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Date : 20180612


Dossier : T‑913‑17

Référence : 2018 CF 614

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 juin 2018

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

demanderesse

et

BNSF RAILWAY COMPANY

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.  APERÇU

[1]  La présente décision porte sur une requête en radiation présentée par la défenderesse dans le contexte d’une action en contrefaçon de brevet. La Compagnie de chemins de fer nationaux du Canada (le CN) allègue que la BNSF Railway Company (la BNSF) contrevient à plusieurs douzaines de revendications figurant dans trois brevets distincts.

[2]  La BNSF prétend que les allégations de contrefaçon figurant dans la déclaration modifiée du CN ne sont pas étayées par des faits substantiels et des précisions, comme l’exigent les articles 174 et 181 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles]. BNSF soutient que la déclaration modifiée ne contient que de simples affirmations. Elle demande à la Cour de radier la déclaration modifiée dans son intégralité, sans possibilité de la modifier. Subsidiairement, la BSNF demande à la Cour de rendre une ordonnance obligeant le CN à donner des précisions exposant tous les faits substantiels à l’appui de ses allégations.

[3]  Pour les motifs énoncés ci‑dessous, la requête de la BNSF sera accueillie en partie.

II.  CONTEXTE

[4]  Le CN et la BNSF sont des compagnies ferroviaires qui se disputent le marché nord‑américain. Le CN est établi à Montréal (Québec) et exerce ses activités dans l’ensemble de l’Amérique du Nord. La BNSF est établie à Fort Worth (Texas) et exerce ses activités aux États‑Unis ainsi que dans trois provinces canadiennes.

[5]  Le CN a introduit la présente action en juin 2017. Elle y allègue la contrefaçon de diverses revendications figurant dans deux brevets distincts, soit les brevets canadiens nos 2,922,551 (le brevet 551) et 2,880,372 (le brevet 372). En juillet 2017, le CN a déposé une déclaration modifiée, dans laquelle elle greffait à l’action le brevet qu’on venait de lui délivrer, soit le brevet no 2,958,024 (le brevet 024). Les trois brevets visés dans la présente affaire ont été délivrés relativement à la même demande de brevet et divulguent essentiellement les mêmes choses.

[6]  Les allégations du CN relativement à la contrefaçon visent le site Web de la BNSF (www.bnsf.com), et plus précisément deux outils que l’on y trouve, soit l’« Intermodal Advisor » (IA) [conseiller intermodal] et le « Carload Shipping Advisor » (CSA) [conseiller d’expédition du chargement]. L’outil IA donne aux clients des renseignements sur les économies approximatives que procure le recours à une méthode de transport intermodal (c’est‑à‑dire une méthode combinant le transport ferroviaire et le transport par camion). L’outil CSA donne aux clients des renseignements concernant, entre autres, le prix pour le transport d’un bien donné, le type d’équipement, le trajet et le temps de transit estimé.

[7]  La BNSF prétend que la déclaration modifiée ne contient pas suffisamment de détails au sujet des allégations de contrefaçon pour que celle‑ci révèle une cause d’action valable, ou pour lui permettre de présenter des arguments sensés en réponse.

[8]  La BNSF avait déjà demandé au CN de produire des précisions au sujet de ces allégations de contrefaçon, et la réponse de cette dernière ne l’a pas convaincu.

III.  LE DROIT APPLICABLE

[9]  Le paragraphe 221(1) des Règles prévoit qu’un acte de procédure peut être radié, avec ou sans autorisation de le modifier, pour plusieurs motifs, notamment parce qu’il (i) ne révèle aucune cause d’action valable, (ii) est scandaleux, frivole ou vexatoire, ou (iii) constitue autrement un abus de procédure. Selon le paragraphe 221(2) des Règles, aucune preuve n’est admissible quant à la question de savoir si un acte de procédure révèle une cause d’action valable.

[10]  Il est bien entendu que le critère applicable en matière de radiation d’acte de procédure est sévère. La BNSF reconnaît qu’un acte de procédure sera radié au motif qu’il ne révèle aucune cause d’action valable seulement si (i) l’absence de cause d’action raisonnable est évidente et manifeste, même si l’on tient pour acquis que les faits allégués sont véridiques, et (ii) l’action n’a aucune possibilité raisonnable d’être accueillie : Stryker Corporation c Umano Medical Inc, 2016 CF 378, au paragraphe 9; R c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, au paragraphe 17. La BNSF reconnaît aussi qu’une action sera radiée en raison de son caractère scandaleux, frivole ou vexatoire, ou parce qu’elle constitue autrement un abus de procédure, seulement lorsque l’affaire est tellement futile qu’elle n’a pas la moindre chance de succès : Apotex Inc c Syntex Pharmaceuticals International Ltd, 2005 CF 1310, au paragraphe 33.

