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Date : 20180626


Dossier : IMM-4857-17

Référence : 2018 CF 660

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 juin 2018

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE :

HIRUIT MOSISA GARI

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une évaluation des risques avant renvoi (ERAR) défavorable effectuée par un agent d’immigration principal (l’agent). L’ERAR est limitée aux facteurs énoncés à l’article 97 en raison de l’alinéa 113d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), puisque la demanderesse a été déclarée interdite de territoire en application de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR au motif qu’elle est membre du Front de libération Oromo (OLF).

[2]  Pour les motifs qui suivent, je rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

II.  Énoncé des faits

[3]  La demanderesse est une citoyenne d’Addis-Abeba, en Éthiopie. Elle s’est jointe à l’OLF à l’âge de 17 ans. Elle était employée par son père (également membre de l’OLF) à son cabinet juridique, où ils travaillaient pour l’OLF.

[4]  Le 3 avril 1998, la demanderesse et son père ont été arrêtés, interrogés et battus pour avoir aidé l’OLF. Après leur libération, son père a de nouveau été arrêté deux semaines plus tard. La demanderesse s’est alors cachée, avant de quitter l’Éthiopie le 1er septembre 1998. Elle soutient que son père n’a jamais été revu.

[5]  L’Égypte, l’Australie, la Suède, et maintenant le Canada, ont tous rejeté sa demande d’asile. À la suite d’une ordonnance d’expulsion de la Suède, elle a utilisé le passeport d’une autre personne pour venir au Canada, où elle est arrivée le 12 décembre 2013. Une audience de la Section de l’immigration (SI) fermée au public a eu lieu et dans une décision datée du 17 juillet 2015, la demanderesse a été déclarée interdite de territoire aux termes de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR. Pour cette raison, la demanderesse a été exclue d’une audience concernant le statut de réfugié devant la Section de la protection des réfugiés (SPR). Cette décision a été maintenue lors du contrôle judiciaire. La décision était frappée par une ordonnance de confidentialité, mais lorsque la question a été posée lors de l’audience, on a déterminé que cette ordonnance n’était plus nécessaire dans le présent contrôle judiciaire. La demanderesse a ensuite présenté une demande d’ERAR le 11 novembre 2016.

[6]  Dans une décision datée du 31 juillet 2017, l’agent chargé de l’ERAR a conclu que la demanderesse ne serait pas exposée au risque d’être soumise la torture, à une menace à sa vie, ni au risque de traitements ou peines cruels et inusités, si elle était renvoyée en Éthiopie.

III.  Question en litige

[7]  La seule question à trancher est de déterminer si la décision de l’agent est raisonnable.

IV.  Norme de contrôle

[8]  La norme de contrôle applicable à une décision concernant l’ERAR est celle de la décision raisonnable (Cabral De Medeiros c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 386, au paragraphe 15).

V.  Analyse

[9]  Généralement, l’agent responsable de l’ERAR tiendra compte des facteurs des articles 96 et 97, mais l’interdiction de territoire aux termes de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR restreint l’analyse aux facteurs de l’article 97. Cela est attribuable à l’alinéa 112(3)a) de la LIPR, qui énonce que si une personne est déclarée interdite de territoire pour les raisons indiquées, l’agent responsable de l’ERAR ne peut tenir compte des motifs prévus à l’article 96 de la LIPR. Par conséquent, l’analyse de cet agent responsable de l’ERAR s’est limitée à demander si la demanderesse était une personne à protéger en application de l’article 97 de la LIPR.

[10]  Le fardeau de la preuve imposé à un demandeur dans l’évaluation du risque en application de l’article 97 est la prépondérance des probabilités (Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 1, au paragraphe 14). En d’autres termes, la demanderesse en l’espèce devait établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle risquerait personnellement d’être soumise à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou de peines cruels et inusités si elle retournait dans son pays d’origine. Il s’agit d’un risque personnalisé et prospectif.

[11]  L’argument de la demanderesse est que la conclusion de l’agent est contraire à la preuve, qui établit clairement que les membres et partisans soupçonnés de l’OLF sont, entre autres, torturés et parfois tués. Le défendeur fait valoir que bien que la demanderesse soit membre de l’OLF et ait déjà présenté un intérêt, l’agent devait trancher la question à savoir s’il y avait suffisamment d’éléments de preuve pour établir les motifs de l’article 97 selon la prépondérance des probabilités.

