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Date : 20180320


Dossier : IMM-2577-17

Référence : 2018 CF 317

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 mars 2018

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

FELIX EBERECHUKWU NWOBI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, en date du 16 mai 2017, dans laquelle la Section de la protection des réfugiés a rejeté la demande d’asile du demandeur aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi) au motif qu’il est une personne visée par l’alinéa Fb) de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut de réfugié (la Convention pour réfugiés), c’est-à-dire une personne pour laquelle il existe des raisons sérieuses de penser qu’elle a commis un crime grave de droit commun en dehors du Canada avant de présenter sa demande d’asile.

II.  Résumé des faits

[2]  Le demandeur est citoyen du Nigéria. Il est chrétien. En 1991, pendant les émeutes de la ville de Kaduna où il résidait, les chrétiens étaient la cible de violence. Plusieurs d’entre eux ont été tués, incluant des membres de la famille du demandeur. En guise de représailles, il a mis sur pied un groupe de chrétiens pour mettre le feu à une mosquée. Peu de temps après, sa photo a été publiée dans les journaux locaux et sur des affiches, réclamant sa mort. Craignant pour sa vie, il s’est enfui en Allemagne.

[3]  En Allemagne, il a fait une demande d’asile qui lui a été refusée. Cependant, il ne pouvait pas être expulsé en raison du risque auquel il ferait face au Nigéria. Il a par la suite obtenu un permis de séjour en Allemagne par mariage.

[4]  Le 8 août 2006, le demandeur a accepté de transporter 300 grammes de cocaïne de Hambourg à Munich. Il a été arrêté à son arrivée à Munich et reconnu coupable de trafic de drogue. Il a été condamné à trois ans et neuf mois de prison, suivi de cinq ans de mise en liberté sous surveillance et a purgé l’entièreté de sa peine.

[5]  Le demandeur est arrivé au Canada le 15 octobre 2010 et a présenté une demande d’asile le lendemain. Dans une décision datée du 16 juillet 2013, la Section de la protection des réfugiés lui a d’abord accordé le statut de réfugié, puisqu’elle n’était pas convaincue qu’il était exclu de la protection offerte aux réfugiés aux termes de l’alinéa Fb) de l’article premier de la Convention pour réfugiés.

[6]  La décision a été infirmée dans le cadre d’un contrôle judiciaire et renvoyée à la Section de la protection des réfugiés pour nouvel examen (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Nwobi, 2014 CF 520 [Nwobi]). La Cour a jugé que la Section de la protection des réfugiés avait mal énoncé les règles de droit applicables, puisqu’elle s’est totalement méprise sur l’intention du législateur et a mal interprété les modifications apportées à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19, qui a ajouté une peine minimale pour les personnes reconnues coupables de trafic de drogue et qui ont menacé de faire l’usage de force ou d’une arme (Nwobi, au paragraphe 11). La Cour a également conclu que l’erreur était déterminante et qu’elle avait entaché la conclusion selon laquelle le demandeur « n’a pas commis de crime grave de droit commun en Allemagne » (Nwobi, au paragraphe 12). Finalement, la Cour a déterminé que la Section de la protection des réfugiés avait commis une erreur en omettant de tenir compte de l’incendie criminel commis par le demandeur au Nigéria comme motif d’interdiction de territoire (Nwobi, au paragraphe 19).

[7]  Le 3 mai 2017, à la suite de ce jugement, une nouvelle audience s’est tenue devant un autre membre de la Section de la protection des réfugiés. Le 16 mai 2017, la demande d’asile du demandeur a été rejetée.

[8]  La Section de la protection des réfugiés a rejeté la demande d’asile du demandeur, puisqu’il est une personne visée par l’alinéa Fb) de l’article premier de la Convention pour réfugiés. La Section de la protection des réfugiés a remarqué qu’aux termes du droit canadien, le crime commis par le demandeur en Allemagne comporte une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité et que les crimes punissables d’un emprisonnement maximal de dix ans ou plus sont considérés comme graves. Citant l’arrêt Febles c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CSC 68 [Febles], la Section de la protection des réfugiés a convenu avec le demandeur que cette présomption ne devait pas s’appliquer machinalement, sans tenir compte du contexte ou de manière injuste (Febles, au paragraphe 62).

