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Date : 20171206


Dossiers : T-1741-13

T-1569-15

T-1728-15

T-2088-15

Référence : 2017 CF 1111

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 décembre 2017

En présence de monsieur le juge O’Reilly

Dossier : T-1741-13

ENTRE :

PACKERS PLUS ENERGY SERVICES INC.

demanderesse

(défenderesse reconventionnelle)

et

ESSENTIAL ENERGY SERVICES LTD.

ET TRYTON TOOL SERVICES LIMITED PARTNERSHIP

défenderesses

(demanderesses reconventionnelles)

Dossier : T-1569-15

ET ENTRE :

RAPID COMPLETIONS LLC ET

PACKERS PLUS ENERGY SERVICES INC.

demanderesses

et

BAKER HUGHES CANADA COMPANY

défenderesse

Dossier : T-1728-15

ET ENTRE :

PACKERS PLUS ENERGY SERVICES INC. ET RAPID COMPLETIONS LLC

demanderesses

(défenderesses reconventionnelles)

et

WEATHERFORD INTERNATIONAL PLC. FLUOR CANADA LTD. WEATHERFORD CANADA PARTNERSHIP ET HARVEST OPERATIONS CORP.

défenderesses

(demanderesses reconventionnelles)

Dossier : T-2088-15

ET ENTRE :

PACKERS PLUS ENERGY SERVICES INC. ET RAPID COMPLETIONS LLC

demanderesses

(défenderesse reconventionnelle)

et

RESOURCE WELL COMPLETION TECHNOLOGIES INC. ET RESOURCE COMPLETION SYSTEMS INC.

défenderesses

(demanderesses reconventionnelles)

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La présente action regroupe diverses instances mettant en cause les demanderesses et défenderesses identifiées ci-dessus. Les parties sont toutes des sociétés du secteur pétrolier et gazier qui se spécialisent plus particulièrement dans l’extraction d’hydrocarbures par un procédé dit de fracturation hydraulique. La présente action porte sur une allégation de la demanderesse Packers Plus Energy Services Inc. selon laquelle deux des défenderesses, Essential Energy Services Inc. et Tryton Tool Services Limited, auraient contrefait le brevet canadien no 2 412 072 de Packers (brevet 072) (Tryton étant une division d’Essential, je mentionnerai seulement Essential dans les présents motifs.) L’allégation de Packers contre Essential a été groupée avec les demandes reconventionnelles collectives des défenderesses selon lesquelles le brevet 072 est invalide. Le cas échéant, des instances distinctes seront tenues pour établir les dommages-intérêts au début de 2018.

[2] En l’espèce, il faut trancher les deux questions principales de la contrefaçon et de l’invalidité, laquelle renferme plusieurs sous-questions. Voici un résumé des événements :

  1. Essential a-t-elle contrefait le brevet 072?

  2. Le brevet 072 est-il invalide pour les motifs suivants :

  • a) L’objet du brevet a-t-il déjà été divulgué?

  • b) L’objet du brevet était-il évident?

  • c) Les revendications du brevet sont-elles dénuées d’utilité?

  • d) Le mémoire descriptif du brevet était-il insuffisant?

[3] Je suis d’avis qu’Essential n’a pas contrefait le brevet 072, ni directement ni de concert avec des tiers. Essential n’a pas non plus incité des tiers à contrefaire le brevet. Je conclus également que le brevet est invalide pour les motifs suivants : l’invention avait déjà été divulguée et elle était évidente; l’objet des revendications en litige ne représentait pas une étape inventive par rapport à l’état de la technique à l’époque pertinente. Par conséquent, je dois rejeter l’allégation de contrefaçon de Packers et faire droit à la demande reconventionnelle en invalidité des défenderesses.

II. Brevet 072

A. Divulgation et revendications

[4] Le 19 novembre 2002, Packers a déposé une demande à l’égard du brevet 072 dans laquelle elle mentionnait un brevet américain antérieur déposé le 19 novembre 2001, soit une année avant. Le brevet vient à échéance le 19 novembre 2022, date de son vingtième anniversaire au Canada.

[5] Le brevet 072, qui appartient à Packers, est intitulé « Méthode et appareil pour le traitement de fluides de forage ». Les inventeurs désignés sont Jim Fehr et Daniel Themig. M. Themig a participé à la fondation de la société Packers en 2000 et y a occupé plusieurs postes; il y est actuellement directeur général et directeur de la technologie. Il a livré un témoignage détaillé dans la présente action. J’en citerai de longs extraits, notamment dans mon analyse de l’objet du brevet et des événements qui ont précédé le dépôt d’une demande à son égard.

[6] Le brevet décrit le domaine de l’invention comme étant un procédé et un appareil pour le traitement de fluides de forage et [traduction] « en particulier […] pour la communication sélective dans un puits en vue du traitement de fluides ». Cette description se rapporte à un procédé de canalisation des fluides vers des segments choisis et isolés d’un puits de forage. Le brevet explique qu’il est parfois nécessaire de [traduction] « stimuler » le puits en y pompant des fluides qui faciliteront l’extraction des produits pétroliers. Les fluides en question peuvent être des boues de fracturation, et la fracturation hydraulique fait partie des procédés utilisés pour stimuler le puits de forage. Essentiellement, la fracturation est un procédé d’injection de fluides dans un puits de forage à une pression assez élevée pour fissurer la formation rocheuse adjacente afin qu’elle laisse s’écouler les hydrocarbures.

[7] Le brevet donne un résumé des antériorités en ce qui concerne la stimulation de segments isolés d’un puits de forage. Il décrit également l’utilisation d’outils appelés « garnitures d’étanchéité » pour isoler des segments, ainsi que les inconvénients (les coûts élevés en temps et en argent) associés au réglage et au déplacement successifs des garnitures pour assurer l’isolation.

[8] L’invention, selon le brevet, permet la communication sélective (la transmission) des fluides à différents segments d’un puits au moyen d’une colonne de production formée par une série de garnitures d’étanchéité et d’orifices. Quand ils prennent de l’expansion (extrusion) et appuient contre le puits de forage, les garnitures d’étanchéité le compartimentent en segments troués d’un orifice et dotés d’un mécanisme à manchon coulissant permettant de procéder au traitement de manière indépendante d’un segment à l’autre. Une bille ou un bouchon est descendu le long de la colonne de production jusqu’à un siège relié à un manchon coulissant pour ouvrir l’orifice. L’appareil et les procédés visés par l’invention, selon le brevet, peuvent être utilisés dans divers types de puits de forage, y compris [traduction] « des trous en découvert, des trous tubés, verticaux, horizontaux, rectilignes ou déviés ».

[9] Le brevet indique que différents types de garnitures d’étanchéité peuvent être utilisés pour obturer l’espace entre le puits de forage et la colonne de production. Le brevet mentionne également que des garnitures d’étanchéité « à corps plein » conviendraient mieux dans un trou en découvert que dans un trou tubé. Il est mentionné dans la description que donne le brevet de ces garnitures d’étanchéité qu’elles renferment [traduction] « des éléments d’étanchéité à corps plein et extrusibles » ou « une pluralité d’éléments d’étanchéité extrusibles ».

[10] En somme, le brevet présente un procédé de traitement des fluides d’un puits de forage à l’aide de ces composants et techniques. Le procédé consiste en une colonne de production qui court le long de l’axe à l’intérieur du puits, dont les orifices sont ouverts au moyen de manchons coulissants pour canaliser les fluides vers le puits. Quand elles sont extrudées, les garnitures d’étanchéité appuient contre le puits de forage pour isoler des segments qui sont troués d’un orifice et dotés d’un mécanisme à manchon coulissant.

[11] L’annexe A présente un diagramme extrait du brevet (figure 1a) et illustrant une série de garnitures d’étanchéité, d’orifices et de manchons coulissants. Par souci de commodité, les parties ont convenu d’appeler le procédé illustré dans ce diagramme [traduction] « le système activé par bille ».

[12] Le brevet expose 162 revendications. Seules les revendications 96 à 111 sont en litige.

