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Date : 20180216


Dossier : T-1668-10

Référence : 2018 CF 185

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 février 2018

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

ASTRAZENECA AKTIEBOLAG, ASTRAZENECA CANADA INC. ET ASTRAZENECA UK LIMITED

demanderesses/
défenderesses reconventionnelles

et

APOTEX INC. ET
APOTEX PHARMACHEM INC.

défenderesses/
demanderesses reconventionnelles

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La présente décision porte sur des requêtes incidentes présentées par les parties concernant la marche à suivre dans la présente action en contrefaçon de brevet. Avant de décrire les thèses respectives des parties, il est utile de connaître le contexte.

[2]  En février 2007, Apotex Inc. (Apotex) a entrepris des démarches pour obtenir la permission de commercialiser une version générique d’un produit pharmaceutique vendu par AstraZeneca Canada Inc. (AstraZeneca), sous le nom de Nexium. À l’occasion de ces démarches, Apotex devait traiter de 10 brevets qu’AstraZeneca avait indiqués sur la liste de brevets associés à son produit aux termes du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), (DORS/93-133, modifié) (le Règlement). Apotex s’est acquittée de cette obligation en signifiant sept avis d’allégation à AstraZeneca le 17 janvier 2008, dans lesquels elle soutenait, pour divers motifs, que les brevets inscrits sur la liste ne devraient pas l’empêcher d’obtenir un avis de conformité requis pour l’accès au marché. En réponse aux avis d’allégation d’Apotex, le 7 mars 2008, AstraZeneca a introduit sept demandes distinctes aux termes du Règlement. Chaque demande visait à empêcher le ministre de la Santé d’accorder un avis de conformité à Apotex. Finalement, ces demandes ont toutes été abandonnées ou rejetées. Apotex a obtenu son avis de conformité le 17 juin 2010. Son produit générique s’appelle Apo-Esomeprazole.

[3]  En octobre 2010, AstraZeneca et deux de ses sociétés affiliées (AstraZeneca Aktiebolag et AstraZeneca UK Limited) ont intenté la présente action contre Apotex et Apotex Pharmachem Inc. (Pharmachem), dans laquelle elles allèguent une contrefaçon du brevet canadien no 2 139 653 (le brevet 653) et du brevet canadien no 2 193 994 (le brevet 994). Cette action est appelée, ci-après, l’action en contrefaçon. Dans le contexte de l’action en contrefaçon, AstraZeneca et ses deux sociétés affiliées sont désignées comme les demanderesses, et Apotex et Pharmachem, comme les défenderesses.

[4]  Quelques mois plus tard, en mars 2011, Apotex a intenté une action distincte contre AstraZeneca (dossier de la Cour fédérale no T-389-11) aux termes de l’article 8 du Règlement, afin d’obtenir une indemnisation pour la perte alléguée qu’elle a subie durant la période où le produit a été tenu à l’écart du marché en application du Règlement. Cette action distincte est appelée, ci-après, l’action aux termes de l’article 8.

[5]  L’action en contrefaçon a été scindée pour exclure les questions suivantes : i) les exceptions au titre de l’utilisation à des fins expérimentales et réglementaires, ii) le montant de tous dommages-intérêts ou bénéfices, et iii) toutes les questions liées au brevet 994. Par conséquent, les parties ont procédé à une première instruction qui portait essentiellement sur le brevet 653. Comme il était constant que l’Apo-Esomeprazole était visé par les revendications contestées du brevet 653, les seules questions en litige dans le premier procès sur l’action en contrefaçon concernaient la validité du brevet 653.

[6]  Le juge Donald J. Rennie (alors juge de la Cour) a présidé le procès tenu de septembre à novembre 2013. Les questions en litige sur la validité du brevet 653 étaient i) l’utilité (ou l’absence d’utilité), ii) la nouveauté (ou l’antériorité), et iii) l’inventivité (ou l’évidence). Le juge Rennie a rendu sa décision (2014 CF 638) le 2 juillet 2014. Il a conclu que le brevet 653 possédait le caractère requis de la nouveauté et de l’inventivité, mais qu’il était invalide pour absence d’utilité. Le fondement de la conclusion d’absence d’utilité portait que le brevet 653 promettait un certain bienfait thérapeutique qui n’avait pas été démontré et qui ne pouvait pas être valablement prédit à la date du dépôt de brevet.

