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Date : 20180119


Dossiers : T-771-17

T-787-17

Référence : 2018 CF 51

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2018

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

HENRY FREDRICK MALOSHICKY

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  RÉSUMÉ DES FAITS

[1]  La Cour est saisie de deux demandes de contrôle judiciaire présentées par le demandeur, Henry Maloshicky, en vue de faire annuler deux décisions de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale. Dans les deux cas, la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a refusé au demandeur l’autorisation d’interjeter appel de décisions de la Section de la sécurité du revenu de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale au motif qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[2]  Les décisions attaquées se rapportent à deux demandes visant à obtenir une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, LRC 1985 c C-8 (le RPC). Le demandeur a soumis la première demande en mars 2011, et la seconde en décembre 2012. Les deux demandes ont été refusées par Service Canada, et ces refus ont été confirmés à la suite de demandes de révision. Le 19 mai 2016, dans des décisions distinctes, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale a rejeté les appels des deux décisions interjetés par le demandeur. Le 28 avril 2017, la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a rejeté les deux demandes d’autorisation d’interjeter appel des décisions de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[3]  Pour les motifs exposés ci-après, j’ai conclu que les deux décisions de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale devraient être maintenues et que les présentes demandes devraient être rejetées.

II.  RAPPEL DES FAITS

[4]  Le demandeur, un homme de 67 ans, a enseigné au secondaire jusqu’en octobre 1986. Il prétend avoir cessé d’enseigner en raison de symptômes liés à ses problèmes de santé mentale. Plus particulièrement, il allègue qu’il a souffert de dépression, un effet secondaire de sa médication contre les crises de panique. En 1987, il a entamé une thérapie avec le psychiatre Fred Shane. Au fil des ans, le Dr Shane lui a prescrit de nombreux médicaments pour contrôler ses cycles chroniques de manie et de dépression. Certains ont eu une certaine efficacité, mais le soulagement était toujours temporaire.

[5]  Le Dr Shane a traité le demandeur jusqu’en 2009, année où il a déménagé à Vancouver. Avant son départ, le Dr Shane a transmis le dossier du demandeur au psychiatre qui prenait sa relève, le Dr David Hallat. Il l’a notamment informé qu’il avait posé un diagnostic de trouble bipolaire. Le Dr Shane lui a toutefois précisé que d’un point de vue clinique, le demandeur semblait plutôt malheureux que déprimé, et que les périodes d’excitation n’atteignaient jamais le niveau de la manie.

[6]  En 2010, le Dr Hallat a confirmé le diagnostic de trouble bipolaire, auquel il a ajouté un diagnostic de déficit cognitif de niveau faible à modéré. Au contraire du Dr Shane, le Dr Hallat a déclaré le demandeur invalide. En 2012, après le dépôt de la première demande, le Dr Hallat a signé un certificat attestant l’incapacité du demandeur.

[7]  Après 1986, le parcours professionnel du demandeur est inégal. Dans les premières années, il avait une entreprise de vente de bois et de construction de machinerie spécialisée. Selon son dossier, cette entreprise aurait généré des recettes, mais le demandeur affirme que son revenu net était minime parce que son état de santé restreignait beaucoup son temps de travail.

[8]  En 1991 et 1993, le demandeur et sa femme ont eu deux filles. Apparemment, leur naissance a restreint encore plus le temps qu’il pouvait consacrer à son entreprise, au moins au cours des quelques années suivantes.

[9]  De janvier à décembre 2010, le demandeur a été camionneur à temps partiel (à raison de 75 heures par mois environ) chez KRW Enterprises (KRW). Il semble que la qualité de son travail et son assiduité étaient satisfaisantes. Selon toute vraisemblance, le demandeur aurait cessé de travailler pour KRW après avoir pris un congé pour prendre soin de sa fille malade.

[10]  Il a soumis une première demande au RPC, dans laquelle il demandait des prestations de retraite – qu’il a commencé à toucher en avril 2011 – ainsi qu’une pension d’invalidité.

[11]  En 2012, le demandeur a travaillé chez Roger’s Sewer & Water Ltd. (Roger’s) du 3 avril au 15 mai, puis chez Perfanick Trucking (Perfanick) du 26 juin au 31 août. Son emploi chez Roger’s était saisonnier et le congédiement n’était donc pas inattendu. Chez Perfanick, il a été congédié pour insubordination. Il semble que son assiduité et sa capacité à accomplir ses tâches étaient satisfaisantes dans les deux cas.