[13] La revendication principale est la revendication 96. Elle revendique le procédé décrit ci-dessus, c’est-à-dire un moyen de fracturer les formations qui contiennent des hydrocarbures dans un trou en découvert à l’aide d’une colonne de production composée essentiellement d’une série de garnitures d’étanchéité, d’orifices et de manchons coulissants. La revendication fournit un exposé plus détaillé des composants et mécanismes du procédé de l’invention, y compris :

  • un premier orifice qui crée une ouverture dans la paroi de la colonne de production;

  • un deuxième orifice, un peu plus bas dans le trou, qui crée une autre ouverture dans la paroi de la colonne de production;

  • un premier manchon coulissant dont le diamètre permet au fluide de s’écouler vers le bas de la colonne de production lorsque le premier orifice est fermé; si le premier orifice est ouvert, le fluide peut percoler jusqu’au puits de forage;

  • un deuxième manchon coulissant d’un diamètre plus petit que le premier, mais qui fonctionne de la même manière;

  • une première garniture d’étanchéité à corps plein, montée au-dessus du premier orifice sur la colonne de production et qui l’isole du puits de forage;

  • une deuxième garniture d’étanchéité à corps plein montée sur la colonne de production entre le premier et le deuxième orifice, qui peut également isoler la colonne de production du puits de forage;

  • une troisième garniture d’étanchéité à corps plein montée sur la colonne de production, du côté opposé au deuxième orifice et de la deuxième garniture d’étanchéité;

  • une colonne de production qui descend à l’intérieur du puits de forage lorsque les garnitures d’étanchéité ne sont pas réglées;

  • les trois garnitures d’étanchéité se gonflent et s’appuient sur la paroi du trou en découvert pour maintenir la colonne de production en place. Les garnitures d’étanchéité créent des espaces annulaires entre la colonne de production et la paroi du puits de forage; les fluides ne circulent pas entre les espaces annulaires, mais ils peuvent percoler vers la formation à l’intérieur de ces espaces;

  • un dispositif d’obturation est transporté par le fluide dans la colonne de production, il traverse le premier manchon coulissant et bute sur le siège du deuxième manchon coulissant, provoquant l’ouverture du deuxième orifice et permettant aux fluides de fracturation de s’écouler par cet orifice jusqu’à l’espace annulaire défini par les garnitures d’étanchéité.

[14] Les autres revendications en litige (97 à 111) proposent des variantes mineures dépendantes de la revendication 96. Il ne m’est pas nécessaire de les décrire toutes. La revendication 98 précise que les garnitures d’étanchéité pourraient être réglées de manière hydraulique. La revendication 103 porte sur des types de fluides de fracturation potentiels, y compris l’acide, l’eau, l’huile, le dioxyde de carbone et l’azote. Les revendications 110 et 111 indiquent respectivement que le dispositif d’obturation peut être un bouchon ou une bille.

B. Interprétation des revendications

[15] Les revendications devraient être interprétées de manière téléologique, du point de vue d’une personne versée dans l’art et possédant les compétences usuelles dans le domaine de l’invention. Les parties sont d’accord pour l’essentiel que la personne versée dans l’art est un ingénieur en production pétrolière ou en mécanique.

[16] Les revendications sont simples. Elles se rapportent à une série de composants de ce qui est désigné comme un [traduction] « système activé par bille » – la colonne de production, les garnitures d’étanchéité, les manchons coulissants et les dispositifs d’obturation (bouchons ou billes, selon le cas) – qui sont utilisés pour mettre en œuvre le procédé de fracturation hydraulique d’un puits de forage en découvert.

[17] Les parties s’opposent sur deux points seulement pour ce qui concerne l’interprétation des revendications. Le premier a trait au sens exact du passage [traduction] « quand elles sont en expansion, les première, deuxième et troisième garnitures d’étanchéité à corps plein maintiennent la colonne de production en place dans le puits de forage ». Le second est celui de savoir si l’expression [traduction] « garnitures d’étanchéité à corps plein » dans la revendication 96 comprend les garnitures d’étanchéité gonflables.

[18] Sur le premier point de litige, Essential a produit une preuve d’expert établie par M. Michael Chambers selon laquelle [traduction] « maintiennent en place » dans la revendication 96 signifie que les garnitures d’étanchéité bloquent la colonne de production pour en empêcher le déplacement. En contre-interrogatoire, M. Chambers a toutefois concédé que la revendication n’indique pas si la colonne de production est complètement immobilisée.

[19] L’expert de Packers, Mme Jennifer Miskimins, estime pour sa part qu’il faut comprendre du passage « maintiennent en place » que les garnitures d’étanchéité empêchent le va-et-vient de la colonne de production dans le puits de forage. À son avis, quand la garniture d’étanchéité extrudée s’appuie contre la paroi du puits de forage, elle crée des segments dans le système, mais elle peut aussi [traduction] « maintenir tout le système en place ». Une personne versée dans l’art, selon elle, pourrait comprendre que les garnitures d’étanchéité maintiendraient la colonne de production [traduction] « suffisamment » en place pour que la fracturation sélective soit réussie. Elle a ajouté qu’il pourrait [traduction] « y avoir quelques fuites » de fluides d’un segment à l’autre, mais que la personne versée dans l’art [traduction] « comprendrait qu’elles ne risqueraient pas de nuire au traitement par fracturation hydraulique ».

[20] Je suis d’accord avec Mme Miskimins. À mon avis, une personne versée dans l’art comprendrait le rôle des garnitures d’étanchéité dans le procédé décrit dans le brevet. Les garnitures d’étanchéité isolent les segments pour permettre la fracturation segment par segment le long du puits de forage. De plus, elles arriment la colonne de production pour que la fracturation ait lieu dans les segments choisis. Une personne versée dans l’art comprendrait l’importance de choisir des garnitures d’étanchéité qui peuvent remplir ces deux fonctions interdépendantes. Une garniture d’étanchéité qui n’isolerait pas suffisamment un segment n’empêcherait probablement pas la colonne de production de bouger dans le puits de forage.

[21] Par conséquent, selon une interprétation téléologique du brevet, je déduis que la revendication 96 englobe les garnitures d’étanchéité fiables, c’est-à-dire des garnitures qui, quand elles appuient contre la paroi du puits de forage, maintiennent fermement la colonne de production en place. Je n’interpréterais pas la revendication comme signifiant que les garnitures d’étanchéité doivent complètement immobiliser la colonne de production. Un faible déplacement serait sans conséquence sur l’efficacité de la fracturation sélective.

[22] Eu égard au second point en litige, Essential fait valoir que l’expression [traduction] « garniture d’étanchéité à corps plein » dans la revendication 96 ne comprend pas les garnitures d’étanchéité gonflables. Selon un certain nombre de témoins, la difficulté réside dans le fait que cette expression n’est pas très bien connue ni généralement admise dans l’industrie. Par exemple, M. Chambers a mentionné qu’il ne connaissait pas [traduction] « de définition simple et ordinaire de cette expression », et que son ambiguïté nuisait à l’interprétation. Le témoin d’Essential, M. West Lyster, ne connaissait pas non plus l’expression « garniture d’étanchéité à corps plein ». Dans ce cas, comment la personne versée dans l’art interpréterait-elle cette expression, si tant est qu’elle la connaisse?

[23] Essential s’appuie sur l’opinion de M. Chambers selon laquelle une personne versée dans l’art déduirait probablement qu’une garniture d’étanchéité à corps plein est une garniture d’étanchéité réglée de manière hydraulique ou mécanique par une force compressive exercée sur un matériau extrusible comme le caoutchouc. La force provoquerait l’expansion de ce corps vers l’extérieur pour sceller l’espace le séparant de la paroi du puits de forage.

[24] Essential soutient en outre qu’une garniture d’étanchéité gonflable n’est pas une garniture d’étanchéité à corps plein. Une garniture d’étanchéité gonflable est composée d’un matériau qui se dilate lorsqu’il est exposé à un liquide. Quand ce matériau est immobilisé entre deux points fixes, il est extrudé vers l’extérieur. La grande différence entre une garniture d’étanchéité gonflable et une garniture d’étanchéité à corps plein fixée de manière hydraulique est la suivante : la force qui provoque l’extrusion d’une garniture d’étanchéité gonflable provient de l’intérieur de l’élément d’étanchéité plutôt que de l’extérieur. Essential soutient qu’une garniture d’étanchéité gonflable ne peut être considérée comme étant une garniture d’étanchéité à corps plein parce que son élément d’étanchéité n’est pas pressé vers l’extérieur par une force externe. De plus, une garniture d’étanchéité gonflable n’est pas comprimée – ses dimensions linéaires externes ne changent jamais.

[25] Essential cite un certain nombre de sources qui apparemment étayent son argument voulant que les garnitures d’étanchéité gonflables ne soient pas des garnitures d’étanchéité à corps plein :

  • une des demandes de brevet provisoire déposée aux États-Unis par Packers définit la garniture d’étanchéité à corps plein comme étant extrudée de manière mécanique ou hydraulique;

  • la déclaration de M. Themig selon laquelle la garniture d’étanchéité à corps plein est [traduction] « chargée par compression », « le plus souvent de manière axiale »;

  • la déclaration de M. Chambers selon laquelle la garniture d’étanchéité à corps plein contient des éléments qui sont [traduction] « comprimés linéairement et extrudés » par une « force de compression » générée de manière hydraulique ou mécanique;

  • l’affirmation faite par Mme Miskimins durant son contre-interrogatoire comme quoi la force de compression appliquée aux garnitures d’étanchéité gonflables n’est pas générée de manière externe ou hydraulique.

[26] L’opinion de Mme Miskimins sur ce point me convainc. Elle a affirmé qu’une garniture d’étanchéité à corps plein comporte un élément plein, et qu’elle peut être réglée de manière hydraulique ou être gonflable. Il ne faut toutefois pas la confondre avec une garniture d’étanchéité gonflable, qui se gonfle lorsqu’elle est remplie de fluide. Sur ce dernier point, tous les experts sont d’accord.

