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Date : 20180619


Dossier : IMM-2734-18

Référence : 2018 CF 635

Montréal (Québec), le 19 juin 2018

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

GUY ROBERT GERVÉ

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

partie défenderesse

ORDONNANCE

VU la requête en sursis de l’exécution d’une mesure de renvoi du demandeur vers Haïti prévue le 27 juin 2018, jusqu’à ce qu’une décision finale soit prise sur sa demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un agent d’exécution de la loi [l’agent] datée du 30 mai 2018, selon laquelle l’agent a refusé de reporter le renvoi;

LECTURE FAITE des dossiers des parties et ayant considéré les représentations écrites et orales des procureurs;

CONSIDÉRANT que pour réussir, le demandeur doit satisfaire le test établi par l’arrêt Toth (Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 NR 302 (CAF)) et démontrer :

  1. qu’il existe une question sérieuse à débattre;

  2. qu’il risque de subir un préjudice irréparable s’il est renvoyé du Canada vers Haïti; et

  3. que la balance des inconvénients joue en sa faveur;

CONSIDÉRANT que le test de l'arrêt Toth est conjonctif;

CONSIDÉRANT que l’agent possède un pouvoir discrétionnaire limité pour différer l’exécution d’une mesure de renvoi;

CONSIDÉRANT que la norme de contrôle de la décision de l’agent est celle de la décision raisonnable et qu’un seuil plus élevé de « vraisemblance que la demande sous-jacente soit accueillie » ou « arguments assez solides » s’applique quand la demande sous-jacente concerne un refus de reporter un renvoi : Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 148 au paragraphe 11 et Baron c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2009 CAF 81 au paragraphe 67;

CONSIDÉRANT que la Cour est convaincue qu’il existe une question sérieuse à débattre pour les raisons suivantes :

[1]  En ce qui concerne la demande de parrainage déposée le 15 janvier 2018, la décision de l’agent a omis de considérer la soumission centrale du demandeur qu’une décision préliminaire est attendue avant la fin juillet 2018;

[2]  De plus, l’agent a omis de considérer que la demande de parrainage sera perdue au moment du renvoi du demandeur;

[3]  En ce qui concerne le rôle du demandeur comme supporteur financier et émotionnel de son épouse et des huit enfants de son épouse, la décision de l’agent n’a pas reconnu que tous les enfants (même ceux d’âge majeur) sont à l’école, ni que leur demander de travailler pour faire des contributions financières à la famille pouvait impliquer des préjudices à leurs études;

[4]  La Cour n’accepte pas que la demande de parrainage est vouée à l’échec – malgré que le demandeur semble être exclu de la catégorie du regroupement familial en vertu de l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, il semble (en vertu de la demande de report du renvoi ainsi que de la lettre de l’épouse du demandeur datée du 21 novembre 2017) que la demande de parrainage inclut une référence à l’article 25 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, et des considérations d’ordre humanitaire, et que cet aspect de la demande de parrainage n’est pas voué à l’échec;

CONSIDÉRANT que la Cour est convaincue que la perte de la demande de parrainage suite au renvoi du demandeur constituerait un préjudice irréparable;

CONSIDÉRANT que la Cour est satisfaite que la balance des inconvénients joue en faveur du demandeur – l’inconvénient pour le demandeur de la perte de la demande de parrainage est plus important que l’inconvénient pour le défendeur (ou pour le public) d’un bref délai du renvoi du demandeur pour attendre la décision préliminaire sur la demande de parrainage;

LA COUR ORDONNE que :

  1. La requête demandant le sursis du renvoi du demandeur est accordée en partie.

  2. L’exécution de la mesure de renvoi contre le demandeur est sursise jusqu’au plus tôt des événements suivants:

    1. Une décision préliminaire sur la demande de parrainage déposée le 15 janvier 2018; ou

    2. Une décision finale sur la demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agent datée du 30 mai 2018.

« George R. Locke »

Juge

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