[7]  Les demanderesses ont interjeté appel de la décision devant la Cour d’appel fédérale en faisant valoir que le juge Rennie avait mal interprété la promesse en question. Pour leur part, les défenderesses ont fait valoir que le juge Rennie avait commis une erreur lorsqu’il a conclu que le brevet 653 possédait le caractère de la nouveauté et de l’inventivité. La Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel concernant l’absence d’utilité, et elle a conclu qu’il n’était donc pas nécessaire d’examiner les questions de la nouveauté et de l’inventivité soulevées par les défenderesses. Par conséquent, la décision du juge Rennie est demeurée inchangée.

[8]  Les demanderesses ont obtenu l’autorisation d’interjeter appel à la Cour suprême du Canada. L’appel devant la Cour suprême du Canada a été entendu en novembre 2016.

[9]  En mai 2017, après l’audience devant la Cour suprême du Canada, mais avant que cette dernière ne rende sa décision, j’ai été saisi de l’action aux termes de l’article 8. Le même procès devait également statuer sur des questions relatives au brevet 994 dans l’action en contrefaçon, mais les parties ont réglé ces questions.

[10]  Étant donné que la décision de la Cour suprême du Canada concernant la validité du brevet 653 pourrait avoir une incidence importante tant sur l’action aux termes de l’article 8 que sur l’action en contrefaçon, il a été convenu durant l’instance que i) je ne rendrais aucune décision sur les questions en litige avant que la Cour suprême du Canada n’ait rendu sa décision, et ii) si la Cour suprême du Canada devait infirmer la décision de la Cour d’appel fédérale concernant la validité du brevet 653, je permettrais aux parties de soumettre des observations supplémentaires.

[11]  La Cour suprême du Canada a rendu sa décision (2017 CSC 36, la décision de la Cour suprême du Canada) le 30 juin 2017. Elle a conclu que la doctrine de la promesse appliquée par le juge Rennie n’est pas l’approche appropriée pour établir l’utilité d’un brevet. La Cour suprême du Canada a accueilli l’appel, elle a annulé les décisions du juge Rennie et de la Cour d’appel fédérale et elle a déclaré que le brevet 653 n’est pas invalide pour absence d’utilité.

[12]  Après la décision de la Cour suprême du Canada, les parties ne s’entendaient pas sur son incidence et sur la marche à suivre à la fois dans l’action aux termes de l’article 8 et dans l’action en contrefaçon. Les demanderesses étaient d’avis que la validité du brevet 653 avait été entièrement et définitivement confirmée par la Cour suprême du Canada et qu’en l’absence de toute autre allégation de non-contrefaçon, la contrefaçon du brevet 653 avait été confirmée. Concernant l’action en contrefaçon, les demanderesses ont affirmé que l’affaire devait, par conséquent, être traitée directement par renvoi, afin de trancher le montant des dommages-intérêts ou des bénéfices. Concernant l’action aux termes de l’article 8, AstraZeneca a fait valoir que je serais en mesure de rendre une décision après avoir reçu des observations supplémentaires.

[13]  De leur côté, les défenderesses étaient d’avis que la Cour suprême du Canada avait simplement annulé la conclusion selon laquelle le brevet 653 était invalide pour absence d’utilité. Elles ont soutenu que d’autres motifs d’invalidité demeuraient en litige. Plus particulièrement, elles ont affirmé que l’infirmation de la question de l’utilité signifiait que la Cour d’appel fédérale aurait dû examiner les autres questions sur la validité qu’elle avait jugé inutile d’examiner : la nouveauté (ou l’antériorité) et l’inventivité (ou l’évidence). Elles ont également noté que la Cour suprême du Canada dans sa décision avait jugé que le problème des promesses excessives, précédemment examiné dans la doctrine de la promesse, constitue effectivement un méfait, et qu’un tel méfait peut être tranché en fonction d’autres motifs d’invalidité. Par conséquent, les défenderesses ont fait valoir que les parties devraient avoir la possibilité de traiter des autres questions sur la validité, au moyen d’éléments de preuve et d’observations supplémentaires.

[14]  En août 2017, les défenderesses ont déposé une requête auprès de la Cour suprême du Canada sollicitant i) une modification à la décision de la Cour suprême du Canada visant le renvoi de certaines questions de validité du brevet 653 à la Cour fédérale et d’autres à la Cour d’appel fédérale, et ii) la tenue d’une nouvelle audience devant la Cour suprême du Canada. Cette dernière a rejeté la requête sans donner de motifs.

[15]  Après une série de conférences de gestion de l’instance, j’ai fixé les observations orales supplémentaires au 11 janvier 2018 dans l’action aux termes de l’article 8. Après avoir entendu ces observations supplémentaires, j’ai rejeté la demande d’Apotex dans l’action aux termes de l’article 8 pour des motifs qui figurent dans la décision dont la référence est la suivante : 2018 CF 181 (ma décision relative à l’action aux termes de l’article 8).