III.  DROIT APPLICABLE

[12]  L’alinéa 44(1)b) du RPC définit les exigences à remplir pour recevoir une pension d’invalidité :

Prestations payables

Benefits payable

44 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie :

44 (1) Subject to this Part,

[…]

b) une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui n’a pas atteint l’âge de soixante-cinq ans, à qui aucune pension de retraite n’est payable, qui est invalide et qui :

(b) a disability pension shall be paid to a contributor who has not reached sixty-five years of age, to whom no retirement pension is payable, who is disabled and who

(i) soit a versé des cotisations de base pendant au moins la période minimale d’admissibilité,

(i) has made base contributions for not less than the minimum qualifying period,

(ii) soit est un cotisant à qui une pension d’invalidité aurait été payable au moment où il est réputé être devenu invalide, si une demande de pension d’invalidité avait été reçue avant le moment où elle l’a effectivement été,

(ii) is a contributor to whom a disability pension would have been payable at the time the contributor is deemed to have become disabled if an application for a disability pension had been received before the contributor’s application for a disability pension was actually received, or

(iii) soit est un cotisant à qui une pension d’invalidité aurait été payable au moment où il est réputé être devenu invalide, si un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension n’avait pas été effectué en application des articles 55 et 55.1;

(iii) is a contributor to whom a disability pension would have been payable at the time the contributor is deemed to have become disabled if a division of unadjusted pensionable earnings that was made under section 55 or 55.1 had not been made;

[13]  Ainsi, pour avoir droit à une pension d’invalidité au titre du RPC, un requérant doit :

  1. avoir moins de soixante-cinq ans;
  2. ne pas recevoir de pension de retraite;
  3. être invalide;
  4. avoir cotisé au RPC pendant une période au moins égale à la période minimale d’admissibilité.

[14]  La méthode de calcul de la période minimale d’admissibilité est donnée au paragraphe 44(2) du RPC. Il est sans conteste que pour le demandeur, la date d’expiration de la période minimale d’admissibilité est le 31 décembre 1993.

[15]  L’alinéa 42(2)a) du RPC définit les exigences à remplir pour être déclaré invalide :

Personne déclarée invalide

When person deemed disabled

(2) Pour l’application de la présente loi :

(2) For the purposes of this Act,

a) une personne n’est considérée comme invalide que si elle est déclarée, de la manière prescrite, atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée, et pour l’application du présent alinéa :

(a) a person shall be considered to be disabled only if he is determined in prescribed manner to have a severe and prolonged mental or physical disability, and for the purposes of this paragraph,

(i) une invalidité n’est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice,

(i) a disability is severe only if by reason thereof the person in respect of whom the determination is made is incapable regularly of pursuing any substantially gainful occupation, and

(ii) une invalidité n’est prolongée que si elle est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès;

(ii) a disability is prolonged only if it is determined in prescribed manner that the disability is likely to be long continued and of indefinite duration or is likely to result in death; […]

[16]  Ainsi, le requérant doit démontrer que son invalidité est à la fois grave (le rendant régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice) et prolongée (c’est-à-dire qu’elle durera vraisemblablement pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraînera vraisemblablement le décès).

[17]  La notion d’incapacité à détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice a été analysée dans la jurisprudence. D’abord, c’est la capacité du requérant à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité selon le RPC : Klabouch c Canada (Développement social), 2008 CAF 33, au paragraphe 14 [Klabouch]. La gravité de l’invalidité n’est pas déterminée en fonction de l’incapacité du requérant d’occuper son emploi régulier, mais plutôt de son incapacité d’effectuer un travail : Klabouch, au paragraphe 15. En outre, la régularité se rapporte à l’invalidité, et non à l’emploi : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c Scott, 2003 CAF 34, au paragraphe 7. Le critère d’évaluation est l’aptitude au travail : Granovsky c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 2000 CSC 28, au paragraphe 28.

[18]  Puisque la période minimale d’admissibilité était échue quand le demandeur a déposé la première demande en mars 2011, il devait se prévaloir du recours prévu au sous-alinéa 44(1)b)(ii) du RPC, qui permet de considérer une date antérieure pour le dépôt de la demande. Les paragraphes 60(8) à 60(12) s’appliquent dans les cas où le requérant « n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande le jour où celle-ci a été faite ». Le paragraphe 60(10) permet de considérer une date antérieure lorsque la période d’incapacité est continue depuis la date d’expiration de la période minimale d’admissibilité.