[11]  Un acte de procédure peut être radié en raison de son caractère frivole ou vexatoire lorsque son auteur ne peut présenter des moyens raisonnables, fondés sur la preuve ou sur le droit, à l’appui de ses prétentions, ou lorsque les actes de procédure font état de si peu de faits que la partie défenderesse ne sait comment y répondre, et qu’il sera impossible au tribunal de diriger correctement l’instance : Mostar Directional Technologies Inc c Drill‑Tek Corporation, 2017 CF 575, dossier de la Cour no T‑2060‑16, au paragraphe 19 [Mostar], et kisikawpimootewin c Canada, 2004 CF 1426, au paragraphe 8. La Cour d’appel fédérale a énoncé ce qui suit dans l’arrêt Mancuso c Canada (Santé nationale et Bien‑être social), 2015 CAF 227 :

[16]  L’instruction d’un procès requiert du demandeur qu’il allègue des faits matériels suffisamment précis à l’appui de la déclaration et de la mesure sollicitée. Comme le juge l’a relevé, les « actes de procédure jouent un rôle important pour aviser les intéressés et définir les questions à trancher, et la Cour et les parties adverses n’ont pas à émettre des hypothèses sur la façon dont les faits pourraient être organisés différemment pour appuyer diverses causes d’action ».

[17]  La dernière partie de cette exigence, soit l’exposé de faits matériels suffisamment précis, constitue le fondement des actes de procédure correctement rédigés. Si un juge autorisait les parties à avancer de simples affirmations de fait, ou de simples conclusions de droit, les actes de procédure ne rempliraient pas le rôle qui leur revient, soit celui de cerner les questions en litige. Il est essentiel que le défendeur ait en main des actes de procédure correctement rédigés de façon à préparer son système de défense. Les faits matériels servent à encadrer les interrogatoires préalables et permettent aux avocats de conseiller leur client, à préparer leurs moyens et à établir une stratégie en vue du procès. Qui plus est, les actes de procédure permettent de définir les paramètres d’appréciation de la pertinence d’éléments de preuve lors des interrogatoires préalables et de l’instruction du procès.

[18]  Il n’existe pas de démarcation très nette entre les faits matériels et les simples allégations ni entre l’exposé de faits matériels et l’interdiction de plaider certains éléments de preuve. Ce ne sont que deux points d’une même ligne continue, et il appartient au juge de première instance, lequel dispose d’une vue d’ensemble des actes de procédure, de voir à ce que les actes de procédure cernent les questions en litige avec une précision suffisante pour assurer la saine gestion et l’équité de l’instruction et des phases préparatoires à l’instruction.

[19]  La pertinence des faits est établie en fonction du moyen et des dommagesintérêts réclamés. Le demandeur doit énoncer, avec concision, mais suffisamment de précision, les éléments constitutifs de chacun des moyens de droit ou de fait soulevé. L’acte de procédure doit indiquer au défendeur par qui, quand, où, comment et de quelle façon sa responsabilité a été engagée.

[12]  Les parties conviennent qu’une déclaration adéquate dans une action en matière de contrefaçon de brevet doit énoncer : a) les faits qui permettent d’établir que la partie demanderesse a le droit exclusif de faire certaines choses, et b) les faits qui constituent une atteinte portée par la partie défenderesse à ce droit déterminé de la partie demanderesse : Dow Chemical Co c Kayson Plastics & Chemicals Ltd, [1967] 1 Ex CR 71, 47 CPR 1, au paragraphe 27; General Electric Co c Wind Power Inc, 2003 CFPI 537, au paragraphe 6. Selon moi, la première de ces exigences peut être satisfaite en alléguant la propriété des droits d’un brevet et en précisant les revendications en cause.

[13]  Un acte de procédure peut être radié du fait qu’il constitue un abus de procédure si l’action a été introduite à l’aveuglette dans l’espoir que ressortira une cause d’action : Mostar, au paragraphe 20; Painblanc c Kastner (1994), 58 CPR (3d) 502, [1994] ACF no 1671 (QL), au paragraphe 4 (CAF).

[14]  Pour qu’elle soit radiée sans possibilité de modification, la déclaration doit comporter un vice qui ne peut être corrigé par une modification : Simon c Canada, 2011 CAF 6, au paragraphe 8.

IV.  LES ALLÉGATIONS RELATIVES AU BREVET 551

[15]  Le brevet 551 contient 33 revendications; trois d’entre elles sont des revendications indépendantes. Celles‑ci sont presque identiques si l’on fait abstraction du fait qu’elles décrivent dans un cas un procédé, dans un cas un arrangement de serveur, et dans un cas un ordinateur. Le CN allègue contrefaçon directe des revendications 1 à 4, 6 à 15 et 17 à 22, et contrefaçon par incitation des revendications 23 à 26 ainsi que des revendications 28 à 33’. La revendication 1 est ainsi libellée :