[16]  Quant à l’action en contrefaçon, j’ai pris des dispositions pour que les parties puissent déposer leurs requêtes respectives, lesquelles font l’objet de la présente décision. L’audience de ces requêtes s’est tenue le 12 janvier 2018.

II.  Requêtes

[17]  La requête des demanderesses sollicite une déclaration selon laquelle les défenderesses ont contrefait le brevet 653, ainsi qu’un renvoi pour la quantification de leurs dommages-intérêts ou des bénéfices des défenderesses. Le renvoi porterait sur la contrefaçon des brevets 653 et 994 (ce brevet fait maintenant l’objet d’une déclaration de contrefaçon distincte incluse dans ma décision relative à l’action aux termes de l’article 8) et il comprendrait l’examen des exceptions au titre de l’utilisation à des fins expérimentales et réglementaires, ainsi que la détermination des taux et des modalités relatifs aux intérêts avant et après jugement. Les demanderesses sollicitent également une déclaration selon laquelle elles sont autorisées à choisir entre leurs dommages-intérêts et les bénéfices des défenderesses, après l’interrogatoire préalable. Les demanderesses sollicitent également le rejet de la demande reconventionnelle des défenderesses. Enfin, les demanderesses demandent que le procès du renvoi soit fixé pour 15 jours en février, mars ou avril 2020.

[18]  Les défenderesses s’opposent à la requête des demanderesses et elles déposent leur propre requête visant la réouverture du procès ayant débuté en mai 2017, afin de permettre que la question relative aux promesses excessives du brevet 653 soit tranchée en fonction de la décision de la Cour suprême du Canada.

[19]  Malgré le chevauchement des questions soulevées dans les requêtes respectives des parties, les questions ont été traitées séparément à la fois à l’écrit et à l’oral. Par conséquent, je traite de ces questions séparément dans les présents motifs.

III.  Examen de la requête des demanderesses

[20]  L’argument des demanderesses à l’appui de leur requête est relativement simple, et comme décrit au paragraphe [12] ci-dessus : étant donné que la validité du brevet 653 a maintenant été tranchée et qu’aucune autre question d’absence de contrefaçon n’est en litige, les demanderesses ont droit à une déclaration de contrefaçon du brevet 653, et la prochaine étape consiste à déterminer le montant des dommages-intérêts. De la même façon, il n’y a aucune question d’absence de contrefaçon en litige concernant le brevet 994 (sauf les questions relatives aux exceptions au titre de l’utilisation à des fins expérimentales et réglementaires), ainsi la prochaine étape est également de déterminer le montant des dommages-intérêts ou des bénéfices.

[21]  Concernant la demande des demanderesses visant une déclaration selon laquelle elles ont le droit de choisir entre leurs dommages-intérêts et les bénéfices des défenderesses, les demanderesses notent que cette question a été entièrement traitée dans les observations finales devant le juge Rennie en 2013. Compte tenu de sa conclusion selon laquelle le brevet 653 était invalide, le juge Rennie n’a pas tranché cette question. Cependant, les demanderesses soutiennent que les observations présentées en 2013 s’appliquent également aujourd’hui.

[22]  Concernant les intérêts avant et après jugement, les demanderesses font valoir qu’elles ont droit aux deux, et elles demandent que les taux et les modalités y afférant soient évalués lors du renvoi.

[23]  Comme je l’ai mentionné ci-dessus, les défenderesses s’opposent à la tenue d’un renvoi à ce stade. Elles soutiennent que certaines questions relatives à la validité du brevet 653 demeurent en litige. Elles notent que la Cour suprême du Canada n’a pas déclaré le brevet 653 valide ou contrefait. Elles notent également que, de la même façon, ni le juge Rennie ni la Cour d’appel fédérale n’ont déclaré que le brevet 653 était valide ou contrefait. Les défenderesses soutiennent que la requête des demanderesses est inappropriée parce qu’elle demande que la Cour modifie le jugement de la Cour suprême du Canada en accordant une mesure que cette dernière n’a pas accordée. Les défenderesses affirment que les demanderesses auraient dû présenter une requête devant la Cour suprême du Canada directement, afin d’obtenir la mesure qu’elles sollicitent dans la présente requête.

[24]  Les défenderesses prétendent également que la requête des demanderesses vise la modification de la décision du juge Rennie par l’octroi d’une mesure que ce dernier n’a pas accordée, à savoir le droit de choisir entre leurs dommages-intérêts et les bénéfices des défenderesses après l’interrogatoire préalable, ainsi que le droit aux intérêts avant et après jugement.

