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FCHdrF Date : 20180611


Dossier : IMM-5181-17

Référence : 2018 CF 608

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 11 juin 2018

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

JINBIN CHEN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  M. Chen, un ressortissant chinois, est arrivé au Canada en décembre 2012. À l’époque, son épouse, qui était encore en Chine, était enceinte de leur deuxième enfant. Il a demandé le statut de réfugié au motif qu’il serait persécuté s’il retournait en Chine pour violation de sa politique de l’enfant unique.

[2]  Il s’agit d’une ancienne demande qui n’a été entendue qu’en octobre 2017. Bien que l’épouse de M. Chen ait effectivement accouché en mai 2013, la politique de l’enfant unique a été abrogée en janvier 2016 et remplacée par une nouvelle politique autorisant les couples mariés à avoir deux enfants, voire plus dans certains cas.

[3]  Un tribunal de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a déterminé que M. Chen n’était ni un réfugié au sens de la Convention des Nations Unies ni une personne à protéger aux termes de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

[4]  Le tribunal a formulé la question en litige comme suit :

[paragraphe 9] La question est celle de savoir si, nonobstant la modification apportée à la loi, en tant que personne ayant eu un deuxième enfant avant le changement de la politique de « l’enfant unique » de la Chine, et en tant que personne recherchée par les autorités pour avoir violé cette politique, le demandeur […] risquerait-il de subir une stérilisation forcée? Pour les motifs qui suivent, le tribunal répond à cette question par la négative.

[5]  Le tribunal a déterminé que M. Chen n’était pas un réfugié pour deux motifs. Le premier motif était [TRADUCTION] qu’« avec la mise en vigueur de la nouvelle politique […] la violation de l’ancienne politique par le demandeur est maintenant devenue théorique ». Le deuxième motif était que, de toute façon, il n’avait pas démontré qu’il serait exposé à une possibilité sérieuse de persécution; le fardeau, bien entendu, lui incombant.

[6]  Je pense que l’emploi du mot « théorique » était erroné. Si l’affaire est théorique, il n’y aurait aucune possibilité de persécution.

[7]  Malheureusement, il n’y a aucune preuve au dossier quant à la façon dont une loi abrogée doit être traitée en Chine. Le deuxième enfant de M. Chen est né en violation de la politique de l’enfant unique de la Chine. La question est de savoir si M. Chen serait persécuté jusqu’à la stérilisation forcée s’il était renvoyé en Chine maintenant. La loi chinoise est présumée être identique à la loi canadienne. En application de l’article 43 de notre Loi d’interprétation, on peut toujours être accusé d’une infraction commise pendant que la loi abrogée était encore en vigueur. Ainsi, dans ce sens, la demande n’est pas théorique. Voir Walker, Canadian Conflict of Laws, 6th ed (Toronto, Ont. : LexisNexis), (feuillets mobiles, mis à jour 65-11/2017), ch. 7 au paragraphe 7.4 et l’arrêt le Mercury Bell c Amosin, 27 DLR (4th) 641 (CAF).

[8]  M. Chen a produit des articles tirés d’Internet qui ont été publiés avant l’entrée en vigueur de la nouvelle politique. Il y avait des spéculations selon lesquelles une personne dans la position de M. Chen serait encore persécutée. Cependant, le seul article Internet produit après l’entrée en vigueur de la nouvelle politique n’est pas utile. Il traite de la stérilisation forcée d’un homme chinois qui a engendré quatre enfants, et souligne en outre que les autorités avaient lancé une enquête sur les circonstances.

[9]  En l’absence d’éléments de preuve sur la manière dont les violations commises sous le régime de l’ancienne politique étaient désormais traitées, le tribunal s’est fondé sur la directive opérationnelle relative à la Chine rédigée par le Home Office du Royaume-Uni, qui a été mise à jour en décembre 2014. Il était loisible au tribunal de conclure qu’il n’y avait pas de possibilité sérieuse que M. Chen soit persécuté.

[10]  Il n’était pas déraisonnable pour le tribunal de conclure que M. Chen ne s’était pas acquitté de son fardeau d’établir selon la prépondérance des probabilités qu’il fût exposé à une possibilité sérieuse d’être persécuté, ou qu’il soit exposé à un risque de torture, à une menace à sa vie, ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités au sens de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

[11]  En conséquence, la demande sera rejetée. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-5181-17

Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5181-17

 

INTITULÉ :

JINBIN CHEN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 juin 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 11 juin 2018

 

COMPARUTIONS :

Stephanie Fung

 

POUR LE DEMANDEUR

Stephen Jarvis

Ministère de la Justice

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stephanie Fung

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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