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Date : 20180119


Dossier : T-732-17

Référence : 2018 CF 54

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2018

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

CARL LEONE

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, à l’encontre d’une décision rendue par la sous-commissaire principale du Service correctionnel du Canada (la sous-commissaire), qui a accueilli en partie un grief déposé par le demandeur, conformément à la procédure de règlement des griefs des délinquants établie par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, c 20.

II.  Résumé des faits

[2]  À l’époque, le demandeur était détenu à l’Établissement de Joyceville (Joyceville), un pénitencier à sécurité minimale situé à Kingston, en Ontario. L’expiration de sa peine est prévue en 2026; il a obtenu une libération conditionnelle de jour en avril 2017 et a été placé dans une maison de transition en juin 2017.

[3]  Les questions en litige dans la présente demande sont liées à des consultations entre le demandeur et la diététiste régionale de l’Ontario du Service correctionnel du Canada (SCC). Ces consultations ont eu lieu à Joyceville le 15 décembre 2015 et le 13 janvier 2016. Le demandeur n’a pas demandé ces consultations, mais il a été orienté vers la diététiste régionale de l’Ontario pour des raisons de santé.

[4]  La première consultation a eu lieu dans une aire de repas ouverte, parce qu’aucun espace privé n’était disponible. Par la suite, le demandeur a déposé un grief auprès du SCC alléguant que le lieu de la consultation avait entraîné un manquement à l’obligation de confidentialité. Ce grief a été accueilli et on a par la suite demandé que les consultations aient lieu dans des bureaux privés. De plus, le demandeur a déposé une plainte contre la diététiste régionale de l’Ontario auprès de l’Ordre des diététistes de l’Ontario (ODO).

[5]  Après la deuxième consultation, la diététiste régionale de l’Ontario a déposé un rapport d’infraction, alléguant que le demandeur avait été [traduction] « [...] belliqueux, condescendant et agressif verbalement [...] » pendant leur deuxième rencontre. La diététiste régionale de l’Ontario a déposé également un Rapport d’observation ou de déclaration dans lequel elle allègue que le demandeur a fait un commentaire offensant, qu’il a été belliqueux et grossier et qu’il a menacé son intégrité professionnelle.

[6]  La diététiste régionale de l’Ontario a déposé un deuxième Rapport d’observation ou de déclaration le 30 juin 2016. Le rapport contenait un résumé des expériences de la diététiste régionale de l’Ontario lors des deux consultations. En outre, on y faisait mention de la plainte du demandeur auprès de l’ODO et du grief qu’il avait déposé auprès du SCC. Enfin, la diététiste régionale de l’Ontario affirme dans son rapport que le 29 juin 2016, elle a croisé le demandeur, par hasard, au moment d’arriver à Joyceville et que [traduction] « [...] il s’est approché de l’immeuble, il m’a souri et s’est placé à côté de moi. Je me suis sentie traquée et harcelée. »

[7]  Le 21 décembre 2016, une lettre a été envoyée au demandeur de la part du SCC l’informant qu’il y avait eu manquement à la protection de ses renseignements personnels. Dans la lettre, on expliquait qu’au cours d’une enquête menée par l’ODO, des rapports contenant ses renseignements personnels et des renseignements médicaux de nature délicate ont été divulgués à l’ODO sans le consentement du demandeur. Dans la lettre, on reconnaissait l’erreur et on indiquait qu’on avait rappelé au personnel son obligation de protéger les renseignements personnels. On informait également le demandeur qu’il pouvait porter plainte auprès du Commissariat à la protection de la vie privée.

[8]  En février 2017, le demandeur a déposé quatre griefs qui soulevaient tous des questions découlant des incidents décrits ci-dessus.