[traduction]
1.
  Procédé permettant d’exécuter une transaction en ligne pour répondre à une demande de renseignement sur un service d’expédition par train ou à une commande de service d’expédition par train; y compris :

a)  l’envoi d’une demande à un système client afin de mettre en œuvre une interface utilisateur graphique (GUI) fournissant un objet d’entrée configuré pour accepter une entrée client indiquant l’origine et la destination d’une expédition de marchandises;

b)  l’interface graphique configurée pour présenter une série d’options d’expédition pouvant être sélectionnées par le client, y compris :

i.  une première option d’itinéraire correspondant au premier itinéraire entre l’origine et la destination, le premier itinéraire comprenant un ou plusieurs segments ferroviaires, dans les cas où tous les segments ferroviaires du premier itinéraire appartiennent au même propriétaire;

ii.  une deuxième option d’itinéraire correspondant à un deuxième itinéraire entre l’origine et la destination, le deuxième itinéraire comprenant un ensemble de segments ferroviaires où au moins deux segments appartiennent à des propriétaires différents;

c)  l’interface graphique configurée pour recevoir une sélection client d’une option d’expédition parmi la série d’options d’expédition;

d)  en réponse à la sélection par le client d’une option d’expédition parmi la série d’options d’expédition, adaptation de l’interface graphique pour fournir des informations supplémentaires au client au sujet de l’expédition ou demander au client des renseignements supplémentaires afin de réaliser la transaction en ligne.

[16]  Les revendications dépendantes 2 à 11 ajoutent les restrictions suivantes :

  • Revendication 2 : l’étape d’adaptation de l’interface graphique afin de présenter des renseignements supplémentaires au client comprend la présentation au client des renseignements sur les prix correspondant à l’option d’expédition choisie par le client;
  • Revendication 3 : au moins une des options d’itinéraire présentées à l’interface graphique correspond à un itinéraire bimodal comprenant une partie de transport par train qui comporte un ou plusieurs des segments ferroviaires et une partie de transport des marchandises par camion;
  • Revendication 4 : l’interface graphique est configurée pour indiquer une plaque tournante ferroviaire à un point de jonction entre la partie transport par camion de l’itinéraire bimodal et la partie transport par train de l’itinéraire bimodal;
  • Revendication 5 : l’interface graphique est configurée pour déterminer, pour au moins une des parties de l’itinéraire, une longueur de la partie de l’itinéraire;
  • Revendication 6 : l’interface graphique est configurée pour afficher une série d’options d’itinéraires sous forme de liste;
  • Revendication 7 : l’interface graphique est configurée pour afficher au moins une des options d’itinéraire sur une carte, en indiquant sur la carte pour au moins une option d’itinéraire : a) une origine; b) la partie transport par camion; c) la partie transport par train; d) une plaque tournante ferroviaire à une intersection entre la partie transport par camion et la partie transport par train; e) une destination;
  • Revendication 8 : les options d’expédition pouvant être sélectionnées par le client comprennent une série d’options de propriétés de wagons pour l’expédition;
  • Revendication 9 : les options d’expédition de wagons peuvent être sélectionnées de façon indépendante à partir de la première et de la deuxième option d’itinéraire;
  • Revendication 10 : les options d’expédition de propriété de wagons comprennent : a) une première option de propriété de wagons pour l’expédition lorsque l’expédition utilise un wagon appartenant au client; b) une deuxième option de propriété de wagons pour l’expédition lorsque l’expédition utilise un wagon appartenant à une entité autre que le client;
  • Revendication 11 : l’étape de l’adaptation de l’interface graphique comprend la fourniture d’une composante de contrôle pour recevoir une entrée par le client afin de passer une commande en vue d’exécuter une expédition en fonction de l’option d’expédition sélectionnée par le client.

[17]  La revendication indépendante 12 et les revendications 13 à 22, qui en dépendent, sont presque identiques aux revendications 1 à 11, la différence fondamentale étant qu’elles décrivent un arrangement de serveur plutôt qu’un procédé.

[18]  Dans la même veine, la revendication 23 et les revendications 24 à 33, qui en dépendent, sont presque identiques aux revendications 1 à 11, la différence fondamentale étant qu’elles décrivent un ordinateur plutôt qu’un procédé.

[19]  Le CN a précisé ses allégations de contrefaçon en reproduisant essentiellement le libellé de la revendication 1, et en fournissant quatre captures d’écran annotées des outils en ligne visés. Une version plus facile à comprendre de ces captures d’écran annotées, qui a été produite par le CN dans les observations écrites qu’il a formulées dans le cadre de la présente requête, est reproduite ci‑dessous. Les trois premières captures d’écran viennent de l’outil IA. La dernière provient de l’outil CSA.

Capture d’écran annotée de l’outil Intermodal Advisor de BNSF (1/3).
L’annotation porte l’attention sur les menus déroulants de l’origine et de la destination, sous la rubrique « Is BNSF Intermodal Right for You? » [BNSF Intermodal est-elle la bonne solution pour vous?].

Capture d’écran annotée de l’outil Intermodal Advisor de BNSF (2/3).
L’annotation porte sur le Rail Move Type [type de déplacement ferroviaire] dans les résultats de recherche.

Capture d’écran annotée de l’outil Intermodal Advisor de BNSF (3/3).
L’annotation porte sur la légende de la carte ainsi que sur la carte de Google Map dans l’onglet Route Map [carte de l'itinéraire] du menu Route Details [détails de l'itinéraire].

Capture d’écran annotée de l’outil Carload Shipping Advisor [conseiller d’expédition du chargement] de BNSF.
Les annotations portent sur les menus déroulants de l’origine et de la destination, sur la destination et l'itinéraire à partir des résultats de recherche, sur le menu déroulant des marchandises ainsi que sur l’équipement à partir des résultats de la recherche (wagons appartenant à la société ferroviaire ou wagons privés).