[9]  La Section de la protection des réfugiés a conclu que les facteurs atténuants proposés par le demandeur n’ont pas réfuté la présomption qu’il avait commis un crime grave, en partie parce que plusieurs des facteurs invoqués [traduction] « étaient des facteurs extrinsèques au crime ». Les facteurs invoqués étaient i) qu’il avait seulement transporté de la cocaïne et n’était pas impliqué dans la vente ou la distribution de celle-ci, ii) que le crime était une erreur unique et qu’il n’avait jamais participé à un trafic de drogue auparavant, iii) qu’il ne portait aucune arme et que rien ne montrait qu’il a eu recours à la violence, iv) qu’il a tout avoué à propos de son crime à son arrivée au Canada, v) qu’il n’a pas récidivé, a purgé sa peine et qu’il n’est pas considéré comme un danger pour la société et vi) qu’il a reçu une peine moins sévère que la personne qui l’avait engagé pour transporter la cocaïne.

[10]  La Section de la protection des réfugiés a également conclu que la gravité du crime ne devait pas être évaluée en fonction du droit allemand; il en revient plutôt à la Section de la protection des réfugiés d’évaluer comment une telle accusation serait examinée dans le contexte du droit canadien. Malgré l’absence de violence associée au crime, la Section de la protection des réfugiés a déterminé que le trafic de drogues dures comme la cocaïne constitue un crime très grave au Canada; les consommateurs de cocaïne représentent un danger sérieux pour la société. La Section de la protection des réfugiés prétend avoir tenu compte de tous les aspects du contexte du crime du demandeur en concluant que la présomption de la nature grave du crime n’est pas réfutée. Le demandeur est donc une personne visée par l’alinéa Fb) de l’article premier de la Convention pour réfugiés.

[11]  Après avoir déterminé que le demandeur est une personne visée par l’alinéa Fb) de l’article premier de la Convention pour réfugiés en raison de sa condamnation pour trafic de drogue en Allemagne, il n’était pas nécessaire, selon la Section de la protection des réfugiés, d’examiner l’incendie criminel perpétré par le demandeur à Kaduna en 1991.

[12]  Le demandeur prétend essentiellement que la clause d’exclusion de l’article F de l’article premier vise seulement à exclure les personnes ayant des antécédents criminels très graves, notamment les personnes impliquées dans des crimes contre l’humanité, des actes de terrorisme ou d’autres crimes de nature répréhensible ou les personnes ayant commis des crimes basés sur la violence ou ayant participé aux activités d’une organisation criminelle. Il soutient également que l’analyse faite au Canada devrait suivre le cheminement préconisé dans l’avis juridique du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) du 30 mai 1997 sur les clauses d’exclusions (il s’agit en fait de la Note sur les clauses d’exclusion du comité permanent du HCR) et que la clause d’exclusion n’a jamais eu pour objet d’exclure les contrevenants sans antécédents qui n’ont commis qu’une seule infraction et qui n’ont pas fait usage de violence, comme le demandeur. Finalement, à titre de législation qui restreint la liberté des personnes, la clause d’exclusion de l’alinéa Fb) de l’article premier de la Convention pour réfugiés devrait être interprétée de façon restrictive.

[13]  Le demandeur prétend aussi que la Section de la protection des réfugiés aurait dû par conséquent mettre en balance la gravité de son crime par rapport aux risques auxquels il ferait face s’il devait rentrer au Nigéria avant de déterminer s’il est une personne visée par l’alinéa Fb) de l’article premier de la Convention pour réfugiés. Plus précisément, la Section de la protection des réfugiés aurait dû prendre en compte l’article 33 de la Convention pour réfugiés, que le demandeur prétend à tort être imputé à l’article 101 de la Loi. Le demandeur rappelle aussi à la Cour que l’alinéa 3(3)f) de la Loi exige que la Loi soit appliquée conformément aux obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. Selon lui, cela exigerait que la Section de la protection des réfugiés examine la situation au Nigéria.

