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Date : 20180904


Dossier : T-1301-15

Référence : 2018 CF 883

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 4 septembre 2018

En présence de madame la juge Gagné

ENTRE :

MATTHEW FRANCIS WALSH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  En juillet 2014, Matthew Francis Walsh se rendait à Johannesburg en partance de l’aéroport international de Vancouver. Il a omis de déclarer aux douanes qu’il avait 9 850 $ CA et 415 $ US en sa possession, contrevenant ainsi au paragraphe 12(1) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000 c 17 (Loi). Les espèces ont été saisies à titre de confiscation par un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) en tant que produits soupçonnés de la criminalité, conformément à l’article 18 de la Loi. M. Walsh a présenté une demande de contrôle judiciaire au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile pour déterminer s’il a réellement contrevenu au paragraphe 12(1) de la Loi. Au nom du ministre, le gestionnaire de la Division des appels de la Direction des recours de l’ASFC a confirmé la contravention à la Loi par M. Walsh et a indiqué que les espèces saisies devraient être confisquées. M. Walsh sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

II.  Question préliminaire

[2]  L’avocat du défendeur demande à juste titre que le dossier soit modifié pour identifier correctement le défendeur comme le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile plutôt que Sa Majesté la Reine. L’intitulé de la cause est modifié en conséquence.

III.  Faits

[3]  Le 24 juillet 2014, M. Walsh se trouvait à l’aéroport international de Vancouver et attendait à la porte d’embarquement pour prendre son vol en direction de Londres (sa destination finale étant Johannesburg) lorsqu’un agent de l’ASFC l’a abordé et lui a expliqué qu’il effectuait des vérifications des espèces avant les départs. M. Walsh a déclaré à l’agent de l’ASFC qu’il allait à Johannesburg pour rendre visite à son frère, qu’il savait que le seuil de déclaration des espèces était de 10 000 $ CA et qu’il n’avait pas fait de déclaration du fait qu’il avait 9 000 $ CA en sa possession. À la lumière des réponses de M. Walsh aux questions préliminaires de l’agent de l’ASFC, l’agent a décidé de procéder à une vérification complète des espèces.

[4]  En route vers le bureau de change, M. Walsh a déclaré à l’agent de l’ASFC qu’il avait en fait 9 400 $ CA en sa possession. En comptant les espèces que M. Walsh transportait dans son bagage à main et sur sa personne, l’agent de l’ASFC a trouvé une somme de 9 750 $ CA (100 $ CA x 97, 20 $ CA x 2 et 10 $ CA x 1). Toutefois, d’autres espèces ont été trouvées dans les poches avant du sac de M. Walsh, c’est-à-dire 100 $ CA et 415 $ US (100 $ CA x 1, 100 $ US x 2, 20 $ US x 10 et 5 $ US x 3). Les espèces supplémentaires ont fait dépasser le seuil de déclaration fixé à 10 000 $, la somme totale s’élevant à 10 295,79 $ CA, compte tenu du taux de change en vigueur à l’époque.

[5]  Les agents de l’ASFC ont tenté d’établir la légitimité des espèces de M. Walsh, mais sans succès. Par conséquent, les espèces de M. Walsh ont été saisies à titre de confiscation en tant que produits soupçonnés de la criminalité, et aucune condition de mainlevée n’a été appliquée. Un agent de l’ASFC a informé M. Walsh de son droit d’interjeter appel.

[6]  Les motifs exposés dans son rapport narratif pour justifier la saisie étaient les suivants :

1.  Les espèces n’ont pas été déclarées. M. WALSH a clairement déclaré qu’il avait 9 000 $ en sa possession et a affirmé à maintes reprises qu’il transportait moins de 10 000 $.

2.  En route vers le bureau de change pour subir une vérification, M. WALSH a spontanément modifié sa déclaration d’espèces et a affirmé qu’il transportait 9 400 $.

3.  Il a déclaré que les espèces avaient été retirées à la banque VanCity, mais elles ne portaient pas le tampon de la banque.