[20]  En ce qui concerne la contrefaçon par incitation, le CN précise ses allégations en mentionnant que (i) la BNSF met à la disposition de ses clients les outils en ligne en question pour qu’ils les utilisent sur leurs ordinateurs, (ii) la BNSF savait manifestement qu’en mettant ces outils à la disposition des clients à cette fin, ceux‑ci utiliseraient les procédés visés par les revendications avec leur ordinateur, se livrant ainsi à de la contrefaçon, et (iii) qu’en l’absence d’une telle influence, les clients de la BNSF n’auraient contrefaçon.

V.  LES ALLÉGATIONS RELATIVES AU BREVET 372

[21]  Le brevet 372 contient 12 revendications; deux d’entre elles sont des revendications indépendantes. Le CN allègue qu’il y a eu contrefaçon des revendications 1 à 3 ainsi que des revendications 7 à 9. La revendication 1 est ainsi libellée :

[traduction]
1.  Procédé de transport de marchandises par train comprenant :

a)  adaptation d’une interface utilisateur graphique (GUI) en modifiant dynamiquement une plage de sélection d’un objet d’entrée fournissant des options d’équipement qu’un utilisateur peut sélectionner pour effectuer une expédition de marchandises; l’adaptation comprend :

i.  envoi de signaux sur un réseau de communication de données à un système client distant, les signaux dirigeant le système client distant pour mettre en œuvre une interface graphique fournissant un premier objet d’entrée configuré pour accepter une entrée utilisateur permettant de définir les marchandises à expédier;

ii.  l’interface graphique est configurée pour fournir un deuxième objet d’entrée adaptable dynamiquement permettant de déterminer un ensemble d’options de type de wagon de marchandises pouvant être sélectionnées par l’utilisateur pour effectuer l’expédition des marchandises spécifiées par lui au premier objet d’entrée, l’ensemble des options de type de wagons de marchandises pouvant être sélectionnées individuellement étant dynamiquement adaptables aux marchandises à expédier;

iii.  en réponse à une entrée utilisateur au premier objet d’entrée pour déterminer les marchandises à expédier, envoyer des signaux d’adaptation sur le réseau de communication de données au système client distant, les signaux d’adaptation demandant à l’interface graphique de mettre à disposition pour sélection au deuxième objet d’entrée un ensemble adapté d’options de type de wagons de marchandises correspondant aux types de wagons de marchandises appropriés pour transporter les marchandises visées et omettant les options de type de wagons de marchandises correspondant aux types de wagons de marchandises qui ne peuvent pas transporter les marchandises visées;

b)  en réponse à la sélection d’une option particulière de types de wagon de marchandises au deuxième objet d’entrée, transporter les marchandises par train en utilisant un wagon de marchandises d’un type correspondant à l’option de type de wagon de marchandises choisie.

[22]  Les revendications dépendantes 2 et 3 ajoutent les restrictions suivantes :

  • Revendication 2 : l’interface graphique comprend un troisième objet d’entrée configuré pour accepter les entrées utilisateur déterminant une origine et une destination pour le transport des marchandises;
  • Revendication 3 : l’étape du transport des marchandises comprend le transport des marchandises de l’origine jusqu’à la destination;

[23]  La revendication indépendante 7 est ainsi libellée :

[traduction]
7.  Procédé permettant de configurer une interface utilisateur graphique (GUI) en modifiant dynamiquement une entrée d’objet fournissant des options d’équipement pouvant être sélectionnées par un client pour l’expédition de marchandises et pour exécuter l’expédition des marchandises. Le procédé comprend :

a)  la fourniture d’un arrangement matériel de serveur comprenant un stockage lisible par machine encodé avec un logiciel pour mettre en œuvre une fonction de configuration de l’interface graphique afin de modifier des options pouvant être sélectionnées sur une interface graphique sur un système client distant;

b)  l’envoi de signaux depuis le serveur matériel vers le système client distant pour demander à l’interface graphique d’implémenter un premier objet d’entrée configuré pour accepter une entrée utilisateur identifiant les marchandises à expédier;

c)  la réception, sur le serveur matériel, de signaux provenant du système client distant, qui transmettent les données d’entrée de l’utilisateur indiquant les marchandises à expédier;

d)  le traitement, par le serveur matériel, de l’entrée de l’utilisateur indiquant les marchandises à expédier pour établir les types de wagons de marchandises adaptés au transport des marchandises en question;

e)  l’envoi de signaux de l’arrangement matériel de serveur au système client distant pour diriger un deuxième objet d’entrée mis en œuvre par l’interface graphique afin de présenter à l’utilisateur des options de types de wagons de marchandises pouvant être individuellement sélectionnées correspondant aux types de wagons de marchandises dérivés à l’étape d, le deuxième objet d’entrée omettant des options de types de wagons de marchandises pouvant être sélectionnées, des options de types de wagon de marchandises correspondant aux types de wagons de marchandises qui ne peuvent pas transporter les marchandises indiquées;

f)  en réponse à la réception, par le serveur matériel, de signaux provenant du système client distant indiquant :

i.  le choix d’un type de wagon de marchandises par l’utilisateur;

ii.  le déclenchement d’un composant de contrôle sur l’interface graphique autorisant l’expédition, permettant au serveur matériel de générer une commande d’expédition active;

g)  en réponse à la génération de la commande d’expédition active, exécuter l’expédition souhaitée en utilisant un wagon de marchandise du type choisi par l’utilisateur.