[9]  Le grief no V40R00031285 (le grief 285) indiquait que la diététiste régionale de l’Ontario avait divulgué les renseignements médicaux du demandeur à l’ODO, notamment, deux rapports de consultation et deux rapports d’observation ou de déclaration, en contravention de l’alinéa 18a) de la Directive du commissaire 060 – Code de discipline (DC 060), et en violation de la vie privée du demandeur.

[10]  Le grief no V40R00031286 (le grief 286) indiquait que le rapport d’observation ou de déclaration du 30 juin 2016 n’avait pas été déposé à des fins légitimes et de manière opportune, contrairement aux exigences en matière de signalement des incidents de sécurité énoncées dans la Directive du commissaire 568-1 – Consignation et signalement des incidents de sécurité (DC 568-1).

[11]  Le grief no V40R00031287 (le grief 287) indiquait que le rapport d’observation ou de déclaration déposé le 30 juin 2016 faisait référence à l’utilisation par le demandeur du régime de règlement des griefs, en contravention de la Directive du commissaire 081 — Plaintes et griefs des délinquants (DC 081), article 51.

[12]  Le grief no V40R00031288 (le grief 288) contenait des allégations d’intimidation, de harcèlement, de conduite inappropriée et discriminatoire et de représailles générales de la part de la diététiste régionale de l’Ontario, après qu’elle eut été mise au courant du grief du demandeur concernant le manquement à l’obligation de confidentialité et de la plainte déposée auprès de l’ODO. Le demandeur est d’avis que le grief et la plainte ont influencé les interactions entre la diététiste régionale de l’Ontario et lui, et l’ont amenée à déposer le rapport d’observation ou de déclaration le 30 juin 2016.

[13]  Les griefs ont été examinés par un coordonnateur des griefs, qui a déterminé qu’ils devraient être traités au palier national parce qu’ils concernent la diététiste régionale de l’Ontario, qui relève des Services corporatifs à l’administration centrale du SCC. Conformément à l’alinéa 7c) de la DC 081, les griefs traités au palier national sont classés comme des griefs finaux et sont soumis directement au sous-commissaire.

[14]  De plus, les griefs ont été regroupés et ont fait l’objet d’une seule réponse, ce qui est permis aux termes de l’article 20 de la DC 081, lorsque le plaignant présente deux ou plusieurs plaintes ou griefs portant sur des questions de nature similaire.

[15]  Le 31 mars 2017, la sous-commissaire a accueilli en partie les griefs du demandeur. Elle a conclu que le rapport d’observation ou de déclaration déposé le 30 juin 2016 n’aurait pas dû inclure une référence au fait que le demandeur avait eu recours au régime de règlement des griefs, puisqu’il s’agissait d’une infraction à l’article 51 de la DC 081. À titre de mesure corrective, elle a ordonné au directeur de l’Établissement de Joyceville de rappeler à tout le personnel de s’abstenir de faire référence au fait qu’un délinquant a eu recours à la procédure de règlement des griefs dans les dossiers qui ne concernent pas la procédure elle-même. Les autres moyens soulevés par le demandeur dans ses griefs ont été rejetés.

[16]  Le 18 mai 2017, le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision de la sous-commissaire.

[17]  Le 25 juillet 2017, le SCC a pris des mesures afin de retirer du rapport d’observation ou de déclaration déposé le 30 juin 2016 toutes les références au fait que le demandeur avait eu recours à la procédure de règlement des griefs.

III.  Questions en litige

[18]  Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Le demandeur a-t-il bénéficié de l’équité procédurale?
  2. La décision de la sous-commissaire était-elle raisonnable?

IV.  Norme de contrôle

[19]  Les questions d’équité procédurale, dans le contexte de la procédure de règlement des griefs des délinquants du SCC, devraient être traitées selon la norme de la décision correcte. Les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit rendues dans le contexte de la procédure de règlement des griefs des délinquants sont sujettes à révision selon la norme de la décision raisonnable, et la Cour doit faire preuve d’une grande déférence à l’égard du SCC, en raison de son expertise dans la gestion des détenus et des établissements (Fischer c Canada (Procureur général), 2013 CF 861, au paragraphe 22).

