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Date : 20180206


Dossier : IMM-3066-17

Référence : 2018 CF 131

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 6 février 2018

En présence de monsieur le juge Campbell

ENTRE :

VLLAZNIM KOLA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Par la présente demande, le demandeur conteste la décision rendue le 31 mai 2017 à l’issue de l’examen des risques avant renvoi (ERAR) au motif que, à la lumière des nouveaux éléments de preuve, il sera confronté à la probabilité d’un risque de préjudice s’il est tenu, étant homosexuel, de retourner au Kosovo.

[2]  L’agent qui a rendu la décision faisant l’objet du contrôle a commencé l’analyse des risques en citant les extraits suivants de la décision défavorable rendue par la Section de la protection des réfugiés (SPR) à l’égard de la demande d’asile du demandeur :

[traduction]

En résumé, le demandeur soutient qu’il est confronté à la persécution de la part de sa famille et des membres de la société en raison de son orientation sexuelle, parce qu’il est un homosexuel.

Le tribunal conclut que les questions déterminantes visent la crédibilité, l’identité, la protection de l’État et l’exclusion. Plusieurs préoccupations quant à la crédibilité ont mené le tribunal à conclure, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur n’était pas un témoin crédible et fiable. Après avoir examiné tous les renseignements, soit le témoignage du demandeur, les éléments de preuve documentaire et les observations de son avocat, le tribunal conclut, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur n’a pas établi qu’il était homosexuel.

Le défaut du demandeur de témoigner de manière claire, convaincante et cohérente au sujet d’éléments importants de sa demande affaiblit sa crédibilité. Le demandeur n’a pas présenté d’éléments de preuve suffisants pour établir sa présumée identité sexuelle en tant qu’homosexuel.

[Non souligné dans l’original.]

[Décision, page 4]

[3]  Toutefois, à la page 13 de la décision, le Bureau est parvenu à la nouvelle conclusion importante suivante : [traduction]

  • - Un autre document déposé par l’avocat du demandeur au nom de son client constitue une déclaration solennelle datée du 27 mai 2016, et faite par Brandon Michael Lee, à Toronto, qui déclare « Je tiens également à déclarer que j’ai eu des relations intimes avec lui [le demandeur] à maintes reprises et je peux attester au fait qu’il s’identifie en tant qu’homosexuel ».

  • - J’accorde une certaine valeur probante à la déclaration solennelle et j’en tiendrai compte en tant qu’élément de preuve faisant partie de l’ensemble des éléments de preuve dont je suis saisi.

[Non souligné dans l’original.]

[4]  Par conséquent, l’agent a accepté le nouvel élément de preuve qui établit que le demandeur s’identifie en tant qu’homosexuel. Toutefois, à la page 14 de la décision, l’agent a tiré les conclusions suivantes : [traduction]

  • - Dans une demande d’ERAR, le fardeau de la preuve incombe au demandeur qui demande l’asile;

  • - Il incombe au demandeur d’établir que cet asile doit lui être accordé;

  • - Je suis d’avis que je ne dispose pas de nouveaux éléments de preuve objectifs suffisants indiquant qu’un groupe ou des personnes pourchasseraient le demandeur ou le cibleraient afin de lui causer un préjudice dès son retour au Kosovo;

  • - Je fais cette déclaration en reconnaissant le fait que les éléments de preuve documentaire dont je dispose m’indiquent que les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et transgenres (LGBT) au Kosovo sont confrontées à la pression sociale et doivent cacher leur orientation sexuelle;

  • - Il ressort clairement des éléments de preuve documentaire dont je suis saisi que même si le Kosovo est une démocratie parlementaire, les homosexuels sont quand même victimes de violences et de discrimination sociale dans ce pays;

  • - Cependant, je suis d’avis que les éléments de preuve documentaire n’étayent pas une conclusion selon laquelle la protection de la police ne serait pas à la disposition du demandeur s’il en avait besoin.

  • - Même si la protection de l’État n’est pas parfaite au Kosovo, ce fait ne renverse pas la présomption selon laquelle l’État est en mesure de protéger ses citoyens;

  • - Évidemment, aucun gouvernement ne peut garantir [en caractères italiques dans l’original] la protection de tous ses citoyens en tout temps;

  • - Toutefois, je suis d’avis que le demandeur ne s’est pas délesté du fardeau de la preuve de démontrer de façon claire et convaincante que l’État ne déploiera pas des efforts raisonnables afin de le protéger contre tout groupe ou toute personne, si une telle protection était nécessaire au Kosovo;

  • - En outre, je suis d’avis que les éléments de preuve dont je suis saisi, lorsqu’ils sont examinés dans leur ensemble, n’étayent pas une conclusion selon laquelle le demandeur serait confronté à un risque décrit à l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) s’il était renvoyé au Kosovo.

[Non souligné dans l’original.]

[5]  Je suis d’avis que le processus décisionnel de l’agent est inintelligible.

[6]  L’agent accepte le nouvel élément de preuve selon lequel le demandeur est un homosexuel, mais il ne donne ensuite aucun motif de la raison pour laquelle il ne lui attribue qu’une [traduction] « certaine valeur probante » plutôt que d’accorder l’importance voulue à un fait accepté. L’agent déclare ensuite qu’il ne dispose pas de nouveaux éléments de preuve objectifs suffisants [traduction] « qui indiquent qu’un groupe ou que des personnes auraient l’intention de poursuivre le demandeur ou de le cibler afin de lui causer un préjudice dès son retour au Kosovo », mais il tire ensuite la conclusion contraire selon laquelle [traduction] « les homosexuels sont quand même victimes de violences et de discrimination sociale » au Kosovo. Néanmoins, l’agent conclut que la protection de l’État existe au Kosovo pour le préjudice auquel serait confronté le demandeur dès son retour, mais il ne cite aucun élément de preuve à l’appui d’une conclusion aussi libérale.

[7]  Par conséquent, je conclus que la décision est déraisonnable.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la décision faisant l’objet du présent contrôle soit annulée et que l’affaire soit renvoyée pour un nouvel examen par un tribunal différemment constitué.

Il n’y a aucune question à certifier.

« Douglas R. Campbell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 8e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-3066-17

 

INTITULÉ :

VLLAZNIM KOLA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 30 janvier 2018 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :

Le 6 février 2018

COMPARUTIONS :

Allison Williams

Yehuda Levinson

Pour le demandeur

Christopher Ezrin

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Levinson and Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

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