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Date : 20180206


Dossier : IMM-2873-17

Référence : 2018 CF 135

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 6 février 2018

En présence de monsieur le juge Campbell

ENTRE :

BERTALAN ALADAR GALAMB

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur a présenté une demande d’asile afin de ne pas retourner en Hongrie en raison de son origine rome en application de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR).

[2]  Dans une décision rendue le 20 novembre 2016, la Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté la demande du demandeur. En appel devant la Section d’appel des réfugiés (SAR), dans une décision en date du 7 juin 2017, hormis une conclusion au paragraphe 41 de la décision selon laquelle [traduction] « la Section de la protection des réfugiés n’avait pas analysé adéquatement la question de la protection de l’État » conformément à l’alinéa 111(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, au paragraphe 2, la Section d’appel des réfugiés a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés.

[3]  Dans le cadre du présent contrôle de la décision de la Section d’appel des réfugiés, l’avocat du demandeur soutient que trois conclusions principales comportent des erreurs susceptibles de révision : l’exigence de présenter des éléments de preuve corroborants sur l’expérience du demandeur en Hongrie à l’appui de sa demande d’asile; le défaut de mener une évaluation cumulative du risque de persécution vu la preuve sur les conditions en Hongrie; la conclusion selon laquelle la protection de l’État existe à l’égard du risque qui constitue plus qu’une simple possibilité de persécution auquel le demandeur serait exposé s’il devait retourner en Hongrie.

[4]  Comme il est indiqué ci-dessous, je conclus qu’il ne faut aborder que les conclusions de la Section d’appel des réfugiés qui portent sur les éléments de preuve corroborants.

[5]  À l’appui à sa crainte subjective, le demandeur a présenté des éléments de preuve sur la violence de persécution qu’il a subie en Hongrie et sur la difficulté à accéder à des soins médicaux et à se trouver un emploi et un logement.

[6]  La Section de la protection des réfugiés semble avoir reconnu que le demandeur avait été attaqué dans la rue par trois jeunes hommes blonds, mais a conclu que la police n’avait pas délibérément refusé de lui venir en aide [traduction] « contre les criminels en raison de son origine rome » (décision, au paragraphe 8). En ce qui concerne les efforts déployés par le demandeur pour obtenir la protection de l’État contre la violence, la Section de la protection des réfugiés a rendu les conclusions suivantes :

[traduction] [9] On a demandé à l’appelant s’il avait demandé l’aide d’organismes de l’État autres que la police puisqu’il n’était pas satisfait de la réaction de cette dernière. Il a répondu qu’il avait tenté d’obtenir l’aide de l’ombudsman des minorités, qui ne l’a pas aidé non plus à remédier à l’inconduite de la police. Puisque cette information ne se trouvait pas dans le Fondement de la demande d’asile (FDA) de l’appelant, on lui a demandé une explication, ce à quoi il a répondu qu’il s’agissait d’un oubli. La Section de la protection des réfugiés a rejeté cette réponse, puisque les tentatives en vue d’obtenir la protection de l’État sont au cœur de la demande d’asile, ce qui a mené la Section de la protection des réfugiés à avoir de sérieux doutes quant au fait que l’appelant avait bel et bien demandé l’aide de l’ombudsman des minorités, comme il l’a prétendu.

[10] La Section d’appel des réfugiés conclut que cette omission est importante pour cette demande d’asile. Le FDA contient des instructions claires sur les efforts déployés par les appelants en vue d’obtenir la protection de l’État. Après avoir écouté l’enregistrement de l’audience, la Section d’appel des réfugiés conclut que l’appelant a été victime d’une agression gratuite. Il a reçu les soins médicaux nécessaires et le personnel médical a réagi de manière appropriée en fournissant un rapport à remettre à la police. La Section d’appel des réfugiés conclut de plus que, bien que la police n’ait prétendument pas pu retrouver les auteurs de l’agression, en l’absence de témoins et des noms des agresseurs, on ne peut reprocher à l’État de ne pas avoir pu procéder à une arrestation dans le cas de l’appelant.

[Non souligné dans l’original.]

[7]  Après avoir confirmé la conclusion de la Section de la protection des réfugiés relativement aux « sérieux doutes », la Section d’appel des réfugiés a confirmé le rejet par la Section de la protection des réfugiés des éléments de preuve présentés par le demandeur sur la difficulté à accéder aux soins médicaux et à se trouver un emploi et un logement en raison de l’absence d’éléments de preuve corroborants.

[8]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de la Section d’appel des réfugiés comporte une erreur susceptible de révision.

[9]  Le juge Heald dans l’arrêt Maldonado c Canada (Ministère de l’Emploi et de l’Immigration ([1980] 2 CF 302) (CAF), au paragraphe 5, énonce un principe fondamental lorsqu’il s’agit de tirer une conclusion quant à la crédibilité :

Quand un requérant jure que certaines allégations sont vraies, cela crée une présomption qu’elles le sont, à moins qu’il n’existe des raisons d’en douter.

[Non souligné dans l’original.]