V.  Discussion

A.  Le demandeur a-t-il bénéficié de l’équité procédurale?

[20]  Le demandeur conteste plusieurs aspects de la procédure suivie par le SCC : le regroupement de ses griefs; le fait de ne pas avoir été informé des détails d’une conversation téléphonique entre des membres du personnel du SCC; l’absence d’une entrevue; l’acheminement de ses griefs au palier final.

[21]  À mon avis, le demandeur a eu droit à une procédure équitable. Les décisions rendues dans le contexte de la procédure de règlement des griefs des délinquants sont de nature administrative et commandent un niveau d’équité procédurale relativement faible (Yu c Canada (Procureur général), 2012 CF 970 [Yu], aux paragraphes 36 à 40. De plus, les directives et lignes directrices du commissaire (DC 081 et Lignes directrices 081-1 – Processus de règlement des plaintes et griefs des délinquants [LD 081-1]) contiennent les procédures à suivre concernant les griefs, et le demandeur n’a relevé aucune erreur commise par le SCC par rapport à ces directives.

[22]  Les griefs du demandeur ont été à juste titre examinés ensemble. L’article 20 de la DC 081 indique ce qui suit :

Si un plaignant présente deux ou plusieurs plaintes ou griefs portant sur des questions de nature similaire, le décideur peut choisir de traiter toutes les questions dans une seule réponse. Le cas échéant, il doit indiquer chacune des plaintes ou chacun des griefs sur lesquels porte sa réponse.

[23]  Les quatre griefs portaient sur des questions entourant les interactions du demandeur avec la diététiste régionale de l’Ontario, notamment sur le rapport d’observation ou de déclaration qu’elle a déposé le 30 juin 2016. Ils ont été à juste titre examinés ensemble.

[24]  De plus, je ne suis pas d’accord pour dire que le demandeur aurait dû être informé des détails d’une conversation téléphonique entre un analyste des griefs et le coordonnateur du Programme de gestion nutritionnelle. Cette conversation téléphonique est mentionnée dans une correspondance par courriel versée au Dossier certifié du tribunal, dont voici un extrait :

[traduction] Analyste : Je travaille actuellement sur plusieurs griefs déposés par [le demandeur] concernant des allégations formulées à l’égard de [la diététiste régionale de l’Ontario]. En particulier, des préoccupations sont exprimées concernant un [rapport d’observation ou de déclaration] rédigé par [la diététiste régionale de l’Ontario] alors qu’elle se trouvait à l’Établissement de Joyceville.

On m’a signalé que vous pourriez être le superviseur [de la diététiste régionale de l’Ontario] – si c’est le cas, serait-il possible d’avoir un bref échange téléphonique au sujet du rapport et du processus de soumission? […]

Coordonnateur : Voici les lettres, comme il a été discuté. Les deux lettres en format PDF lui ont été envoyées; la troisième ne lui a pas encore été envoyée, mais elle devrait l’être la semaine prochaine. […]

[25]  Les documents dont il a été question et qui ont été envoyés par courriel à l’analyste des griefs ont été inclus dans le Dossier certifié du tribunal, et il s’agit de lettres informant le demandeur que ses renseignements personnels ont été communiqués par inadvertance et répondant à ses questions concernant ce manquement. Le demandeur et la sous-commissaire avaient ces documents lorsque la décision de la sous-commissaire a été rendue.

[26]  La conversation semble être de nature administrative. Rien n’indique que les renseignements abordés auraient pu influer sur la décision de la sous-commissaire. En outre, aucun résumé des appels téléphoniques n’a été fourni à la sous-commissaire pour examen. Il n’était pas nécessaire que ces renseignements soient fournis au demandeur.

