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Date : 20180706


Dossier : IMM-4794-17

Référence : 2018 CF 685

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 6 juillet 2018

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

ABIMBOLA ADEJOKE IBRAHIM

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’égard d’une décision de la Section d’appel des réfugiés (SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, datée du 13 octobre 2017 (la décision), qui a confirmé la décision rendue le 9 février 2017 par la Section de la protection des réfugiés (SPR) selon laquelle la demanderesse n’est ni une réfugiée ni une personne à protéger.

[2]  Comme il est expliqué plus en détail ci-dessous, la demande est rejetée parce que l’examen des arguments de la demanderesse relatifs à l’équité procédurale et du caractère raisonnable de la décision ne m’a pas permis de conclure que la SAR avait commis une erreur susceptible de révision.

II.  Énoncé des faits

[3]  La demanderesse, Abimbola Adejoke Ibrahim, est une citoyenne du Nigéria. Elle a présenté une demande d’asile, alléguant qu’elle était victime de violence conjugale de la part de son mari.

[4]  Mme Ibrahim est née au Nigéria en 1968 et s’est mariée en 1995. Ses allégations sont les suivantes : Après environ 14 années de mariage, le mari de Mme Ibrahim était mécontent parce que le couple n’avait pu concevoir qu’un seul enfant. Il a commencé à avoir des relations extraconjugales en 2009 et à battre sa femme quand elle s’opposait à son infidélité. Il a menacé de la tuer si elle ne le laissait pas avoir une deuxième femme.

[5]  Mme Ibrahim affirme que le conflit s’est envenimé le 11 juin 2016 quand son mari a ramené une femme à la maison et qu’elle a refusé de le laisser entrer. M. Ibrahim est devenu violent, s’est introduit dans la maison et l’a agressée. Quand elle a décrit l’incident dans le formulaire Fondement de la demande d’asile, Mme Ibrahim a indiqué que M. Ibrahim [traduction] « avait saisi de l’acide pur » et menacé de s’en servir pour la tuer, et qu’elle avait fui la maison en raison de cet incident. Mme Ibrahim a demandé l’aide de la police dans deux commissariats de police, mais on lui a dit qu’il s’agissait d’une affaire de famille et qu’on ne pouvait rien faire. Elle s’est cachée, d’abord à la résidence de son frère, puis à celle d’une amie, avant de fuir le pays pour se rendre au Canada.

[6]  À titre d’éléments de preuve à l’appui de sa demande d’asile, Mme Ibrahim a présenté des déclarations sous serment faites par son frère et son amie, un rapport de police et des lettres d’un psychothérapeute et d’un travailleur social.

[7]  La SPR a rejeté la demande de Mme Ibrahim pour des raisons de crédibilité. La demanderesse a interjeté appel de cette décision auprès de la SAR.

III.  Décision de la SAR

[8]  La SAR a examiné la décision de la SPR selon la norme de la décision correcte. Même si elle était d’accord avec les affirmations de Mme Ibrahim selon lesquelles certaines des conclusions de la SPR n’étaient pas valables, elle a tout de même soutenu que la demanderesse n’avait pas prouvé ses allégations au moyen d’éléments de preuve crédibles et dignes de confiance fondés sur la prépondérance des probabilités.

[9]  La SAR a conclu que Mme Ibrahim n’avait pas fourni d’explication raisonnable pour justifier l’écart entre son formulaire Fondement de la demande d’asile et son témoignage sur la question de déterminer si son mari avait réellement de l’acide en sa possession ou si elle croyait simplement qu’il en avait. La SAR a décrit le témoignage de Mme Ibrahim comme changeant et a conclu qu’elle avait embelli son allégation.

[10]  La SAR a également déterminé que les éléments de preuve corroborants de la demanderesse n’étaient pas crédibles. Le rapport de police a été produit par la division d’Ikeja du corps de police du Nigéria et non par l’un des commissariats de police dans lesquels Mme Ibrahim affirme s’être rendue à la suite de l’agression (commissariats de police d’Adekunle et de Dentons). Le papier à en-tête ne comportait ni adresse ni coordonnées; la SAR a fait valoir à partir des éléments de preuve documentaire qu’on aurait pu raisonnablement s’attendre à ce que ces éléments figurent sur le rapport, sauf s’il avait été produit par un petit commissariat de police. Le rapport ne correspondait pas non plus à la façon dont Mme Ibrahim avait caractérisé la réponse de la police à sa requête. Elle avait indiqué dans son témoignage que la police lui avait dit qu’elle ne pouvait rien faire, tandis que le rapport précisait qu’une enquête était en cours.

