Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20180731


Dossiers : IMM-5343-17

IMM-5345-17

Référence : 2018 CF 806

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 31 juillet 2018

En présence de monsieur le juge Martineau

Dossier : IMM-5343-17

ENTRE :

HOPE SIBANDA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

Dossier : IMM-5345-17

ET ENTRE :

GRACE SIBANDA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs, Hope et Grace Sibanda, contestent la légalité d’une décision rendue par la Section des visas du Haut-commissariat du Canada à Pretoria, en Afrique du Sud, qui a refusé leur demande de visa de résidence permanente pour considérations d’ordre humanitaire; ils allèguent essentiellement que l’agent des visas a fait abstraction d’éléments de preuve clés, a fourni des motifs insuffisants et a omis de tenir compte de l’intérêt supérieur des enfants en cause.

[2]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision est raisonnable et les présentes demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

I.  Énoncé des faits

[3]  Hope et Grace Sibanda sont frère et sœur; ils sont nés respectivement le 3 mars 1990 et le 12 avril 1991. Ils sont des ressortissants du Zimbabwe, mais ils résident en Afrique du Sud depuis 2006 ou 2007; ils y sont arrivés d’abord comme réfugiés et y ont vécu apparemment sans statut légal pendant un certain temps, bien qu’aucun élément de preuve au dossier n’indique qu’ils risquent d’être renvoyés au Zimbabwe dans un avenir rapproché. Hope travaille comme homme à tout faire et Grace travaille dans un salon de coiffure. Les deux vivent ensemble, avec les deux enfants de Grace, Bridgette qui est née en 2007 et Junior, qui est né en 2011. Bridgette va à l’école et Junior est à la garderie. Grace entretient une relation avec le père de Junior qui vit à proximité et qui les soutient financièrement.

[4]  La mère des demandeurs, Patience Magagula (Patience ou la répondante), est arrivée au Canada en 2007, en tant que réfugiée du Zimbabwe, avec Bongani Nyoni (Bongani), qui était alors son mari, ainsi que son fils présumé Emmanuel et les deux filles de Bongani. Patience figurait sur la demande d’asile présentée par Bongani auprès du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Hope et Grace n’étaient toutefois pas inscrits comme ses enfants sur la demande initiale de résidence permanente de Patience, apparemment parce que Bongani avait refusé de les inclure. De plus, Emmanuel y était inscrit à titre de frère de Bongani, et non comme le fils de Patience. Après leur arrivée au Canada, Patience s’est séparée de Bongani, après des années de violence physique, psychologique et sexuelle. Elle est aujourd’hui citoyenne canadienne et elle vit avec Emmanuel.

[5]  Patience soutient qu’elle a tenté de faire venir les demandeurs au Canada en 2007 ou 2008, conformément à la disposition relative au délai prescrit d’un an qui permet à des réfugiés, dans l’année suivant l’obtention de leur résidence permanente au Canada, de faire venir des membres de leur famille qui faisaient partie de leur demande de résidence permanente à l’étranger, mais qui n’ont pu les accompagner au Canada. Cependant, il semble qu’elle n’aurait pas respecté le délai prescrit, et la demande a finalement été refusée. Les demandeurs expliquent que Patience a eu la vie difficile durant sa première année au Canada : elle était malade, elle a reçu un diagnostic d’infection par le VIH et elle s’est séparée de son conjoint violent.

[6]  Le 29 mars 2012, Patience a présenté une demande de parrainage de Hope, ainsi que de Grace et de ses deux enfants à charge. Dans deux lettres datées du 4 et 5 décembre 2012, Citoyenneté et Immigration Canada a conclu que Patience n’était pas une répondante admissible. Dans ces lettres, il était indiqué que Patience ne satisfaisait pas à l’exigence relative au revenu vital minimum prévue au sous-alinéa 133(1)j)(i) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (RIPR). De plus, les demandeurs ne faisaient pas partie de la catégorie du regroupement familial, car ils n’avaient pas été déclarés à Citoyenneté et Immigration Canada au moment où Patience a présenté sa demande de résidence permanente ou lorsqu’elle a obtenu sa résidence permanente et que, de ce fait, ils ne satisfaisaient pas aux exigences prévues à l’alinéa 117(9)d) du RIPR.

II.  La demande pour motifs d’ordre humanitaire et la décision

[7]  Le 5 décembre 2012, Patience a demandé d’être dispensée de l’application de l’alinéa 117(9)d) du RIPR pour des considérations d’ordre humanitaire.

[8]  Le 16 avril 2013, l’agent a rédigé une note longue et détaillée dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC) au sujet des motifs invoqués à l’appui de la demande pour considérations d’ordre humanitaire. En voici les éléments clés : [traduction]

· Les demandeurs ont demandé l’asile en Afrique du Sud en 2007. En 2011, ils auraient présenté une demande d’asile en Afrique du Sud auprès du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, mais leur demande a été rejetée. Ils n’ont pas réussi à renouveler leur statut.