[27]  De plus, une entrevue n’était pas requise en l’espèce. L’article 41 des LD 081-01 énonce ce qui suit :

Il faut tenir une entrevue avec le délinquant si ce dernier en a fait la demande, lorsque la plainte ou le grief au palier initial est d’abord reçu à l’établissement, au bureau de libération conditionnelle ou au centre correctionnel communautaire, sauf s’il y a des circonstances exceptionnelles qui ne le permettent pas ou si le délinquant refuse de s’y soumettre. Si le délinquant se trouve dans une unité opérationnelle autre que celle où ont lieu l’analyse et la recommandation, il faut tout de même lui accorder une entrevue. Au palier national, une entrevue avec le délinquant peut avoir lieu si celle-ci est jugée essentielle à la tenue d’une analyse et d’un examen exhaustifs.

[Non souligné dans l’original]

[28]  Le demandeur invoque la déclaration suivante dans la décision de la sous-commissaire : [traduction] « [u]n examen au palier national a déterminé que le sujet de votre grief est imprécis en ce qui concerne cet incident ». Il soutient que le manque de clarté nécessitait une entrevue afin de pouvoir mener une analyse et un examen exhaustifs.

[29]  Cependant, l’utilisation par la sous-commissaire du terme « imprécis » vise l’absence de fondement factuel concernant les allégations de harcèlement du demandeur. Dans le même paragraphe, la sous-commissaire souligne que le demandeur  [traduction] « [...] [n’a] pas fourni d’éléments de preuve précis et corroborants concernant la façon dont la diététiste régionale de l’Ontario l’a prétendument harcelé [...] » ou « [...] des exemples concrets concernant la façon dont la diététiste régionale de l’Ontario se serait prétendument comportée de cette manière [...] » et que ces allégations de harcèlement sont [traduction] « non fondées ».

[30]  En l’espèce, le défaut de fournir des éléments de preuve convaincants ne nécessitait pas une entrevue. Le demandeur n’a pas cerné de renseignements particuliers ou d’éléments de preuve qu’il aurait pu présenter de vive voix, et qui auraient pu influer sur la conclusion de la sous-commissaire selon laquelle ses allégations de harcèlement étaient sans fondement.

[31]  Je reconnais que l’acheminement des griefs du demandeur au dernier palier a réduit sa capacité à obtenir une entrevue. Une entrevue doit être menée au palier initial, si elle est demandée par le demandeur (LD 081-01, article 41). De plus, l’acheminement de ses griefs a fait en sorte que l’analyse des griefs a été effectuée à un endroit différent de celui où résidait le demandeur, rendant difficile le respect du paragraphe 74(2) du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92/620, selon lequel « [l]es agents et le délinquant [...] doivent prendre toutes les mesures utiles pour régler la question de façon informelle ». Notre Cour a interprété cette disposition comme exigeant « toutes les mesures raisonnables », étant donné que les discussions ne sont pas obligatoires (Yu, au paragraphe 56).

[32]  Cependant, il n’était pas inapproprié que les griefs du demandeur soient acheminés au dernier palier. L’article 7 de la DC 081 prévoit qu’un grief final est traité au palier national plutôt qu’à l’établissement où réside le plaignant :

7. Le processus de règlement des plaintes et griefs des délinquants est composé de trois paliers :

a) plainte écrite – présentée par le délinquant à l’établissement/au bureau de libération conditionnelle du district et traitée par le surveillant du membre du personnel ayant pris la mesure ou la décision faisant l’objet du grief;

b) grief initial (palier de l’établissement/du district) – présenté au directeur de l’établissement/du district;

c) grief final (palier national) – présenté au commissaire.

[33]  Le coordonnateur des griefs a eu raison de conclure que les griefs du demandeur devaient être traités au palier national, parce qu’ils soulevaient des allégations contre la diététiste régionale de l’Ontario, qui relève directement des Services corporatifs à l’administration centrale du SCC. Cela permettait au demandeur que ses griefs soient examinés par une personne ayant autorité par rapport à la nature des griefs en question, et le pouvoir d’imposer des mesures correctives, le cas échéant.

