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Date : 20171212


Dossier : IMM-2139-17

Référence : 2017 CF 1134

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

REKHA ODEDRA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PHELAN

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie du contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section d’appel de l’immigration rejetant l’appel interjeté par la demanderesse à l’encontre d’une mesure de renvoi prise à son égard en application de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR) en raison d’une présentation erronée.

[2]  La présumée présentation erronée directe faite par la mère (Vili) de la demanderesse, et par la demanderesse indirectement, quant à la nature de leur relation est au cœur de la présente demande. La demanderesse est l’enfant adoptée de Vili, mais le certificat de naissance de la demanderesse aurait été présenté dans le cadre de sa demande de résidence permanente. Ce « certificat de naissance » ne figure pas au dossier ni ailleurs.

II.  Résumé des faits

[3]  La demanderesse (Odedra) est née en Inde. Ses parents biologiques l’ont donnée en adoption à Vili et à son époux alors qu’Odedra était âgée de cinq ans. Un affidavit d’adoption vise à confirmer l’adoption.

[4]  Vili a divorcé de son premier époux et s’est mariée avec Girish Rathod. Odedra et ses frères et sœurs vivaient avec Vili. Girish Rathod, qui vivait au Canada, a présenté une demande de parrainage de Vili et de ses enfants à charge aux fins de résidence permanente.

[5]  Les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (notes du STIDI) indiquent que le certificat de naissance a été déposé en tant qu’élément de preuve de la relation familiale au cours du processus de demande.

[6]  Odedra a obtenu le statut de résidente permanente en 2009. En 2010, dès son retour au Canada d’un voyage en Inde, elle a admis à un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) que Vili n’était pas sa mère biologique. Le dossier comprend une mention d’un échange créant de la confusion où Odedra décrit Vili comme sa « tante », et les relations entre les frères et sœurs – dont certains étaient adoptés et certains ne l’étaient pas – ne sont pas claires.

[7]  La Section de l’immigration a conclu qu’Odedra était interdite de territoire pour avoir fait une présentation erronée indirecte; sa fausse déclaration était indirecte puisqu’elle était une enfant à charge au moment où la demande de résidence permanente a été présentée.

[8]  La décision de la Section de l’immigration a été confirmée par la Section d’appel de l’immigration. La Section d’appel de l’immigration a conclu que l’omission de mentionner l’adoption constituait une présentation erronée d’un fait important. Même si la Section d’appel de l’immigration avait des préoccupations quant à la crédibilité, la décision, lue dans son ensemble, portait principalement sur la présentation d’un certificat de naissance dans la demande de résidence permanente.

[9]  La Section d’appel de l’immigration s’est fiée aux notes du STIDI pour établir l’existence du certificat de naissance et elle a conclu que, si une adoption avait eu lieu, des documents d’adoption auraient été déposés. La Section d’appel de l’immigration a conclu que la légalité de l’adoption était sans importance parce que la présentation erronée selon laquelle Odedra était la fille biologique de Vili a été faite en présentant un certificat de naissance qui était probablement frauduleux. En conséquence, Odedra ne s’était pas acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucune présentation erronée n’avait été faite.

[10]  La Section d’appel de l’immigration a ensuite amorcé un examen superficiel et défavorable des considérations d’ordre humanitaire afin de décider si une mesure spéciale était justifiée.

III.  Questions en litige

[11]  Les questions à trancher dans le présent contrôle judiciaire sont les suivantes :

  • a) La décision de la Section d’appel de l’immigration était-elle raisonnable selon la norme de contrôle?

  • b) L’équité procédurale a-t-elle été violée selon la norme de contrôle de la décision correcte?

[12]  Pour les motifs suivants, la décision était à la fois déraisonnable et inéquitable au point de vue procédural.

IV.  Discussion

[13]  L’espèce n’exige pas une analyse de l’ampleur de la portée de l’expression « présentation erronée » et de la question de savoir si elle vise des omissions ou des énoncés innocents ou inconscients.

[14]  Les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes :

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

16 (1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

16 (1) A person who makes an application must answer truthfully all questions put to them for the purpose of the examination and must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires.

[…]

40 (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

40 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

[15]  Il est important d’établir le cadre de l’espèce. Au Canada, les enfants adoptés sont les enfants des parents – purement et simplement. Il s’agit d’une question de politique sociale et de droit. La définition d’un « enfant à charge » à l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, vise à la fois l’enfant adopté et l’enfant biologique. Des distinctions sont faites uniquement dans des circonstances précises.