[12]  Je suis d’accord avec le défendeur que la décision de l’agent était raisonnable. La décision n’est pas contraire à la preuve et dans ses motifs, l’agent explique que la preuve n’a pas satisfait au seuil de prépondérance des probabilités exigé dans le cadre de cet ERAR restreint.

[13]  La preuve documentaire déposée devant l’agent comprend un rapport de 2014 d’Amnistie internationale faisait état de personnes arrêtées en raison des opinions politiques de membres de leurs familles, et parfois même, sur de simples soupçons d’opinions politiques. Toutefois, l’agent a déterminé qu’il n’existait aucune preuve que les membres de la famille de la demanderesse (sa mère, cinq sœurs et deux frères) étaient des personnes d’intérêt pour le gouvernement éthiopien depuis la disparition de son père, en 1998.

[14]  Les éléments de preuve comprennent également deux photos noir et blanc de la demanderesse lors de sa participation à une manifestation au Canada, le 15 août 2016 et le 6 octobre 2016. La demanderesse a déposé les photos pour démontrer son activisme politique au Canada. L’agent a conclu que les photographies ne constituaient pas une preuve de la participation active de la demanderesse au Canada. Dans sa décision, l’agent explique que les photos étaient de mauvaise qualité, ce qui rend difficile l’identification des sujets pris en photo, et que l’événement à l’origine du rassemblement était inconnu. Le rôle de la Cour n’est pas de réévaluer la preuve lors du contrôle judiciaire, et ce traitement de la preuve est raisonnable, même si je ne serais peut-être pas arrivée à la même conclusion. Les motifs sont justifiés, transparents et intelligibles et je ne peux conclure qu’ils sont déraisonnables.

[15]  D’autres éléments de preuve ont été présentés dans un affidavit de la sœur de la demanderesse, ainsi que deux lettres de l’OLF. Dans son affidavit, sa sœur a expliqué pourquoi la demanderesse avait quitté l’Éthiopie, mais n’a pas expliqué pourquoi elle affirmait que la demanderesse serait emprisonnée ou tuée ou disparaîtrait si elle retournait en Éthiopie. L’agent a également attribué une faible valeur probante aux lettres puisque celles-ci étaient vagues. En outre, ces lettres de l’OLF n’expliquent que les événements survenus en 1998 et ne fournissent aucun renseignement sur l’intérêt du gouvernement éthiopien à l’égard de la demanderesse depuis cette période. L’agent a conclu que les éléments de preuve ne suffisaient pas à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse serait exposée à un risque prospectif et, par conséquent, qu’elle n’était pas une personne à protéger. J’estime que la conclusion de l’agent selon laquelle cette preuve ne répondait pas au critère juridique énoncé était raisonnable.

[16]  Bien que la demanderesse ait fait valoir que l’agent a omis de tenir compte de la situation particulière de la demanderesse, les motifs démontrent que le profil de la demanderesse a été pris en compte. Selon le profil déterminé et utilisé, il n’y avait aucune preuve que le gouvernement éthiopien s’intéressait à la demanderesse depuis 1998 et aucune preuve que les sept frères et sœurs et la mère de la demanderesse étaient des personnes d’intérêt; de même une faible valeur probante a été attribuée aux deux lettres de l’OLF. L’agent a conclu que les éléments de preuve déposée ne répondaient pas aux critères juridiques par des motifs justifiables, transparents et intelligibles.

[17]  Cette décision est raisonnable et je rejette la demande de contrôle judiciaire.

[18]  Aucune question n’a été soumise pour être certifiée et aucune n’est à certifier.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4857-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Glennys L. McVeigh »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4857-17

 

INTITULÉ :

HIRUIT MOSISA GARI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 mai 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCVEIGH

 

DATE DES MOTIFS :

Le 26 juin 2018

 

COMPARUTIONS :

Paul Vandervennen

Pour la demanderesse

James Todd

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Paul Vandervennen

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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