[34]  Le demandeur a bénéficié de l’équité procédurale.

B.  La décision de la sous-commissaire était-elle raisonnable?

[35]  Le demandeur soutient que la sous-commissaire a présenté la mesure corrective à la mauvaise personne, qu’elle a mal compris son allégation de harcèlement, et qu’elle n’a pas abordé toutes les questions soulevées dans ses griefs.

[36]  À mon avis, la décision de la sous-commissaire était raisonnable. Elle a présenté la mesure corrective à la bonne personne, elle n’a pas mal saisi l’allégation de harcèlement, et elle a examiné de façon raisonnable toutes les questions soulevées par les griefs.

[37]  La sous-commissaire a à juste titre présenté la mesure corrective au directeur de l’Établissement de Joyceville, et non au superviseur de la diététiste régionale de l’Ontario. Le directeur de l’établissement a reçu l’ordre de rappeler aux employés de s’abstenir de faire référence au fait qu’un délinquant a eu recours à la procédure de règlement des griefs dans les dossiers qui ne concernent pas la procédure elle-même. Cette directive a été envoyée à tous les membres du personnel, même s’ils ne relèvent pas directement du directeur de l’établissement, comme c’est le cas pour la diététiste régionale de l’Ontario. Comme la question du grief découlait de la mention d’un grief dans un rapport d’observation ou de déclaration, et qu’un grand nombre d’employés peuvent produire un rapport d’observation ou de déclaration, cette mesure traitait directement du problème et imposait des mesures concrètes pour empêcher qu’il ne se reproduise.

[38]  De plus, la sous-commissaire a compris l’allégation de harcèlement du demandeur et l’a traitée de manière raisonnable. Le demandeur soutient que la sous-ministre a mal compris cette allégation et a cru qu’elle concernait principalement la deuxième consultation du 13 janvier 2016. Je ne suis pas d’accord. Un paragraphe des motifs de la sous-commissaire porte entièrement sur cette consultation; cependant, ailleurs dans les motifs de la sous-commissaire, celle-ci reconnaît l’allégation plus générale du demandeur :

[traduction] [U]n examen de vos griefs finaux au palier national a permis de déterminer que vos allégations d’« intimidation » après que la diététiste régionale de l’Ontario eut été mise au courant du fait que vous aviez eu recours à la procédure de règlement des griefs, si elles étaient fondées, répondraient à la définition de harcèlement prévue au paragraphe 25 de la LD 081-1. […]

Vous croyez que le rapport d’observation ou de déclaration rédigé par la diététiste régionale de l’Ontario le 30 juin 2016 était [traduction] « frivole, vexatoire et un abus de pouvoir manifeste », comme vous croyez que le rapport d’observation ou de déclaration a été rédigé [traduction] « deux (2) jours après que [la diététiste régionale de l’Ontario] a été interrogée à la suite de la plainte [du demandeur] auprès de l’Ordre des diététistes de l’Ontario ». […]

[V]ous déposez un grief concernant le rapport d’observation ou de déclaration en général, en laissant entendre que son existence est une forme de vengeance de la diététiste régionale de l’Ontario à votre endroit, pour l’avoir signalée auprès de l’Ordre des diététistes de l’Ontario et pour avoir déposé une plainte par l’entremise de la procédure de règlement des griefs.

[39]  La sous-commissaire a conclu de façon raisonnable que l’allégation de harcèlement était sans fondement.

[40]  Le demandeur conteste le fait que la sous-commissaire a omis de traiter de l’allégation du grief 286, selon laquelle le rapport d’observation ou de déclaration déposé le 30 juin 2016 n’a pas été déposé à des fins légitimes et de manière opportune, contrairement aux exigences de la DC 568-1.