[27] En contre-interrogatoire, Mme Miskimins a expliqué que les garnitures d’étanchéité gonflables ne sont pas extrudées par l’application d’une force de compression, contrairement aux garnitures d’étanchéité à réglage hydraulique. Elle a toutefois ajouté que [traduction] « la force de compression qui est appliquée ne règle pas forcément les garnitures par compression. [. . .] Le réglage n’est pas opéré par l’effet d’une compression. »

[28] Je souscris à cette explication voulant que les garnitures d’étanchéité gonflables soient différentes des garnitures d’étanchéité à réglage hydraulique. Toutefois, je ne peux conclure que les différences sont suffisantes pour décréter que ces dernières sont des garnitures d’étanchéité à corps plein, alors que les premières ne le sont pas.

[29] La question pertinente est celle de savoir si la garniture d’étanchéité contient un élément plein ou non. Les garnitures d’étanchéité dilatables, dont les éléments se gonflent comme des ballons lorsqu’on y injecte un liquide, ne sont donc pas des garnitures d’étanchéité à corps plein. En revanche, les garnitures d’étanchéité gonflables, dont les éléments se gonflent comme des éponges en présence d’un liquide, peuvent être considérées comme des garnitures d’étanchéité à corps plein.

[30] Par ailleurs, en l’absence de définition l’expression « garniture d’étanchéité à corps plein » n’a pas de définition généralement admise, je ne vois pas pourquoi la personne versée dans l’art pourrait l’interpréter comme englobant les garnitures d’étanchéité qui extrudent par l’effet d’une force de compression externe, générée de manière hydraulique ou mécanique, mais non les garnitures d’étanchéité qui extrudent sous l’effet d’une force de compression interne absorbante. Dans les deux cas, l’élément extrudé est un corps plein. Comme l’a expliqué Mme Miskimins dans son témoignage, l’élément d’étanchéité d’une garniture gonflable [traduction] « est simplement un corps plein qui se gonfle contre la paroi et maintient cette section en place. Il se gonfle suffisamment pour maintenir la section de la colonne de production hors de la colonne de tubage elle-même. »

[31] Par conséquent, une personne versée dans l’art considérerait que l’expression « garniture d’étanchéité à corps plein » englobe les garnitures d’étanchéité gonflables.

[32] J’estime donc que la revendication 96 s’applique aux garnitures d’étanchéité qui créent une obturation le long de la paroi du puits de forage et maintiennent la colonne de production suffisamment en place pour permettre la fracturation sélective. De plus, les « garnitures d’étanchéité à corps plein » visées par la revendication 96 comprennent les garnitures d’étanchéité gonflables qui sont extrudées contre la paroi du puits de forage sous l’effet d’une force de compression générée par un élément d’étanchéité plein et absorbant.

III. Question en litige 1 – Essential a-t-elle contrefait le brevet 072?

[33] Essential concède que si son système est utilisé pour la fracturation dans un trou en découvert, toutes les étapes décrites dans les revendications 96 à 109 et 111 sont exécutées.

[34] Essential plaide néanmoins qu’elle n’a pas contrefait le brevet 072 et qu’aucun élément de preuve ne révèle que ses garnitures d’étanchéité maintiennent la colonne de production en place dans un trou en découvert. Elle ajoute que ses garnitures d’étanchéité gonflables ne sont pas « à corps plein ».

[35] De plus, puisqu’elle n’exécute pas les éléments essentiels du brevet, elle ne peut l’avoir contrefait.

[36] Enfin, Essential réfute l’allégation de Packers selon laquelle elle aurait agi de concert avec des tiers pour contrefaire le brevet ou aurait incité des tiers à le faire.

[37] J’ai déjà interprété la revendication 96 du brevet comme décrivant des garnitures d’étanchéité qui maintiennent les tubes suffisamment en place pour assurer une fracturation sélective efficace. De plus, la revendication englobe les garnitures d’étanchéité gonflables.

[38] Suivant cette interprétation, il est clair que l’équipement d’Essential, appelé Tryton Multi-Stage Fracturing System (Tryton MSFS), contrefait le brevet 072 lorsqu’il est utilisé pour des opérations de fracturation dans un trou en découvert. Pour les fins de l’espèce, une brève description de cet équipement suffira. On en trouve une description détaillée dans le rapport d’expert de Mme Miskimins, dans lequel elle conclut que toutes les étapes de la revendication 96 du brevet 072 sont exécutées lorsque le Tryton MSFS est utilisé pour des opérations de fracturation dans des segments isolés d’un trou en découvert. Elle conclut également qu’il peut y avoir contrefaçon des autres revendications en litige suivant le type de garnitures d’étanchéité et de manchons dont est doté le Tryton MSFS (exception faite de la revendication 110, qui renvoie à sur un bouchon plutôt qu’à une bille).

[39] Les documents promotionnels décrivent le Tryton MSFS comme un système qui permet aux [traduction] « exploitants d’isoler et de fracturer plusieurs intervalles d’une section horizontale de puits indépendamment et en continu ». De plus le MSFS [traduction] « est un système “de siège et de bille” comportant des manchons qui sont ouverts de manière séquentielle dans le puits au moyen de billes synthétiques de taille croissante descendues par un cuvelage afin de produire des fissures précises en plusieurs étapes le long d’une section horizontale en découvert d’un puits ». Autrement dit, le Tryton MSFS est un système activé par bille utilisé pour la fracturation sélective d’un puits de forage horizontal en découvert.

[40] La preuve démontre que le système de fracturation d’Essential maintient en place la colonne de production avec des garnitures d’étanchéité hydrauliques ou gonflables. Essential soutient qu’elle emploie une garniture intermédiaire additionnelle pour maintenir la colonne de production en place, et que celle-ci n’est pas mentionnée dans le brevet 072. M. Wes Lyster, un employé d’Essential, a témoigné que cette garniture intermédiaire (la garniture d’étanchéité de la suspension de colonne perdue) [traduction] « facilite le maintien en place du système ».

[41] Mme Miskimins a expliqué toutefois que les garnitures d’étanchéité du Tryton MSFS comportent des éléments extrusibles qui appuient sur la colonne de production et sur la paroi du trou en découvert pour obturer l’espace. La colonne de production est ainsi maintenue en place et des segments isolés sont créés entre les garnitures d’étanchéité. Selon Mme Miskimins, les garnitures d’étanchéité du Tryton MSFS [traduction] « créent ces segments isolés dans lesquels nous procédons à la fracturation hydraulique ». M. Lyster a convenu que les garnitures d’étanchéité maintiennent [traduction] « un petit peu » la colonne de production en place.

[42] Le Tryton MSFS est doté de divers types de garnitures d’étanchéité. La plupart sont réglées de manière hydraulique (« IsoPac I » et « IsoPac II » notamment), mais la garniture « SwellRight » est gonflable. En réalité, Essential vend des garnitures d’étanchéité gonflables mais, en fait, elle n’en a jamais utilisé ou vendu. Mme Miskimins conclut que quoi qu’il en soit, le Tryton MSFS exécute les étapes de la revendication 96, peu importe les garnitures d’étanchéité choisies qui, à son avis, sont toutes à corps plein.

[43] J’ai déjà expliqué pourquoi je suis d’accord avec Mme Miskimins sur ce point. Le terme « garniture d’étanchéité à corps plein » englobe les garnitures d’étanchéité qui sont réglées de manière hydraulique ou mécanique, ainsi que les garnitures d’étanchéité gonflables. Par conséquent, quand il est utilisé pour des opérations de fracturation dans un trou en découvert, le Tryton MSFS entre dans le champ d’application des revendications pertinentes du brevet 072 (hormis la revendication 110).

[44] Essential prétend par ailleurs qu’elle ne peut avoir contrefait le brevet étant donné qu’elle n’exécute pas les activités principales d’une opération de fracturation. En particulier, Essential ne décide pas quelles formations seront fracturées, ni si un puits de forage doit être tubé ou non. Essential souligne que les revendications pertinentes portent sur un procédé de fracturation d’une formation, pas sur l’équipement comme tel. Il s’ensuit, selon Essential, que Packers doit prouver qu’elle n’a pas seulement vendu les composants d’un système activé par bille, mais qu’elle a réellement appliqué le procédé visé par le brevet, c’est-à-dire qu’elle a exécuté une opération de fracturation suivant les enseignements de l’invention revendiquée.

[45] Packers maintient qu’Essential a contrefait le brevet même si elle n’a pas effectué d’opération de fracturation. Selon Packers, Essential s’est livrée à des actes de contrefaçon de concert avec d’autres sociétés du secteur de la fracturation. Subsidiairement, Packers allègue qu’Essential a incité des tiers à contrefaire le brevet 072.

[46] Je ne suis pas d’accord avec Packers.