[11]  En outre, la SAR a ciblé une incohérence avec le formulaire Fondement de la demande d’asile de la demanderesse. Dans le formulaire, elle a indiqué qu’elle s’est précipitée dans deux commissariats de police avant d’aller chez son frère, alors qu’elle a affirmé dans son témoignage devant la SPR que son frère l’avait accompagnée au deuxième commissariat. La SAR a également fait remarquer que son frère n’avait pas mentionné dans sa déclaration sous serment l’avoir accompagnée au commissariat. En raison des incohérences relatives aux efforts de Mme Ibrahim pour obtenir l’aide de la police et du fait que la SAR a considéré que ses explications à ces incohérences étaient à la fois changeantes et déraisonnables, la SAR a conclu que le rapport de police n’était pas authentique et a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité de la demanderesse.

[12]  La SAR n’a pas non plus tenu compte des déclarations sous serment présentées par Mme Ibrahim. La déclaration sous serment de son amie fait référence à une agression survenue en septembre plutôt qu’en juin, et elle contenait une erreur dans la description des lois en vertu desquelles la déclaration a été faite sous serment. Compte tenu de ces problèmes et des éléments de preuve documentaire relatifs à la disponibilité générale d’affidavits frauduleux au Nigéria, la SAR n’a pas considéré la déclaration sous serment de l’amie de Mme Ibrahim comme un élément de preuve fiable et ne lui a accordé aucun poids.

[13]  En ce qui concerne les déclarations sous serment du frère de Mme Ibrahim, la SAR a noté qu’elles avaient été faites sous serment à la Haute Cour d’Ikeja, qui est reconnue dans la documentation sur le pays pour produire des éléments de preuve frauduleux, et elle a déterminé que les déclarations sous serment étaient insuffisantes pour l’emporter sur les problèmes de crédibilité des autres éléments de preuve.

[14]  Au bout du compte, la SAR a tiré la même conclusion que la SPR et a confirmé la décision selon laquelle Mme Ibrahim n’était pas une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger.

IV.  Questions en litige et norme de contrôle

[15]  La demanderesse soumet les questions suivantes à l’examen de la Cour :

  1. La SAR a-t-elle commis un manquement au droit à l’équité procédurale de la demanderesse?

  2. La SAR a-t-elle fait fi ou mal interprété des éléments de preuve pertinents?

[16]  Les questions relatives à l’équité procédurale sont régies par la norme de la décision correcte, tandis que les questions relatives à la mauvaise interprétation d’éléments de preuve ou au fait de ne pas en tenir compte par un décideur administratif sont régies par la norme de la décision raisonnable.

V.  Analyse

[17]  Mme Ibrahim soulève des questions relatives à l’équité procédurale pour un certain nombre de conclusions de la SAR. Cependant, il y a un chevauchement entre ces arguments et ceux entourant le caractère raisonnable de la décision puisqu’elle affirme que certaines de ces conclusions découlent du fait que la SAR a fait fi ou mal interprété des éléments de preuve pertinents. J’ai donc structuré mon analyse de ses arguments en fonction des conclusions individuelles qu’elle conteste et, pour chaque conclusion, j’examinerai à la fois ses arguments sur le traitement par la SAR des éléments de preuve et ses arguments sur l’équité procédurale, le cas échéant.

[18]  Mme Ibrahim conteste le caractère raisonnable de la décision parce que l’analyse de la SAR est selon elle incompréhensible du fait qu’elle tire des conclusions incohérentes à l’égard de sa crédibilité. Elle fait remarquer que la SAR a conclu que certaines des conclusions de la SPR relatives à la crédibilité n’étaient pas valables et allègue donc qu’il était contradictoire que la SAR tire aussi une conclusion défavorable quant à sa crédibilité.

[19]  Je conclus que cet argument est non fondé. La SAR était d’accord avec l’affirmation de Mme Ibrahim selon laquelle la SPR a commis une erreur quand elle a conclu que les allégations – selon lesquelles l’agression qui aurait été commise par son mari en juin 2016 ne lui avait laissé que deux yeux au beurre noir – n’étaient pas plausibles. La SAR a aussi convenu avec la demanderesse qu’il était déraisonnable que la SPR lui reproche de ne pas avoir fourni de documents médicaux pour corroborer l’agression étant donné que la SPR avait accepté son explication selon laquelle elle était trop embarrassée pour demander une assistance médicale.