· Les demandeurs vivent ensemble. Grace a deux enfants. Le père de Junior accepte que Grace aille au Canada avec Junior.

· Les demandeurs ont tous les deux fait des études au Zimbabwe. Grace travaille aujourd’hui comme coiffeuse et elle s’occupe de ses enfants, et Hope travaille comme homme à tout faire.

· Les parents de Patience l’ont obligée à épouser Bongani, qui l’a agressée et violée pendant leur mariage. Bongani a refusé d’inclure les deux demandeurs sur la demande de résidence permanente de Patience, apparemment parce qu’il ne les aimait pas.

· Emmanuel est la seule personne qui prend soin de Patience. Il souhaite être réuni avec son frère et sa sœur. Cependant, sur les formulaires de demande de résidence permanente qui ont été présentés, Emmanuel y est inscrit comme étant le frère de Bongani. Apparemment, Patience n’en savait rien et elle soutient qu’Emmanuel est son fils.

· Patience souffre d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT) et de dépression, qui résultent du viol dont elle a été victime et de sa détention au Zimbabwe, ainsi que de la violence que son mari lui a fait subir avant et après son arrivée au Canada.

· Patience ne subvient pas directement aux besoins financiers des demandeurs : elle reçoit des prestations d’invalidité ainsi que de l’argent d’une église et d’une famille de soutien.

· En mars 2012, Patience a déclaré qu’elle vivait séparée des demandeurs depuis 11 ans. Elle allègue qu’elle a été forcée de laisser ses enfants à ses parents en 1998, lorsqu’elle a épousé Bongani, ce qui va à l’encontre de la déclaration de Grace qui dit que sa mère lui a souvent rendu visite lorsqu’elle était au pensionnat. Il semble que la séparation ne soit survenue que plus tard, lorsque Patience a quitté le Zimbabwe pour se rendre en Afrique du Sud, en 2003. L’agent note qu’il n’est pas inhabituel dans la culture zimbabwéenne que les enfants soient confiés aux soins de leurs grands-parents.

[9]  Toujours dans ses notes entrées le 16 avril 2013, l’agent s’est dit préoccupé par certaines incohérences relevées dans l’exposé circonstancié. Il a ainsi exprimé des doutes au sujet de la véracité des liens de parenté, au sujet des raisons pour lesquelles Bongani inclurait le fils de Patience, Emmanuel, mais non les demandeurs sur leur demande initiale de résidence permanente, ainsi que sur les raisons fournies par la répondante pour expliquer pourquoi les demandeurs n’avaient pas été inclus.

[10]  L’agent a conclu qu’il fallait d’abord vérifier les certificats de naissance et les pièces d’identité des demandeurs avant de les convoquer à une entrevue.

[11]  Le 3 juin 2013, les demandeurs ont présenté une lettre et des documents au Haut-commissariat du Canada, dans lesquels ils invoquaient les motifs d’ordre humanitaire suivants :

· Patience a beaucoup fait pour accroître la sensibilisation au VIH/sida et elle bénéficie d’un solide réseau de soutien au Canada pour l’aider, elle, ses enfants et ses petits-enfants. La demande contient de nombreuses lettres attestant du travail de sensibilisation fait par Patience au Canada.

· Les demandeurs n’ont aucun statut juridique en Afrique du Sud et ils risquent d’être expulsés au Zimbabwe, un pays où les conditions de vie sont mauvaises.

· Les rapports font état de cas de violence à l’endroit des Zimbabwéens, en Afrique du Sud.

[12]  Le 18 septembre 2014, le Haut-commissariat du Canada a informé les parties qu’il lui avait été impossible de vérifier l’authenticité des certificats de naissance. Les demandeurs ont donc été invités à se soumettre à un test d’ADN. Les tests devaient être effectués en février 2015, mais les demandeurs ne se sont pas présentés. Les tests ont finalement été réalisés en mars 2015. Une lettre datée du 25 mars 2016 a confirmé que Patience était, selon toute vraisemblance, la mère des demandeurs. Une entrevue a par la suite été fixée au 28 novembre 2016, mais elle a été reportée à la demande des demandeurs.

[13]  Dans une lettre datée du 7 octobre 2017, les demandeurs ont ajouté les motifs suivants à l’appui de leur demande pour considérations d’ordre humanitaire :

· L’authenticité du lien de parenté a maintenant été établie grâce au test d’ADN.

· La seule raison pour laquelle Hope et Grace n’ont pas fait l’objet d’un contrôle lorsque Patience a obtenu la résidence permanente, c’est que Bongani a refusé de les inclure dans la demande.