[25]  Concernant le brevet 994, les défenderesses s’opposent à un renvoi pour deux motifs. Premièrement, bien que les parties se soient entendues sur les modalités d’un jugement, aucun jugement officiel n’a encore été prononcé. Bien entendu, compte tenu de ma décision relative à l’action aux termes de l’article 8, ce motif d’opposition ne s’applique plus.

[26]  Le second motif invoqué par les défenderesses pour s’opposer à un renvoi concernant le brevet 994 veut que les parties reconnaissent qu’Apotex n’a jamais vendu l’Apo-Esomeprazole fabriqué selon le processus ayant contrefait le brevet 994. Quoique ce fait semble constant, il est tout aussi clair que les demanderesses soutiennent néanmoins qu’elles ont droit à des dommages-intérêts ou aux bénéfices à l’égard des opérations non commerciales relatives à l’Apo-Esomeprazole. Bien qu’il puisse être ultimement démontré que les défenderesses ne sont pas responsables de la contrefaçon du brevet 994, je suis d’avis qu’il ne serait pas approprié de trancher cette question à ce stade.

[27]  Subsidiairement, les défenderesses privilégient la réouverture du procès, afin de permettre aux parties d’aborder les questions de validité restantes relativement au brevet 653, au moyen d’éléments de preuve supplémentaires.

[28]  En réponse à l’argument des défenderesses selon lequel les demanderesses sollicitent une modification de la décision de la Cour suprême du Canada, les demanderesses font valoir qu’elles demandent que la décision de la Cour suprême du Canada soit appliquée et non modifiée. Par conséquent, comme je l’ai indiqué dans ma décision relative à l’action aux termes de l’article 8, j’ai traité de la décision de la Cour suprême du Canada dans le but de l’interpréter et non de la modifier.

[29]  Dans ma décision relative à l’action aux termes de l’article 8, j’ai traité de la thèse des défenderesses selon laquelle d’autres questions de validité sont toujours en litige. Dans cette décision, j’ai conclu que la validité du brevet 653 avait finalement été tranchée par la Cour suprême du Canada, et qu’il ne restait aucune autre question de validité à débattre. J’ai également noté que tout doute pouvant subsister quant à l’intention de la Cour suprême du Canada dans sa décision concernant la validité du brevet 653 avait été dissipé par le rejet de la requête d’Apotex devant la Cour suprême du Canada. J’applique le même raisonnement en l’espèce que dans ma décision relative à l’action aux termes de l’article 8.

[30]  En outre, puisqu’il a toujours été constant que l’Apo-Esomeprazole était visé par les revendications du brevet 653, il ne reste aucune question à trancher sur la contrefaçon.

[31]  Il s’ensuit que les demanderesses ont droit à une déclaration selon laquelle les défenderesses ont contrefait le brevet 653. Compte tenu de cette déclaration et de la déclaration concernant la contrefaçon du brevet 994 dans ma décision relative à l’action aux termes de l’article 8, la prochaine étape vise à quantifier les dommages-intérêts ou les bénéfices auxquels les demanderesses ont droit.

[32]  Concernant la demande des demanderesses visant à ce que je déclare qu’elles ont le droit de choisir entre leurs dommages-intérêts et les bénéfices des défenderesses après l’interrogatoire préalable, je reconnais que cette question a été débattue devant le juge Rennie en 2013, mais elle n’a pas été tranchée. Même si j’ai entendu essentiellement les mêmes observations que celles présentées au juge Rennie, je retiens l’argument des défenderesses selon lequel certaines circonstances ont changé depuis 2013; notamment la décision de la Cour suprême du Canada selon laquelle la doctrine de la promesse n’est pas valable en droit. De telles circonstances peuvent être pertinentes ou non à la question du droit des demanderesses de choisir une restitution des bénéfices des défenderesses, mais, à mon avis, il serait préférable pour les parties qu’elles aient la possibilité de traiter entièrement de la question devant le juge qui la tranchera. Je ne vois aucune raison importante selon laquelle les parties ne devraient pas procéder au motif que le droit de choisir les bénéfices sera examiné à l’occasion du renvoi, après l’interrogatoire préalable sur les dommages-intérêts et les bénéfices.

[33]  Tout comme pour le droit de choisir les bénéfices, le juge Rennie dans sa décision n’a pas statué sur les intérêts avant et après jugement, puisqu’il a conclu que le brevet 653 était invalide. Les défenderesses continuent d’insister pour que je n’accorde pas d’intérêts à ce stade, compte tenu, en partie, de certaines circonstances différentes. Comme pour le droit de choisir les bénéfices, je conclus qu’il serait préférable pour les parties qu’elles aient la possibilité de traiter entièrement de la question devant le juge qui la tranchera.