4.  M. WALSH n’avait pas d’enveloppes ou de reçus de la banque en sa possession. Il n’a pas été en mesure de présenter une preuve documentaire de l’origine et de la légitimité des espèces en sa possession.

5.  M. WALSH a une dette de carte de crédit de 10 000 $.

6.  Il a décidé de voyager plutôt que de rembourser sa dette de carte de crédit de 10 000 $ avec les espèces.

7.  Un mis en cause a payé les billets. Le sujet a déclaré qu’il n’était pas doué en informatique et qu’il avait demandé à un ami de l’aider à acheter les billets. Le sujet ne voulait pas fournir le nom de la personne ayant acheté les billets.

8.  Indices d’infractions liées aux stupéfiants.

9.  Il a admis avoir eu plusieurs démêlés avec la justice.

10.  Il a refusé à plusieurs reprises de répondre à des questions sur ses espèces.

11.  Il avait une attitude méprisante quand on l’a abordé et il a initialement refusé de collaborer aux fins de la vérification des espèces au bureau de change.

12.  Il n’a pas manifesté d’émotion évidente quand on l’a avisé que les espèces pourraient être saisies en tant que produits présumés d’activités criminelles.

13.  Il garde de 5 000 à 15 000 $ sur sa table de chevet et ne peut expliquer pourquoi il ne dépose pas les espèces à la banque. Une table de chevet est un endroit non sécuritaire et inhabituel pour conserver d’importantes sommes d’argent.

14.  M. WALSH admet voyager souvent et connaît les exigences en matière de déclaration d’effets ou d’espèces.

15.  Il a tenté d’expliquer le dépassement du seuil de 10 000 $ CA en affirmant qu’il avait oublié les devises américaines.

16.  Son téléphone cellulaire contenait des images de marijuana dans un sac à fermeture par pression et glissière – une méthode de transport utilisée par les narcotrafiquants.

17.  Il n’a pas beaucoup travaillé au cours des cinq dernières années. Il a fait des déclarations contradictoires au sujet de son revenu.

18.  Il a déclaré travailler pour des sociétés de placement, mais n’était pas en mesure de fournir des détails sur son poste ou ses fonctions quotidiennes.

19.  Il a déclaré que les placements sont [traduction] « tous des mensonges et des conneries » et ne servent qu’à « escroquer les gens ».

20.  Il a déclaré gagner beaucoup d’argent, mais il n’était pas en mesure de fournir des détails sur son revenu annuel.

21.  Il a admis consommer fréquemment de la marijuana.

22.  Des tampons ioniques ont révélé une contamination à la cocaïne sur plusieurs effets personnels.

23.  Il prétend être riche, mais déclare que sa mère doit être cosignataire pour la location d’un véhicule.

24.  Son téléphone contient un message qui évoque un trafic de stupéfiants.

25.  Il voyage à l’étranger avec d’importants sommes en espèces non déclarées.

26.  La contrebande d’espèces en vrac est une forme courante de blanchiment d’argent qui permet d’établir une distance entre l’argent et la source illicite.

[7]  Le 22 octobre 2014, la représentante de M. Walsh a écrit au ministre pour demander un contrôle judiciaire visant à déterminer s’il avait contrevenu au paragraphe 12(1) de la Loi. Elle a fait valoir que M. Walsh dépassait de peu le seuil de déclaration des espèces et qu’il ignorait tout simplement la présence des devises américaines dans son bagage à main. Elle a expliqué que M. Walsh avait encaissé plusieurs dividendes de placement juste avant la saisie à l’aéroport international de Vancouver. Elle a fourni des copies de trois relevés financiers de Global Securities datés entre le 29 avril 2014 et le 21 juillet 2014 et indiquant que M. Walsh avait encaissé au total 11 069,59 $ au cours de cette période.