[19]  Par conséquent, pour être admissible à une prestation d’invalidité au titre du RPC, le demandeur devait établir non seulement que son incapacité était grave et prolongée, mais également que cette incapacité avait perduré de manière ininterrompue (c’est-à-dire qu’il n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire la demande) jusqu’au dépôt de la première demande.

[20]  Il faut distinguer les notions d’incapacité au sens de l’article 60 du RPC et de « capacité de travailler » dans l’examen de la question de savoir si une invalidité est grave et prolongée. Il ne s’agit pas d’examiner la capacité de présenter, de préparer, de traiter ou de remplir une demande de prestations d’invalidité, mais seulement et tout simplement la capacité de « former ou d’exprimer l’intention de faire une demande » : Canada (Procureur général) c Danielson, 2008 CAF 78, au paragraphe 5. Ou, selon l’arrêt Sedrak c Canada (Ressources humaines et Développement social), 2008 CAF 86, au paragraphe 3 :

La capacité de former l’intention de faire une demande de prestations n’est pas de nature différente de la capacité de former une intention relativement aux autres possibilités qui s’offrent au demandeur de prestations. Le fait que celui-ci n’ait pas l’idée d’exercer une faculté donnée en raison de sa vision du monde ne dénote pas chez lui une absence de capacité.

[21]  Si un demandeur a commencé à recevoir des prestations de retraite du RPC, il n’est plus admissible à des prestations d’invalidité. L’exception prévue à l’article 66.1 autorise un bénéficiaire, dans certaines circonstances, à annuler une prestation de retraite du RPC. Conformément à l’article 46.2 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, CRC c 385, le bénéficiaire peut demander la cessation d’une prestation dans les six mois suivant la date de début des versements. Si la demande n’est pas présentée dans ce délai, le seul moyen de faire cesser le versement est d’établir que le bénéficiaire était réputé être devenu invalide avant de commencer à toucher sa prestation : paragraphe 66.1(1.1) du RPC. Toutefois, la date prise en compte dans le calcul du délai ne peut remonter à plus de 15 mois avant la date de présentation de la demande de prestation d’invalidité : alinéa 42(2)b) du RPC.

[22]  Enfin, une date antérieure de dépôt pourrait être prise en compte aux termes des paragraphes 60(8) à 60(12) du RPC, dont il a déjà été question et qui définissent les circonstances dans lesquelles un requérant est considéré comme incapable de présenter sa demande.

IV.  DÉCISIONS ATTAQUÉES

A.  Décisions se rapportant à la première demande

1)  Décision de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale

[23]  La Division générale du Tribunal de la sécurité sociale a pris en compte les lois applicables, les éléments de preuve portant sur les antécédents professionnels et médicaux du demandeur, ainsi que les observations des parties. Elle a examiné l’incapacité alléguée du demandeur ainsi que la gravité de son invalidité. Après avoir conclu que le demandeur ne présentait pas une invalidité grave, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale ne s’est pas attachée à établir si elle était prolongée.

[24]  Sur la question de l’incapacité, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale a relevé que, pendant la période en question, le demandeur avait un permis de conduire, qu’il avait travaillé de manière intermittente, qu’il avait demandé des prestations d’assurance-emploi régulières, qu’il vivait seul et qu’il gérait ses propres finances. La Division générale du Tribunal de la sécurité sociale a aussi pris en considération que le demandeur avait rempli seul sa demande de prestation d’invalidité au RPC, et qu’il s’était lui-même représenté auprès de Service Canada relativement à cette demande. Sa conclusion a été que le demandeur n’était pas frappé d’incapacité.

[25]  Quant à la gravité de l’invalidité, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale a conclu que le demandeur n’était pas « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Cette conclusion de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale repose sur les constats suivants :

[26]  Le Dr Shane a encouragé le demandeur à chercher du travail et a constaté pour diverses raisons qu’il n’était pas incapable de travailler;

  1. le demandeur a travaillé pour KRW pendant la plus grande partie de 2010, et la qualité de son travail ainsi que son assiduité ont été jugées satisfaisantes;
  2. son renvoi par KRW n’a pas été motivé par son état de santé;
  3. le demandeur a touché des prestations d’assurance-emploi conditionnelles à sa capacité de travailler;
  4. il a travaillé pendant l’année 2012, s’est rarement absenté et a été en mesure d’accomplir ses tâches sans assistance.

2)  Décision de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale

[27]  La Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale n’a pas autorisé le demandeur à interjeter appel, mais elle a pris en compte les questions qu’il a soulevées pour déterminer les chances de succès d’un appel.