[14]  Enfin, le demandeur allègue que l’incidence d’une peine maximale de dix ans pour un crime au Canada doit être mise en contexte. Cela ne peut être le seul critère pour déterminer si un crime est grave ou si son auteur représente un danger pour le public. Vu qu’il n’a jamais appartenu à une organisation criminelle, qu’il a seulement été reconnu coupable d’un crime au cours des 25 ans qu’il a vécu à l’extérieur du Nigéria, qu’il éprouve des remords et que son crime n’était pas violent, le demandeur soutient que le fait qu’il ait transporté de la cocaïne d’une ville allemande à une autre ne devrait pas être considéré comme un crime grave.

III.  Question en litige et norme de contrôle

[15]  La seule question en litige en l’espèce est de savoir si la Section de la protection des réfugiés a commis une erreur susceptible de révision en excluant le demandeur de la protection offerte aux réfugiés aux termes de l’alinéa Fb) de l’article premier de la Convention pour réfugiés.

[16]  Il est bien établi que le fait de déterminer si un crime est qualifié de « crime grave » aux termes de l’article Fb) de l’article premier de la Convention pour réfugiés est une question de fait et de droit, et qu’elle est donc susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable (Feimi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 325, au paragraphe 16; voir également Febles). Cette norme de contrôle déférente signifie que la Cour doit seulement modifier la décision de la Section de la protection des réfugiés si cette décision n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12).

IV.  Discussion

[17]  La Section de la protection des réfugiés confère l’asile à un demandeur si elle est convaincue que la personne est protégée par la Convention pour réfugiés conformément à l’article 96 de la Loi ou si le demandeur est une personne à protéger en application de l’article 97 de la Loi. Cependant, l’article 98 de la Loi prévoit qu’une personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention pour réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

[18]  L’alinéa Fb) de l’article premier de la Convention pour réfugiés est la disposition en cause en l’espèce. Il est rédigé comme suit :

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

[…]

[…]

b) Qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;

(b) he has committed a serious non-political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;

[19]  Il n’est pas contesté que le demandeur, alors qu’il vivait en Allemagne, a été reconnu coupable de possession de cocaïne en vue d’en faire le trafic et qu’il a conséquemment purgé une peine de trois ans et neuf mois. Les parties s’entendent également sur le fait qu’il s’agit d’un crime de « droit commun ». La question en litige est plutôt de savoir s’il était raisonnablement loisible à la Section de la protection des réfugiés de conclure que le crime du demandeur était « grave » au sens de l’alinéa Fb) de l’article premier.

[20]  Comme je l’ai indiqué précédemment, le demandeur soutient, qu’en concluant qu’il était une personne visée par l’alinéa Fb) de l’article premier et donc, une personne exclue de la protection offerte aux réfugiés, la Section de la protection des réfugiés aurait dû expliquer en quoi une seule infraction non violente de trafic de drogue peut constituer le fondement d’une exclusion, si on accepte qu’une exclusion doive seulement s’appliquer aux crimes violents ou qui impliquent la participation à une organisation criminelle, après avoir mis en contexte l’incidence d’une peine maximale d’au moins dix ans et soupesé la gravité du crime du demandeur avec les risques auxquels il ferait face s’il devait rentrer au Nigéria.

[21]  À mon avis, la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle une déclaration de culpabilité pour trafic de drogue constitue un crime grave et, ce, même sans aucune violence, appartient aux issues possibles et acceptables. Le demandeur soutient qu’aucun des arrêts de principe de la base de données européenne du droit d’asile sur la question de déterminer ce qui constitue un « crime grave de droit commun » ne porte sur une situation semblable à la sienne. Il prétend que la plupart de ces arrêts traitent de terrorisme, d’actes de violence et de crimes de nature atroce.