[47] Tout d’abord, je constate que Mme Miskimins n’a pas conclu qu’Essential avait contrefait le brevet 072. En pesant bien ses mots, elle a expliqué que l’utilisation du Tryton MSFS pourrait comprendre toutes les étapes exposées dans les revendications du brevet. Elle ne s’est pas prononcée sur la responsabilité d’Essential eu égard à la contrefaçon.

[48] Par ailleurs, Packers n’a fourni aucun fondement juridique étayant l’argument de la responsabilité d’Essential eu égard à l’incitation d’autres parties à commettre des actes de contrefaçon. Packers renvoie à une jurisprudence anglaise bien connue, l’arrêt Fabio Perini SPA c LPC Group PLC & Ors, [2009] EWHC 1929. Dans cet arrêt, le juge Floyd a conclu qu’une société ayant installé une machine dans les locaux de la défenderesse et en ayant autorisé l’utilisation selon le procédé breveté était solidairement responsable de contrefaçon avec la défenderesse (au paragraphe 179). Cette conclusion a été citée dans l’opinion incidente de la juge Johanne Gauthier dans l’arrêt Easton Sports Canada Inc. c Bauer Hockey Corp., 2011 CAF 83, au paragraphe 75. Toutefois, aucun précédent dans la jurisprudence canadienne n’appuie la proposition selon laquelle une personne peut être tenue responsable de contrefaçon selon le concept de l’intention commune. Cela dit, il est établi en common law que les parties qui agissent de concert pour commettre un acte délictueux peuvent chacune être tenues responsables si toutes les parties impliquées se sont entendues pour agir de manière délictueuse (Sea Shepherd UK c Fish & Fish Ltd, [2015] UKSC 10, au paragraphe 40).

[49] Toutefois, aucun élément de preuve ne vient corroborer l’existence d’une quelconque entente entre Essential et les sociétés exploitantes, de forage ou de fracturation avec lesquelles elle collaborait. Par conséquent, Essential ne peut être tenue responsable de contrefaçon au titre d’une intention commune.

[50] Packers allègue également qu’il y a eu incitation. Les parties sont d’accord qu’un demandeur qui allègue l’incitation doit satisfaire à une norme exigeante consistant à prouver trois éléments distincts : 1) l’acte de contrefaçon a été exécuté directement par un tiers; 2) le défendeur a influencé le tiers de telle manière que, sans celle-ci, la contrefaçon n’aurait pas eu lieu; 3) l’influence a été exercée sciemment par le défendeur, c’est-à-dire qu’il savait que son influence entraînerait l’acte de contrefaçon (Corlac Inc. c Weatherford Canada Ltd., 2011 CAF 228, au paragraphe 162).

[51] Packers n’a fourni aucun élément de preuve révélant qu’un tiers a commis un acte de contrefaçon directe. Elle se borne à alléguer que les principaux clients d’Essential, c’est-à-dire les sociétés qui possèdent et exploitent les puits, sont les contrefacteurs. Toutefois, il ressort de la preuve qu’une opération de fracturation nécessite plusieurs intervenants, y compris la société exploitante et les divers fournisseurs de services qu’elle engage (entreprises spécialisées dans le forage, la cimentation, les outils ou la fracturation). En l’espèce, il est difficile de pointer un contrefacteur direct.

[52] Packers renvoie en outre à des éléments de preuve indiquant la participation d’Essential à des opérations de fracturation. Voici quelques activités menées par Essential :

  • planification et conception avant l’installation;

  • assemblage, installation et manœuvre de l’équipement, y compris le réglage des garnitures d’étanchéité;

  • fourniture et chargement des billes;

  • affectation d’un superviseur sur place, qui pourrait avoir accès aux données liées à l’opération de fracturation;

  • consultation avec la société exploitante concernant les problèmes rencontrés.

[53] M. Lyster a toutefois souligné que sur un site de forage, les décisions principales incombent à la société exploitante et non à Essential. Par exemple, c’est la société exploitant qui prend les décisions concernant les aspects suivants :

  • la faisabilité d’une opération;

  • s’il faut forer horizontalement;

  • s’il faut exécuter la complétion en découvert;

  • s’il faut recourir à un système activé par bille;

  • l’échéancier de l’opération de fracturation;

  • le nombre de segments à traiter;

  • la longueur de chaque segment;

  • l’emplacement des garnitures d’étanchéité et des manchons coulissants;

  • les niveaux de pression à utiliser;

  • le type de billes à utiliser;

  • le type de fluides qui seront pompés.

[54] De plus, selon M. Lyster, d’autres sociétés de services effectuent d’importantes manœuvres pendant la fracturation, y compris celles qui sont spécialisées dans le pompage (application de pression pour régler les garnitures d’étanchéité et ouvrir les manchons coulissants); la fracturation (choix des fluides et des niveaux de pression), et la descente de billes (choix du type de billes et descente). Pendant l’opération de fracturation, le représentant d’Essential est souvent présent à titre d’observateur, et il peut aussi prêter assistance en cas de problème.

[55] On pourrait considérer qu’ensemble, les sociétés qui interviennent dans une opération de fracturation appliquent le procédé revendiqué dans le brevet 072. Toutefois, leur contribution respective à l’opération ne peut être qualifiée de contrefaçon directe du brevet; le cas échéant, il s’agit tout au plus d’une contrefaçon partielle ou indirecte. Par conséquent, Packers ne satisfait pas au premier volet de la norme de l’incitation. Elle n’a pas établi qu’il y a eu contrefaçon directe, par qui que ce soit.

[56] Eu égard au deuxième volet de la norme, Packers fait valoir qu’Essential a pu influencer un contrefacteur potentiel de plusieurs manières. Essential fait la promotion de ses produits, elle visite des clients potentiels, elle prépare des propositions de projets, fait des présentations et indemnise ses clients en cas de poursuite en contrefaçon de brevet. En faisant référence à une offre de prix qu’Essential a soumise à un client, Packers fait valoir qu’elle et le client ont probablement discuté du produit et qu’elle a essayé de le persuader d’acheter son équipement.

[57] C’est là pure conjecture. Packers n’a fourni aucune preuve qu’Essential s’est conduite d’une manière ayant pu influer sur les actes d’un quelconque contrefacteur allégué. Du reste, la preuve indique que c’est sous l’influence de ses clients qu’Essential a mis au point le procédé Tryton MSFS. D’autres sociétés vendaient déjà des systèmes activés par bille pour la fracturation dans un trou en découvert. Pour rester compétitive, Essential a décidé d’offrir une technologie de ce type à ses clients. Ils connaissaient et utilisaient déjà les systèmes activés par bille de la concurrence.

[58] Par surcroît, rien ne permet de croire que la contrefaçon directe du brevet 072 était impossible sans l’influence d’Essential. Essential peut avoir convaincu certaines sociétés d’acheter son équipement, et des membres de son personnel ont observé des opérations de fracturation et aidé à résoudre des problèmes. Toutefois, ces activités n’ont pas pu lui permettre d’exercer le degré d’influence requis pour établir qu’il y a eu incitation.

[59] Enfin, il n’existe aucune preuve qu’Essential savait que son influence donnerait lieu à des actes de contrefaçon.

[60] Par conséquent, l’allégation de Packers eu égard à l’incitation n’est pas fondée.

IV. Deuxième question en litige – a) Le brevet 072 est-il invalide du fait de la divulgation antérieure de son objet?

A. Aperçu

[61] Un brevet confère un monopole à son titulaire si l’invention revendiquée est réellement nouvelle, utile et non évidente.

[62] En règle générale, une invention ne peut être considérée comme nouvelle si elle a déjà été divulguée publiquement et si la divulgation a fourni suffisamment d’information pour permettre à la personne versée dans l’art de l’utiliser. Les défenderesses allèguent que Packers a divulgué l’objet du brevet 072 à diverses reprises pendant la période pertinente (avant le 19 novembre 2001, soit un an avant la date de dépôt de la demande de brevet : Loi sur les brevets, LRC (1985), c P-4, alinéa 28.2(1)a)).

[63] Packers concède que l’invention décrite dans le brevet 072 peut avoir été divulguée avant la date critique. Toutefois, elle maintient que ces divulgations ont été faites soit dans le cadre d’un essai expérimental de l’invention, soit à des personnes tenues à la confidentialité. Bref, toutes ces divulgations relevaient d’exceptions généralement admises à la règle générale.

[64] Je ne suis pas d’accord avec Packers. M. Themig, le directeur général de Packers, a divulgué l’invention revendiquée à des clients avant le 19 novembre 2001. Ces divulgations n’ont pas eu lieu dans le cadre d’un essai expérimental du procédé d’activation par bille et elles ne s’adressaient pas à des personnes tenues de garder l’information confidentielle.

B. Divulgations

[65] La preuve porte sur la participation de Packers à trois sites miniers situés aux États-Unis à l’automne 2001. Les deux premiers sites, Garner et Noelke, étaient exploités par la société Enron Oil and Gas (EOG). Le troisième site, Dynneson, appartenait à la société Headington Oil.

