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Date : 20180907


Dossier : T-1113-17

Référence : 2018 CF 897

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 septembre 2018

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

YOK CHI

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une requête déposée par le ministre du Revenu national (le ministre) en vue d’obtenir une ordonnance afin de déclarer le défendeur Yok Chi, coupable d’outrage au tribunal pour ne pas avoir respecté une ordonnance prononcée par le juge Peter Annis le 5 octobre 2017. Cette ordonnance (l’ordonnance exécutoire), prononcée aux termes de l’article 231.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC (1985), c 1 (5e suppl.) (la Loi), exigeait de M. Chi qu’il fournisse les renseignements et les documents demandés par le ministre, conformément au paragraphe 231.2(1) de la Loi dans le contexte d’un audit de conformité mené par l’Agence du revenu du Canada à l’égard des années d’imposition 2009, 2010 et 2011 de M. Chi (l’audit de conformité).

[2]  Une demande de renseignements avait été envoyée à M. Chi le 20 juin 2016 (la demande de renseignements). Au cours des quelques mois qui ont suivi, certains des renseignements demandés avaient été fournis au ministre, mais pas tous. Le 27 avril 2017, l’avocat du ministre a informé l’avocat de M. Chi à ce moment-là qu’il avait reçu la directive de déposer une demande d’ordonnance exécutoire conformément à l’article 231.7 de la Loi. La question en litige concernait les dossiers bancaires et les relevés de compte bancaire pour quatre comptes qui étaient, selon le ministre, au cœur de l’audit de conformité. Le ministre n’a pas accepté la réponse de M. Chi selon laquelle il ne pouvait pas produire ces renseignements. Trois de ces comptes sont enregistrés dans une succursale de la HSBC à Hong Kong et sont, selon le ministre, au nom des entreprises que M. Chi possède et contrôle directement ou indirectement. Le quatrième compte est enregistré à la Banque TD.

[3]  La demande d’ordonnance exécutoire a été entendue le 4 octobre 2017. M. Chi était présent et a accepté les conditions de l’ordonnance demandée par le ministre. À ce moment-là, M. Chi n’était plus représenté par un avocat.

[4]  L’ordonnance exécutoire a été prononcée le lendemain. Elle est rédigée ainsi :

[traduction]

LA COUR ORDONNE que le défendeur fournisse au ministre, dans les 45 jours suivant la date de la présente ordonnance, les relevés de compte mensuels de chaque mois pour la période de janvier 2008 à décembre 2014 pour les comptes bancaires suivants :

HSBC :

078-302965-838

116-713777-838

411-726110-838

Banque TD :

Le compte bancaire personnel du défendeur à la Banque TD qu’il a identifié à la page 3 (ci-jointe) de sa lettre du 28 février 2017.

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.  Le défendeur ou toute entreprise qu’il contrôle, directement ou indirectement, doit prendre toutes les mesures nécessaires pour communiquer avec les institutions bancaires visées dans le but d’obtenir et de produire à l’intention de l’avocat du demandeur des copies imprimées par les banques des relevés de compte mentionnés ci-dessus de chaque mois pour la période de janvier 2008 à décembre 2014.

2.  Une fois que le défendeur aura satisfait à ses obligations aux termes du paragraphe précédent, s’il est toujours incapable d’obtenir ou de produire à l’intention de l’avocat du demandeur tous les relevés de compte pour l’ensemble de la période, il devra présenter à l’avocat du demandeur des éléments de preuve et des documents démontrant qu’il a fait les demandes aux deux banques, ainsi que des documents produits par les banques dans lesquels seront indiqués les renseignements qui ne sont pas disponibles, et ce, dans les 45 jours suivant la date de la présente ordonnance. Dans l’éventualité où le défendeur ne produit pas les dossiers bancaires précisés, à la demande de l’avocat du demandeur, il devra donner son consentement au ministre pour l’autoriser à présenter ses propres demandes de renseignements aux banques susmentionnées en ce qui concerne les comptes précisés.

[5]  À la page 3 de la lettre datée du 28 février 2017 mentionnée dans l’ordonnance exécutoire, le compte de la Banque TD visé par l’ordonnance est identifié de la façon suivante :

[traduction]

Question 3

M. Chi a obtenu les renseignements suivants concernant les dates du prêt auprès de Kian C. Chan :

Le prêt d’un montant d’un million de dollars américains a été accordé le 3 janvier 2011. Les remboursements ont été effectués de la façon suivante :

[dates et montants omis]

Comme il a déjà été mentionné, d’après leur souvenir, le prêt a été versé dans le compte bancaire personnel de M. Chi et les remboursements ont aussi été faits à partir de ce compte.

[6]  Selon les éléments de preuve au dossier :

  1. Une copie de l’ordonnance exécutoire a été envoyée à M. Chi par courriel le 5 octobre 2017.

  2. Le 22 novembre 2017, l’avocat du ministre a envoyé une lettre à M. Chi pour l’informer qu’il n’avait pas respecté l’ordonnance exécutoire et que le ministre avait l’intention d’aller de l’avant avec la procédure pour outrage au tribunal.

  3. Le 30 novembre 2017, M. Chi a répondu par courriel à la lettre du 22 novembre et a indiqué qu’il avait fait des tentatives pour obtenir les dossiers relatifs à ses comptes à la HSBC faisant l’objet du litige et qu’il voulait avoir une prorogation d’une semaine pour les présenter.

  4. Le 6 décembre 2017, M. Chi a envoyé un courriel à l’avocat du ministre pour lui expliquer qu’il avait reçu un formulaire de la succursale de la HSBC à Hong Kong qu’il devait remplir pour obtenir les relevés de compte de la HSBC.

  5. Le 12 février 2018, l’avocat du ministre a envoyé une lettre à M. Chi par courriel pour l’informer qu’il n’avait pas respecté l’ordonnance exécutoire et que le ministre irait de l’avant avec la procédure pour outrage au tribunal.