[20]  Cependant, rien dans l’analyse de la SAR ne laisse penser que celle-ci a reconnu la crédibilité des allégations de Mme Ibrahim concernant l’agression de juin 2016. La SAR a plutôt clairement affirmé que, même si elle reconnaît que certaines des conclusions de la SPR relatives à la crédibilité n’étaient pas valables, il y avait des préoccupations non résolues relatives à la crédibilité. La SAR a demandé à Mme Ibrahim de présenter des observations sur ces préoccupations, mais elle n’a pas reçu d’observations qu’elle considérait comme des explications raisonnables aux divergences dans ses éléments de preuve. Ces divergences comprenaient les incohérences sur le fait qu’elle a réellement vu son mari prendre l’acide et la menacer. Même si elle se fondait sur des motifs assez différents de ceux présentés à la SPR, la SAR a confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle Mme Ibrahim n’avait pas prouvé ses allégations au moyen d’éléments de preuve crédibles et dignes de confiance.

[21]  Mme Ibrahim a soulevé un argument similaire pour le témoignage par affidavit de son frère puisque la SAR a conclu que la SPR avait commis en erreur quand elle a rejeté deux déclarations sous serment identiques de son frère au motif qu’elles avaient été imprimées sur du papier qui semblait plus vieux que la date à laquelle les déclarations ont été faites sous serment. Cependant, comme elle l’a expliqué plus en détail dans ses motifs, la SAR avait d’autres préoccupations relatives aux déclarations sous serment du frère de la demanderesse, et elle a conclu qu’elles étaient insuffisantes pour l’emporter sur les préoccupations relatives à la crédibilité. Je ne constate aucune incohérence dans le fait que SAR a déterminé que la SPR avait commis une erreur dans son analyse, tout en accordant peu de poids aux déclarations sous serment du frère de la demanderesse pour d’autres raisons.

[22]  Mme Ibrahim allègue que la SAR a commis une erreur dans son traitement de l’expertise psychologique qu’elle a fournie pour expliquer les incohérences dans ses éléments de preuve, affirmant que son état psychologique nuisait à ses souvenirs. Cette expertise était constituée de la lettre d’un travailleur social et du rapport d’un psychothérapeute, selon lesquels Mme Ibrahim souffrait du trouble de stress post-traumatique et d’anxiété et qu’elle avait de la difficulté à se souvenir de l’agression. Elle allègue que la SAR a omis d’examiner adéquatement ces éléments de preuve et qu’elle a commis une erreur quand elle les a rejetés au motif que les auteurs des documents avaient fondé leur compréhension de l’incident en fonction de ce que Mme Ibrahim leur avait dit.

[23]  Encore une fois, je ne vois aucune erreur dans la façon dont la SAR a traité ces éléments de preuve. La SAR a fait remarquer que les auteurs n’étaient pas médecins. Elle a décrit l’expertise du travailleur social comme une opinion de profane et a fait remarquer que le psychothérapeute avait rencontré Mme Ibrahim à une seule reprise. La SAR a aussi conclu que l’expertise psychologique n’expliquait pas les incohérences dans les éléments de preuve. Quand on l’a interrogée sur les incohérences relatives à l’acide, elle a affirmé qu’il était indiqué dans son formulaire Fondement de la demande d’asile que son mari « avait pris » l’acide parce qu’elle était certaine qu’il en avait. La SAR a considéré cette affirmation comme une reconnaissance par Mme Ibrahim qu’elle avait embelli son allégation et a donc conclu que les incohérences n’étaient pas attribuables aux difficultés à se souvenir de l’incident. La SAR a également conclu que la demanderesse avait donné un témoignage changeant quant aux incohérences relatives à la question de savoir si son frère l’avait accompagnée au commissariat de police, et elle a une fois encore déterminé que l’expertise psychologique ne les expliquait pas. Ces analyses démontrent que la SAR a examiné l’expertise psychologique et a raisonnablement conclu qu’elle n’expliquait pas les incohérences.