[41]  J’estime que la sous-commissaire a traité cette question de manière raisonnable. Elle a reconnu les prétentions du demandeur, selon lesquelles le rapport d’observation ou de déclaration constituait une forme de représailles à son endroit de la part de la diététiste régionale de l’Ontario; toutefois, elle a également souligné que le rapport d’observation ou de déclaration avait peut-être été déposé parce que la diététiste régionale de l’Ontario pensait que le demandeur se vengeait d’elle. En ce sens, le rapport d’observation ou de déclaration a été déposé en temps opportun, parce que bon nombre des faits datés visaient à fournir un contexte aux événements plus récents, y compris l’incident où la diététiste régionale de l’Ontario s’est sentie harcelée et traquée le jour précédant le dépôt du rapport d’observation ou de déclaration. La sous-commissaire a cité l’article 6 de la Directive du commissaire 568-2 – Consignation et communication de l’information et des renseignements de sécurité, comme constituant le fondement justifiant le rapport d’observation ou de déclaration :

6) Le Rapport d’observation ou de déclaration [...] sera normalement utilisé dans les circonstances suivantes :

a. lorsqu’un membre du personnel observe des activités ou des comportements ou reçoit de l’information qu’il considère comme étant significatifs ou qui sortent de l’ordinaire;

b. lorsqu’un membre du personnel reçoit de l’information ou observe des comportements qu’il juge de nature potentiellement sensible;

c. pour consigner les fréquentations, les affiliations, les incompatibilités ou les contacts des délinquants.

[42]  Dans le même ordre d’idées, le demandeur conteste également le défaut de la sous-commissaire d’examiner l’allégation du grief 285, selon laquelle la diététiste régionale de l’Ontario contrevenait au paragraphe 18a) de la DC 060. Cette disposition est libellée ainsi :

18. Commet une infraction l’employé qui :

a. omet de garder en lieu sûr les documents, rapports, directives, manuels, guides ou autres renseignements du SCC;

[43]  J’estime également que la sous-commissaire a traité cette question de manière raisonnable. Elle a souligné que le demandeur avait déjà été en contact avec le SCC concernant la divulgation inappropriée de ses renseignements personnels, que la divulgation était accidentelle et qu’on avait rappelé à la diététiste régionale de l’Ontario son obligation de protéger les renseignements personnels. Comme une mesure corrective avait déjà été mise en œuvre, cette question ne nécessitait pas d’autre intervention.

[44]  En ce qui concerne le fait que la sous-commissaire n’a pas mentionné expressément la DC 060 ou la DC 568-1, il n’est pas nécessaire que les motifs fournis pour étayer la décision fassent référence à chaque argument ou à chaque disposition législative, et il n’est pas nécessaire de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif qui a mené à la conclusion finale, tant que les motifs permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision rendue et de déterminer si elle fait partie des issues possibles acceptables (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve et Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16). Tel est le cas en l’espèce.

[45]  Enfin, le demandeur soutient que le rapport d’observation ou de déclaration était invalide parce qu’il n’a jamais été signé par le superviseur de la diététiste régionale de l’Ontario. Cet argument n’a été soulevé dans aucun des griefs, même si le demandeur avait une copie en sa possession. La sous-commissaire n’était pas tenue d’aborder des questions qui n’ont pas été soulevées par le demandeur.

[46]  La décision de la sous-commissaire était raisonnable.

[47]  Le défendeur demande 500 $ en dépens suivant l’issue de la cause. Cependant, le demandeur a eu gain de cause en partie dans ses griefs et ses préoccupations concernant sa vie privée et la conduite de la diététiste régionale de l’Ontario ne sont pas sans fondement. Je conclus que les dépens ne sont pas justifiés en l’espèce.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-732-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 29e jour d’octobre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-732-17

 

INTITULÉ :

CARL LEONE c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 janvier 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 19 janvier 2018

 

COMPARUTIONS :

Carl Leone

Pour le demandeur

POUR SON PROPRE COMPTE

Abigail Martinez

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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