  6. M. Chi prétend qu’il n’a jamais reçu cette lettre et affirme qu’il n’a pas été envoyé à la bonne adresse électronique.

[7]  Le 23 avril 2018, le juge Richard Mosley a, dans le cadre d’une requête ex parte déposée par le ministre aux termes des articles 369, 466, 467 et 470 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), conclu qu’il y avait une preuve prima facie d’outrage relativement à l’ordonnance exécutoire, M. Chi n’ayant pas fourni les renseignements et les documents conformément à l’ordonnance. Par conséquent, le juge Mosley a ordonné à M. Chi de se présenter à la séance générale de la Cour qui devait avoir lieu à Ottawa le 27 juin 2018 et d’être préparé (i) à entendre la preuve relative aux actes d’outrage dont il est accusé, (ii) à présenter toute défense qu’il pourrait avoir par rapport à cette accusation et (iii) à parler des observations du ministre à l’égard d’une sentence appropriée s’il est déclaré coupable d’outrage (l’ordonnance de justifier).

[8]  L’ordonnance de justifier autorisait aussi le ministre à présenter, lors de l’audience de justification, le contenu du dossier de la Cour, y compris toute la correspondance y figurant, directement sans qu’il soit nécessaire de présenter tous les documents à l’oral. L’ordonnance a été signifiée à M. Chi le 15 mai 2018. Le 2 juin 2018, les observations écrites du ministre sur la détermination de la peine ont été signifiées à M. Chi, comme il était prévu dans l’ordonnance de justifier.

[9]  Le 26 juin 2018, en après-midi, M. Chi a retenu les services d’un avocat et a demandé un ajournement de l’audience de justification prévue le lendemain. L’audience de justification a été repoussée au 3 juillet 2018. M. Chi était présent à l’audience de justification et a témoigné pour expliquer pourquoi il ne devrait pas être reconnu coupable d’avoir commis un outrage par rapport à l’ordonnance exécutoire et quelle devrait être sa sentence s’il était reconnu coupable d’outrage relativement à l’ordonnance exécutoire. Il a aussi présenté les relevés du compte de la Banque TD précisé dans l’ordonnance exécutoire.

[10]  Cependant, aucun renseignement sur les comptes de la HSBC mentionnés dans l’ordonnance exécutoire n’a été présenté par M. Chi à ce jour.

II.  Question en litige et fardeau de la preuve

[11]  Conformément à l’alinéa 466b) des Règles, une personne qui désobéit à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour est coupable d’outrage au tribunal.

[12]  Il est bien établi que l’objectif général du pouvoir de sanction pour outrage au tribunal de la Cour est de veiller au bon déroulement du processus judiciaire et de protéger la dignité de la Cour : Baxter Travenol Laboratories c Cutter (Canada), [1983] 2 RCS 388, au paragraphe 396 et Carey c Laiken, 2015 CSC 17, [2015] 2 RCS 79, aux paragraphes 30 et 36 [Carey]). L’outrage au tribunal est une « contestation de l’autorité judiciaire qui mine sa crédibilité et son efficacité ainsi que celles de l’administration de la justice ». C’est pourquoi il s’agit d’une « infraction grave » (9038-3746 Québec inc. c Microsoft Corporation, 2010 CAF 151, au paragraphe 18).

[13]  Pour établir un outrage civil, la partie qui allègue qu’il y a eu une violation d’une ordonnance du tribunal doit respecter le critère en trois parties établi par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Les services aux enfants et adultes de Prescott-Russell c G., N. (2006) 82 OR (3d) 686 (C.A. Ont.), au paragraphe 27 [Prescott] et confirmé dans la décision Carey, aux paragraphes 32 à 35. Ce critère (le critère relatif à l’outrage) exige du ministre qu’il démontre ce qui suit :

  1. l’ordonnance qui a prétendument été violée doit énoncer clairement et sans équivoque ce qui devrait être fait ou ne devrait pas être fait;

  2. la partie à qui on reproche d’avoir violé l’ordonnance doit avoir été réellement au courant de son existence;

  3. la personne qui aurait commis la violation doit avoir intentionnellement commis un acte interdit par l’ordonnance ou intentionnellement omis de commettre un acte comme elle l’exige.

[14]  L’outrage au tribunal doit être établi hors de tout doute raisonnable. Selon l’article 469 des Règles, il s’agit d’une exigence explicite. Cependant, il n’est pas nécessaire de prouver l’intention coupable, comme elle est définie dans le contexte criminel. Il faut établir que la personne qui aurait commis l’outrage connaissait l’ordonnance et qu’elle lui a intentionnellement désobéi : La Société canadienne de perception de la copie privée c Fuzion Technology Corp., 2009 CF 800, aux paragraphes 65 et 67 [CPCC]).

[15]  En l’espèce, il ne fait aucun doute, à mon avis, que l’ordonnance exécutoire énonce clairement et sans équivoque ce que M. Chi devait faire. L’affirmation de ce dernier selon laquelle il pensait que s’il ne pouvait pas obtenir les renseignements visés par l’ordonnance, la Cour le ferait pour lui n’est tout simplement pas crédible. Rien dans le libellé de l’ordonnance exécutoire n’étaye de quelque façon que ce soit une telle lecture des conditions de ladite ordonnance. Aucun élément de preuve au dossier ne démontre que la capacité de M. Chi de lire et de comprendre l’anglais était telle qu’il aurait pu comprendre les conditions de l’ordonnance exécutoire de la façon dont il affirme les avoir comprises.

[16]  Il est aussi évident, à mon avis, que M. Chi connaissait réellement l’ordonnance exécutoire pendant toute la période pertinente puisqu’il était présent à l’audience devant le juge Annis et qu’il a accepté l’ordonnance demandée par le ministre. Une copie de l’ordonnance exécutoire lui a été envoyée le jour où elle a été prononcée, soit le 5 octobre 2017. Les courriels envoyés par M. Chi le 30 novembre et le 6 décembre 2017, dans lesquels il a demandé une semaine supplémentaire pour répondre à l’ordonnance exécutoire, à tout le moins en ce qui concerne les comptes de la HSBC, et où il a informé l’avocat du ministre qu’il avait enfin reçu le formulaire de la HSBC qui devait être rempli pour qu’il puisse obtenir les renseignements, sont des éléments de preuve supplémentaires démontrant que M. Chi connaissait ladite ordonnance. M. Chi ne conteste pas ce fait.