[24]  Les revendications 8 et 9 sont dépendantes de la revendication 7; si on fait exception de leur dépendance, elles sont identiques aux revendications 2 et 3.

[25]  Le CN précise ses allégations de contrefaçon du brevet 372 de la même manière qu’il l’a fait pour le brevet 551, soit en reproduisant essentiellement la revendication 1 et en renvoyant à la capture d’écran portant sur l’outil CSA (capture d’écran reproduite ci‑dessus).

VI.  LES ALLÉGATIONS RELATIVES AU BREVET 024

[26]  Le brevet 024 contient 36 revendications; trois d’entre elles sont des revendications indépendantes. Le CN allègue qu’il y a eu contrefaçon directe pour ce qui est des revendications 1 à 6 et des revendications 13 à 18, ainsi que contrefaçon par incitation pour ce qui est des revendications 25 à 30. La revendication 1 est ainsi libellée :

[traduction]
1.
  Procédé pour effectuer une transaction en ligne afin de répondre à une demande de service d’expédition par train ou à une commande de service d’expédition par train; le procédé comprend :

a)  demander à un système client de mettre en œuvre une interface utilisateur graphique (GUI) fournissant un objet d’entrée configuré pour accepter une entrée client en vue de déterminer une origine et une destination pour une expédition de marchandises;

b)  l’interface graphique configurée pour présenter une série d’options d’expédition pouvant être sélectionnées par le client qui comprend :

i.  une première option d’expédition lorsque l’expédition utilise un wagon appartenant au client;

ii.   une deuxième option d’expédition lorsque l’expédition utilise un wagon appartenant à une entité autre que le client;

c)  l’interface graphique configurée pour recevoir la sélection par le client d’une option d’expédition parmi la série d’options d’expédition;

d)  en réponse à la sélection par le client d’une option d’expédition parmi la série d’options d’expédition, adapter l’interface graphique pour fournir des renseignements supplémentaires au client ou demander au client des renseignements supplémentaires afin de conclure la transaction en ligne.

[27]  Cette revendication est identique à la revendication 1 du brevet 551, si on fait exception des sous‑étapes b)(i) et b)(ii), qui énoncent les options en ce qui a trait à la propriété des wagons plutôt qu’à la propriété des segments ferroviaires.

[28]  Les revendications dépendantes 2 à 6 ajoutent les restrictions suivantes :

  • Revendication 2 : l’étape d’adaptation de l’interface graphique en vue de présenter des renseignements supplémentaires au client comprend la présentation au client des renseignements sur les prix correspondant à l’option d’expédition choisie par le client (similaire à la revendication 2 du brevet 551);
  • Revendication 3 : la deuxième option d’expédition est celle qui concerne le cas où une société de transport ferroviaire est propriétaire du wagon employé pour l’expédition des marchandises;
  • Revendication 4 : l’interface graphique est configurée pour afficher une série d’options d’itinéraires sous forme de liste (similaire à la revendication 6 du brevet 551);
  • Revendication 5 : l’étape de l’adaptation de l’interface graphique comprend la fourniture d’une composante de contrôle pour recevoir une entrée par le client afin de passer une commande en vue d’exécuter une expédition en fonction de la sélection faite par le client d’une option d’expédition (similaire à la revendication 11 du brevet 551);
  • Revendication 6 : la série d’options d’expéditions pouvant être sélectionnées par le client comprend au moins deux options d’itinéraire entre le point d’origine et la destination.

[29]  La revendication indépendante 13 est presque identique à la revendication 12 du brevet 551, mais elle comporte la même exception que celle mentionnée ci‑dessus relativement à la revendication 1. Les revendications dépendantes 14 à 18 ajoutent les mêmes restrictions que celles ajoutées par les revendications 2 à 6.

[30]  La revendication indépendante 25 est presque identique à la revendication 23 du brevet 551, mais elle comporte la même exception que celle mentionnée ci‑dessus relativement à la revendication 1. Les revendications dépendantes 26 à 30 ajoutent les mêmes restrictions que celles ajoutées par les revendications 2 à 6.

[31]  Le CN précise ses allégations de contrefaçon du brevet 024 pratiquement de la même manière que pour les brevets 551 et 372, soit en reproduisant essentiellement la revendication 1 et en renvoyant à la capture d’écran portant sur l’outil CSA (capture d’écran reproduite ci‑dessus).

VII.  LA PREUVE PRÉSENTÉE DANS LE CADRE DE LA REQUÊTE

[32]  La BNSF se fonde sur l’affidavit de James Obermiller et sur celui d’Odel Gilbert.