[10]  En ce qui concerne l’exigence de présenter des éléments de preuve corroborants, la publication en ligne de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié intitulée Évaluation de la crédibilité lors de l’examen des demandes d’asile, Services juridiques, 31 janvier 2004, déclare ce qui suit sur l’état du droit :

2.4.3. Preuve corroborante À moins qu’elle n’ait des motifs valables de douter de la crédibilité du demandeur, la SPR commet une erreur si elle exige une preuve documentaire corroborant les allégations du demandeur. En d’autres termes, la SPR ne peut rejeter la preuve du demandeur simplement parce que celui-ci n’a présenté aucune preuve documentaire ou autre corroborant son témoignage donné de vive voix. Ainsi, l’omission de présenter des preuves documentaires ne peut être liée à la crédibilité du demandeur en l’absence d’éléments de preuve contredisant les allégations. Dans Kaur [Kaur v. Canada (Minister of Employment and Immigration) (1993), 21 Imm. LR (2d) 301 (1re inst.)], la Cour fédérale a dit que, si le tribunal a jugé qu’il n’était pas nécessaire de faire comparaître un témoin pour corroborer le témoignage du demandeur, il ne peut pas ensuite conclure à l’absence de crédibilité de ce dernier parce qu’il n’y a pas eu corroboration de son témoignage.

(https://irb-cisr.gc.ca/fr/legales-politique/ressources-juridiques/Pages/Credib.aspx#243)

[Renvois omis. Non souligné dans l’original.]

[11]  Ainsi, la qualité du motif invoqué par la Section d’appel des réfugiés pour mettre en doute la véracité de la déclaration du demandeur quant à l’oubli est au cœur de la présente demande.

[12]  Dans l’énoncé sur la corroboration, il est question de « motifs valables ». Cela dit, ce ne sont pas tous les motifs qui sont valables. En ce qui concerne le critère énoncé dans la décision Maldonado, c’est certainement le cas. Le caractère valable d’un motif invoqué pour rendre une conclusion défavorable sur la crédibilité est toujours en cause. Au cours de l’audition de la présente demande, l’avocat du demandeur a défini le mot « valable » en lui donnant le sens de « justifiable ». Il s’agit généralement d’une définition exacte; en particulier, toutefois, le mot « valable » dans le contexte actuel est un adjectif ayant trait à un argument ou à un point « solide, bien fondé » (voir Le nouveau Petit Robert de la langue française). Ainsi, pour établir qu’un motif est « valable », il faut appliquer la preuve de façon logique.

[13]  En l’espèce, la Section d’appel des réfugiés n’a pas cru le demandeur uniquement parce qu’il n’avait pas indiqué les renseignements exigés dans le FDA. Ainsi, la logique de la Section d’appel des réfugiés semble reposer sur la prémisse suivante : puisque le demandeur n’a pas déclaré qu’il avait tenté d’obtenir l’aide de l’ombudsman des minorités, ce fait à lui seul signifie qu’il ne l’a effectivement pas fait. Sur ce fondement, la Section d’appel des réfugiés a conclu que le demandeur avait menti en déclarant avoir communiqué avec l’ombudsman, mais avoir oublié de le mentionner dans son FDA. Je suis d’avis que cette conclusion n’est ni solide ni bien fondée. Par conséquent, la conclusion défavorable tirée par la Section d’appel des réfugiés sur la crédibilité en raison d’un « sérieux doute » n’est pas valide.

[14]  Quoi qu’il en soit, comme l’a fait valoir l’avocat du demandeur, les éléments de preuve importants au dossier qui sont liés à la conclusion défavorable sur la crédibilité n’ont pas été abordés. La FDA est datée du 12 octobre 2016, et l’audience devant la Section de la protection des réfugiés a eu lieu le 14 novembre 2016. Au paragraphe 6 du FDA, le demandeur confirme que l’incident de violence dont il a été victime est survenu cinq ans avant la préparation de son FDA (dossier de la demande du demandeur, page 352). Je souscris à l’argument selon lequel cet élément de preuve peut appuyer la réponse du demandeur concernant l’oubli, ce qui a pour effet de réfuter toute conclusion contraire. Sur ce fondement également, je conclus que le motif pour lequel la Section d’appel des réfugiés n’a pas cru le demandeur n’était pas valable.

[15]  Puisque la Section d’appel des réfugiés n’a invoqué aucun motif valable de mettre en doute la crédibilité du demandeur, je conclus qu’elle a commis une erreur susceptible de révision en confirmant le rejet par la Section de la protection des réfugiés des éléments de preuve présentés par le demandeur au sujet de la [traduction] « difficulté d’accès » au motif d’absence de corroboration. Par conséquent, la décision de la Section d’appel des réfugiés doit être annulée parce qu’elle est déraisonnable. Compte tenu de ce résultat, il n’y a pas lieu d’aborder les autres arguments soulevés par l’avocat du demandeur.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la décision faisant l’objet du présent contrôle soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il prenne une nouvelle décision. Il n’y a aucune question à certifier.

« Douglas R. Campbell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 23e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-2873-17

 

INTITULÉ :

BERTALAN ALADAR GALAMB c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er février 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :

Le 6 février 2018

COMPARUTIONS :

John Gravel

Pour le demandeur

Nur Muhammed-Ally

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John Gravel

Avocat

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

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