· Les membres de la famille sont aujourd’hui régulièrement en contact – ils ont eu la chance de se voir en novembre 2015 et en janvier 2017 lorsque Patience s’est rendue en Afrique du Sud.

· Patience soutient les demandeurs en payant une partie de leur loyer.

· Emmanuel a exprimé le souhait d’être réuni avec son frère et sa sœur au Canada. Le fait d’être séparé d’eux a eu une incidence sur sa vie – il est aujourd’hui atteint de dépression et d’anxiété. Il avait 14 ans au moment où la demande a été présentée; son intérêt supérieur devrait donc être pris en compte.

· Il faudrait également prendre en compte l’intérêt supérieur de Junior et de Bridgette, et permettre à ces jeunes enfants d’échapper aux difficultés, au danger et à l’insécurité auxquels ils sont exposés en Afrique du Sud et leur donner la possibilité de grandir dans la sécurité et la stabilité au Canada, avec leur grand-mère et leur oncle.

[14]  Les demandeurs ont déposé des déclarations solennelles en 2012 à l’appui de la demande de parrainage présentée par Patience, qui a elle aussi mis à jour sa demande par la présentation d’une déclaration solennelle le 3 avril 2017. Les entrevues avec les demandeurs ont finalement été réalisées le 20 octobre 2017. La demande a également été mise à jour à partir de la documentation pertinente, en tenant compte notamment de la peine et des motifs prononcés par le juge Dillon relativement aux chefs d’accusation d’agression sexuelle grave pour lesquels Bongani a été reconnu coupable en 2014.

[15]  Les décisions concernant les demandes pour motifs d’ordre humanitaire ont été rendues le 10 janvier 2018 (Hope) et le 13 février 2018 (Grace). Dans les deux cas, le Haut-commissariat du Canada a jugé que les motifs d’ordre humanitaire n’étaient pas suffisants pour justifier une dispense des exigences de la Loi. Le Haut-commissariat dit avoir tenu compte, dans les deux cas, des entrevues réalisées avec les demandeurs en 2017, de leurs relations avec la répondante et leurs frères et sœur, ainsi que des éléments de preuve au dossier. Dans le cas de Grace, sa relation avec son petit ami et ses enfants ont aussi été pris en compte.

[16]  La dernière entrée dans le SMGC remonte au 20 octobre 2017; dans cette note, qui sera analysée en détail ultérieurement, il est indiqué que l’agent a tenu compte de la relation de violence dont a été victime la répondante, des liens entre les demandeurs et la répondante, des efforts faits par la répondante pour faire venir ses enfants au Canada, du lien entre les demandeurs et leur frère Emmanuel, des conditions de vie des demandeurs en Afrique du Sud, de l’intérêt supérieur de Bridgette et de Junior, ainsi que de la possibilité pour la répondante de rendre visite aux demandeurs.

III.  Règles de droit et norme de contrôle qui s’appliquent

[17]  En application de l’alinéa 117(9)d) du RIPR, un étranger ne peut être considéré comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de sa relation avec un répondant si le répondant est devenu résident permanent à la suite d’une demande à cet effet, et si l’étranger qui, à l’époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et n’a pas fait l’objet d’un contrôle.

[18]  Le paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR) autorise le ministre à lever certains critères et obligations applicables, ou même à octroyer le statut de résident permanent à un étranger présentant une demande de visa de résidence permanente hors du Canada :

25 (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 —, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada — sauf s’il est interdit de territoire au titre des articles 34, 35 ou 37 — qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

25 (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible — other than under section 34, 35 or 37 — or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada — other than a foreign national who is inadmissible under section 34, 35 or 37 — who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

[je souligne]

[my emphasis]

[19]  La présentation d’une demande pour considérations d’ordre humanitaire est toutefois une mesure d’exception – il ne s’agit pas simplement d’un autre moyen de demander la résidence permanente au Canada (voir Canada, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Demandes pour considérations d’ordre humanitaire : Évaluation et traitement (Ottawa : Immigration, Réfugiés et Citoyenneté, 2017) [instructions relatives à l’exécution des programmes]). Il incombe au demandeur de fournir tous les détails concernant sa demande, y compris les motifs pour lesquels il estime qu’une dispense devrait être accordée pour des motifs d’ordre humanitaire, et de démontrer qu’il existe des motifs suffisants et convaincants pour accorder la dispense (voir instructions relatives à l’exécution des programmes; Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, au paragraphe 5 [Owusu]).