[17]  Par conséquent, je conclus que les deux premières parties du critère relatif à l’outrage ont été établies par le ministre.

[18]  Il faut encore déterminer hors de tout doute raisonnable que M. Chi a intentionnellement omis de faire les actes qu’il était tenu de faire conformément à l’ordonnance exécutoire. Si je conclus que c’est bel et bien le cas, la peine appropriée qui devra être imposée à M. Chi devra être déterminée.

III.  Analyse

A.  M. Chi a-t-il intentionnellement omis de faire les actes qu’il était tenu de faire conformément à l’ordonnance exécutoire?

(1)  Actes d’outrage dont M. Chi est accusé

[19]  M. Chi n’a pas fourni les renseignements et les dossiers précisément exigés par l’ordonnance exécutoire, sauf en ce qui concerne le compte de la Banque TD. Il a fourni les renseignements et dossiers sur ce compte tout juste avant l’audience de justification tenue le 3 juillet 2018, soit plus de six mois après la fin de la période de conformité de 45 jours de l’ordonnance exécutoire.

[20]  Le ministre, qui cite la décision Telus Mobilité c Syndicat des travailleurs des télécommunications, 2002 CFPI 656 [Telus Mobility], souligne le fait que l’élément de la volonté délibérée ne vise qu’à exclure la désobéissance fortuite ou la désobéissance accidentelle et involontaire (Telus Mobilité, aux paragraphes 10 et 11). Le ministre affirme qu’en l’espèce, rien ne prouve que M. Chi a réellement tenté de respecter l’ordonnance exécutoire ou que sa désobéissance était accidentelle ou involontaire. Il ajoute que même s’il avait été informé de l’ordonnance exécutoire, M. Chi a refusé ou négligé de fournir les renseignements demandés, ce qui démontre une tendance à l’inaction continuelle qui remonte à la demande de renseignements, laquelle a donné lieu à la présente procédure. Selon le ministre, M. Chi ne souhaite tout simplement pas fournir les renseignements requis et a choisi, par conséquent, de désobéir volontairement à l’ordonnance exécutoire.

(2)  Preuve de M. Chi

[21]  Comme il a été indiqué précédemment, M. Chi était présent à l’audience de justification et a choisi de témoigner. Les éléments de preuve sur les efforts qu’il a déployés pour respecter l’ordonnance exécutoire peuvent être résumés de la façon suivante :

  1. M. Chi a envoyé un courriel aux agents des comptes de la succursale de la HSBC à Hong Kong pour obtenir les renseignements sur les comptes le 8 novembre 2017, puis il a envoyé un message de suivi le 30 novembre 2017. Il affirme qu’il n’a jamais reçu de réponse à ces courriels.

  2. Au début décembre 2017, il a reçu de la part de la HSBC un formulaire qu’il devait remplir pour obtenir les relevés de compte de la HSBC, et il en a informé l’avocat du ministre, Me Warren. Une copie de ce formulaire a été déposée lors de l’audience relative à l’outrage et constitue la pièce R-1. M. Chi a rempli et signé le formulaire et l’a envoyé par courrier-avion en janvier ou en février 2018, mais il n’a pas reçu de relevé pour ses comptes de la HSBC. Ses appels de suivi n’ont rien donné.

  3. M. Chi ne se souvient pas avoir reçu un courriel de la part de Me Warren en février 2018. Il émet l’hypothèse que le courriel de Me Warren pourrait avoir été envoyé à la mauvaise adresse puisque son adresse électronique a changé; il avait écrit à Me Warren depuis son nouveau compte et lui avait fourni son numéro de téléphone.

  4. En avril 2018, M. Chi s’est rendu à Hong Kong pour un voyage d’affaires. Pendant qu’il se trouvait à Hong Kong, il a organisé une réunion avec la HSBC pour avoir une discussion en personne au sujet des trois comptes de la HSBC qui sont visés par l’ordonnance exécutoire. Il a rencontré Woody Cheng, qui l’a informé que deux des comptes avaient été éliminés et que, pour le troisième compte, une demande devait être présentée par l’intermédiaire du bureau central. Le bureau central enverrait ensuite les renseignements à la succursale, qui les transmettrait à M. Chi. M. Chi a demandé à M. Cheng d’aller de l’avant.

  5. Le 1er juillet 2018, l’avocat de M. Chi a communiqué avec les contacts de son client à la succursale de la HSBC à Hong Kong, Patti Leung, Cavor K. Y. Pang, Hei Long Chu, Eric W. Y. Fu et Woody Cheng. Il a reçu une réponse d’Anthony Hei Long Chu l’informant que les directives par courriel ne pouvaient pas être acceptées et qu’il était seulement responsable des comptes personnels. Selon M. Chi, cette réponse s’inscrit dans la même tendance de la banque à mettre à mal ses demandes de renseignements. Rien ne prouve que les autres contacts à la HSBC ont répondu.

  6. Les relevés du compte de la Banque TD mentionné dans l’ordonnance exécutoire ont été fournis au ministre dans la réponse à la demande de renseignements et, par conséquent, avant la délivrance de l’ordonnance exécutoire.

[22]  Lors de son contre-interrogatoire, M. Chi a confirmé que la pièce R-1 n’était pas une copie du formulaire rempli envoyé à la HSBC, mais plutôt un exemple du formulaire qui a été rempli et envoyé. Il a aussi confirmé qu’il avait continué à vivre à la même adresse que celle à laquelle Me Warren lui avait envoyé une lettre en novembre 2017 pour l’informer qu’il n’avait pas respecté l’ordonnance exécutoire. M. Chi ne croyait pas qu’il avait reçu des courriels de la part de Me Warren après le 6 décembre 2017, et il a indiqué qu’il avait changé d’adresse électronique et que le courriel daté du 12 février 2018 envoyé par Me Warren à M. Chi qu’il a produit n’indique pas à quel compte il a été envoyé.