[33]  M. Obermiller est directeur de la conformité réglementaire et architecture de l’information chez BNSF. Son affidavit contient des captures d’écran supplémentaires des outils en ligne IA et CSA. M. Obermiller mentionne qu’il a été avisé et qu’il croit fortement que ces outils fonctionnent à partir d’un serveur situé à Fort Worth (Texas). Une transcription du contre‑interrogatoire de M. Obermiller a été remise à la Cour.

[34]  Odel Gilbert est un employé de l’avocat de la BNSF, dont l’affidavit contient en pièce jointe un certain nombre de documents qui sont pertinents pour les besoins de la présente requête. Il n’a pas été contre‑interrogé relativement à cet affidavit.

VIII.  LA POSITION DE LA BNSF

[35]  La BNSF prétend que la simple répétition du libellé de la revendication 1 ne permet pas de préciser de manière adéquate les allégations de contrefaçon. La BNSF prétend aussi que l’ajout de quelques flèches et boîtes de commentaires aux captures d’écran n’apporte pas davantage de précisions.

[36]  La BNSF affirme aussi que les captures d’écran en question ne sont pas révélatrices d’une cause d’action valable, et ce, même si on devait les considérer comme étant véridiques. Par exemple, rien n’indique que les outils en ligne de la BNSF en cause dans le présent litige peuvent être utilisés pour conclure une transaction électronique, comme l’envisagent les brevets en litige. La BNSF prétend aussi que son serveur est situé à Fort Worth (Texas) et que bon nombre des étapes prévues dans les revendications en cause sont effectuées à l’extérieur du Canada.

[37]  La BNSF s’oppose aussi à la demande du CN visant à obtenir une injonction qui s’appliquerait à toutes les revendications des brevets en cause, et non seulement à celles mentionnées dans la déclaration modifiée, et qui, donc, viserait bien plus que les outils en ligne IA et CSA.

[38]  La BNSF, subsidiairement à sa demande de radiation de la déclaration modifiée, demande à la Cour de rendre une ordonnance enjoignant au CN de préciser davantage ses allégations de contrefaçon, et lui demande aussi de proroger le délai prévu pour déposer sa défense.

IX.  LA POSITION DU CN

[39]  Le CN prétend que l’objet des brevets en cause est simple et facile à comprendre, et que les détails fournis dans la déclaration modifiée sont suffisants pour établir l’existence d’une cause d’action valable et pour permettre à BNSF d’y répondre de manière sensée.

[40]  Le CN soutient qu’aucun élément de preuve ne devrait être examiné pour trancher la question de savoir si la déclaration modifiée révèle une cause d’action valable. Le CN soutient aussi que le contre‑interrogatoire de M. Obermiller a révélé qu’il avait une connaissance personnelle limitée de l’information et des documents contenus dans son affidavit.

[41]  Le CN prétend que bon nombre des arguments formulés par la BNSF à l’appui de la présente requête portent principalement sur le bien‑fondé de l’affaire et que ces arguments devraient être formulés dans la défense. À titre d’exemple, le CN renvoie aux arguments de la BNSF selon lesquels la conclusion électronique d’une transaction et le transport de marchandises sont des éléments essentiels des revendications en cause et que toutes les étapes des revendications en cause doivent être réalisées au Canada pour qu’il y ait contrefaçon. Le CN conteste aussi l’affirmation selon laquelle les villes canadiennes ne peuvent être désignées comme point d’origine ou de destination dans les outils IA et CSA. Elle prétend que la preuve produite par M. Obermiller ne permet pas d’établir ce fait.

[42]  En ce qui concerne la demande de précisions présentée à titre subsidiaire par la BNSF, le CN relève l’absence de preuve démontrant que la BNSF ne peut pas comprendre les allégations formulées contre elle afin d’y répondre de manière sensée.

[43]  Le CN demande aussi que la présente instance fasse l’objet d’une gestion spéciale.

X.  ANALYSE

A.  Les allégations de contrefaçon de brevet

[44]  Malgré que la déclaration modifiée du CN renferme peu de précisions au sujet des allégations relatives à la contrefaçon de brevet, exception faite des boîtes de texte et des flèches ajoutées à certaines captures d’écran, je suis d’avis que la déclaration contient suffisamment de précisions pour établir l’existence d’une cause d’action valable et qu’elle a des chances raisonnables d’être accueillie, à tout le moins en ce qui concerne un certain nombre des revendications en cause. En outre, la BNSF ne m’a pas convaincu qu’elle n’est pas capable de présenter une réponse sensée relativement à ces allégations de contrefaçon. Les revendications à l’égard desquelles je conclus que le CN a établi l’existence d’une cause d’action valable sont les suivantes :

  • Brevet 551 : revendications 1 à 4, 6, 7, 12 à 15, 17, 18, 23 à 26, 28, 29;
  • Brevet 024 : revendications 1 à 4, 13 à 16, 25 à 28.

[45]  En ce qui a trait à chacune de ces revendications, il existe un fondement raisonnable permettant de comprendre les allégations de contrefaçon formulées par le CN à l’égard de l’ensemble de leurs éléments. Cette conclusion s’applique aux allégations de contrefaçon par incitation et aux allégations de contrefaçon directe.