[66] La plupart des éléments de preuve factuels pertinents proviennent de M. Themig. Il a décrit l’origine des idées reflétées dans le brevet 072, sa participation aux projets d’EOG et de Headington, et l’historique de sa société, Packers.

[67] Selon M. Themig, Packers est un fournisseur d’outils de fond de puits haut de gamme destinés en particulier à la fracturation de puits de forage horizontaux en découvert. Packers a d’abord commercialisé le procédé revendiqué dans le brevet sous le nom StackFRAC, qui a été remplacé par StackFRAC HD. M. Themig soutient que le procédé décrit dans le brevet 072 a révolutionné le secteur parce qu’il a permis aux exploitants d’effectuer des opérations de fracturation en plusieurs étapes et de traiter jusqu’à 70 segments isolés à la fois.

[68] M. Themig a confirmé que Packers a utilisé son système StackFRAC pour la première fois au site d’EOG à l’automne 2001. Les travaux ont eu lieu après l’exécution par Packers d’opérations de fermeture des eaux à haute pression dans un trou en découvert au Dakota du Nord en utilisant des garnitures d’étanchéité à corps plein. Les garnitures d’étanchéité servaient à isoler les sources d’eau et à empêcher que l’eau se mélange avec le pétrole qui sortait du puits de forage. En août 2001, on ne sait trop comment, un employé d’EOG, M. Gary Thomas, a eu vent du travail de Packers au Dakota du Nord et a contacté M. Themig. M. Thomas est venu lui rendre visite à Calgary et lui a parlé d’une opération de forage d’un puits d’extraction de gaz menée par EOG à Midland, au Texas. Les deux hommes ont discuté de diverses manières de forer les puits et, une semaine ou deux après, les ingénieurs d’EOG ont invité M. Themig à venir poursuivre les discussions à Midland.

[69] Avant la réunion de Midland, M. Themig a reçu une télécopie datée du 17 août 2001 dans laquelle un autre employé d’EOG, M. Glenn Carter, lui fournissait de l’information contextuelle additionnelle. Il y était expliqué que les opérations de fracturation d’EOG donnaient un bon niveau de production, mais seulement pour de courtes périodes. M. Carter a indiqué qu’EOG souhaitait forer des puits bilatéraux dans lesquels la fracturation se ferait séparément dans chaque section, et utiliser des garnitures d’étanchéité réglables pour traiter des segments plus petits dans chaque partie latérale d’un trou découvert.

[70] M. Themig s’est rendu à Midland à la fin d’août 2001; pendant le trajet, il a dessiné quelques esquisses en vue de les présenter à EOG. M. Themig a rencontré M. Carter le 29 août 2001. Ils ont convenu que M. Themig présenterait ses idées à un plus large auditoire le lendemain et que l’information échangée entre lui et EOG devait rester confidentielle. M. Themig a alors tenu pour acquis que M. Carter était l’autorité compétente pour prendre ce genre d’engagement au nom d’EOG, mais il n’a pas vérifié cette présomption. La discussion sur la confidentialité a été brève et plutôt générale. Ainsi, il n’a pas été question de la durée de l’engagement des parties, de la manière dont les documents confidentiels devaient être traités, ni des recours possibles en cas de violation.

[71] Le 30 août 2001, M. Themig a rencontré les géologues, les ingénieurs spécialistes des gisements, les ingénieurs de forage et les ingénieurs de complétion des puits de pétrole d’EOG. Selon le moment de la journée, ce groupe comptait de 12 à 20 personnes. M. Themig n’avait aucun moyen de savoir s’il s’agissait d’employés d’EOG, de fournisseurs ou de consultants. Après avoir reçu de l’information supplémentaire sur les puits d’OEOG, M. Themig a présenté ses esquisses de stratégies possibles pour augmenter la production. Un des derniers dessins illustrait une série de garnitures d’étanchéité à corps plein (les garnitures RockSEALs de Packers) installées dans un puits horizontal à découvert et combinées à des orifices activés par bille de manière hydraulique (le système activé par bille connu plus tard sous le nom de StackFRAC). M. Themig a donné des explications sur le fonctionnement du système. EOG a compris qu’il offrait l’avantage de procéder simultanément à la fracturation dans plusieurs segments d’un puits de forage sans avoir à déplacer les outils de l’un à l’autre. M. Themig était conscient de présenter un système qui représentait une innovation dans le secteur, mais il ne se rappelle plus si la question de la confidentialité a été soulevée pendant la réunion. Comme il a été vu, il en avait discuté avec M. Carter la veille. Les parties n’ont pas signé d’entente de confidentialité.

[72] Après son retour à Calgary, M. Themig a reçu un appel de M. Carter qui voulait organiser une visite des membres du personnel d’EOG au Canada pour qu’ils puissent voir les outils et rencontrer certains clients de Packers. M. Themig a fait une esquisse de l’outil FracPort afin qu’il puisse être fabriqué et mis à l’essai avant la visite de l’équipe d’EOG. M. Themig a accompagné les représentants d’EOG à l’usine de fabrication de Packers à Edmonton afin qu’ils puissent voir les lieux et assister à certains essais de ses outils, y compris l’outil de formation d’orifices de fracturation. La rencontre a été couronnée de succès et Packers a signé un contrat avec EOG pour la prestation de services liés aux outils de fond et la fourniture d’outils pour les puits Garner et Noelke.

[73] Après la réunion du 30 août 2001, M. Themig a soumis à EOG la facture de ses frais professionnels dans un document intitulé [traduction] « Frais liés aux travaux sur le terrain » (la facture). Les conditions types applicables figuraient au verso de la facture. Packers a de plus conclu une entente-cadre de services avec EOG. Ni la facture ni l’entente-cadre de services ne comportaient de clause de confidentialité.

[74] Le 30 septembre 2001, M. Themig a présenté à M. Carter une proposition de complétion pour le puits Garner. La proposition incluait un système activé par bille doté de garnitures d’étanchéité RockSEAL et utilisé dans un trou à découvert. La proposition portait la mention [traduction] « Confidentiel – Ne pas divulguer à l’extérieur d’EOG ». Vers la mi-octobre, une légère modification au système a été proposée qui permettait le retrait des outils du puits après la fracturation.

[75] Deux semaines plus tard, le 1er novembre 2001, M. Themig a soumis à EOG une proposition de complétion similaire pour le puits Noelke. Cette seconde proposition portait également la mention [traduction] « Confidentiel ». Elle était similaire au plan du puits Garner.

[76] La plupart des documents que Packers a soumis à EOG portaient la mention [traduction] « Confidentiel ». Sur ce point, M. Themig a admis que la mention de confidentialité pouvait figurer sur des documents ou des dessins qui n’étaient pas vraiment secrets, tels des dessins de pièces qui pouvaient être achetées auprès de tiers ou des documents contenant de l’information qui était déjà du domaine public. Il a reconnu que le destinataire devait parfois s’en remettre à son jugement personnel pour apprécier la nature confidentielle d’un document ou d’un dessin.

[77] M. Themig avait confiance que ses divulgations à EOG seraient traitées de manière confidentielle notamment parce que la société parlait des puits Garner et Noelke comme étant des [traduction] « puits confidentiels » [tight hole]. Il semble que cette expression ait diverses significations. Par exemple, M. Lyster a expliqué pour le compte d’Essential qu’un [traduction] « puits confidentiel » signifie qu’une société exploitante tient à garder confidentiels certains renseignements au sujet d’un puits, et que les employés des sociétés de services qui travaillent sur ce chantier ne doivent pas les divulguer à des tiers. Cependant, l’expression avait un sens plus précis pour ce qui était des puits Garner et Noelke : elle découlait d’une politique de la Railroad Commission du Texas autorisant les sociétés minières à retarder la déclaration de certains renseignements. Des témoins experts ont parlé du sens restreint de cette expression; j’y reviendrai plus loin.

[78] Par la suite, après la résolution de certains problèmes relativement peu importants à la tête de puits, la fracturation a été effectuée aux puits Garner et Noelke suivant le procédé proposé par M. Themig. Apparemment, toutes les préoccupations de M. Themig (capacité d’isoler des segments, emplacement des fissures, résistance des garnitures d’étanchéité à la pression élevée et procédé activé par bille) avaient été réglées.

[79] À peu près au même moment, soit au début de septembre 2001, M. Themig a reçu un appel de M. Al Powell de la société Headington Oil, une société de Denver, au Colorado. Comme EOG, Headington avait entendu parler de certains projets dans lesquels Packers avait recouru à des garnitures d’étanchéité pour isoler des segments lors d’opérations de fracturation. M. Themig a préparé des propositions pour le puits Dynneson de Headington qui étaient semblables à celles qu’il avait soumises à EOG, en indiquant qu’elles devaient être traitées sous le sceau de la confidentialité. Au bout du compte, des problèmes à la tête de puits ont forcé la modification du plan de Headington, qui est passé d’un système à trois garnitures d’étanchéité à un segment unique de fracturation.

