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Date : 20180531


Dossier : T-1236-01

Référence : 2018 CF 565

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2018

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

DARIN GRENKE, à titre de représentant personnel de la SUCCESSION D’EDWARD GRENKE, et 284849 ALBERTA LTD.

demandeurs

et

DNOW CANADA ULC,

NATIONAL OILWELL VARCO INC. et 769388 ALBERTA LTD.

défenderesses

JUGEMENT ET MOTIFS

(Revendication 17)

[1]  La Cour d’appel fédérale (CAF) a expressément renvoyé la question relative à la contrefaçon de la revendication 17 à la Cour afin de déterminer si le mode d’emploi des défenderesses, dûment compris, explique la méthode dont il est question dans la revendication 17.

[2]  Il s’agit d’une instance distincte du jugement sur les dommages-intérêts. Les parties reconnaissent que la décision rendue dans la présente instance n’a aucune incidence sur les dommages-intérêts à adjuger.

[3]  Les défenderesses demandent à la Cour de ne pas trancher la question au motif qu’elle est sans objet et, comme il a été mentionné précédemment, qu’elle n’a aucune incidence sur les dommages-intérêts à adjuger. Toutefois, elles n’ont pas admis la contrefaçon ni consenti au jugement déclaratoire, mais elles ont poursuivi les procédures relatives à cette question jusqu’à la fin du procès pour dommages-intérêts.

[4]  Dans le cours normal des choses, je rejetterais l’affaire en raison de son caractère théorique et de son inutilité dans le contexte du présent litige. Toutefois, je suis lié par les directives de la CAF, est c’est la raison pour laquelle je procéderai à un nouvel examen de la question.

[5]  La CAF a donné des précisions sur la question dans l’arrêt Corlac Inc c Weatherford Canada Ltd, 2012 CAF 261, au paragraphe 46, 440 NR 113 :

Le mode d’emploi indique qu’après avoir été lubrifiée, [traduction] « la valve peut être fermée ». Au procès, l’expert des intimés (demandeurs) a déclaré que [traduction] « une personne moyennement versée dans l’art qui lirait ce [manuel d’instructions] comprendrait qu’en fait il ne faut pas la laisser ouverte, sauf pour la tester […] puisque l’on veut éviter toute fuite de pétrole » […] Le juge est mieux placé que notre Cour pour rechercher ce que le mode d’emploi recommande et comment une personne moyennement versée dans l’art l’interprétera pour ce qui est de garder les valves ouvertes ou fermées. Il s’agit, pour l’essentiel, d’une question de fait.

[6]  La description complète de la revendication 17 figure à l’annexe A de la décision sur la responsabilité dans la présente affaire. La revendication 17 porte sur une méthode visant à empêcher les fuites de pétrole qui consiste à vérifier un passage de fuite afin de déterminer quand un joint étanche cède.

[7]  Les alinéas c) à e) de la revendication 17 décrivent la méthode suivante pour l’utilisation de l’appareil dont il est question dans la revendication 1 :

[traduction]

c)  injecter un lubrifiant dans le passage de fuite de la cartouche d’étanchéité située la plus loin en amont et boucher ce passage de fuite, tout en laissant ouvert le passage de fuite d’une cartouche d’étanchéité en aval de la cartouche située la plus en amont;

d)  vérifier qu’il n’y a pas de fuites de pétrole dans le passage de fuite laissé ouvert;

e)  arrêter la pompe si une fuite de pétrole est détectée et remplacer au moins les cartouches d’étanchéité par lesquelles le pétrole s’est introduit.

[Je souligne.]

