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c. ROSALIE JAVIER AMERGO

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 15 février 2018

jugement ET MOTIFS :

le juge pentney

DATE DES MOTIFS :

le 4 octobre 2018

COMPARUTIONS :

Margherita Braccio

pour le demandeur

Temitope Ayodele

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

pour le demandeur

Temitope Ayodele

Avocate

North York (Ontario)

pour la défenderesse

 

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