[23]  Enfin, M. Chi a admis qu’il était en mesure de produire, à la demande du ministre, les renseignements sur l’un de ses comptes de la HSBC à Hong Kong, mais qu’il n’avait pas été en mesure d’obtenir les renseignements sur les trois comptes de la HSBC visés en l’espèce de la même manière. Quand Me Warren lui a demandé si ces trois comptes étaient des comptes qu’il avait gérés par le passé, il a répondu [traduction] « Je pense que oui ».

[24]  En réinterrogatoire, M. Chi a surtout parlé du prêt qu’il a fait à un ami et qui a poussé le ministre à lui demander de produire les relevés de compte de la Banque TD faisant l’objet du litige.

(3)  M. Chi a intentionnellement désobéi à l’ordonnance exécutoire.

[25]  M. Chi affirme qu’il a fait de son mieux pour fournir les renseignements sur les comptes de la HSBC et qu’il semble maintenant qu’il est pratiquement impossible de fournir lesdits renseignements. Selon lui, il n’est pas clairement établi si l’ordonnance exécutoire peut être respectée, ce qui est pertinent pour déterminer s’il a commis un outrage et la peine appropriée. Il laisse entendre qu’il appartient à la Cour de conclure qu’un particulier, comme lui, qui n’est pas en mesure de respecter l’ordonnance exécutoire, ne peut pas être déclaré coupable d’outrage au tribunal, et il affirme que, comme dans la décision Canada (Revenu national) c CD²I Coopérative de Services en Développement International, 2009 CF 820 [Dropsy], dans laquelle le défendeur n’a pas été reconnu coupable d’outrage au tribunal, il a fait de son mieux pour demander des documents à une entité étrangère, conformément à l’ordonnance exécutoire, mais que ses tentatives pour obtenir ces documents se sont révélées infructueuses.

[26]  M. Chi affirme aussi qu’aucun élément de preuve ne démontre qu’il possède le pouvoir de signature ou qu’il est le titulaire des comptes de la HSBC faisant l’objet du litige, et que de tels éléments de preuve sont essentiels pour le déclarer coupable d’outrage au tribunal. Contrairement à la décision Canada (Revenu national) c Marshall, 2006 CF 788 [Marshall] et à la décision Canada (Revenu national) c Bjornstad, 2006 CF 818 [Bjornstad], citées par le ministre, dans lesquelles les défendeurs n’ont pas essayé de respecter les ordonnances de la Cour ou de participer aux procédures pour outrage au tribunal, il affirme qu’il n’a pas volontairement désobéi à l’ordonnance. Au contraire, il a de toute évidence tenté de respecter l’ordonnance exécutoire, mais il a été informé que deux des comptes avaient été annulés. En ce qui concerne le troisième compte, il a demandé que lui soient envoyés les relevés demandés, mais il ne les a pas encore reçus.

[27]  M. Chi demande à la Cour de tenir compte, non seulement des efforts qu’il a déployés dans les 45 jours qui ont suivi l’ordonnance exécutoire, mais aussi de tous les efforts qu’il avait précédemment déployés pour obtenir les relevés bancaires, y compris des efforts de son ancien avocat, avant que l’ordonnance exécutoire soit prononcée. Il allègue que le dossier démontre de façon claire et détaillée que son ancien avocat a fait des tentatives pour l’aider à satisfaire à la demande de renseignements et que la plus grande partie de cette demande a été satisfaite, à l’exception de la question sur les trois comptes de la HSBC faisant l’objet du litige.

[28]  En ce qui concerne le compte de la Banque TD, M. Chi allègue que comme les relevés ont été fournis au ministre avant que l’ordonnance exécutoire soit prononcée, il n’a pas commis d’outrage. Il affirme que, de toute manière, le fait qu’il a fourni au ministre ces renseignements avant l’audience relative à l’outrage élimine tout outrage qu’il aurait pu commettre à l’égard de ce compte.

[29]  Je ne peux pas accepter la défense de M. Chi à l’égard des accusations d’outrage qui pèsent sur lui.

[30]  Dans la décision SCPCP, le juge de la Cour Luc Martineau a précisé la façon dont la troisième étape du critère de la décision Prescott, selon laquelle la personne qui aurait commis la violation doit avoir intentionnellement commis un acte interdit par l’ordonnance ou intentionnellement omis de commettre un acte comme elle l’exige, devrait être appliquée. Il a expliqué que l’outrage doit être prouvé au-delà de tout doute raisonnable, ce qui signifie que :

[…] les actes constituant les manquements allégués doivent être volontaires ou délibérés, ou doivent découler d’une indifférence sérieuse ou obstinée à l’égard de la Cour. En ce sens, le mot « délibéré » englobe assurément toute conduite qui est mûrement réfléchie, et non impulsive ou accidentelle. À cet égard, on peut aussi prendre en considération l’« aveuglement volontaire » de l’auteur prétendu de l’outrage [...]. (SCPCP, au paragraphe 63).

[31]  Je conviens avec Me Warren que l’ordonnance exécutoire exige clairement de M. Chi qu’il fournisse soit les relevés de compte demandés, soit des éléments de preuve documentaire démontrant qu’il ne pouvait pas obtenir ces relevés. M. Chi n’a fait ni l’un ni l’autre.

[32]  Sur les quatre comptes non réglés visés par l’ordonnance exécutoire, seuls les relevés bancaires de la Banque TD ont été fournis, et rien ne prouve qu’ils ont été fournis avant la date de l’audience de justification. Je suis d’avis que l’allégation de M. Chi selon laquelle ces relevés ont été fournis au ministre avant que l’ordonnance exécutoire soit prononcée n’est pas crédible. Premièrement, elle contredit la preuve du ministre à l’appui de la demande d’ordonnance exécutoire et de la demande d’ordonnance de justifier. Deuxièmement, pourquoi M. Chi aurait-il accepté les conditions de l’ordonnance exécutoire si ces relevés avaient déjà été fournis? L’allégation de M. Chi selon laquelle ils l’ont été défie le bon sens.

