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Date : 20180607


Dossier : IMM-4738-17

Référence : 2018 CF 589

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 7 juin 2018

En présence de monsieur le juge Harrington

Dossier : IMM-4738-17

ENTRE :

DEAN HEGOL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  M. Hegol avait 21 ans lorsqu’il a quitté une petite ville de Croatie pour venir s’établir au Canada en 2012. Il n’est pas venu en tant qu’immigrant, mais plutôt à titre de réfugié, rempli d’espoir. Il craint d’être persécuté s’il retournait en Croatie, étant donné qu’il est gai.

[2]  Sa demande n’a été entendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada que l’an dernier, soit cinq ans après son arrivée au pays. La Commission a conclu qu’il n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention des Nations Unies, ni celle de personne à protéger parce qu’il existait une autre possibilité de refuge intérieur en Croatie, à Zagreb plus particulièrement. Dans tous les cas, la protection de l’État était adéquate. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

[3]  Il est entendu que la décision doit être examinée au regard de la norme de la décision raisonnable. La conseil de M. Hegol soutient que la décision est déraisonnable à la fois en ce qui concerne la possibilité de refuge intérieur et la protection de l’État. Le conseil du ministre soutient que la décision est tout à fait raisonnable et qu’elle s’inscrit dans la marge d’appréciation des solutions acceptables et rationnelles. La décision serait justifiable, transparente et intelligible conformément à l’arrêt de la Cour suprême Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190. Le demandeur demande simplement à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve.

I.  Analyse

[4]  La Commission a conclu que M. Hegol avait vécu dans deux petites villes de Croatie dans une région apparemment hostile à l’égard des minorités sexuelles. La Commission a reconnu qu’il avait été harcelé, intimidé et que son partenaire et lui avaient été attaqués. Ses rapports avec la police ont été peu fréquents. Le tribunal était d’avis que la question déterminante concernait la possibilité de refuge intérieur. Il est bien établi en droit des réfugiés qu’une personne ne peut pas revendiquer le statut de réfugié à moins d’être en danger dans toutes les régions de son pays d’origine. Se fondant sur l’arrêt de la Cour d’appel Rasaratnam c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706, la Commission a reconnu que le critère de la possibilité de refuge intérieur comporte deux volets. Il ne doit n’exister, selon la prépondérance de la preuve, aucune possibilité sérieuse que la personne soit soumise à la persécution, à la torture ou à une menace à sa vie ou au risque de traitement ou châtiment cruel et inusité. Deuxièmement, les conditions ayant cours dans la région de la possibilité de refuge intérieur proposée doivent être telles qu’il ne serait pas déraisonnable que la personne cherche refuge dans cette région.

[5]  Le droit des réfugiés a un caractère prospectif. La Commission a noté que les conditions générales en Croatie s’étaient améliorées au cours des dernières années, bien que certains problèmes subsistent. Cependant, en ce qui concerne Zagreb, la Commission était d’avis que les attitudes étaient telles que M. Hegol pouvait y vivre en toute sécurité en tant que personne gaie s’il le désirait.

[6]  La conseil de M. Hegol soutient que, malgré une certaine amélioration depuis que M. Hegol a quitté la Croatie en 2012, un renversement de situation a été observé plus récemment. Toutefois, j’estime que l’examen des conditions en Croatie effectué par la Commission était bien équilibré et ne constituait pas une « sélection minutieuse ».

[7]  On a fait allusion au festival de la fierté de Zagreb, au fait que Zagreb abrite un centre LGBT ainsi que des clubs et des bars gais et que l’année dernière, Rainbow Europe a accordé à la Croatie un score de 60 %, soit une zone de protection semblable à celle de pays comme l’Autriche, les Pays-Bas et la Suède.

[8]  Certes, des incidents horribles se produisent encore en Croatie, comme partout ailleurs toutefois. Cependant, la police prend des mesures d’intervention promptes et adéquates.

[9]  M. Hegol soutient qu’il serait déraisonnable de l’envoyer à Zagreb. Il fait valoir qu’il est un manœuvre général sans permis, qu’il ne connaît personne à Zagreb, qu’il risque de ne pas avoir d’emploi ni d’avoir accès au marché du logement. Ces préoccupations sont hautement spéculatives. Le fardeau lui incombe, et il n’a pas soumis d’élément de preuve à cet effet. Il est compréhensible que M. Hegol préfère demeurer au Canada où il a vécu confortablement au cours des six dernières années et qu’un renvoi s’avère déchirant, mais il ne s’agit toutefois pas d’une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[10]  La décision selon laquelle il n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger par le Canada était raisonnable.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4738-17

Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a pas de question grave de portée générale qui mérite d’être certifiée.

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4738-17

 

INTITULÉ :

DEAN HEGOL c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 juin 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

Le juge Harrington

 

DATE DES MOTIFS :

Le 7 juin 2018

 

COMPARUTIONS :

Allison Williams

 

Pour le demandeur

 

David Joseph

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Levinson and Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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