[46]  Je conviens avec le CN que le débat sur la question de savoir si toutes les étapes des revendications en litige doivent être réalisées au Canada pour qu’il y ait contrefaçon est une question de droit, qui ne devrait pas être tranchée dans le cadre d’une requête en radiation. Selon moi, la jurisprudence quant à cette question n’est pas suffisamment claire, de sorte qu’il ne convient pas d’empêcher le CN de faire valoir sa position à ce stade‑ci. La BNSF se fonde sur la décision Varco Canada Limited c Pason Systems Corp, 2013 CF 750, aux paragraphes 265 et 266, à l’appui du principe selon lequel les brevets ont une portée territoriale et qu’il est impossible de contrefaire un brevet canadien à l’extérieur du Canada. Je souscris à ce principe général; toutefois, celui‑ci ne permet pas de répondre à la question plus précise de savoir si la contrefaçon d’une revendication portant sur un procédé (ou sur un arrangement de serveur ou sur un ordinateur) peut être évitée en installant une des composantes du procédé (en l’espèce, le serveur) dans un endroit situé à l’extérieur du Canada. La BNSF invoque une décision américaine (Home Gambling Network, Inc c Piche, 2013 US Dist Lexis 141595, à 5‑6 (D Nev)) à l’appui de son opinion selon laquelle une telle action permet d’éviter la contrefaçon. Cependant, le CN invoque un jugement rendu au Royaume‑Uni (Menashe Business Mercantile Ltd c William Hill Organisation Ltd, [2002] EWCA Civ 1702, [2003] 1 All ER 279, au paragraphe 32) à l’appui de la conclusion opposée. Il ne semble pas y avoir de décision canadienne portant directement sur cette question. La BNSF prétend que le droit du Royaume‑Uni en ce qui concerne la question de la territorialité des brevets est différent de celui du Canada et que la décision américaine devrait donc avoir préséance. Après examen des précédents invoqués par les parties, je ne suis pas convaincu qu’il est manifeste et évident que la position du CN est dénuée de fondement.

[47]  La BNSF prétend aussi que le CN ne fait pas mention dans ses allégations que les outils électroniques en cause peuvent être utilisés pour toute expédition dont le lieu d’origine ou de destination est situé au Canada. En ce qui concerne les revendications énumérées ci‑dessus (celles figurant dans les brevets 551 et 024), je conclus qu’il existe une possibilité raisonnable que l’existence de la contrefaçon puisse être établie par l’utilisation du procédé revendiqué, par l’arrangement de serveurs ou de l’ordinateur (le cas échéant) par un client situé au Canada, sans égard à la question de savoir si le lieu d’origine ou de destination des marchandises qui seront expédiées est situé au Canada.

[48]  Compte tenu de l’exigence selon laquelle les actes de procédure doivent contenir assez de précisions pour rendre gérables et équitables les étapes précédant le procès et le procès lui‑même, et compte tenu du critère exigeant qui s’applique en ce qui a trait à la radiation d’actes de procédure, je conclus que les revendications susmentionnées ne devraient pas être radiées et qu’il n’est pas nécessaire que j’ordonne que des précisions supplémentaires soient apportées.

[49]  Cette conclusion ne s’applique pas aux autres revendications en litige, soit :

  • Brevet 551 : revendications 8‑11, 19‑22, 30‑33;
  • Brevet 372 : revendications 1‑3, 7‑9;
  • Brevet 024 : revendications 5‑6, 17‑18, 29‑30.

[50]  Les revendications 8 à 10, 19 à 21 et 30 à 32 du brevet 551 décrivent les options d’expédition concernant la propriété des wagons et, en fonction de leur dépendance avec la revendication 1, les options d’expédition concernant le segment ferroviaire. Il existe donc une perspective raisonnable de réussite à démontrer que l’outil IA confère des options d’expédition liées au segment ferroviaire. Il existe aussi une perspective raisonnable de réussite à démontrer que l’outil CSA prévoit des options d’expédition en ce qui a trait à la propriété des wagons. Cependant, selon les allégations contenues dans la déclaration modifiée, rien n’indique que les outils électroniques en cause prévoient les deux. Le CN reconnaît ce fait. Par conséquent, je conclus qu’il n’existe pas de perspective raisonnable de réussir à établir l’existence de contrefaçon de ces revendications.

[51]  Je tire la même conclusion en ce qui a trait aux revendications 6, 18 et 30 du brevet 024, lesquelles définissent les options de trajet entre le point d’origine et la destination et, selon la dépendance à la revendication 1, les options d’expédition en ce qui concerne la propriété des wagons. Comme il est mentionné ci‑dessus, (i) il existe une perspective raisonnable de réussir à démontrer que l’outil IA prévoit des options en ce qui a trait au trajet, et (ii) il existe une perspective raisonnable de réussir à démontrer que l’outil CSA prévoit des options d’expédition en ce qui a trait à la propriété des wagons, mais (iii) compte tenu des allégations contenues dans la déclaration modifiée, rien ne donne à penser que l’un ou l’autre des outils en ligne prévoit les deux options.