[16]  Je suis d’avis qu’il était déraisonnable que la Section d’appel de l’immigration conclue qu’Odedra « a avoué » d’une façon quelconque avoir été adoptée lorsqu’elle a été interrogée par un agent de l’ASFC en l’absence d’une preuve que la question a été expressément posée à Odedra. Aucune preuve de cette nature n’a été déposée.

[17]  La Cour peut et devrait prendre connaissance d’office du fait que la plupart des enfants adoptés, surtout s’ils ont été adoptés lorsqu’ils étaient jeunes, ne constateraient aucune distinction entre un lien biologique ou d’adoption – [traduction] «  Une mère est une mère » – « Un père est un père ».

[18]  En l’espèce, la Section d’appel de l’immigration a conclu qu’une présentation erronée avait été faite. Il n’y a aucune preuve d’une déclaration, autre que le certificat de naissance. Rien dans la preuve n’indique qu’Odedra a été interrogée quant à la façon dont elle était liée à Vili ou que l’adoption constituait un problème.

[19]  Ce doit être mis en contraste avec le système actuel, comme la Cour en a été informée par l’avocat du défendeur, où un demandeur doit choisir le lien de parenté d’un menu déroulant dans la demande.

[20]  Le vice important en l’espèce est le fait que la Section d’appel de l’immigration s’est appuyée sur le certificat de naissance en tant que présentation erronée. Le répondant et Odedra ont tous les deux nié sous serment avoir présenté un certificat de naissance.

L’agent n’a jamais fourni une déclaration sous serment et la seule preuve d’un certificat de naissance est la mention figurant dans les notes du STIDI.

[21]  En l’absence d’une explication de la raison pour laquelle la Section d’appel de l’immigration a fait abstraction du témoignage sous serment en faveur de quelques notes sommaires, la décision selon laquelle un certificat de naissance a été déposé par Odedra, ou par une personne en son nom, était déraisonnable.

[22]  Il était particulièrement déraisonnable et fondamentalement inéquitable de s’appuyer sur la présumée existence du document lorsqu’il ne pouvait être produit. Il n’y avait aucun élément de preuve en corroborant l’existence, aucune preuve circonstancielle, ni aucune trace documentaire.

[23]  Odedra n’était pas en mesure de répondre à l’accusation sans avoir accès au certificat de naissance. Le présumé dépôt de ce document faisait partie des raisons pour lesquelles la Section d’appel de l’immigration avait des préoccupations quant à la crédibilité, plaçant Odedra dans une situation sans issue parfaite : elle n’était pas crédible parce qu’elle avait déposé un document frauduleux et elle n’avait pas le droit de déposer une demande pour considérations d’ordre humanitaire parce qu’elle n’avait démontré aucun remords pour l’avoir fait, mais son déni ne peut être accepté parce qu’elle a déposé un faux document dont on ne peut ni prouver ni réfuter le contenu.

[24]  La conclusion de présentation erronée constitue une question grave comportant d’importantes conséquences. Par conséquent, le degré d’équité procédurale doit être tout aussi élevé. Lorsqu’elle s’est appuyée sur un document qu’Odedra nie avoir déposé alors que son dépôt et son existence même ne peuvent être établis, la Section d’appel de l’immigration n’a pas assuré le degré d’équité qu’il convenait d’accorder à Odedra.

[25]  Vu les multiples raisons qui pourraient expliquer la situation, d’une erreur de classement à une erreur de désignation, les conclusions de la Section d’appel de l’immigration ne peuvent être étayées.

V.  Conclusion

[26]  Le contrôle judiciaire sera accueilli, la décision sera annulée et l’affaire sera renvoyée à un tribunal d’appel différemment constitué.

[27]  Vu la période des fêtes, les parties auront jusqu’au 15 janvier 2018 pour déposer des observations quant à savoir si une question doit être certifiée.

« Michael L. Phelan »

Juge

Ottawa, (Ontario)

Le 12 décembre 2017

Traduction certifiée conforme

Ce 12e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2139-17

 

INTITULÉ :

REKHA ODEDRA c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 novembre 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 12 décembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Britt Gunn

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Ada Mok

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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