[8]  Au procès sur la responsabilité, la Cour a conclu que la revendication 17 expose une « méthode pour empêcher les fuites de pétrole dans une pompe à rotor hélicoïdal, soit notamment a) injecter un lubrifiant, b) vérifier qu’il n’y a pas de fuite de pétrole dans le passage pour les fuites, c) arrêter la pompe si une fuite de pétrole est détectée et remplacer au moins les cartouches d’étanchéité en aval de la fuite. »

[9]  Comme le confirme les témoignages d’experts, une personne ordinaire qui lirait la revendication 17 comprendrait qu’il ne faut pas laisser le passage pour les fuites ouvert, sauf pour le tester, puisque l’on veut éviter toute fuite de pétrole à la tête du puits – ce qui n’est évidemment pas le but de l’exercice.

[10]  Les procédures d’exploitation concernant la boîte à garniture contrefaite décrites dans le manuel des défenderesses faisaient référence à des valves d’échantillonnage qui servent à détecter une défaillance des joints étanches lorsque du fluide produit apparaît à la première ou à la deuxième valve, signifiant que le joint fuit et que la boîte doit être remplacée.

[11]  Cette instruction doit être lue dans le contexte de l’instruction qui précède :

[traduction] Au moment de lubrifier les joints d’étanchéité, ouvrir la valve d’échantillonnage en desserrant le contre-écrou, et faire 2 tours. Lorsque du lubrifiant s’échappe de la valve, la chambre d’étanchéité est remplie et la valve peut être fermée.

[12]  L’expert des demandeurs Skoczylas a interprété les directives d’utilisation comme donnant l’instruction à une personne moyennement versée dans l’art [traduction] d’« ouvrir les valves pour vérifier si du fluide produit se trouve à l’intérieur ». J’ajouterai que même une personne incapable des plus petits travaux de réparation à la maison en arriverait probablement à la même conclusion étant donné les conséquences évidentes qu’entraînerait le fait de laisser l’orifice ouvert après l’inspection.

[13]  Le témoin expert Nelson des défenderesses fait lui aussi remarquer au sujet de la boîte contrefaite et des procédures d’exploitation du produit Corlac que les passages qui traversent la boîte à garniture Corlac sont munis de valves d’échantillonnage qui ne doivent pas être laissées ouvertes en temps normal, mais plutôt ouvertes pour vérifier s’il y a une fuite du joint d’étanchéité.

[14]  Je retiens le témoignage de Skoczylas selon lequel il serait évident pour une personne moyennement versée dans l’art en 1994 que les instructions d’utilisation constituent un équivalent fonctionnel de la méthode de vérification des fuites à l’aide de passages décrits dans la revendication 17.

[15]  La Cour a conclu au procès sur la responsabilité et réitère ici que, selon la prépondérance des probabilités, les clients qui achètent les produits contrefaits des défenderesses les utiliseraient conformément au manuel d’exploitation et d’entretien fourni aux sociétés pétrolières qui sont les utilisateurs finaux.

[16]  Ainsi, la Cour conclut que les défenderesses ont contrevenu à la revendication 17 et que les demandeurs ont droit à un jugement déclaratoire en ce sens avec dépens.


JUGEMENT dans le dossier T-1236-01 (Revendication 17)

POUR LES MOTIFS ÉNONCÉS, la Cour déclare que :

  1. les défenderesses ont contrefait la revendication 17 du brevet canadien no2095937 en incitant leurs clients à pratiquer la méthode décrite à la revendication 17;

  2. les dépens en faveur des demandeurs au présent jugement sont fixés à 5 000 $ compte tenu de la poursuite continue de la présente affaire.

« Michael L. Phelan »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1236-01

 

INTITULÉ :

DARIN GRENKE, à titre de représentant personnel de la SUCESSION D’EDWARD GRENKE, et 284849 ALBERTA LTD. c DNOW CANADA ULC, NATIONAL OILWELL VARCO INC. et 769388 ALBERTA LTD.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LES 17 et 18 mai 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge Phelan

 

DATE :

le 31 mai 2018

 

COMPARUTIONS :

Bruce Stratton

Vincent Man

Cristina Mihalceanu

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Christopher Kvas

William Regan

Evan Reinblatt

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

DLA Piper (Canada) LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Piasetzki Nenniger Kvas LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

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