[8]  Le 27 novembre 2014, un arbitre de grief de la Direction des recours de l’ASFC a reconnu, dans sa réplique, que la lettre de M. Walsh constituait une demande de contrôle de la saisie. L’arbitre de grief a également expliqué que, dans le contexte de ce contrôle, il incomberait à M. Walsh de prouver l’origine légitime des espèces trouvées en sa possession au moment de la saisie. Il a précisé que les éléments de preuve présentés devaient établir un lien reconnaissable entre les espèces saisies et l’origine légitime des espèces et rendre compte avec exactitude de l’ensemble des espèces saisies.

[9]  L’arbitre de grief a ajouté que, bien que la représentante de M. Walsh ait fourni trois relevés financiers indiquant les sommes qui lui avaient été versées au cours de l’été 2014, il incomberait à M. Walsh d’expliquer où ont été conservées les espèces entre le moment du retrait et la date de la saisie. Il lui reviendrait également de fournir de la documentation rendant compte de l’origine des devises américaines qui ont été saisies. Finalement, l’arbitre de grief a observé qu’au moment de la saisie, M. Walsh avait déclaré aux agents de l’ASFC que les espèces avaient été retirées auprès de Vancity Bank deux semaines avant la date de son voyage. Étant donné que cette déclaration contredit celle faite ultérieurement par sa représentante, il incomberait à M. Walsh d’expliquer la divergence.

[10]  La représentante de M. Walsh a répondu le 28 décembre 2014. Elle a expliqué que M. Walsh présente un trouble d’apprentissage et que, le soir de la saisie, il avait consommé de l’alcool, des somnifères et des médicaments sur ordonnance dans l’espoir de s’endormir immédiatement après être monté à bord de l’avion. Elle a ajouté que les devises américaines dans le sac de M. Walsh y étaient restées, à son insu, après son voyage en Afrique du Sud en mars 2014. La représentante a déclaré que les espèces saisies provenaient d’un mélange de revenus de placements encaissés, comme il est indiqué dans ses relevés financiers de Global Securities, ainsi que de gains au casino. La représentante de M. Walsh a joint plusieurs photographies de jetons de casino à l’appui de cette déclaration.

[11]  Le 20 mars 2015, l’arbitre de grief a répondu à M. Walsh. Elle a expliqué que certains éléments de sa déclaration demeuraient problématiques. Par exemple, la dernière lettre indiquait que les espèces saisies étaient un mélange de revenus de placements encaissés et de gains au casino, une nouvelle déclaration qui diffère des deux précédentes. L’arbitre a également expliqué que la dernière déclaration, appuyée par des documents et des photographies, ne permettait pas de s’acquitter du fardeau de la preuve nécessaire pour confirmer la légitimité des espèces. Les documents à l’appui n’ont pas permis de confirmer le dépôt des sources de fonds présumées dans le compte bancaire de M. Walsh et le retrait subséquent de ces fonds tout juste avant son voyage de juillet 2014. En ce qui concerne les devises américaines, l’arbitre de grief a demandé à M. Walsh s’il était en mesure de fournir un reçu établissant l’échange de dollars canadiens contre des dollars américains. M. Walsh disposait de 15 jours pour présenter tout document supplémentaire, période après laquelle le ministre rendrait une décision définitive sur le contrôle de la saisie des devises.

[12]  La représentante de M. Walsh a déposé une courte lettre de réponse et a joint un avis de cotisation de l’Agence du revenu du Canada sur lequel le nom du contribuable est caviardé. L’arbitre de grief a répondu et déclaré que l’avis de cotisation ne portait pas le nom de M. Walsh et que, par conséquent, il ne lui était pas utile pour s’acquitter du fardeau de la preuve nécessaire pour établir la légitimité des espèces. Elle a expliqué que tous les documents déposés par M. Walsh jusqu’à maintenant étaient insuffisants et qu’il subsistait un soupçon raisonnable selon lequel les espèces saisies étaient des produits de la criminalité. Elle a accordé à M. Walsh un délai de 15 jours pour déposer tout document supplémentaire.