[33]  Cependant, même si je devais accepter que les relevés de la Banque TD ont été fournis avant que l’ordonnance exécutoire soit prononcée, je ne comprends pas pourquoi, si M. Chi a porté attention aux conditions de ladite ordonnance, cette question n’a pas été soulevée auprès de Me Warren pendant la période de conformité prévue dans l’ordonnance ni pourquoi M. Chi n’a pas simplement fourni les relevés de nouveau pour s’assurer de respecter l’ordonnance, au moins en ce qui concerne ces relevés, et dissiper toute confusion entourant la production de ces renseignements. Les éléments de preuve démontrent plutôt que c’est seulement la veille de l’audience relative à l’outrage, soit près de neuf mois après que l’ordonnance exécutoire a été prononcée, que la question de ces relevés a été soulevée. Dans un cas comme dans l’autre, rien ne justifie le non-respect de l’ordonnance exécutoire.

[34]  En ce qui concerne les trois comptes de la HSBC, M. Chi, comme nous l’avons vu, affirme avoir fait tout ce qu’il pouvait pour obtenir les relevés demandés et donc, pour respecter l’ordonnance exécutoire, compte tenu, notamment, du fait que ces comptes étaient détenus par une entité étrangère. Il affirme aussi que rien ne prouve qu’il possède le pouvoir de signature pour ces trois comptes.

[35]  Je conviens avec M. Chi qu’« [u]ne preuve d’impossibilité de se conformer ou de diligence raisonnable peut constituer une excuse légitime pour ne pas se conformer aux modalités d’une ordonnance ou d’une injonction » (SCPCP, au paragraphe 74). Cependant, je ne constate aucune preuve de ce type en l’espèce.

[36]  À ce stade, il convient de revenir sur les actes que M. Chi était tenu de faire conformément à l’ordonnance exécutoire. Premièrement, dans les 45 jours suivant la date de l’ordonnance, il devait [traduction] « prendre toutes les mesures nécessaires pour communiquer avec les institutions bancaires visées » et pour obtenir les relevés bancaires faisant l’objet du litige pour la période précisée dans l’ordonnance, et les transmettre à l’avocat du ministre. Deuxièmement, s’il s’avérait qu’il était toujours incapable d’obtenir ou de produire lesdits relevés de compte, il devait « présenter à l’avocat [du ministre] des éléments de preuve et des documents démontrant qu’il a fait les demandes aux deux banques, ainsi que des documents produits par les banques dans lesquels seront indiqués les renseignements qui ne sont pas disponibles, et ce, dans les 45 jours suivant la date de la présente ordonnance ».

[37]  Comme l’a fait remarquer l’avocat du ministre, il n’y a qu’un seul élément de preuve documentaire pour toute la période écoulée entre la délivrance de l’ordonnance exécutoire et l’audience de justification, laquelle était prévue pour le 27 juin 2018, des mesures prises par M. Chi pour communiquer avec la HSBC et obtenir les relevés bancaires faisant l’objet du litige. Il n’y a aucun élément de preuve, quel qu’il soit, de la HSBC indiquant les parties des renseignements bancaires précisés qui ne sont pas disponibles. L’élément de preuve documentaire unique est le courriel du 8 novembre 2017 envoyé par M. Chi à un employé de la succursale de la HSBC à Hong Kong, Eric W. Y. Fu, et dont une copie a été envoyée à Me Warren le 30 novembre 2017, soit après la fin de la période de 45 jours prévue dans l’ordonnance exécutoire, ainsi que le courriel daté du 6 décembre 2017 envoyé par M. Chi à Me Warren pour l’informer que la HSBC lui avait [traduction] « enfin envoyé un formulaire à remplir pour obtenir les relevés bancaires ». Il n’y a aucun document écrit après cette date. Plus précisément, il n’y a eu aucun suivi, quel qu’il soit, auprès de Me Warren ou de l’Agence du revenu du Canada par rapport au courriel du 6 décembre. Il n’y a aucune preuve documentaire non plus d’un suivi de ce courriel auprès de la succursale de la HSBC à Hong Kong.

[38]  Deux courts courriels envoyés à l’avocat du ministre dans la période intermédiaire de neuf mois écoulée entre la délivrance de l’ordonnance exécutoire et la date initiale de l’audience de justification sont bien loin de constituer, à mon avis, des efforts clairs et non équivoques pour respecter l’ordonnance exécutoire. M. Chi n’a même pas pu produire lors de l’audience de justification le formulaire qu’il a rempli pour obtenir les relevés des trois comptes de la HSBC faisant l’objet du litige. Il n’y a aucune preuve documentée non plus de la rencontre qu’il a demandée en avril 2018 avec la HSBC à Hong Kong.

[39]  Même la preuve verbale présentée lors de l’audience de justification démontre qu’il a déployé des efforts sporadiques tout au long de la période d’intervention de neuf mois pour obtenir les dossiers de la HSBC demandés. Elle démontre notamment de longues périodes d’inaction. Plus précisément, elle démontre qu’il n’y a eu aucune activité entre la date à laquelle l’ordonnance de justifier a été signifiée à M. Chi, c’est-à-dire le 15 mai 2018, et la date initiale de l’audience de justification, prévue le 27 juin 2018. M. Chi n’a retenu les services d’un avocat que la veille de cette date, a demandé que l’audience soit repoussée puis, par l’entremise de son avocat, a envoyé un certain nombre de courriels à la succursale de la HSBC à Hong Kong dans les deux jours qui ont précédé la date réelle de l’audience du 3 juillet 2018. Je suis d’accord avec l’affirmation de l’avocat du ministre selon laquelle cela démontre clairement que M. Chi n’a déployé qu’un minimum d’efforts pour obtenir les renseignements demandés entre la date à laquelle l’ordonnance exécutoire a été prononcée et les semaines qui ont précédé l’audience de justification.