[52]  Les revendications restantes pour lesquelles je conclus que la déclaration modifiée ne contient pas suffisamment d’éléments étayant le fait, qui ne semble pas être contesté par le CN à ce stade‑ci, que les outils en ligne de BNSF en litige ne peuvent pas être utilisés pour conclure une commande ou pour expédier des marchandises sans une intervention distincte d’un représentant de la BNSF. La revendication 1 du brevet 551 définit un [traduction] « procédé permettant d’exécuter une transaction en ligne pour répondre à une demande de renseignement sur un service d’expédition par train ». Selon moi, il n’est pas évident et manifeste que la revendication 1 envisage nécessairement un procédé qui se solde par une commande. Cependant, la revendication dépendante 11 du brevet 551 définit la [traduction] « [réception d’une] entrée par le client afin de passer une commande en vue d’exécuter une expédition ». On ne m’a pas dit comment ce passage peut être interprété comme signifiant une action exécutée par la BNSF qui est mentionnée dans les allégations. La même conclusion s’applique aux revendications 22 et 33 du brevet 551, lesquelles comprennent le même passage.

[53]  Cette discussion concernant le brevet 551 s’applique également au brevet 024. Les revendications 1, 13 et 25 de ce dernier brevet renvoient au fait [traduction] « d’effectuer une transaction en ligne afin de répondre à une demande de service d’expédition par train ou à une commande de service d’expédition par train », mais les revendications dépendantes 5, 17 et 29 définissent le fait de [traduction] « recevoir une entrée par le client afin de passer une commande en vue d’exécuter une expédition ». Il ne semble pas que ce passage puisse être interprété comme signifiant une action exécutée par la BNSF qui est mentionnée dans les allégations.

[54]  Selon moi, la totalité des allégations de contrefaçon en ce qui a trait aux revendications 8 à 11, 19 à 22 et 30 à 33 du brevet 551, 1 à 3 et 7 à 9 du brevet 372 et 5 et 6, 17 et 18 et 29 et 30 du brevet 024, devraient être radiées. Je conviens que les lacunes que j’ai relevées peuvent être corrigées, et le CN aura donc le droit de modifier sa déclaration modifiée pour y ajouter des précisions quant aux allégations de contrefaçon portant sur ces revendications.

B.  Les revendications visées par la demande d’injonction

[55]  La BNSF prétend que l’allégation du CN selon laquelle il n’a pas connaissance de la totalité des utilisations qu’elle fait des inventions brevetées, malgré que toutes les activités sont visées par l’action, conjuguée à sa demande en vue d’obtenir une injonction qui vise toutes les revendications des brevets en cause (et non seulement des brevets à l’égard desquels la contrefaçon est alléguée) crée de la confusion quant à l’objet des allégations de contrefaçon du CN et reflète l’intention du CN de procéder à l’aveuglette.

[56]  Je ne souscris pas à la thèse selon laquelle le libellé de la demande d’injonction du CN crée quelque confusion que ce soit. Selon moi, ce libellé est courant dans les actions en matière de contrefaçon de brevet et il est aussi autorisé. Je ne vois pas non plus de problème avec l’énoncé du CN selon lequel il n’a pas connaissance de la totalité des utilisations que fait la BNSF des inventions brevetées, mais qu’il présente son action relativement à toutes ses activités. Il s’agit, là aussi, d’une chose courante et admise. La BNSF ne cite pas de jurisprudence à l’appui de l’opinion contraire.

XI.  CONCLUSION

[57]  J’ordonnerai que le CN dépose une déclaration modifiée, qui est compatible avec les présents motifs, dans les 15 jours suivant la date de la présente ordonnance. Les dates limites en ce qui a trait aux étapes subséquentes dans le contexte de la solution sous‑jacente seront celles envisagées par les Règles, sauf mention contraire.

[58]  Les parties conviennent que la présente action devrait se poursuivre à titre d’instance à gestion spéciale. J’ordonnerai qu’il en soit ainsi.

[59]  Puisque les deux parties ont eu partiellement gain de cause relativement à la présente requête, j’ordonnerai que les dépens suivent l’issue de la cause.


ORDONNANCE DANS LE DOSSIER T‑913‑17

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête est accueillie en partie.

  2. Toutes les allégations de contrefaçon relatives aux revendications 8 à 11, 19 à 22 et 30 à 33 du brevet canadien no 2,922,551, aux revendications 1 à 3 et 7 à 9 du brevet canadien no 2,880,372, et aux revendications 5, 6, 17, 18, 29 et 30 du brevet canadien no 2,958,024 sont radiées de la déclaration modifiée.

  3. La demanderesse déposer une déclaration modifiée dans les 15 jours suivant la date de la présente ordonnance.

  4. Les dépens relatifs à la présente requête suivront l’issue de la cause.

  5. L’action en l’espèce fera l’objet d’une gestion spéciale et est renvoyée au bureau du juge en chef pour que celui‑ci désigne un juge chargé de la gestion de l’instance.

« George R. Locke »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑913‑17

 

INTITULÉ :

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA c BNSF RAILWAY COMPANY

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 AVRIL 2018

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LOCKE J.

 

DATE :

LE 12 JUIN 2018

 

COMPARUTIONS :

François Guay

Jean‑Sébastien Dupont

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William Richardson

Kamleh Nicola

Michael Rubinger

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar

Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Baker & McKenzie LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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