[13]  Le 23 juin 2015, la décision du ministre a été envoyée à M. Walsh dans une lettre confirmant qu’il avait contrevenu au paragraphe 12(1) de la Loi et que les espèces saisies devraient être confisquées.

IV.  Décision contestée

[14]  Le ministre a confirmé la contravention du paragraphe 12(1) de la Loi par M. Walsh et indiqué qu’il n’exercerait pas son pouvoir discrétionnaire (comme il est prévu à l’article 29 de la Loi) de restituer les espèces saisies, qui devaient être confisquées.

[15]  Le ministre a détaillé la documentation déposée par M. Walsh en guise de preuve pour établir l’origine légitime des espèces et a conclu qu’il ne s’était pas acquitté du fardeau de la preuve nécessaire pour établir la légitimité des espèces. L’avis de cotisation n’avait aucune valeur probante, car il ne portait pas le nom de M. Walsh. Les photographies des jetons de casino ne permettaient pas d’identifier à qui ils appartenaient; en effet, ils auraient pu appartenir à n’importe qui. Les relevés financiers de Global Securities n’étaient pas accompagnés de documents expliquant de quelle façon M. Walsh avait obtenu ces revenus de placements.

[16]  En outre, aucune documentation n’a été fournie pour confirmer l’origine des devises américaines ni pour établir l’endroit où l’argent canadien saisi était conservé entre le moment où il a été retiré auprès d’une institution bancaire et le moment de la saisie.

[17]  Compte tenu de ce qui précède, le ministre a conclu que des soupçons persistaient quant à l’origine légitime des espèces saisies et qu’il n’exercerait pas son pouvoir discrétionnaire dans le contexte de cette affaire, confirmant ainsi la saisie des espèces.

V.  Questions en litige et norme de contrôle

[18]  La présente demande de contrôle judiciaire soulève la question suivante :

Le ministre a-t-il commis une erreur en refusant d’exercer son pouvoir discrétionnaire de restituer les espèces saisies?

[19]  La norme de contrôle de la décision du ministère aux termes de l’article 29 de la Loi est celle de la décision raisonnable (Sellathurai c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255, au paragraphe 25). La norme de la décision raisonnable exige que la Cour détermine si la décision du ministre appartient aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

VI.  Discussion

[20]  Pour en faciliter la consultation, les dispositions pertinentes de la Loi et du Règlement sur la déclaration des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets sont jointes aux présents motifs.

[21]  Le demandeur soutient que i) l’analyse de la crédibilité faite par le ministre était manifestement déficiente; et que ii) le ministre a imposé un fardeau de la preuve trop élevé au demandeur en exigeant qu’il prouve les origines légitimes de chaque dollar saisi avec une certitude absolue. Il affirme que le ministre a fait fi d’une grande partie des éléments de preuve fournis pour établir la légitimité des espèces saisies. En revanche, le ministre semble avoir accepté facilement les motifs présentés dans le rapport narratif de l’agent de l’ASFC, sans chercher à trouver une explication aux contradictions entre les faits établis dans le rapport narratif et sa propre compréhension des faits. Il ajoute que la décision du ministre place la barre déraisonnablement haute pour prouver la légitimité des espèces saisies.

[22]  Je ne suis pas d’accord avec le demandeur. À mon avis, le ministre n’a pas commis d’erreur en refusant d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour restituer les espèces saisies. Sa décision était justifiée, transparente et intelligible et ne justifie pas que la Cour intervienne.

[23]  Je suis d’accord avec le demandeur pour dire que le ministre n’a pas procédé à une analyse de crédibilité. La présente instance n’est pas une remise en question de la décision du ministre aux termes de l’article 27 de la Loi. Il n’est pas contesté que le demandeur a omis de déclarer qu’il avait en sa possession une somme en espèces dépassant le seuil de déclaration. Il s’agit plutôt d’un contrôle judiciaire de la décision du ministre aux termes de l’article 29 de la Loi, une décision de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire de restituer les espèces saisies au demandeur. La décision du ministre à cet égard n’était pas fondée sur une analyse de crédibilité, mais sur l’insuffisance de la preuve fournie par le demandeur pour établir la légitimité des espèces saisies.