[20]  L’évaluation, par un agent des visas, d’une demande pour considérations d’ordre humanitaire doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable, étant donné le caractère exceptionnel et discrétionnaire de la mesure de réparation demandée (voir par exemple Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, au paragraphe 44 [Kanthasamy]). Comme notre Cour l’a récemment mentionné dans Puri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 132, au paragraphe 11, en faisant référence aux principes généraux énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 :

[...] [U]n requérant doit habituellement démontrer l’existence de difficultés « inhabituelles et injustifiées » ou « démesurées », c’est-à-dire « des difficultés qui sont ‘non envisagées’ par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ou son règlement d’application et qui sont « le résultat de circonstances indépendantes de [la] volonté [du demandeur] » ou des difficultés « auraient un impact déraisonnable sur le demandeur en raison de sa situation personnelle » (voir Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 au para 26 [Kanthasamy]). Selon le Guide 5291, l’agent pourra notamment tenir compte de l’établissement au Canada; d’une incapacité de quitter le Canada ayant mené à l’établissement; du lien au Canada; de l’intérêt supérieur de tout enfant touché par la demande; des considérations relatives à la santé; des considérations relatives à la violence familiale; des conséquences de la séparation d’avec les membres de la famille; des facteurs dans le pays d’origine (non liés au fait de demander la protection) ou de tout autre facteur pertinent (voir Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Guide 5291 - Considérations d’ordre humanitaire, Ottawa, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, 20 septembre 2017 [Guide 5291]).

[21]  Lorsqu’il s’agit d’analyser l’intérêt supérieur des enfants touchés, l’agent tiendra généralement compte des facteurs liés au bien-être émotionnel, social, culturel et physique de l’enfant, lorsque ces facteurs sont soulevés (instructions relatives à l’exécution des programmes). Cette évaluation doit être hautement contextuelle, étant donné « de la multitude de facteurs qui risquent de faire obstacle à l’intérêt de l’enfant » (Kanthasamy, au paragraphe 35). Elle doit donc tenir compte de l’âge de chaque enfant, de ses capacités, de ses besoins et de son degré de maturité (Kanthasamy, au paragraphe 35). Par conséquent, une décision rendue en application du paragraphe 25(1) sera jugée déraisonnable lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant qu’elle touche n’est pas suffisamment pris en compte (Kanthasamy, au paragraphe 39, citant Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 75, 174 DLR (4th) 193 [Baker]). Parallèlement, il incombe toujours aux demandeurs de soulever les arguments et facteurs qu’ils souhaitent voir examiner (instructions relatives à l’exécution des programmes). Bien que l’intérêt supérieur des enfants touchés par la décision soit un facteur important, il ne s’agit pas d’un facteur déterminant dans l’évaluation (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Legault, 2002 CAF 125, au paragraphe 12; Kisana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 189, au paragraphe 24 [Kisana]; Habtenkiel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 180, au paragraphe 46).

[22]  Je conclus en l’espèce que la décision est raisonnable et que l’intérêt supérieur des enfants a été dûment pris en compte.

IV.  Analyse

[23]  La décision de refuser la demande pour motifs d’ordre humanitaire était raisonnable en l’espèce. Elle est fondée sur les éléments de preuve, les facteurs pertinents ont été pris en compte et l’agent a tenu raisonnablement compte de l’intérêt supérieur des enfants touchés. Ce dernier point (l’intérêt supérieur des enfants) sera examiné séparément.

A.  Conclusions fondées sur les éléments de preuve au dossier et les facteurs pertinents

[24]  Les demandeurs font valoir que l’agent a passé sous silence des éléments de preuve importants et contradictoires (voir Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 FTR 35, 1998 CanLII 8667, au paragraphe 17 (CF)). Ils allèguent premièrement que l’agent n’a jamais expressément examiné les difficultés, pour les demandeurs et la mère, découlant du fait d’être séparés. L’agent a fait abstraction des éléments de preuve sur les difficultés vécues par Patience, notamment les agressions graves qu’elle a subies et les conséquences graves que sa séparation d’avec sa famille a eues sur sa santé mentale, comme en attestent de nombreux rapports médicaux. Deuxièmement, l’agent n’a pas tenu compte des liens que les demandeurs avaient maintenant avec leur mère, et a trop insisté sur leur relation avant l’arrivée de Patience au Canada. Or, des éléments de preuve au dossier montrent que leurs liens se sont resserrés depuis. Bien que personne ne conteste le fait que les contacts entre les membres de la famille étaient limités lorsque tous vivaient en Afrique, les demandeurs soutiennent que l’agent n’a pas tenu compte des raisons pour lesquelles il en était ainsi. Troisièmement, l’agent a fait abstraction des éléments de preuve indiquant que Patience tentait activement depuis près de dix ans de faire venir ses enfants au Canada. Enfin, l’agent a omis de prendre en compte les actions de Bongani qui ont mené à l’exclusion des demandeurs de la catégorie « regroupement familial »; la non-déclaration des demandeurs découlait d’une décision de Bongani et Patience n’y était pour rien. L’alinéa 117(9)d) vise à dissuader les demandeurs de faire des déclarations incomplètes concernant les personnes à charge; en l’espèce, toutefois, Patience n’a pas délibérément décidé d’exclure les demandeurs (voir De Guzman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 436, au paragraphe 32). Voilà justement le type de situations difficiles auxquelles l’article 25 de la LIPR vise à remédier (voir De Guzman, au paragraphe 32).