[24]  En ce qui concerne les éléments de preuve du frère de Mme Ibrahim, celle-ci soulève des arguments relatifs au caractère raisonnable et à l’équité procédurale. Pour le motif du caractère raisonnable, elle allègue que la SAR a commis une erreur quand elle a omis d’analyser les éléments de preuve en raison de leur contenu et qu’elle les a simplement rejetés parce qu’ils étaient brefs. Cependant, la décision démontre que la SAR a pris en compte l’essentiel des déclarations sous serment du frère de la demanderesse. Elle a noté que les déclarations sous serment du frère n’indiquaient pas qu’il s’était rendu au commissariat de police avec Mme Ibrahim, ce qui est incompatible avec le témoignage de celle-ci. La SAR a aussi déterminé d’après les éléments de preuve documentaire que la Haute Cour d’Ikeja, où les deux déclarations sous serment du frère ont été faites, produit des documents frauduleux. Elle a conclu, même sans avoir déterminé que les déclarations sous serment étaient frauduleuses, que leur brièveté et le fait qu’elles n’indiquent pas que le frère a accompagné Mme Ibrahim au commissariat de police les rendent insuffisantes pour l’emporter sur les problèmes de crédibilité des autres éléments de preuve. Je ne vois rien de déraisonnable dans cette analyse.

[25]  Passons maintenant à la question de l’équité procédurale, Mme Ibrahim affirme que la SAR a commis une erreur en ne l’informant pas de ses préoccupations relatives aux éléments de preuve de son frère. Pour faire progresser ses arguments relatifs à l’équité procédurale à cet égard et à l’égard d’autres conclusions, elle affirme que la SAR a manqué à son devoir d’équité procédurale en prenant sa décision en fonction de conclusions différentes de celles de la SPR, sans lui donner l’occasion d’étudier ces nouveaux éléments. Elle n’affirme pas que la SAR était tenue de lui accorder une audience, seulement qu’il était injuste que la SAR tire ses conclusions sans l’informer des éléments qui la préoccupaient.

[26]  Cependant, avant de prendre sa décision, la SAR a écrit à l’avocat de Mme Ibrahim le 8 septembre 2017 afin de lui demander des observations sur un certain nombre de questions. La lettre décrivait la première question de la façon suivante :

[traduction]

L’appelante a témoigné qu’elle a appelé son frère, qui l’a accompagnée au deuxième commissariat de police le 11 juin 2016. Elle n’a pas mentionné dans son formulaire Fondement de la demande d’asile qu’elle avait appelé son frère et qu’il l’avait accompagnée au commissariat de police, et elle a indiqué dans son témoignage qu’elle ne se souvenait pas de ce détail quand elle a rempli son formulaire.

[27]  Je considère que cette correspondance donnait suffisamment de renseignements à Mme Ibrahim quant à la préoccupation principale qui a poussé la SAR à accorder peu de poids aux éléments de preuve de son frère. La demanderesse allègue également que la SAR a manqué à son devoir d’équité procédurale en se fiant aux éléments de preuve documentaire portant sur la disponibilité de documents frauduleux produits par la Haute Cour d’Ikeja sans l’informer précisément de cette préoccupation. À mon avis, cet argument n’appuie pas la conclusion selon laquelle Mme Ibrahim a été privée d’équité procédurale. Auparavant, la SPR avait renvoyé à ses propres observations sur la prévalence de faux documents au Nigéria pour appuyer sa décision de n’accorder que peu de poids aux déclarations sous serment du frère. Par ailleurs, l’examen par la SAR des éléments de preuve du frère de la demanderesse ne portait pas sur la disponibilité de documents frauduleux. Elle a expressément affirmé que, sans même prouver que les déclarations sous serment du frère étaient frauduleuses, elles étaient insuffisantes pour l’emporter sur les problèmes de crédibilité des autres éléments de preuve.

[28]  Mme Ibrahim a aussi soulevé des préoccupations relatives au caractère raisonnable et à l’équité procédurale entourant l’examen par la SAR du rapport de police. La SAR a conclu que le rapport de police n’était pas authentique et a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité de la demanderesse du fait qu’elle a présenté cet élément. La SAR a tiré cette conclusion pour plusieurs raisons. Le rapport ne provenait pas de l’un des deux commissariats auxquels Mme Ibrahim affirme avoir demandé de l’aide, mais d’un autre. La SAR a aussi déterminé que le rapport n’était pas conforme aux éléments de preuve documentaire qui indiquaient que, sauf pour les petits commissariats, un tel rapport comprendrait une adresse et un numéro de téléphone. Le rapport ne correspondait pas non plus aux propres éléments de preuve de Mme Ibrahim puisqu’il indiquait qu’une enquête était toujours en cours, alors qu’elle avait indiqué dans son témoignage que la police lui avait dit qu’elle ne pouvait rien faire.