[24]  Il incombait au demandeur de convaincre le ministre de l’origine légitime des espèces saisies. Le demandeur soutient que la documentation qu’il a déposée en guise de preuve établit clairement qu’il avait [traduction] « accès à amplement d’argent pour couvrir les fonds saisis ». Que ce soit vrai ou non, il ne s’agit pas du fardeau dont devait s’acquitter le demandeur. Son fardeau consistait à fournir suffisamment d’éléments de preuve de l’origine légitime des espèces saisies afin d’éliminer tout soupçon de lien avec des activités criminelles, un fardeau beaucoup plus précis dont il ne s’est pas acquitté.

[25]  Le ministère a conclu que les éléments de preuve n’étaient pas suffisants pour établir que les espèces saisies, soit une somme d’environ 10 295,79 $ CA, provenaient d’une source légitime, et aucun élément du dossier ne porte à croire que cette conclusion est déraisonnable. Aucun élément de preuve n’a permis d’établir que l’avis de cotisation était destiné au demandeur, et les photographies de jetons de casino n’ont pas permis d’établir que les espèces saisies provenaient de gains au casino. En outre, bien que les relevés financiers de Global Securities indiquent que trois sommes précises ont été versées, aucun élément de preuve n’établit le dépôt ou le retrait de ces sommes par l’intermédiaire du compte bancaire du demandeur pendant la période pertinente (comme il en existe pour un dépôt et un retrait de 2 800 $ auprès de Global Securities en février 2014).

[26]  Le demandeur a fourni les reçus de deux dépôts effectués dans son compte bancaire Vancity en mars 2014. Toutefois, je suis d’accord avec le défendeur et la jurisprudence citée sur ce point pour dire que deux dépôts effectués en mars 2014 ne permettent pas d’établir un lien avec les espèces saisies en juillet 2014, en particulier parce que les dépôts ont été effectués plusieurs mois avant la saisie (Tourki c Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 746, au paragraphe 38; Ukaj c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CF 1047, au paragraphe 16).

[27]  Il en va de même pour les devises américaines du demandeur qui ont été saisies. Une copie du relevé bancaire du demandeur daté de mars 2014 indique un dépôt de 2 800 $ de Global Securities fait en février 2014 et un retrait du même montant par chèque fait le lendemain. Dans une lettre envoyée en décembre 2014, la représentante du demandeur écrit qu’une partie de cette somme de 2 800 $ a été convertie en espèces canadiennes pour le voyage de mars 2014 à Johannesburg et que les espèces saisies trouvées dans la poche du bagage à main du demandeur y avaient été laissées depuis le voyage de mars 2014. Toutefois, le ministre a conclu que la documentation était tout simplement insuffisante pour confirmer cette déclaration et établir l’origine des devises américaines.

[28]  Dans l’affaire Docherty c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CAF 89, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

[19]  [...] Dans le cas des questions que la Loi vise à régler — le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes — l’État a le droit de demander aux personnes qui quittent le Canada une explication raisonnable quant à la source des espèces qui dépassent le montant maximal autorisé. En l’espèce, les explications de M. Docherty n’étaient pas vérifiables et, par conséquent, équivalaient à une absence d’explications. À mon avis, la Cour fédérale avait le droit de conclure que la décision du représentant du ministre était raisonnable.

[29]  Je crois que cette déclaration s’applique tout autant aux explications non vérifiables du demandeur en l’espèce. La jurisprudence sur les décisions ministérielles aux termes de l’article 29 de la Loi établit bien clairement que des explications raisonnables doivent être appuyées par une preuve vérifiable (Sellathurai, précité, aux paragraphes 52 et 53; Guillaume c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CF 143, au paragraphe 45; Hoang c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 1133, au paragraphe 25). Le ministre a décidé de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire de restituer les espèces saisies parce que le demandeur n’avait pas établi que les espèces saisies provenaient d’une source légitime. Autrement dit, le demandeur n’avait pas fourni d’explication raisonnable, appuyée par des éléments de preuve vérifiables, de la source des espèces saisies. À mon avis, la décision du ministre était raisonnable.