[25]  Le défendeur soutient au contraire que l’agent n’a pas fait abstraction d’éléments de preuve et qu’il a rendu une décision fondée sur tous les renseignements pertinents qui ont été présentés. Les notes du SMGC présentent un compte rendu détaillé des arguments invoqués par les demandeurs à l’appui de leur demande pour considérations d’ordre humanitaire, ainsi que des motifs justifiant le rejet de leur demande. L’agent a expressément évalué la séparation de la famille, les raisons pour lesquelles les enfants n’avaient pas été déclarés, les efforts faits en vue de faire venir les demandeurs au Canada et les liens entre les demandeurs et la répondante. Les demandeurs sont simplement en désaccord avec les conclusions de l’agent et avec sa pondération des différents facteurs. Le défendeur note en outre que, bien que la situation de la mère soit un facteur pertinent pour évaluer son défaut de déclarer les demandeurs, les demandes pour considérations d’ordre humanitaire présentées en application de l’article 25 de la LIPR exigent un examen de la situation personnelle de l’étranger (voir Seshaw c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 181, au paragraphe 23 [Seshaw]). Cela dit, l’agent a tenu compte de la violence et des traumatismes subis par la mère des demandeurs, mais il s’est ensuite raisonnablement concentré sur la situation des demandeurs et sur les renseignements présentés durant leurs entrevues : à savoir leur situation et leur établissement en Afrique du Sud, leur lien avec leur mère, les relations entre les demandeurs et l’intérêt des enfants.

[26]  Je suis d’accord avec le défendeur. La décision est fondée sur les éléments de preuve au dossier. Elle est également suffisamment justifiée. Ensemble, les lettres de décision et les notes du SMGC montrent que les arguments soulevés par les demandeurs à l’appui de leur demande pour motifs d’ordre humanitaire, ainsi que les facteurs déterminants dans ce type de demandes, ont été largement pris en compte. Il est bien établi que les notes du SMGC font partie intégrante des motifs de la décision d’un agent des visas (voir, en général, Baker, au paragraphe 44). En l’espèce, contrairement à ce qu’allèguent les demandeurs, les notes indiquent que l’agent a précisément examiné les difficultés liées à la séparation de la famille, les liens entre les demandeurs et leur mère, les efforts faits par la répondante pour faire venir ses enfants au Canada, ainsi que les raisons pour lesquelles les demandeurs n’ont pas été déclarés sur la demande de résidence permanente :

  • a) Difficultés liées à la séparation de la famille : Selon les instructions relatives à l’exécution des programmes, les conséquences de la séparation des membres d’une même famille sont des considérations pertinentes dans l’examen d’une demande pour motifs d’ordre humanitaire. Parallèlement, même si les difficultés subies par Patience étaient, dans une certaine mesure, pertinentes pour l’évaluation globale de la demande d’asile, l’examen de la demande pour considérations d’ordre humanitaire doit être axé sur la situation personnelle des étrangers qui demandent la dispense, plutôt que sur celle de la répondante (Seshaw, au paragraphe 23). En l’espèce, les demandeurs n’ont présenté aucun argument attestant des difficultés qu’ils ont subies du fait de leur séparation – la demande portait essentiellement sur Patience, un élément dont l’agent a précisément tenu compte dans sa dernière note entrée le 20 octobre 2017 où il mentionne les abus et les traumatismes que le mari de la répondante lui a fait subir (dossier certifié du tribunal [DCT], dossier de Grace, à la page 12; DCT, dossier de Hope, à la page 9). Cependant, comme l’évaluation devait porter principalement sur la situation personnelle des étrangers, il était raisonnable de n’examiner que sommairement les difficultés vécues par Patience. L’agent n’a pas commis d’erreur susceptible de révision en ne faisant pas un examen approfondi des dossiers médicaux de Patience qui figuraient au dossier.

  • b) Relation actuelle entre les demandeurs et leur mère : Je conviens que l’agent aurait pu faire un examen plus détaillé de la relation actuelle entre les demandeurs et leur mère. Cependant, je ne crois pas que cette omission soit déterminante. Contrairement à ce qu’allèguent les demandeurs, la faiblesse de leurs liens familiaux lorsqu’ils vivaient en Afrique n’a pas été le facteur décisif pour l’agent. Ce sont plutôt les incohérences dans les récits des demandeurs : [traduction] « il y a trop de divergence entre les récits de Hope et de Grace pour conclure à l’existence de solides liens [familiaux] » (DCT, dossier de Grace, à la page 12; DCT, dossier de Hope, à la page 10; voir également les notes d’entrevue, le DCT, dossier de Grace, aux pages 10 et 11 et DCT, dossier de Hope, aux pages 8 et 9). Je suis d’avis que cette conclusion serait maintenue, malgré les allégations relatives au resserrement des liens familiaux au cours des dernières années.