[80] La société de pompage Sanjel a produit un rapport sur les pressions de fluide appliquées tout au long des travaux au site Headington. La mention [traduction] « puits confidentiel » sur le rapport, selon M. Themig, indiquait qu’il était extrêmement confidentiel. De plus, la mention [traduction] « Confidentiel » était apposée en filigrane sur les tableaux du rapport.

[81] M. Themig estime que les trois projets de fracturation auxquels Packers a pris part à la fin de 2001, soit Garner, Noelke et Dynneson, ont été des réussites. Il était convaincu qu’il avait proposé une avancée technologique qui allait révolutionner l’industrie. Packers a déposé sa demande de brevet le 19 novembre 2001. Elle a commencé à commercialiser son système StackFRAC peu après, en janvier 2002.

[82] M. Themig reconnaît que ce système avait été utilisé avant le 19 novembre 2001 pour les projets d’EOG et de Headington. Toutefois, il n’est pas d’accord que le procédé de Packers avait été divulgué publiquement compte tenu des garanties de confidentialité qu’il avait reçues d’EOG et de Headington. Il considérait également ces trois projets comme étant des expérimentations.

C. Expérimentations

[83] Pour qu’il soit admis que ses expérimentations constituaient une exception à la règle générale voulant que la divulgation publique antérieure invalide un brevet, Packers doit prouver que la divulgation a été faite à l’appui d’une expérience véritable (Canadian Patent Scaffolding Co v Delgotto Enterprises Ltd. (1980), 47 CPR (2d) 77 (CAF), au paragraphe 33).

[84] De l’avis de M. Themig, les opérations menées par EOG et Headington constituaient essentiellement des essais sur le terrain. Bien qu’il n’ait pas été en mesure de produire un élément de preuve documentaire étayant cet argument, il a maintenu qu’il ressort clairement de l’ensemble de la preuve et du contexte des travaux menés par Packers pour le compte des clients en question que toutes les parties considéraient, même si elles n’ont jamais employé ces mots, que le système StackFRAC était utilisé à titre expérimental ou dans le cadre d’un essai sur le terrain pour tous les puits en cause. M. Themig a parlé d’expérimentations, mais il ne savait pas si Packers avait accordé un rabais quelconque à EOG ou à Headington. Il n’y a aucune référence au coût des travaux dans la preuve.

[85] À l’appui de son argument relatif à la nature expérimentale des travaux, Packers invoque l’avis d’expert de Michael Vincent. M. Vincent a précisé qu’il faut souvent mener des expériences au site de forage parce que les essais en laboratoire sont limités. D’après lui, les travaux de Packers au puits Garner représentaient une expérimentation ou un projet pilote pour le système proposé. En font foi selon lui les retards dus aux problèmes de fonctionnement des outils dans le puits et de réglage des garnitures d’étanchéité. Bien que convaincants, les résultats de l’expérimentation indiquaient la nécessité d’apporter certaines mises au point au système. M. Vincent a ajouté qu’EOG a tenté en vain de vérifier l’obturation des segments au moyen des isotopes radioactifs, un type de mesure qui, selon lui, est effectué uniquement dans le cadre d’un essai.

[86] Il a formulé un avis semblable à l’égard du puits Dynneson. Quant au puits Noelke, M. Vincent a indiqué qu’aucune opération de fracturation n’y avait été effectuée avant le 19 novembre 2001 et qu’il n’y avait donc pas eu divulgation de l’objet du brevet 072 avant la date pertinente.

[87] M. Vincent a aussi relevé que les garnitures d’étanchéité ont été contrôlées et réparées à la suite des travaux au puits Garner, ce qui selon lui milite pour la thèse selon laquelle Packers menait une expérience. Il n’était pas au courant cependant de la volonté d’EOG de retirer les outils du puits Garner afin de les réutiliser dans le puits Noelke. Si tel avait été l’objectif, a-t-il admis, les garnitures d’étanchéité auraient dû être retirées, contrôlées et réparées avant de les utiliser au puits Noelke.

[88] Durant son contre-interrogatoire, M. Vincent a concédé que pour assurer la sécurité des employés, les sociétés informent généralement leurs clients quand elles mènent des expériences. Dans ces cas, elles insistent aussi sur l’obligation de confidentialité et, une fois l’expérience terminée, les résultats sont normalement consignés dans un rapport (qui bien souvent sont confidentiels, bien entendu). La preuve ne contient pas de tel rapport rédigé par Packers elle-même ou pour son compte.

[89] Michael Chambers, cité par les défenderesses, a exprimé son désaccord avec une grande partie de l’opinion de M. Vincent. Il a souligné que si elle mène une expérience, une société de services telle que Packers en informe expressément l’exploitant, elle lui offre une réduction de prix, dresse un résumé des travaux prévus, teste des théories de rechange, veille à ce qu’un cadre supérieur soit présent sur les lieux et procède à une analyse détaillée des résultats. Aucune de ces conditions n’a été remplie, ni au puits Garner ni au puits Noelke.

D. Confidentialité

[90] Packers invoque l’opinion experte de Cameron Matthews, suivant lequel les sociétés pétrolières et gazières divulguent les renseignements confidentiels seulement aux personnes de confiance. Très souvent, ce lien de confiance est scellé au moyen d’une entente de confidentialité, mais ce n’est pas automatique. Beaucoup de ces sociétés ont adopté un code de conduite qui impose aux employés de protéger la confidentialité des renseignements transmis par les fournisseurs et d’autres clients, même en l’absence d’une entente de confidentialité.

[91] M. Matthews a examiné divers codes de conduite qui selon lui étaient en vigueur en 2001 dans le secteur pétrolier et gazier, dont ceux d’EOG, d’Andarko, de Baker Hughes, de Halliburton, de Schlumberger, de Headington et de Sanjel. Il est parvenu à la conclusion que tous exigeaient que les employés préservent le secret des renseignements confidentiels de leur société et de tiers. Les sociétés ont tout intérêt à publier ces codes de conduites, selon M. Matthews, pour rassurer leurs clients et leurs associés de la rigueur avec laquelle leurs renseignements confidentiels seront protégés.

[92] Par ailleurs, la Society of Petroleum Engineers (SPE) des États-Unis possède son propre code de conduite qui, à l’époque pertinente, interdisait à ses membres de divulguer des renseignements exclusifs ou confidentiels concernant leurs clients ou leurs employeurs sans leur consentement. Cette règle s’applique encore aujourd’hui.

[93] M. Matthews a conclu qu’aucun des codes de conduite n’exigeait la signature d’une entente de confidentialité pour créer une obligation de confidentialité.

[94] Il a néanmoins précisé lors de son témoignage que plusieurs de ces codes de conduite mentionnaient expressément qu’une entente de confidentialité devait être signée. Il a effectivement admis qu’une telle entente était signée dans la grande majorité des cas. Par exemple, il était stipulé au code de conduite d’Andarko qu’une entente de non-divulgation pouvait être nécessaire si le contrat visé ne comportait pas de clause expresse à cet égard. Il en va de même pour le code de conduite de Schlumberger. D’autres codes de conduite (ceux de Chevron et de Spectra Energy) portés à la connaissance de M. Matthews exigeaient aussi la signature d’une entente de confidentialité, mais il a reconnu qu’il ne les avait pas lus.

[95] Il a également admis en contre-interrogatoire que le code de conduite de Baker Hughes précisait qu’il ne liait pas les employés, et que seul le code de conduite de Halliburton était clairement en vigueur à l’époque pertinente.

[96] Il a par ailleurs décrit ce qui selon lui constitue une pratique courante de l’industrie. Souvent, une société pétrolière cherche à protéger le secret autour de ses activités d’exploitation d’un gisement en particulier. Ainsi, elle peut vouloir maintenir ce secret pour préserver ses chances d’acquérir ou de louer un terrain adjacent à un prix avantageux, ou soustraire ses activités à la spéculation boursière. Elle peut aussi chercher à empêcher ses concurrents de découvrir ses technologies ou ses procédés novateurs. Selon M. Matthews, il était connu qu’EOG était à la fine pointe en matière de nouvelles techniques de fracturation en plusieurs étapes et, en 2001, elle voulait probablement garder ses travaux confidentiels.

[97] Il a affirmé en outre que l’expression [traduction] « puits confidentiel » est souvent utilisée en référence à un nouveau site de forage pour signifier que [traduction] « certains renseignements concernant le puits ne peuvent être divulgués ». Cette exigence de confidentialité s’applique jusqu’à ce que la société exploitante la lève ou quand le délai prescrit par les règlements locaux vient à échéance. Au Texas, comme l’a mentionné M. Themig dans son témoignage, un exploitant peut demander une désignation de [traduction] « puits confidentiel » pour préserver la confidentialité des renseignements concernant un nouveau puits pendant plusieurs mois. EOG a soumis une demande en ce sens pour le puits Garner (il convient de souligner toutefois que l’expression [traduction] « puits confidentiel » ne figure dans aucun document).