VII.  Conclusion

[30]  Pour les motifs susmentionnés, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et des dépens totalisant 500 $ sont adjugés au défendeur.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1301-15

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. L’intitulé de la cause est modifié pour remplacer « Sa Majesté la Reine » par « Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile » pour désigner le défendeur.

  3. Des dépens de 500 $ sont adjugés en faveur du défendeur.

« Jocelyne Gagné »

Juge


ANNEXE A

Les articles et paragraphes 12(1), 18, 25, 27, 29(1) et 30(1) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000 c 17 sont rédigés comme suit :

Déclaration

Currency and monetary instruments

(1) Les personnes ou entités visées au paragraphe (3) sont tenues de déclarer à l’agent, conformément aux règlements, l’importation ou l’exportation des espèces ou effets d’une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire.

(1) Every person or entity referred to in subsection (3) shall report to an officer, in accordance with the regulations, the importation or exportation of currency or monetary instruments of a value equal to or greater than the prescribed amount.

Saisie et confiscation

Seizure and forfeiture

(1) S’il a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), l’agent peut saisir à titre de confiscation les espèces ou effets.

(1) If an officer believes on reasonable grounds that subsection 12(1) has been contravened, the officer may seize as forfeit the currency or monetary instruments.

Mainlevée

Return of seized currency or monetary instruments

18 (2) Sur réception du paiement de la pénalité réglementaire, l’agent restitue au saisi ou au propriétaire légitime les espèces ou effets saisis sauf s’il soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu’il s’agit de produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel ou de fonds destinés au financement des activités terroristes.

18 (2) The officer shall, on payment of a penalty in the prescribed amount, return the seized currency or monetary instruments to the individual from whom they were seized or to the lawful owner unless the officer has reasonable grounds to suspect that the currency or monetary instruments are proceeds of crime within the meaning of subsection 462.3(1) of the Criminal Code or funds for use in the financing of terrorist activities.

Avis de la saisie

Notice of seizure

18 (3) L’agent qui procède à la saisie-confiscation prévue au paragraphe (1) :

18 (3) An officer who seizes currency or monetary instruments under subsection (1) shall

  a) donne au saisi, dans le cas où les espèces ou effets sont importés ou exportés autrement que par courrier, un avis écrit de la saisie et du droit de révision et d’appel établi aux articles 25 et 30;

  b) donne à l’exportateur, dans le cas où les espèces ou effets sont importés ou exportés par courrier et son adresse est connue, un avis écrit de la saisie et du droit de révision et d’appel établi aux articles 25 et 30;

  c) prend les mesures convenables, eu égard aux circonstances, pour aviser de la saisie toute personne dont il croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle est recevable à présenter, à l’égard des espèces ou effets saisis, la requête visée à l’article 32.

Signification de l’avis

Service of notice

18 (4) Il suffit, pour que l’avis visé à l’alinéa (3)b) soit considéré comme signifié, qu’il soit envoyé en recommandé à l’exportateur.

18 (4) The service of a notice under paragraph (3)(b) is sufficient if it is sent by registered mail addressed to the exporter.

Demande de révision

Request for Minister’s decision

25 La personne entre les mains de qui ont été saisis des espèces ou effets en vertu de l’article 18 ou leur propriétaire légitime peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la saisie, demander au ministre au moyen d’un avis écrit ou de toute autre manière que celui-ci juge indiquée de décider s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1).

25 A person from whom currency or monetary instruments were seized under section 18, or the lawful owner of the currency or monetary instruments, may, within 90 days after the date of the seizure, request a decision of the Minister as to whether subsection 12(1) was contravened, by giving notice to the Minister in writing or by any other means satisfactory to the Minister.