  • c) Efforts en vue de faire venir les enfants au Canada : Dans les notes entrées le 20 octobre 2017, l’agent a expressément abordé la question des efforts présumés faits par la répondante pour faire venir ses enfants au Canada. Il a toutefois relevé certaines divergences entre les récits des demandeurs et celui de la répondante et noté que [traduction] « les éléments de preuve étaient insuffisants pour conclure que la répondante avait fait de grands efforts pour faire venir ses enfants au Canada » (DCT, dossier de Grace, à la page 12; DCT, dossier de Hope, à la page 10). J’ajouterais que les demandeurs n’ont produit aucun élément de preuve documentaire fournissant quelque indication de la présumée demande dans le délai prescrit d’un an ayant été rejetée.

  • d) Raisons pour lesquelles les demandeurs n’ont pas été déclarés sur la demande de résidence permanente : Ce facteur a été examiné dans le cadre de la demande pour motifs d’ordre humanitaire initialement reçue en 2013. Les notes du 16 avril 2013 mentionnent ce qui suit (les deux DCT, aux pages 4 et 6) :

[traduction]

La répondante a déclaré que M. Nyoni lui a dit de ne pas mentionner le demandeur principal (DP) ou sa sœur sur leur demande initiale de résidence au Canada et il l’a menacée de violence si elle ne lui obéissait pas. Apparemment, il ne les aimait pas et il ne voulait pas s’en occuper […] La répondante […] n’a dit à personne qu’elle avait deux enfants au Zimbabwe […].

Il m’apparaît très inhabituel que M. Bongani Nyoni était disposé à inclure dans sa demande le fils de la répondante, Emmanuel, né de son précédent mariage à M. Calvin Moyo, mais qu’il refusait de déclarer ou d’inclure le DP et sa sœur, bien que, selon mon expérience, il arrive souvent que des demandeurs d’asile dans des cas semblables ne déclarent pas ou n’incluent pas leurs enfants qui vivent dans un autre pays, parce qu’ils savent que ces autres enfants devraient alors subir un examen médical et que cela pourrait retarder le traitement de leur propre demande. Compte tenu du fait que la DP et son frère vivaient toujours au Zimbabwe au moment où la répondante et son époux ont présenté leur demande d’asile, cela pourrait peut-être expliquer pourquoi ils n’ont pas été déclarés. Cette interprétation est corroborée par la mention incluse dans la déclaration solennelle de la DP, selon laquelle la répondante lui a dit après son arrivée au Canada que M. Bongani Nyoni avait déclaré qu’il [traduction] « lui réglerait son cas à elle et à sa fille plus tard » [...]

  • e) L’agent a examiné la raison fournie par les demandeurs pour expliquer pourquoi ils ont été omis de la demande initiale de résidence permanente de la répondante, mais il a tout simplement mis en doute sa véracité. Il était loisible à l’agent de soupeser les éléments de preuve et d’accorder peu de poids à un des arguments soulevés par les demandeurs. Même si les faits auraient très certainement pu être interprétés différemment, les conclusions de l’agent en l’espèce appartiennent aux issues possibles acceptables (voir Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

[27]  Cela ne signifie pas que l’agent a omis de tenir compte d’éléments de preuve clés. Il a plutôt fondé son évaluation de la demande sur le dossier et sur les arguments soulevés par les demandeurs. De plus, au risque de me répéter, je conviens avec le défendeur qu’il était raisonnable pour l’agent de se concentrer davantage sur la situation personnelle des demandeurs que sur les abus et les traumatismes subis par la répondante. Il était justifié pour l’agent de fonder sa décision, notamment sur les conditions de vie des demandeurs en Afrique du Sud, sur la violence à laquelle ils étaient exposés, sur leur degré d’intégration dans la communauté, sur le fait qu’ils avaient des emplois et sur les liens qu’il y avait entre eux – tous des facteurs pertinents selon les instructions relatives à l’exécution des programmes. Compte tenu de ces faits, il pouvait raisonnablement conclure que, malgré des conditions de vie quelque peu difficiles, il n’existait pas de motifs suffisants pour se soustraire aux exigences de l’alinéa 117(9)d) du RIPR.