[22]  Les cours canadiennes se sont penchées sur la définition de ce qui constitue un « crime grave » pour l’application de l’alinéa Fb) de l’article premier. Dans l’arrêt Jayasekara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CAF 404, la Cour d’appel fédérale a examiné trois conventions des Nations Unies sur les stupéfiants, ainsi que le cadre juridique concernant les sanctions prévues pour le trafic de drogue aux États-Unis, en Angleterre, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en France, ce qui l’a amené à conclure que « le trafic de stupéfiants est considéré comme un crime grave partout dans le monde » (Jayasekara, aux paragraphes 48 à 52). De plus, quand il soutient que la gravité d’un crime se fonde sur sa nature violente ou son lien au crime organisé, le demandeur cite un arrêt de la Cour constitutionnelle autrichienne qui précise que les personnes ayant commis des infractions criminelles précises, comme la vente de drogue, sont exclues de la protection. Bien que le demandeur ait été reconnu coupable de trafic de drogue et non de vente de drogue, ces crimes sont liés, puisque ce sont les trafiquants de drogue qui fournissent aux vendeurs de drogue leur marchandise.

[23]  Le demandeur fait aussi valoir que l’exclusion prévue à l’alinéa Fb) de l’article premier s’applique seulement aux crimes violents ou qui impliquent la participation à des organisations criminelles, laissant entendre que son crime n’implique aucun de ces deux facteurs. Je ne m’y connais pas beaucoup en matière de cocaïne, mais j’ai de la difficulté à comprendre comment le trafic de cocaïne pourrait ne pas impliquer la participation, d’une façon ou d’une autre, au crime organisé.

[24]  Dans tous les cas, il existe une présomption selon laquelle un crime passible d’une peine maximale de dix ans ou plus au Canada constitue un crime grave aux termes de l’alinéa Fb) de l’article premier de la Convention pour réfugiés. Un crime peut même être considéré comme « grave » dans les cas où la peine maximale est inférieure à dix ans (Febles, au paragraphe 62; Jayasekara, aux paragraphes 40 et 41). Le demandeur souligne à juste titre qu’une peine maximale n’est qu’une indication de la gravité du crime (Febles, au paragraphe 62; Tabagua c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 709, au paragraphe 15 [Tabagua] citant Jung c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 464) et que la présomption peut être réfutée en renvoyant à certains facteurs, notamment les circonstances atténuantes et aggravantes sous-jacentes à la déclaration de culpabilité (Jayasekara, au paragraphe 44).

[25]  Le demandeur soutient que la Section de la protection des réfugiés aurait dû procéder à une analyse des facteurs atténuants du crime qu’il a lui-même commis semblable à celle de l’arrêt Febles, mais elle ne l’a pas fait. Cet argument est voué à l’échec. Le demandeur fonde son argument sur les décisions Tabagua et Mohamed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1006 [Mohamed], mais le cas du demandeur se distingue facilement de ces cas.

[26]  Premièrement, ni la décision Tabagua ni la décision Mohamed ne concernent des crimes considérés comme suffisamment graves pour justifier la présomption d’exclusion de la protection offerte aux réfugiés comme l’homicide, le viol, l’attentat à la pudeur d’un enfant, les coups et blessures, le crime d’incendie, le trafic de drogues et le vol qualifié (Febles, au paragraphe 62).

[27]  Deuxièmement, aucun des demandeurs dans les décisions Tabagua et Mohamed n’a été reconnu coupable des crimes en cause. En revanche, le demandeur admet qu’il a commis le trafic de drogue en Allemagne et qu’il en a été reconnu coupable, un crime passible d’une peine maximale d’emprisonnement à vie au Canada.

[28]  Troisièmement, la peine maximale applicable pour le crime du demandeur fait en sorte que ce crime est présumé être un crime grave, ce qui n’est pas le cas dans les décisions Tabagua et Mohamed. Dans la décision Tabagua, le demandeur était accusé d’usurpation d’identité, qui est passible d’une peine maximale de six mois d’emprisonnement, d’une amende de 5 000 $ ou les deux, si la Couronne décide de procéder par déclaration sommaire de culpabilité. Dans la décision Mohamed, la Cour est arrivée à la conclusion que la présomption que le crime est grave est loin d’être évidente étant donné que le demandeur offrait aux terroristes les mêmes services qu’il offrait au grand public, qu’il vivait dans une zone de guerre et que les options qui s’offraient à lui étaient de fuir, d’offrir des services ou de mettre sa vie, et celle de sa famille, en danger (Mohamed, au paragraphe 25).