[40]  En d’autres mots, les éléments de preuve dont je dispose démontrent que M. Chi a fait des tentatives sporadiques pour communiquer avec les représentants de la succursale de la HSBC à Hong Kong pour obtenir les relevés bancaires faisant l’objet du litige et que la majorité de ces tentatives se sont révélées vaines puisque M. Chi n’a pas effectué de suivi à l’égard des renseignements fournis ou qu’il n’a pas obtenu d’éléments de preuve pour étayer son allégation selon laquelle il était incapable de respecter l’ordonnance exécutoire.

[41]  Par exemple, M. Chi a rencontré Woody Cheng à Hong Kong en avril 2018, lequel l’aurait prétendument informé que deux des trois comptes en litige avaient été éliminés et que les renseignements pour le troisième compte devaient être obtenus par l’intermédiaire de la succursale principale de la HSBC. Cependant, M. Chi n’a fourni aucune confirmation écrite de la HSBC de l’élimination des deux comptes et de la non-disponibilité des relevés requis. Il n’a pas non plus fourni de preuve documentaire qu’il a présenté une demande pour obtenir les relevés du troisième compte auprès de la succursale principale ni de preuve qu’il a effectué un suivi auprès de la succursale principale pendant la période de presque trois mois qui s’est écoulée entre sa rencontre avec M. Cheng et l’audience de justification. Il y a également un nombre restreint d’éléments de preuve démontrant que M. Chi a communiqué avec les personnes qui pouvaient lui fournir les renseignements sur les comptes d’entreprise, ce que les trois comptes de la HSBC non réglés semblent être.

[42]  Par ailleurs, M. Chi n’a fourni aucun élément de preuve documentaire de la HSBC [traduction] « énonçant les parties des renseignements bancaires particuliers qui ne sont pas disponibles », comme l’exigeait le paragraphe 2 de l’ordonnance exécutoire si ses efforts pour respecter les exigences du paragraphe 1 de ladite ordonnance étaient infructueux, et il n’a pas non plus fourni de preuve des efforts déployés pour obtenir ces éléments de preuve.

[43]  En ce qui concerne la difficulté d’obtenir des renseignements d’une [traduction« entité étrangère », je pense qu’on peut dire sans se tromper que la HSBC est l’une des plus importantes organisations de services bancaires et financiers au monde. Les éléments de preuve au dossier démontrent que M. Chi a été incapable d’obtenir les renseignements demandés auprès de la succursale de la HSBC à Hong Kong en réponse à la demande de renseignements. La succursale de la HSBC à Hong Kong n’est pas exactement le type d’entité étrangère qui a été pris en compte dans la jurisprudence présentée par M. Chi. Dans la décision Dropsy, le défendeur n’a pas été déclaré coupable d’outrage au tribunal parce qu’il n’avait pas pu avoir accès aux dossiers d’une société étrangère basée dans les îles Vierges britanniques pour laquelle il avait agi de manière non officielle à titre d’administrateur délégué. Il convient de noter que dans la décision Dropsy, toute communication entre le défendeur et son seul contact au sein de la société étrangère avait été interrompue (Dropsy, au paragraphe 22). Par ailleurs, le défendeur ne s’était jamais rendu dans les îles Vierges britanniques, ne savait pas si la société comptait d’autres employés et n’avait pas les coordonnées de la société, à l’exception de celles de son propre contact (Dropsy, au paragraphe 25). Je pense qu’il est justifié de présumer qu’une institution bancaire aussi importante que la HSBC est en mesure de produire des dossiers bancaires.

[44]  M. Chi a passé un certain temps lors de l’audience de justification sur les efforts qu’il a déployés dans le cadre du processus de demande de renseignements pour y répondre. Il a aussi passé un certain temps sur les fondements de certaines des exigences de ladite demande. Premièrement, une audience de justification dans le cadre d’une accusation d’outrage au tribunal dans le contexte d’une ordonnance exécutoire prononcée conformément à la Loi ne constitue pas un appel de l’ordonnance exécutoire. Mon rôle, par conséquent, n’est pas de déterminer si l’ordonnance exécutoire a été délivrée, en tout ou en partie, de façon adéquate, mais de déterminer si le contribuable a négligé de la respecter. Deuxièmement, la question dont je suis saisi consiste à déterminer si M. Chi a commis un outrage relatif à l’ordonnance exécutoire. Ainsi, les efforts déployés avant la délivrance de l’ordonnance exécutoire ne peuvent pas être considérés comme des efforts déployés pour respecter l’ordonnance exécutoire puisqu’elle n’existait pas.

[45]  Dans la décision Canada (Revenu national) c Money Stop Ltd., 2013 CF 133[Money Stop], la Cour a noté qu’il était « crucial » de s’assurer que l’on se conforme aux ordonnances prononcées aux termes de la Loi étant donné que la déclaration des revenus au Canada se fait en grande partie dans le cadre d’un régime d’autodéclaration. En l’espèce, contrairement aux observations de M. Chi, les éléments de preuve dont je dispose ne révèlent aucun effort clair et non équivoque pour respecter l’ordonnance, et me poussent plutôt à conclure, hors de tout doute raisonnable, que M. Chi a fait preuve d’une « indifférence sérieuse ou obstinée à l’égard de la Cour » (SCPCP, au paragraphe 63).

[46]  Je conclus donc que M. Chi a commis un outrage relatif à l’ordonnance exécutoire.