[29]  Mme Ibrahim prétend tout particulièrement que la SAR a tiré sa conclusion, à savoir que la division d’Ikeja du corps de police du Nigéria était un grand commissariat de police, sans aucun élément de preuve à l’appui. Elle allègue que cette conclusion était donc déraisonnable et que la SAR a manqué à son devoir d’équité procédurale quand elle a tiré cette conclusion sans lui donner l’occasion d’examiner cet élément. Cependant, le rapport de police a fait l’objet de plusieurs des questions soulevées par la SAR dans la lettre qu’elle a envoyée le 8 septembre 2017 à l’avocat de Mme Ibrahim, y compris des questions suivantes :

[traduction]

Le papier à en-tête du rapport de police ne comportait ni adresse ni coordonnées pour le commissariat de police.

[30]  Dans sa décision, la SAR note expressément que l’avocat de la demanderesse a indiqué que le rapport était conforme à la description des rapports de police produits par les petits commissariats de police et que l’apparence du rapport peut être attribuée à la taille du commissariat. Cependant, la SAR indique qu’Ikeja est la capitale du Lagos et qu’elle ne dispose d’aucun renseignement qui démontre que la division d’Ikeja était un petit commissariat. À mon avis, Mme Ibrahim avait été informée des préoccupations de la SAR relatives au rapport de police, et il était raisonnable que la SAR tire la conclusion qu’elle a tirée en l’absence de renseignements fournis par Mme Ibrahim à l’appui de son allégation selon laquelle le commissariat pertinent était petit.

[31]  Enfin, Mme Ibrahim a aussi soulevé des préoccupations relatives au caractère raisonnable et à l’équité procédurale entourant l’examen par la SAR des éléments de preuve de son amie, chez qui elle a habité à la suite de l’agression alléguée qu’elle a subie de la part de son mari. Elle affirme qu’il était déraisonnable que la SAR rejette l’affidavit de son amie en fonction d’une erreur typographique dans le renvoi aux lois en vertu desquelles la déclaration a été faite sous serment, et qu’elle a été privée de son droit à l’équité procédurale parce qu’elle n’a pas été informée des préoccupations de la SAR quant à la disponibilité de documents frauduleux au Nigéria.

[32]  Une fois encore, l’argument de l’équité procédurale ne peut pas être accueilli parce que la lettre de la SAR datée du 8 septembre 2017 renvoyait à la question suivante, pour laquelle elle demandait des observations :

[traduction]

La déclaration sous serment de Mme Junaid indique qu’elle a été faite conformément aux dispositions de la législation sur les serments de 2004, tandis que la déclaration sous serment de M. Adewumi a été faite conformément à la législation sur les serments de l’État du Lagos de 2003.

[33]  Bien que cette description de la question en litige ne renvoie pas expressément à une préoccupation relative à l’authenticité de la déclaration sous serment, je suis d’avis qu’elle était suffisante pour que Mme Ibrahim soit informée de la préoccupation.

[34]  En ce qui concerne le caractère raisonnable de l’examen par la SAR de cet élément de preuve, Mme Ibrahim fait remarquer, en réponse à la détermination par la SAR de cette question en litige, qu’elle a présenté une explication du notaire public qui a préparé la déclaration sous serment, qui a indiqué qu’il s’agissait d’une erreur typographique. Elle allègue que compte tenu de cette explication, il était déraisonnable que la SAR rejette la déclaration sous serment.

[35]  Cependant, la SAR a précisément noté cette explication et a conclu qu’au mieux, l’erreur démontrait que le document n’avait pas été préparé avec soin. Cette conclusion appartient aux issues raisonnables possibles et ne représente pas un fondement permettant à la Cour d’intervenir dans la décision, notamment parce que la décision de la SAR de n’accorder que peu de poids à la déclaration sous serment de l’amie de la demanderesse était aussi fondée sur les incohérences dans les éléments de preuve de cette amie en ce qui concerne le moment où Mme Ibrahim a prétendument été agressée.

[36]  Après avoir examiné les arguments de la demanderesse entourant l’équité procédurale et le caractère raisonnable de la décision et conclu qu’aucun de ces arguments ne permet de conclure que la SAR a commis une erreur susceptible de révision, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-4794-17

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.

« Richard F. Southcott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4794-17

INTITULÉ :

ABIMBOLA ADEJOKE IBRAHIM c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 JUIN 2018

JUGEMENT ET MOTIFS

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

LE 6 JUILLET 2018

COMPARUTIONS :

Kingsley I. Jesuorobo

Pour la demanderesse

Nicole Paduraru

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kingsley Jesuorobo & Associates

North York (Ontario)

Pour la demanderesse

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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