[29]  Finalement, dans les décisions Tabagua et Mohamed, la Section de la protection des réfugiés a omis de tenir compte des facteurs atténuants pour déterminer si les demandeurs avaient commis des crimes graves de droit commun à l’extérieur du Canada (Tabagua, au paragraphe 20; Mohamed, aux paragraphes 25 et 26). Dans la présente affaire, la Section de la protection des réfugiés a examiné les facteurs atténuants proposés par le demandeur, comme le fait que ce dernier a fait l’objet d’une mise en liberté sous surveillance pendant cinq ans à la suite de son emprisonnement, un facteur que la Section de la protection des réfugiés a jugé aggravant. La Section de la protection des réfugiés n’a pas à juste titre tenu compte des facteurs qui n’avaient rien à voir avec le crime, comme l’absence de condamnations antérieures, de récidive et le danger pour la société (Febles, aux paragraphes 17 et 60) et a souligné que la participation au trafic de la cocaïne est considérée comme très grave au Canada en raison du danger que représentent les consommateurs de cocaïne pour la société. Je ne peux pas conclure que la conclusion de la Section de la protection des réfugiés, selon laquelle la présomption portant que le demandeur a commis un crime grave n’a pas été réfutée, n’appartient pas aux issues possibles et acceptables.

[30]  Le demandeur soutient également que l’alinéa 3(3)f) de la Loi, qui exige que l’application de la Loi respecte les instruments internationaux concernant les droits de la personne dont est signataire le Canada, oblige la Cour à appliquer l’article 33 de la Convention pour réfugiés de façon restrictive, et de ne pas l’expulser du Canada ou le renvoyer au Nigéria. L’article 33 interdit le renvoi d’un réfugié à un territoire « où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ». En fonction de cet argument, la gravité du crime du demandeur doit être mise en balance par rapport au risque auquel il ferait face s’il devait rentrer au Nigéria.

[31]  Cette prétention ne peut non plus être retenue. Premièrement, la question dont était saisie la Section de la protection des réfugiés était de savoir si le demandeur pouvait demander l’asile, et non de savoir s’il pouvait être expulsé du Canada ou renvoyé au Nigéria. La protection contre un renvoi est traitée dans d’autres procédures prévues par la Loi, notamment aux articles 112 et 115. Deuxièmement, tout ce qui ressort de la décision de la Section de la protection des réfugiés me mène à croire que si elle avait examiné l’article 33, elle aurait sans doute conclu que le trafic de cocaïne est un crime particulièrement grave qui constitue un danger pour la collectivité. Troisièmement, la jurisprudence appuie le point de vue selon lequel la Section de la protection des réfugiés n’est pas tenue de mettre en balance la gravité du crime du demandeur et les risques auxquels il ferait face au Nigéria (Jayasekara, au paragraphe 44).

[32]  Au paragraphe 15 de son mémoire, le demandeur prétend que la Cour devrait suivre l’avis juridique du HCR du 30 mai 1997 et appliquer un critère de pondération du crime et du risque encouru par le contrevenant s’il devait rentrer dans son pays d’origine. Cette approche a été clairement rejetée par les cours canadiennes (voir les arrêts Jayasekara, au paragraphe 44 et Febles, au paragraphe 67).

[33]  Pour tous ces motifs, j’estime qu’il était raisonnablement loisible à la Section de la protection des réfugiés de conclure comme elle l’a fait, tant à l’égard des faits que du droit. Par conséquent, je ne vois aucune raison d’intervenir dans la décision de la Section de la protection des réfugiés.

[34]  Les deux parties conviennent que la présente affaire ne soulève aucune question de portée générale. Je suis d’accord.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-2577-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« René LeBlanc »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 25e jour d’octobre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2577-17

 

INTITULÉ :

FELIX EBERECHUKWU NWOBI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 novembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LEBLANC

 

DATE DES MOTIFS :

Le 20 mars 2018

 

COMPARUTIONS :

Stewart Istvanffy

 

Pour le demandeur

 

Michel Pépin

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Étude Légale Stewart Istvanffy

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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