B.  Quelle est la peine appropriée dans les circonstances en l’espèce?

[47]  L’article 472 des Règles énonce les peines possibles qu’un juge de la Cour peut prononcer quand une personne est reconnue coupable d’outrage au tribunal. Cette règle est rédigée comme suit :

Peine

Penalty

472 Lorsqu’une personne est reconnue coupable d’outrage au tribunal, le juge peut ordonner :

472 Where a person is found to be in contempt, a judge may order that

a) qu’elle soit incarcérée pour une période de moins de cinq ans ou jusqu’à ce qu’elle se conforme à l’ordonnance;

(a) the person be imprisoned for a period of less than five years or until the person complies with the order;

b) qu’elle soit incarcérée pour une période de moins de cinq ans si elle ne se conforme pas à l’ordonnance;

(b) the person be imprisoned for a period of less than five years if the person fails to comply with the order;

c) qu’elle paie une amende;

(c) the person pay a fine;

d) qu’elle accomplisse un acte ou s’abstienne de l’accomplir;

(d) the person do or refrain from doing any act;

e) que les biens de la personne soient mis sous séquestre, dans le cas visé à la règle 429;

(e) in respect of a person referred to in rule 429, the person’s property be sequestered; and

f) qu’elle soit condamnée aux dépens.

(f) the person pay costs.

[48]  Lors de l’établissement de la peine, le juge qui préside devrait tenir compte de « la gravité de l’outrage, appréciée en fonction des faits particuliers de l’espèce relatifs à l’administration de la justice » : Institut professionnel de la fonction publique du Canada c Bremsak, 2013 CAF 214 [Bremsak]; Baxter Travenol Laboratories of Canada Ltd v Cutter Canada Ltd, [1987] 2 FC 557, au paragraphe 562; Lyons Partnership, L.P. c Macgregor (2000), 186 FTR 241, au paragraphe 21. La détermination de la peine est un exercice individualisé, et le juge qui préside a un vaste pouvoir discrétionnaire pour déterminer la peine appropriée en cas d’outrage civil, selon les circonstances (Bremsak, au paragraphe 36).

[49]  Lors de la détermination de la peine appropriée pour un outrage, plusieurs facteurs sont pertinents : « [l]es facteurs aggravants comprennent la gravité objective du comportement constituant un outrage au tribunal, la gravité subjective de ce comportement (à savoir si le comportement constitue un manquement technique ou si le contrevenant a agi de façon flagrante en sachant bien que ses actions étaient illégales), et, le cas échéant, le fait que le contrevenant ait enfreint de façon répétitive des ordonnances de la Cour », tandis que les « tentatives de bonne foi de se conformer à l’ordonnance (même après le manquement à l’ordonnance), des excuses ou l’acceptation de la responsabilité, ou le fait que le manquement constitue une première infraction » sont des facteurs atténuants (Marshall, au paragraphe 16). Voir aussi l’arrêt Winnicki c Canada (Commission des droits de la personne), 2007 CAF 52, au paragraphe 17. Une disposition prévoyant des « excuses raisonnables » justifiant l’inobservation, telle que l’incapacité d’obtenir des dossiers et des renseignements, doit être prise en compte dans l’établissement de la peine : Canada (Revenu national) c Cicarelli, 2018 FC 644, au paragraphe 15.

[50]  Si l’auteur d’outrage au tribunal est condamné à payer une amende, celle-ci ne doit pas être purement symbolique, mais elle doit être fonction de la capacité de payer de la personne reconnue coupable d’outrage au tribunal (Bremsak, au paragraphe 35; Wanderingspirit c Marie, 2006 CF 1420, au paragraphe 4; Desnoes & Geddes Ltd. c Hart Breweries Ltd., 2002 CFPI 632, au paragraphe 7). En outre, la Cour impose parfois des amendes élevées pour établir une correspondance avec la gravité de l’outrage, pour mettre un terme à la conduite de l’auteur de l’outrage et pour dissuader autrui d’adopter une conduite semblable (Carey, au paragraphe 31).

[51]  En fonction de l’examen des décisions relatives à la peine prises dans les décisions Marshall, Money Stop et Bjornstad, qui portent toutes sur des omissions de respecter des ordonnances exécutoires prononcées aux termes de la Loi, le ministre soutient qu’il serait approprié que M. Chi soit condamné à payer une amende de 3 000 $ et à verser des dépens de 5 000 $, et qu’il doive fournir les relevés des comptes de la HSBC faisant l’objet du litige. Le ministre propose que M. Chi soit condamné à une peine de prison de 30 jours s’il ne s’acquitte pas de la peine dans les 30 jours.

[52]  Dans la décision Marshall, la défenderesse a été condamnée à payer une amende de 3 000 $ et les dépens de 2 000 $ du ministre, et elle a dû respecter l’ordonnance exécutoire de la Cour en fournissant les documents requis ou en donnant une explication sur la raison pour laquelle ils ne pouvaient pas être obtenus. Le défaut de payer l’amende et les dépens dans les 30 jours exposait la défenderesse à une peine d’emprisonnement de 30 jours, tandis que le défaut de fournir les documents requis l’exposait à une peine d’emprisonnement de 10 jours. Les facteurs pertinents pour la détermination de la peine étaient le défaut de défenderesse de fournir les renseignements demandés au ministre, son manque de volonté à coopérer avec le ministre ou à rencontrer des représentants de l’Agence du revenu du Canada, son défaut d’expliquer la raison de sa non-conformité à l’ordonnance, son manque de remords et l’absence de tout engagement à respecter l’ordonnance (Marshall, au paragraphe 17).

[53]  Dans la décision Money Stop, les défendeurs individuels ont été condamnés à payer une amende de 5 000 $ et les dépens de 19 905,74 $ du ministre, et ils ont dû fournir le reste des documents demandés ou expliquer la raison pour laquelle ils ne pouvaient pas être fournis. Le défaut de payer l’amende et les dépens exposait les défendeurs à une peine d’emprisonnement de 30 jours, tandis que le défaut de fournir les documents requis les exposait à une peine d’emprisonnement de 3 ans. Dans cette affaire, le nombre d’occasions qu’ont eu les défendeurs de respecter l’ordonnance exécutoire et le fait que les versions électroniques des dossiers ont été fournies sans les renseignements d’accès nécessaires, et ce, même si l’accès avait précisément été demandé, ont été considérés comme des facteurs aggravants (Money Stop, aux paragraphes 15 à 18).