B.  L’intérêt supérieur des enfants pris en compte par l’agent

[28]  Les demandeurs font également valoir que l’intérêt supérieur des enfants n’a pas été adéquatement pris en compte. Ils allèguent que l’agent n’a pas déterminé ni défini avec précision ce qu’il considérait comme étant dans l’intérêt supérieur des enfants, comme l’a prescrit la Cour suprême du Canada dans Kanthasamy. Cette évaluation devait inclure notamment la question de savoir si la réunification au Canada serait dans l’intérêt supérieur de chaque enfant. Premièrement, l’agent a omis de prendre en compte l’intérêt supérieur d’Emmanuel, eu égard à la souffrance causée par sa séparation d’avec son frère et sa sœur. Selon eux, des éléments de preuve irréfutés montrent que la séparation a été la cause de la dépression et de l’anxiété d’Emmanuel. Deuxièmement, l’agent a fait une évaluation déraisonnable de l’intérêt supérieur de Junior et de Bridgette compte tenu de la situation précaire de la famille en Afrique du Sud. L’agent s’est concentré sur le statu quo de la vie des demandeurs en Afrique du Sud, plutôt que d’examiner leur possibilité de vivre au Canada (voir Weng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 778, aux paragraphes 31 à 33). Ils estiment en outre que l’intérêt supérieur des enfants devrait être évalué même dans le cadre de la demande de Hope, car aucun principe n’indique que l’intérêt supérieur de l’enfant n’entre en jeu que dans le cas d’un lien parent-enfant.

[29]  Le défendeur soutient que l’agent a fait un examen exhaustif de l’intérêt supérieur de chaque enfant. Il a conclu que les demandeurs n’entretenaient pas de lien étroit avec Emmanuel qui vit déjà au Canada et qui n’éprouve pas de difficulté particulière : de fait, les demandeurs ont indiqué dans leur entrevue qu’ils avaient eu très peu de contact avec leur demi-frère Emmanuel. Quant à Junior et à Grace, l’agent a tenu compte de leur lien étroit avec leur oncle Hope; de l’établissement des enfants en Afrique du Sud où ils vont à l’école et ont de nombreux amis; de leur lien étroit avec le père de Junior, ainsi que du soutien financier que leur apporte le père de Junior. L’agent a jugé que la famille serait brisée si les demandeurs venaient au Canada. Tous ces éléments étaient des facteurs pertinents à prendre en compte, qui indiquent que l’agent s’est montré réceptif et sensible à l’intérêt supérieur des enfants. Cela dit, l’intérêt supérieur des enfants de Grace devrait avoir peu d’incidence sur l’évaluation de la demande de Hope, car il s’agit de sa nièce et de son neveu. De plus, l’intérêt supérieur de l’enfant est certes un facteur à considérer, mais ce n’est pas à lui seul un facteur déterminant (voir Kanthasamy, au paragraphe 23; Kisana, au paragraphe 24). Enfin, comme l’a expliqué la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Kisana, même si les enfants bénéficieraient dans l’ensemble de plus de possibilités au Canada, il est généralement préférable pour eux d’habiter avec leurs parents que d’en être séparés (voir Kisana, aux paragraphes 30, 31 et 33).

[30]  Je suis d’accord avec le défendeur. Je conclus que l’examen que l’agent a fait de l’intérêt supérieur des enfants touchés était raisonnable. Il incombait aux demandeurs de présenter tous les facteurs et considérations pertinents à l’appui de leur demande pour motifs d’ordre humanitaire (voir Owusu, au paragraphe 5; voir également les instructions relatives à l’exécution des programmes). En ce qui concerne Emmanuel, le seul argument qui a été soulevé est qu’il souffrait d’être séparé de son frère et de sa sœur. L’agent a expressément tenu compte de cet argument, mais a conclu que les éléments de preuve au dossier ne confirmaient pas l’existence d’un lien étroit entre eux. Les demandeurs et Emmanuel se connaissaient à peine (voir les notes du 20 octobre 2017 dans le DCT, dossier de Grace, à la page 12; DCT, dossier de Hope, à la page 10) :

[traduction]

Emmanuel indique qu’il souhaite désespérément être réuni avec son frère et sa sœur. Il a exprimé la « douleur qu’il a ressentie lorsqu’il a reçu son diplôme [...] sans sa famille au Canada pour le soutenir ». Durant l’entrevue, toutefois, Hope a déclaré qu’il n’avait vu Emmanuel qu’une seule fois, lorsqu’il était bébé. Il n’a jamais communiqué avec Emmanuel. De même, Grace a déclaré qu’elle n’avait vu Emmanuel que lorsqu’il avait trois ans. Donc, si l’on se fie aux entrevues, il ne semble pas y avoir de lien étroit entre Emmanuel et les demandeurs […].

[31]  Il était loisible à l’agent d’en venir à cette conclusion, étant donné les éléments de preuve au dossier, en particulier les notes d’entrevue, et cette conclusion n’était pas déraisonnable. Les demandeurs parlent d’« éléments de preuve irréfutés » attestant de la souffrance d’Emmanuel. Ils font ici référence aux deux lettres rédigées par Emmanuel lui-même. Cependant, l’agent pouvait très bien mettre en doute la valeur probante de ces lettres.