Décision du ministre

Decision of the Minister

(1) Dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent l’expiration du délai mentionné au paragraphe 26(2), le ministre décide s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1).

(1) Within 90 days after the expiry of the period referred to in subsection 26(2), the Minister shall decide whether subsection 12(1) was contravened.

Report de la décision

Deferral of decision

27 (2) Dans le cas où des poursuites pour infraction de recyclage des produits de la criminalité ou pour infraction de financement des activités terroristes ont été intentées relativement aux espèces ou effets saisis, le ministre peut reporter la décision, mais celle-ci doit être prise dans les trente jours suivant l’issue des poursuites.

27 (2) If charges are laid with respect to a money laundering offence or a terrorist activity financing offence in respect of the currency or monetary instruments seized, the Minister may defer making a decision but shall make it in any case no later than 30 days after the conclusion of all court proceedings in respect of those charges.

Avis de la décision

Notice of decision

27 (3) Le ministre signifie sans délai par écrit à la personne qui a fait la demande un avis de la décision, motifs à l’appui.

27 (3) The Minister shall, without delay after making a decision, serve on the person who requested it a written notice of the decision together with the reasons for it.

Cas de contravention

If there is a contravention

(1) S’il décide qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), le ministre peut, aux conditions qu’il fixe :

(1) If the Minister decides that subsection 12(1) was contravened, the Minister may, subject to the terms and conditions that the Minister may determine,

  a) soit restituer les espèces ou effets ou, sous réserve du paragraphe (2), la valeur de ceux-ci à la date où le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux est informé de la décision, sur réception de la pénalité réglementaire ou sans pénalité;

  (a) decide that the currency or monetary instruments or, subject to subsection (2), an amount of money equal to their value on the day the Minister of Public Works and Government Services is informed of the decision, be returned, on payment of a penalty in the prescribed amount or without penalty;

  b) soit restituer tout ou partie de la pénalité versée en application du paragraphe 18(2);

  (b) decide that any penalty or portion of any penalty that was paid under subsection 18(2) be remitted; or

  c) soit confirmer la confiscation des espèces ou effets au profit de Sa Majesté du chef du Canada, sous réserve de toute ordonnance rendue en application des articles 33 ou 34.

  (c) subject to any order made under section 33 or 34, confirm that the currency or monetary instruments are forfeited to Her Majesty in right of Canada.

Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il en est informé, prend les mesures nécessaires à l’application des alinéas a) ou b).

The Minister of Public Works and Government Services shall give effect to a decision of the Minister under paragraph (a) or (b) on being informed of it.

Cour fédérale

Appeal to Federal Court

(1) La personne qui a demandé, en vertu de l’article 25, que soit rendue une décision peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de cette décision, en appeler par voie d’action à la Cour fédérale à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.

(1) A person who makes a request under section 25 for a decision of the Minister may, within 90 days after being notified of the decision, appeal the decision by way of an action in the Federal Court in which the person is the plaintiff and the Minister is the defendant.

 

Le paragraphe 2(1) du Règlement sur la déclaration des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets, DORS/2002-412 est rédigé comme suit :

Valeur minimale des espèces ou effets

Minimum Value of Currency or Monetary Instruments

2 (1) Pour l’application du paragraphe 12(1) de la Loi, les espèces ou effets dont l’importation ou l’exportation doit être déclarée doivent avoir une valeur égale ou supérieure à 10 000 $.

2 (1) For the purposes of reporting the importation or exportation of currency or monetary instruments of a certain value under subsection 12(1) of the Act, the prescribed amount is $10,000.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1301-15

INTITULÉ :

MATTHEW FRANCIS WALSH c MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 MAI 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE GAGNÉ

DATE DES MOTIFS :

LE 4 SEPTEMBRE 2018

COMPARUTIONS :

Scott R. Wright

Pour le demandeur

Erica Louie

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pender Litigation

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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