[54]  Dans la décision Bjornstad, la défenderesse a été condamnée à payer une amende de 2 000 $ et les dépens de 4 090,85 $ du ministre, et elle a dû respecter l’ordonnance précédente de la Cour en fournissant les renseignements et les documents requis ou en donnant une explication sur la raison pour laquelle ils ne pouvaient pas être fournis. Dans cette affaire, la défenderesse n’a fourni aucun des renseignements ou des documents demandés, et elle a négligé de participer à toutes les procédures qui ont mené à la conclusion selon laquelle elle était coupable d’outrage.

[55]  En l’espèce, l’outrage est grave et M. Chi n’a pas fourni d’« excuse raisonnable » au non-respect de l’ordonnance. Il y a cependant des facteurs atténuants qui justifient une peine moins sévère que celles que la Cour a imposées dans les décisions Marshall, Money Stop et Bjornstad puisque M. Chi a présenté des excuses, a participé à la procédure pour outrage au tribunal et a fourni une partie des renseignements et des documents exigés dans la demande de renseignements, et ce, même s’il a négligé de fournir, à ce jour, des renseignements présumés essentiels à l’audit de conformité. Il s’agit aussi de la première infraction de M. Chi. Celui-ci affirme que le fait que son horaire de travail est très serré, qu’il a un jeune fils et qu’il voyage beaucoup devrait être pris en compte et considéré comme un facteur atténuant. Je ne suis pas d’accord puisqu’il s’agit de la réalité quotidienne de nombreux hommes d’affaires et de nombreuses femmes d’affaires au Canada.

[56]  Je conclus par conséquent que les circonstances de l’affaire en l’espèce nécessitent que M. Chi paye une amende et les dépens que je fixe à 3 500 $, et qu’il respecte l’ordonnance exécutoire dans les 30 jours suivant la date de la présente ordonnance en fournissant les renseignements et les documents exigés dans l’ordonnance exécutoire, à l’exception des renseignements sur le compte de la Banque TD, qui ont déjà été fournis.


ORDONNANCE dans le dossier T-1113-17

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. Le défendeur, M. Chi, est coupable d’avoir commis un outrage à l’égard de l’ordonnance exécutoire prononcée par la Cour le 5 octobre 2017.

  2. Le défendeur, M. Chi, est tenu de payer une amende de 2 000 $ dans les 30 jours suivant la date de signification de la présente ordonnance et est également tenu de payer les dépens de 3 500 $ du ministre dans les 30 jours suivant la date de signification de la présente ordonnance. Le défaut de payer l’amende et les dépens dans les 30 jours exposera le défendeur, M. Chi, à une peine d’emprisonnement de 15 jours.

  3. Le défendeur, M. Chi, est tenu de respecter l’ordonnance exécutoire en fournissant les renseignements et les documents énoncés dans ladite ordonnance, à l’exception des renseignements sur le compte de la Banque TD, à l’avocat du ministre dans les 30 jours suivant la date de signification de la présente ordonnance, ou de fournir des éléments de preuve documentaire sur la raison pour laquelle les relevés ne peuvent pas être fournis dans les 30 jours suivants la date de signification de la présente ordonnance. Le défaut de fournir les renseignements et les documents dans les 30 jours exposera le défendeur, M. Chi, à une peine d’emprisonnement de 15 jours.

  4. Le défendeur, M. Chi, ne sera pas emprisonné pour le défaut de payer l’amende ou les dépens, comme il est ordonné au paragraphe 2 de la présente ordonnance, si, dans les 30 jours à compter de la date de signification de ladite ordonnance, il prend des dispositions auprès de l’avocat du ministre aux fins d’un interrogatoire oral sous serment et présente une preuve satisfaisante à la Cour qu’il n’est pas en mesure de payer l’amende ou les dépens, ou qu’il a besoin d’une prorogation du délai de paiement.

  5. Le défendeur, M. Chi, ne sera pas emprisonné pour le défaut de fournir les renseignements et les documents, à l’exception des relevés de compte de la Banque TD, énumérés dans l’ordonnance exécutoire, ou pour le défaut de présenter des éléments de preuve documentaire sur la raison pour laquelle ces relevés ne peuvent pas être fournis si, dans les 30 jours à compter de la date de signification de la présente ordonnance, il prend des dispositions auprès de l’avocat du ministre aux fins d’un interrogatoire oral sous serment et présente une preuve satisfaisante à la Cour qu’il n’est pas en mesure de produire les documents.

  6. Si l’avocat du ministre informe la Cour par affidavit que le paiement de l’amende et des dépens décrits au paragraphe 2 de la présente ordonnance n’ont pas été faits dans les 30 jours suivant la date de signification de ladite ordonnance et que le défendeur, M. Chi, n’a pas pris de dispositions avec lui aux fins d’un interrogatoire oral sous serment en ce qui concerne son incapacité à payer l’amende et les dépens, la Cour délivrera un mandat d’emprisonnement de 15 jours contre le défendeur, et cette peine devra être purgée consécutivement à toute autre peine d’emprisonnement imposée par la présente ordonnance.

  7. Si l’avocat du ministre informe la Cour par affidavit que le défendeur, M. Chi, n’a pas fourni les renseignements et les documents, à l’exception des relevés de compte de la Banque TD, énumérés dans l’ordonnance exécutoire, ou qu’il n’a pas présenté d’éléments de preuve documentaire sur la raison pour laquelle il ne dispose pas de ces renseignements, la Cour délivrera un mandat d’emprisonnement de 15 jours contre le défendeur, et cette peine devra être purgée consécutivement à toute autre peine d’emprisonnement imposée par la présente ordonnance.

« René LeBlanc »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1113-17

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL c YOK CHI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 3 juillet 2018

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE LEBLANC

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 SEPTEMBRE 2018

 

COMPARUTIONS :

Jack Warren

 

Pour le demandeur

 

Boyd Aitken

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Gibsons LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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