[32]  Quant à Junior et à Bridgette, je suis d’accord avec les demandeurs que l’intérêt supérieur de ces enfants devait être pris en compte dans l’examen à la fois des demandes de Hope et de Grace. Le paragraphe 25(1) fait référence à tout enfant directement touché. De fait, les instructions relatives à l’exécution des programmes précisent que « [l]e lien de parenté entre le demandeur et tout “enfant directement touché” ne doit pas nécessairement être un lien de filiation parent-enfant; il peut s’agir d’un autre lien de parenté qui est touché par la décision. Par exemple, un grand-parent pourrait être le principal fournisseur de soins qui est touché par une décision en matière d’immigration et la décision peut donc toucher aussi l’enfant. » Là encore, le dossier a clairement établi que Hope vivait avec Grace et Junior et qu’il était très près d’eux. Par conséquent, toute décision concernant le dossier de Hope aurait indéniablement une incidence sur eux.

[33]  Cela dit, je conclus que l’agent a raisonnablement pris en compte l’intérêt supérieur de Hope et de Grace. De fait, les notes du 20 octobre 2017 indiquent que l’intégration des enfants à l’école et dans la communauté; que la proximité et le soutien du père; que le degré global d’établissement de la famille en Afrique et que le besoin de maintenir la famille ensemble avaient été déterminants :

[traduction]

Bridgette (10 ans) et Junior (5 ans) sont très heureux. Selon Grace, Bridgette fréquente l’école de quartier. Elle est pleinement intégrée dans le système scolaire. Elle a de bons résultats à l’école et a beaucoup d’amis. Junior est heureux à la garderie. De plus, Grace entretient une relation avec le père de Junior depuis sept ans. Bien qu’ils ne vivent pas ensemble, le père de Junior rend régulièrement visite à la famille. De plus, il apporte son soutien au ménage et les deux enfants l’aiment. La famille semble bien établie en Afrique du Sud. Déraciner les demandeurs et leur permettre de venir au Canada aurait pour effet de briser la famille […].

[34]  Les demandeurs allèguent que l’agent n’a pas fait une évaluation exhaustive de l’intérêt supérieur des enfants et qu’il a omis de tenir compte de la possibilité qu’ils aient une vie meilleure au Canada. Là encore, il incombait aux demandeurs d’invoquer des arguments à l’appui de leur demande pour motifs d’ordre humanitaire (voir Kisana, au paragraphe 35, citant Owusu, au paragraphe 5). Leurs observations portaient essentiellement sur le fait que Bridgette et Junior auraient de meilleures vies au Canada. Malheureusement, comme l’a souligné la Cour dans Jaramillo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 744, au paragraphe 75, « [l]e fait que les enfants puissent se trouver mieux au Canada, sur le plan du confort en général ou celui des possibilités futures, ne saurait […] être concluant dans une décision en matière de motifs d’ordre humanitaire qui a pour objet de voir s’il y a des difficultés excessives puisque l’issue serait presque toujours en faveur du Canada ». En l’espèce, les demandeurs n’ont pas soulevé d’arguments précis concernant les difficultés excessives auxquelles feraient face les enfants s’ils restaient en Afrique du Sud, se contentant plutôt de parler de façon générale [traduction] « de danger et d’insécurité ». L’agent a conclu plutôt que les enfants fréquentaient l’école et qu’ils étaient bien intégrés dans leur communauté. Cette conclusion semble raisonnable, compte tenu du dossier.

[35]  Enfin, les agents considèrent qu’il est généralement préférable pour les enfants d’habiter avec leurs parents que d’en être séparés (Kisana, au paragraphe 30).

[36]  Somme toute, il était donc raisonnable pour l’agent d’évaluer les conditions de vie des enfants en Afrique du Sud et de conclure qu’il était préférable, dans l’intérêt supérieur des enfants, que la famille reste ensemble, dans un environnement stable.

V.  Conclusion

[37]  Pour ces motifs, les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées. Les demandeurs n’ont soulevé aucune question grave de portée générale.


JUGEMENT DANS LES DOSSIERS IMM-5343-17 et IMM-5345-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

La Cour ordonne que les demandes de contrôle judiciaire dans les dossiers IMM-5343-17 et IMM-5345-17 soient rejetées. Aucune question n’est certifiée.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5343-17

INTITULÉ :

HOPE SIBANDA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

ET DOSSIER :

IMM-5345-17

INTITULÉ :

GRACE SIBANDA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 juillet 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :

Le 31 juillet 2018

COMPARUTIONS :

Juliana Dalley

Pour le demandeur

Helen Park

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Embarkation Law Corporation

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour les demandeurs

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour la défenderesse

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.