[98] Le contexte dans lequel Packers a pris part aux projets de forage Garner, Noelke et Dynneson en 2001 lui permet d’affirmer, de l’avis de M. Matthews, qu’elle avait divulgué des renseignements en étant convaincue que leur confidentialité serait préservée. Concernant le puits Garner, M. Matthews a tenu à souligner que M. Themig avait abordé la question de la confidentialité avec M. Carter et qu’il avait apposé la mention « Confidentiel » sur ses propositions de complétion. M. Matthews a conclu que le contexte, dans son ensemble, révélait que les deux sociétés collaboraient à l’atteinte d’un objectif commun, dans un esprit de confiance et de respect mutuels. M. Matthews a également présumé que le 30 août 2001, lorsqu’il s’est adressé à un auditoire plus nombreux, M. Themig avait tout d’abord demandé que les échanges restent confidentiels. Toutefois, comme nous l’avons vu précédemment, le témoignage de M. Themig au procès ne corrobore pas cette présomption.

[99] En contre-interrogatoire, M. Matthews a concédé que la mention « Confidentiel » sur un document ne lie pas le destinataire à une obligation de confidentialité. Il faut tenir compte du contexte global de la relation entre les deux parties.

[100] M. Matthews a relevé que les autres sociétés présentes sur le site Garner, y compris Halliburton, avaient certainement appris des choses au sujet du système activé par bille de Packers. Toutefois, leur code de conduite et les pratiques de l’industrie obligeaient selon lui les parties à traiter l’information sous le sceau de la confidentialité.

[101] M. Matthews s’est aussi fondé essentiellement sur les mêmes éléments de preuve pour conclure que le contexte dans lequel ont été exécutées les opérations de fracturation au puits Noelke indiquait aussi que Packers avait réclamé la confidentialité.

[102] Il a conclu par surcroît que Packers et Headington avaient mutuellement convenu de préserver la confidentialité en ce qui avait trait au puits Dynneson, comme en faisaient foi la mention « Confidentiel » sur les documents de Packers et les conversations de M. Themig avec M. Al Powell chez Headington. De plus, la société de pompage, Sanjel, et les autres sociétés présentes sur le site étaient certainement tenues par un code de conduite et les normes de l’industrie de traiter tous les renseignements qui leur étaient transmis sous le sceau de la confidentialité.

[103] Packers s’appuie également sur l’opinion de M. Vincent. Celui-ci a expliqué que dans le secteur pétrolier et gazier, il est généralement tacitement convenu qu’il existe une obligation mutuelle de préserver la confidentialité des renseignements exclusifs et confidentiels échangés. Selon M. Vincent, il a certainement été reconnu que les propositions de complétion soumises par Packers à l’égard des puits d’EOG et de Headington devaient rester confidentielles. Par conséquent, il n’y a pas eu divulgation publique de l’objet du brevet 072. Il doutait aussi qu’il y ait eu divulgation à d’autres sociétés de services, en particulier Halliburton et Sanjel, car elles n’avaient pas de représentant sur place à l’époque pertinente.

[104] Les défenderesses s’appuient principalement sur le rapport d’expert de John Ryberg. Elles ont également demandé à Roseann Caldwell, l’agente de brevet de Packers, de décrire ses communications avec la société avant le dépôt de la demande de brevet. J’ai conclu que le témoignage de Mme Caldwell n’était pas pertinent quant à la question de la divulgation publique et je n’en ai pas tenu compte dans mon analyse.

[105] M. Ryberg s’est inscrit en faux contre l’affirmation de M. Matthews concernant l’existence de normes dans l’industrie. Selon son expérience des 23 dernières années, les sociétés pétrolières qui souhaitent protéger la confidentialité de leurs entreprises recourent à des ententes de non-divulgation écrites et approuvées par la direction. Elles ne se fient pas pour ce faire à des ententes verbales. M. Ryberg a aussi souligné que la simple mention « Confidentiel » sur des documents ne crée pas une obligation pour les destinataires de les traiter sous le sceau de la confidentialité, et ne constitue pas une entente. Le plus souvent, il faut inclure dans l’entente signée une clause stipulant que les documents portant la mention « Confidentiel » doivent être traités comme tels.

[106] M. Ryberg a précisé qu’aucune norme en vigueur dans le secteur en 2001 n’obligeait les sociétés exploitantes à protéger la confidentialité de l’équipement et des procédés d’une société de services. Il était dans l’intérêt des exploitants d’en apprendre le plus possible sur les activités des sociétés de services pour favoriser la concurrence entre elles et faire baisser les prix. Les sociétés de services qui vendaient de l’équipement aux exploitants n’avaient aucun contrôle sur l’utilisation qu’ils en faisaient. Une société de services comme Packers se devait de signer une entente si elle voulait préserver la confidentialité de quoi que ce soit. Il en allait de même pour les exploitants. Si une société exploitante souhaitait protéger la confidentialité de l’information partagée avec une société de services, elle se devait de signer une entente écrite. Il pouvait arriver que des sociétés de services acceptent volontiers de protéger la confidentialité de l’information d’un exploitant tout simplement parce qu’elles voulaient établir une bonne relation d’affaires avec lui. M. Ryberg a affirmé qu’il n’existait pas d’obligation de confidentialité entre des sociétés de services qui travaillaient sur le même site.

[107] Il a expliqué que l’expression [traduction] « puits confidentiel » fait partie du jargon du secteur pétrolier et gazier aux États-Unis. Si elle est utilisée en référence à la Texas Railroad Commission, elle signifie qu’une société qui tient un rapport de diagraphie électrique de son puits peut demander que les données demeurent confidentielles. Aucune autre information n’est visée, y compris celle se rapportant aux procédés ou à l’équipement utilisés sur le site de forage.

[108] S’agissant des circonstances de la présente affaire – les interactions de Packers avec EOG et Headington –, M. Ryberg a déclaré que Packers n’avait pas pris de mesures suffisantes pour protéger la confidentialité de l’information divulguée à l’égard des projets en cause. Elle aurait dû conclure une entente de non-divulgation avec un signataire autorisé.

[109] Lors du contre-interrogatoire, M. Ryberg a été appelé à se prononcer sur les codes de conduites des sociétés que M. Matthew avait évoqués. Selon M. Ryberg, ces codes de conduite donnent des lignes directrices très générales aux employés. Eu égard à la version 2004 du code de conduite de Schlumberger, qui était semblable à celui qui était en vigueur en 2001, M. Ryberg a observé qu’il stipulait l’obligation pour les employés de protéger la confidentialité de l’information qui leur était [traduction] « confiée ». À son avis, les employés de Schlumberger devaient protéger l’information seulement si elle leur avait été confiée sous réserve d’une entente de confidentialité écrite. M. Ryberg a exprimé la même opinion au sujet des autres codes de conduite qui lui ont été présentés. Essentiellement, il a déclaré qu’un code de conduite ne suffit pas pour créer une obligation de confidentialité; il faut une entente écrite. Au mieux, le code de conduite peut renforcer l’obligation des employés de protéger la confidentialité de l’information visée par une entente concrète de non-divulgation.

E. Conclusion sur la divulgation antérieure

[110] La preuve est loin d’étayer la position de Packers à l’égard de la divulgation antérieure. Les divulgations de l’objet du brevet 072 antérieures au 19 novembre 2001 ne concernaient ni des expérimentations ni des communications confidentielles.

[111] Peu d’éléments de preuve corroborent l’affirmation selon laquelle les travaux menés par Packers pour le compte d’EOG et de Headington étaient de nature expérimentale. M. Themig a déclaré que, dans son esprit, ces projets constituaient des essais sur le terrain. Toutefois, cette perception n’est corroborée par aucun des documents échangés entre les parties pendant la période pertinente, parmi lesquels aucun ne ressemble à ceux que l’on pourrait raisonnablement associer à une expérimentation réelle. Certes, M. Themig a pu penser que le système proposé à EOG et à Headington était en quelque sorte nouveau, s’être demandé s’il allait fonctionner et rencontrer des problèmes lors de l’installation de l’équipement dans le puits, mais sa conviction subjective n’est pas une preuve suffisante que l’information a été divulguée dans le cadre d’une expérimentation réelle. Concernant Headington, M. Powell a témoigné qu’il considérait le procédé de Packers comme étant expérimental, mais seulement parce qu’il était nouveau et qu’il n’était pas certain qu’il allait fonctionner. Il ne se rappelle pas qu’on lui ait offert un rabais de quelque sorte.

[112] Par ailleurs, il est possible que le 29 août 2001, M. Themig ait convenu avec M. Glenn Carter qu’ils échangeaient de l’information sous le sceau de la confidentialité. Pourtant, dès le lendemain, M. Themig divulguait ses idées à un groupe d’inconnus, sans savoir s’ils étaient des employés d’EOG. Ces personnes n’étaient liées par aucun engagement explicite de confidentialité.