[28]  Elle a souligné les moyens d’appel limités prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005 c 34 :

Moyens d’appel

Grounds of appeal

58 (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

58 (1) The only grounds of appeal are that

a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

(a) the General Division failed to observe a principle of natural justice or otherwise acted beyond or refused to exercise its jurisdiction;

b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

(b) the General Division erred in law in making its decision, whether or not the error appears on the face of the record; or

c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

(c) the General Division based its decision on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it.

[29]  Sur la question de l’incapacité, la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale n’a constaté aucune erreur dans l’analyse de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale, et elle a relevé qu’elle n’était pas habilitée à mener une nouvelle analyse.

[30]  Le demandeur a fait valoir que la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale n’avait pas correctement tenu compte de l’exigence de régularité dans l’évaluation de la gravité de son invalidité, et qu’elle avait omis de considérer qu’il avait été incapable de travailler de manière constante, prolongée et ininterrompue. La Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a conclu que la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale avait bel et bien examiné la question et conclu que le demandeur avait été en mesure de se présenter au travail de manière stable et constante.

[31]  Le demandeur a soutenu que la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale avait omis de prendre en considération qu’après la date d’expiration de la période minimale d’admissibilité, ses employeurs avaient fait preuve d’indulgence et que l’emploi occupé ne pouvait pas être considéré comme une occupation rémunératrice. La Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale s’est fondée sur des éléments de preuve révélant que les employeurs en question n’avaient pas accordé de traitement spécial au demandeur et que son travail était somme toute satisfaisant. La Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale s’est dite convaincue que le défaut de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale de mentionner expressément [traduction« l’indulgence des employeurs » ne signifie pas qu’elle n’en a pas tenu compte.

[32]  Le demandeur affirme que la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale a commis une erreur en concluant qu’il avait gagné des revenus suffisants en 2010 pour considérer qu’il avait eu une occupation véritablement rémunératrice. La Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a relevé que la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale n’avait pas envisagé la question de l’« occupation véritablement rémunératrice » en fonction des gains, mais plutôt de la nature et du temps travaillé, ainsi que de la capacité du demandeur à s’acquitter de ses responsabilités. La Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a conclu que ce n’était pas une erreur.

[33]  Le demandeur prétend que les lacunes dans son dossier médical échappaient à son contrôle et ne pouvaient pas être retenues contre lui. La Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a déterminé qu’il ne s’agissait pas d’un moyen d’appel.

[34]  La Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a également déterminé que l’appel du demandeur n’avait pas de chance raisonnable de succès.

B.  Décisions se rapportant à la seconde demande

1)  Décision de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale

[35]  Comme il a été mentionné précédemment, la seconde demande a été déposée en décembre 2012, soit une vingtaine de mois après le début du versement de la prestation de retraite du RPC au demandeur.

[36]  Après avoir pris en considération les lois applicables, les éléments de preuve et les observations des parties, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale a établi que la seconde demande avait été déposée trop tard pour que le demandeur obtienne une cessation de prestation de retraite du RPC et l’admissibilité à la prestation d’invalidité. Pour des motifs analogues à ceux de sa décision sur la première demande, la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale a conclu que le demandeur n’était pas frappé d’incapacité pendant la période visée et ne pouvait pas faire reconnaître une date de dépôt antérieure de sa demande.

2)  Décision de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale

[37]  Tout comme pour la première demande, la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale n’a pas autorisé l’appel de la décision de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale sur la seconde demande, mais elle a pris en considération les questions soulevées par le demandeur pour évaluer s’il avait une chance raisonnable de succès.

[38]  Après avoir observé que les moyens d’appel sont limités, la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a relevé la distinction qui s’impose entre l’invalidité aux fins de l’admissibilité à la prestation du RPC et l’incapacité aux fins de la prise en compte d’une date de demande antérieure. Un constat d’invalidité ne suffit pas pour établir l’incapacité.

[39]  La Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a conclu que certains des arguments du demandeur exigent un nouvel examen de la preuve qui ne relève pas de sa compétence. Elle n’a relevé aucune erreur dans la décision de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[40]  Tout comme pour la première demande, la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a conclu que l’appel du demandeur n’avait pas de chance raisonnable de succès.

V.  QUESTION EN LITIGE

[41]  La seule question à trancher est celle de savoir si la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a commis une erreur en concluant que le demandeur n’aurait aucune chance raisonnable de succès si elle l’autorisait à interjeter appel de l’une ou l’autre des décisions de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

VI.  DISCUSSION

[42]  Pour la plupart, les arguments du demandeur visent à attirer l’attention sur des éléments de preuve liés à son invalidité plutôt que sur de potentielles erreurs de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale ou de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité social. Pourtant, il est manifeste qu’il cherche à faire admettre que les deux instances ont commis des erreurs sur les questions i) de son incapacité et ii) de la gravité de son état.