[34]  Enfin, concernant la demande des demanderesses voulant que je fixe une date de procès, je suis d’avis que cette question pourrait avantageusement être instruite par le juge responsable de la gestion de l’instance, lequel pourra aussi traiter du calendrier des étapes menant au procès.

IV.  Examen de la requête des défenderesses

[35]  Puisque j’ai décidé d’accueillir la requête des demanderesses sur le fond et que j’ai conclu qu’il ne reste aucune question à débattre concernant la validité du brevet 653, il est inutile de rouvrir le procès, malgré l’insistance des défenderesses.

[36]  Ces dernières font valoir certains motifs selon lesquels j’ai le pouvoir discrétionnaire de rouvrir le procès. Les demanderesses contestent ces motifs, et une grande partie du temps consacré à cette requête a porté sur le pouvoir discrétionnaire qu’il m’était possible d’exercer. Il n’est pas nécessaire que je tranche cette question puisque, même si j’ai le pouvoir discrétionnaire de rouvrir le procès, je refuse d’exercer ce pouvoir discrétionnaire pour les motifs abordés en l’espèce et dans ma décision relative à l’action aux termes de l’article 8.

V.  Conclusions

[37]  J’ai conclu que les demanderesses ont droit à une déclaration selon laquelle les défenderesses ont contrefait le brevet 653. Les demanderesses ont également droit à une ordonnance enjoignant la quantification de leurs dommages-intérêts ou des bénéfices des défenderesses au moyen d’un renvoi. Compte tenu de la déclaration de contrefaçon du brevet 994 dans ma décision relative à l’action aux termes de l’article 8, le renvoi devra tenir compte de la contrefaçon des brevets 653 et 994. Il devra également tenir compte de qui suit :

  1. les exceptions au titre de l’utilisation à des fins expérimentales et réglementaires,
  2. l’autorisation des demanderesses de choisir une restitution des bénéfices des défenderesses plutôt que leurs propres dommages-intérêts,
  3. l’adjudication aux demanderesses des intérêts avant et après jugement et, le cas échéant, les taux et modalités y afférant.

[38]  Pour plus de précision et conformément à toute autre ordonnance en l’espèce, l’interrogatoire préalable devra porter à la fois sur les dommages-intérêts des demanderesses et les bénéfices des défenderesses.


ORDONNANCE DANS LE DOSSIER T-1668-10

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. La requête des demanderesses est accueillie en partie.

  2. La requête des défenderesses est rejetée.

  3. Chacune des défenderesses a contrefait le brevet canadien no 2 139 653 (le brevet 653).

  4. La quantification des dommages-intérêts des demanderesses découlant de la contrefaçon du brevet 653 et du brevet canadien no 2 193 994 (le brevet 994) ou des bénéfices des défenderesses résultant de leur contrefaçon des brevets 653 et 994 sera tranchée lors d’un procès, précédé d’un interrogatoire préalable, lequel procès devra également tenir compte ce qui suit :

    1. la défense invoquée relativement à l’utilisation à des fins expérimentales et réglementaires;

    2. le droit des demanderesses de choisir une restitution des bénéfices des défenderesses;

    3. le droit des demanderesses aux intérêts avant et après jugement et, le cas échéant, les taux et modalités y afférant.

  5. Les défenderesses sont tenues de payer aux demanderesses les dépens afférents aux deux requêtes, quelle que soit l’issue de la cause.

« George R. Locke »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 23e jour d’octobre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1668-10

INTITULÉ :

ASTRAZENECA AKTIEBOLAG, ASTRAZENECA CANADA INC. ET ASTRAZENECA UK LIMITED c APOTEX INC. ET APOTEX PHARMACHEM INC.

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 JANVIER 2018

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

DATE DES MOTIFS :

LE 16 FÉVRIER 2018

COMPARUTIONS :

Gunars Gaikis

Yoon Kang

Andrew E. Mandlesohn

Kevin P. Siu

POUR LES DEMANDERESSES/

DÉFENDERESSES RECONVENTIONNELLES

Harry B. Radomski

Jerry Topolski

POUR LES DÉFENDERESSES/

DEMANDERESSES RECONVENTIONNELES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES/

DÉFENDERESSES RECONVENTIONNELLES

Goodmans LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES/

DEMANDERESSES RECONVENTIONNELES

 

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