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Date : 20180822


Dossier : IMM-4189-17

Référence : 2018 CF 852

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 22 août 2018

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

KAREN ANN MARIE GUTHRIE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La demanderesse, une citoyenne de la Jamaïque âgée de 39 ans, sollicite le contrôle judiciaire de la décision d’un agent d’examen des risques avant renvoi (ERAR) en date du 21 août 2017 en application de laquelle la demande a été rejetée. Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II.  Énoncé des faits

[2]  La demanderesse est arrivée au Canada en novembre 2007 muni d’un visa de résidente temporaire. Après avoir fait l’objet d’un rapport produit conformément à l’article 44 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), elle a demandé l’asile en 2009. Sa demande d’asile était fondée sur sa crainte d’être victime de violence de la part de son ancien époux, Leroy Guthrie, qui l’a agressée physiquement de façon constante au cours de leur mariage. Elle craignait également les bandits qui ont volé dans sa maison, en 2004 et en 2005. La Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté sa demande d’asile le 18 janvier 2011. La Cour a ordonné un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi.

[3]  La demanderesse a ensuite présenté une demande d’ERAR, en 2015, qui a été rejetée le 2 décembre 2015. La demande de contrôle judiciaire de la décision défavorable a été accueillie le 27 septembre 2016 et l’affaire a été renvoyée pour nouvel examen par un autre agent. La présente demande de contrôle judiciaire vise la deuxième décision relative à l’ERAR, rendue le 21 août 2017.

[4]  En rejetant la demande d’ERAR de la demanderesse, l’agent a examiné les éléments de preuve supplémentaires présentés par la demanderesse, soit une lettre de M. Thompson, un ami résidant en Jamaïque, et une lettre du conjoint de fait actuel de la demanderesse, M. Wilmot. L’agent ERAR n’a accordé aucun poids à la lettre de M. Thompson et très peu de poids à celle de M. Wilmot. L’agent a tenu compte des éléments de preuve supplémentaires; cependant, les observations de la demanderesse étaient axées sur le traitement accordé à ces deux lettres.

III.  Norme de contrôle

[5]  La Cour fait remarquer qu’aucune des parties n’a formulé d’observations directes sur la norme de contrôle à appliquer en l’espèce. Selon la jurisprudence, la norme de contrôle applicable à l’interprétation et à l’évaluation des éléments de preuve est celle de la décision raisonnable (Abd c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 374). La Cour ne devrait pas intervenir si la décision de l’agent ERAR est justifiable, transparente et intelligible et si elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

[6]  La norme de contrôle permettant de déterminer si une audience doit être tenue est celle de la norme de la décision correcte (Duroshola c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 518).

IV.  Questions en litige

[7]  Les questions en litige peuvent être énoncées ainsi :

  1. La décision était-elle raisonnable?

  2. Le fait de ne pas tenir une audience a‑t‑il entraîné eu manquement à l’équité procédurale?

V.  Discussion

A.  La décision était-elle raisonnable?

[8]  La Cour fait remarquer que ni la SPR ni l’agent ERAR n’a mis en cause la crédibilité de la demanderesse concernant les allégations de violence de la part de son ex-époux. Autrement dit, la crédibilité de la demanderesse n’a pas directement été mise en cause. La principale question que la Cour doit examiner est de savoir si les lettres de M. Thompson et de M. Wilmot ont été adéquatement prises en compte par l’agent ERAR.

[9]  Il est bien établi en droit que les commissaires de la SPR et les agents ERAR ne sont pas tenus d’appliquer les règles de preuve strictes (Fajardo c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 915, 157 NR 392). L’une des raisons pour lesquelles l’agent ERAR a accordé le poids qu’il a accordé aux lettres de M. Thompson et de M. Wilmot était qu’aucun des deux n’a été assermenté et qu’aucun moyen ne permettait clairement de communiquer avec eux (à l’exception de M. Wilmot). La Cour souligne que le fait que peu de poids, voire aucun poids n’a été accordé à ces lettres ne constituait pas la seule ni même la principale raison.

[10]  La demanderesse s’est fondée sur la décision Paxi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 905 [Paxi] pour soutenir que l’agent avait commis une erreur en ne tenant pas compte des lettres de M. Thompson et de M. Wilmot parce ces lettres n’étaient pas assermentées ou accompagnées de documents permettant d’identifier leurs auteurs. Dans la décision Paxi, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a commis certaines erreurs dans la façon d’identifier et de qualifier une lettre, contrairement à la présente affaire.

[11]  La Cour est convaincue de l’argument du défendeur voulant qu’en fonction du dossier et des motifs de l’agent ERAR, ce dernier ait tenu compte d’autres facteurs en concluant que peu ou pas de poids devait être accordé aux lettres. L’agent a conclu que les lettres ne contenaient pas suffisamment de détails au sujet des événements auxquels elles faisaient référence, qu’elles contenaient des éléments de ouï-dire et qu’elles ne fournissaient aucun nouveau renseignement qui n’était pas déjà connu au moment de l’audience devant la SPR.

[12]  En ce qui a trait au ouï-dire, l’agent ERAR a souligné à juste titre que cette preuve peut être admise, et que le poids à lui accorder doit être déterminé. Il s’agissait de la façon appropriée pour l’agent ERAR d’apprécier les éléments de preuve dont il était saisi.

[13]  L’agent a souligné l’absence d’éléments de preuve corroborants au sujet des lettres de M. Wilmot. L’agent n’a pas, comme l’a fait valoir la demanderesse dans son argumentation écrite [TRADUCTION] « exiger » une preuve corroborante. L’agent a simplement souligné l’absence d’éléments de preuve corroborants de ce qui était décrit dans la lettre.

[14]  L’argument du défendeur selon lequel une distinction s’impose entre le poids accordé aux éléments de preuve et la recevabilité de tels éléments de preuve convainc la Cour. La décision de l’agent ERAR était-elle raisonnable à la lumière du poids accordé aux lettres?

B.  Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale?

[15]  La Cour estime que les droits de la demanderesse à l’équité procédurale n’ont pas été enfreints.

[16]  Comme il a été mentionné auparavant, l’agent ERAR a souligné qu’il n’y avait aucun élément de preuve corroborant les lettres de M. Wilmot. Il ne s’agissait pas d’une conclusion déguisée sur la crédibilité, comme l’a indiqué la demanderesse. Des audiences doivent généralement être tenues lorsqu’il est question de la crédibilité d’un demandeur. Dans sa décision, l’agent a indiqué que la demanderesse n’avait pas offert de témoignage personnel sur l’évolution de sa demande de protection, assermenté ou non, y compris toute question décrite dans d’autres témoignages. Les questions relatives à la crédibilité des tiers ne sont pas soumises à l’exigence de tenir une audience. La crédibilité de la demanderesse n’était pas en cause dans la présente instance.

VI.  Conclusion

[17]  Pour les motifs énoncés précédemment, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[18]  Aucune des parties n’a proposé de question à certifier, et la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-4189-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Paul Favel »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4189-17

 

INTITULÉ :

KAREN ANN MARIE GUTHRIE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 MAI 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 22 AOÛT 2018

COMPARUTIONS :

Ron Poulton

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

David Knapp

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

D. Clifford Luyt

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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