A.  Norme de contrôle

[43]  Ni l’une ni l’autre des parties ne se prononce sur la question de la norme de contrôle dans ses observations. La norme du caractère raisonnable s’applique au contrôle d’une décision portant refus d’une autorisation d’interjeter appel auprès de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale: Atkinson c Canada (Procureur général), 2014 CAF 187, aux paragraphes 23 et 24; Plaquet c Canada (Procureur général), 2016 CF 1209, au paragraphe 28. La Division générale du Tribunal de la sécurité sociale a tranché que le demandeur n’avait aucune chance raisonnable de succès dans les deux décisions attaquées. Je dois donc déterminer si chacune de ces décisions était raisonnable.

B.  Incapacité

[44]  Ainsi qu’il a été rappelé précédemment, le demandeur devait établir son incapacité pendant toute la période s’étendant du 31 décembre 1993 à la date du dépôt de sa première demande, en mars 2011, pour être réputé admissible à la prestation d’invalidité. La question essentielle est celle de savoir si, tout au long de cette période, le demandeur était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande. Pour établir cette incapacité, le demandeur ne peut pas se borner à dire qu’il n’avait pas pensé à présenter une demande.

[45]  Je n’ai pas relevé d’erreur dans les motifs fondant la conclusion de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle le demandeur n’était pas frappé d’incapacité pendant la période visée ni dans la conclusion de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale comme quoi la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale n’avait pas commis d’erreur. On ne m’a donné aucun motif de m’opposer au raisonnement de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale sur les questions qui m’ont été présentées. Le plus important à mes yeux tient au fait que le demandeur a été capable de présenter d’autres demandes de prestation en son propre nom durant cette période.

C.  Gravité

[46]  Dans son mémoire des faits et du droit, l’affirmation du demandeur comme quoi il était [traduction] « régulièrement incapable d’avoir une occupation véritablement rémunératrice » semble reposer sur le fait que, durant la période visée, son état l’empêchait de travailler [traduction] « de manière constante, prolongée et ininterrompue ».

[47]  Or, l’important n’est pas de savoir si le demandeur était capable de travailler de manière constante, mais bien si son incapacité de travailler était constante. Si l’on combine ce critère et l’obligation pour le demandeur de prouver que son invalidité était continue de décembre 1993 à mars 2011, la conclusion d’une invalidité insuffisamment grave s’impose d’office s’il est raisonnablement établi qu’il a régulièrement été capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à un moment ou à un autre au cours de cette période. À cet égard, il semble manifeste que le demandeur a pu occuper un emploi véritablement rémunérateur, du moins pendant la plus grande partie de 2010. Le raisonnement de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale à ce sujet m’apparaît raisonnable.

[48]  Quant à l’argument selon lequel le demandeur avait bénéficié de l’indulgence de ses employeurs durant cette période (de sorte que son emploi ne pouvait être considéré comme véritablement rémunérateur), la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale l’a rejeté à juste titre pour les motifs exposés dans sa décision.

D.  Conclusion sur la première demande

[49]  J’estime que la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale pouvait raisonnablement conclure que l’appel du demandeur à l’égard de la première demande n’avait pas de chance raisonnable de succès.

E.  Conclusion sur la seconde demande

[50]  Comme j’ai aussi trouvé qu’il était raisonnable de conclure que le demandeur n’était pas frappé d’incapacité et que son invalidité n’était pas suffisamment grave, il s’ensuit que la seconde demande n’avait pas non plus de chance raisonnable de succès. L’examen distinct des décisions respectives de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale et de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale sur la seconde demande n’est pas requis.

VII.  CONCLUSIONS

[51]  Les présentes demandes de contrôle judiciaire devraient être refusées.

[52]  Puisque le défendeur n’a pas sollicité les dépens, aucuns ne seront adjugés.


JUGEMENT DANS LES DOSSIERS T-771-17 et T-787-17

LA COUR rejette les présentes demandes, sans dépens.

« George R. Locke »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 25e jour de novembre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

T-771-17, T-787-17

 

INTITULÉ :

HENRY FREDRICK MALOSHICKY c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 décembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 19 janvier 2018

 

COMPARUTIONS :

Henry Fredrick Maloshicky

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Sandra L. Doucette

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Gatineau (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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