[113] Le témoignage de M. Ryberg m’a également convaincu que la norme dans l’industrie était d’assurer la protection de la confidentialité par la voie d’une entente écrite. La plupart des témoins que j’ai entendus ont confirmé que le secteur pétrolier et gazier est hautement concurrentiel et que les sociétés exploitantes sont en position de force par rapport aux sociétés de services comme Packers. Je ne suis pas convaincu que M. Carter, un ingénieur de complétion chez EOG, était habilité à lier son employeur à une obligation de confidentialité relativement à l’information reçue de Packers pendant une période indéterminée. Si Packers avait voulu ce type de garantie globale à l’égard de ses renseignements exclusifs, elle aurait certainement pu la demander. Or, rien dans la preuve ne permet de croire qu’elle a demandé cette garantie ou qu’EOG la lui aurait accordée. La mention [traduction] « Confidentiel » sur les dessins de complétion soumis par Packers dénotaient peut-être son espoir qu’ils soient traités sous le sceau du secret, mais certainement pas un quelconque engagement d’EOG à cet effet.

[114] Le même constat s’applique à l’information concernant le puits Noelke. Même si la fracturation a été exécutée après la date critique du 19 novembre 2001 au puits Noelke, Packers avait divulgué des renseignements détaillés sur le procédé de complétion proposé bien avant cette date.

[115] Pour le projet du puits Dynneson de Headington, des indications un peu plus étoffées avaient été données concernant le caractère confidentiel des renseignements échangés que dans le cas des sites d’EOG. Notamment, Al Powell a confirmé au nom de la société Headington que les communications avec Packers devaient être considérées comme confidentielles. Cette consigne avait été transmise aux autres sociétés présentes sur le site. Comme il a déjà été mentionné, la société de pompage Sanjel a donné la désignation « puits confidentiel » au site.

[116] Pour rafraîchir la mémoire de M. Powell concernant les circonstances entourant le puits Dynneson, les avocats de Packers lui ont présenté une entente qu’il a signée le 16 avril 2015. La déclaration contenait certains détails dont il ne semblait pas se souvenir quand il a témoigné, notamment le fait que la question de la confidentialité avait été évoquée de manière plus précise entre Headington et Packers. Les parties ont convenu que la déclaration était visée par le privilège relatif au litige. Toutefois, les défenderesses ont fait valoir que Packers avait renoncé à son privilège à plusieurs reprises lorsqu’il a été question du témoignage à venir de M. Powell. Il était clair aux yeux des défenderesses qu’elles auraient dû recevoir une copie de la déclaration bien avant sa présentation à M. Powell durant son témoignage.

[117] Je ne suis pas d’accord avec les défenderesses. Les avocats n’ont jamais divulgué le contenu réel de la déclaration, contrairement à l’avocat dans l’affaire R. c Stone, [1990] 2 RCS 290, invoquée par les défenderesses. Qui plus est, les défenderesses avaient reçu un résumé du témoignage à venir de M. Powell, qui abordait notamment les sujets de l’expérimentation et de la confidentialité. Les défenderesses n’avaient aucune raison d’être prises de court par le témoignage de M. Powell, y compris le contenu de sa déclaration.

[118] Quoi qu’il en soit, M. Powell a clairement indiqué qu’il se préoccupait beaucoup plus de la confidentialité des données secrètes de Headington que de celle de l’information transmise par Packers. C’est dans cette optique que j’ai envisagé son témoignage concernant la confidentialité. M. Powell se préoccupait essentiellement de la divulgation de renseignements sur la production du site de forage parce qu’une grande partie des terrains avoisinants n’était pas louée.

[119] Toutefois, là encore, aucun élément de preuve documentaire n’appuie l’argument selon lequel toute information transmise par Packers à Headington ou à d’autres sociétés présentes sur le site devait être considérée comme confidentielle. Packers avait exprimé son souhait que l’information reste confidentielle par une mention sur ses dessins. M. Powell a confirmé qu’il avait donné son accord lors de son témoignage. En revanche, rien dans la preuve n’atteste que la direction de Headington avait acquiescé à la demande de Packers que l’information transmise ne soit pas divulguée à des tiers, ni même que la désignation « puits confidentiel » donnée par Sanjel avait quoi que ce soit à voir avec les divulgations de Packers.

[120] Je ne relève rien non plus qui appuie l’argument des codes de conduite avancé par Packers. Tout au plus, ces codes confirmaient le devoir des employés de protéger la confidentialité des renseignements exclusifs transmis par leur employeur ou un tiers. Aucun ne donnait de précision quant aux renseignements à traiter comme étant confidentiels. Cette désignation découle principalement de politiques internes et d’ententes expresses avec des tiers.

[121] Packers soutient que Halliburton était explicitement tenue de protéger la confidentialité des renseignements divulgués par Packers puisqu’elle savait qu’ils étaient confidentiels, tel que l’en informait la mention apposée sur certains documents. Je ne dispose cependant d’aucun élément de preuve qui indique que Halliburton traitait les renseignements que lui transmettait Packers sous le sceau de la confidentialité ou qu’elle avait quelque obligation expresse à cet effet. Packers plaide en outre que le personnel de Halliburton ne se trouvait pas forcément sur place lorsque son équipement a été utilisé au puits Garner. Il s’agit d’une pure hypothèse, qui n’élucide pas la question de savoir si Halliburton ou d’autres sociétés ont pu d’une manière ou d’une autre obtenir de l’information sur le procédé de fracturation proposé par Packers.

[122] Enfin, les renseignements que Packers a divulgués à diverses parties participant aux travaux sur les sites de forage d’EOG et de Headington auraient pu leur permettre d’exécuter l’objet du brevet 072. M. Themig a expliqué le fonctionnement du système activé par bille et présenté des dessins détaillés des outils et du procédé à différentes personnes. Beaucoup de personnes présentes sur les sites de forage ont pu voir les outils et la façon dont ils étaient utilisés.

[123] La prépondérance de cette preuve démontre que la divulgation publique permettant la réalisation de l’invention le 19 novembre 2001 n’était pas liée à une expérimentation ou à l’échange de renseignements visés par une obligation de confidentialité.

V. Question en litige 2 – b) Le brevet 072 est-il invalide du fait de l’évidence de son objet?

[124] Comme je l’ai déjà énoncé, un brevet confère un monopole à son titulaire seulement si l’invention revendiquée est réellement nouvelle, utile et non évidente. L’analyse de la question de l’évidence se fonde sur l’approche exposée dans l’arrêt Apotex Inc. c Sanofi-Synthelabo Canada Inc., [2008] 3 RCS 265.

[125] Packers fait valoir que l’invention revendiquée dans le brevet 072 n’était pas évidente parce qu’elle marquait une avancée importante sur le plan des connaissances générales courantes des personnes versées dans l’art et sur celui de l’art antérieur pertinent.

[126] Je ne suis pas d’accord avec Packers. Le procédé de fracturation revendiqué dans le brevet 072 aurait été évident pour les personnes versées dans l’art à l’époque pertinente, soit le 19 novembre 2001.

A. Personne versée dans l’art

[127] Tel qu’il a été mentionné précédemment, les parties sont essentiellement d’accord que la personne versée dans l’art est un ingénieur pétrolier ou mécanicien comptant de deux à cinq années d’expérience sur le terrain.

B. Connaissances générales courantes

[128] Packers se fonde sur la description donnée par Jennifer Miskimins des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art à l’époque pertinente. Selon Mme Miskimins, les connaissances générales courantes étaient essentiellement les mêmes le 19 novembre 2001 qu’en mai 2003, qui est la date pertinente de l’interprétation du brevet.

[129] Elle a affirmé dans son rapport d’expert que la personne versée dans l’art connaîtrait les aspects suivants de l’extraction pétrolière et gazière :

  • les types de formation géologique (grès, carbonate, schiste, etc.) et leurs propriétés (porosité, perméabilité, etc.);

  • les parties d’un site de forage type;

  • les types de puits (verticaux, déviés, horizontaux);

  • les opérations de cuvelage et de cimentation des puits, ainsi que d’insertion d’une colonne de production dans le puits;

  • les avantages de la production dans un trou en découvert (par rapport à un puits tubé et cimenté);

  • les techniques de complétion, y compris celles faisant intervenir divers types de garniture d’étanchéité (garnitures d’étanchéité cupuliformes ou comportant un élément plein, hydrauliques ou gonflables);

  • les techniques de stimulation, y compris la fracturation hydraulique;

  • la mécanique des fissures;

  • les facteurs économiques influant sur la production pétrolière et gazière, y compris les coûts de location, les dépenses de forage et les coûts de production.

[130] Packers s’appuie également sur l’opinion d’expert de Michael Vincent pour faire valoir qu’un procédé d’isolation de segments dans un trou en découvert horizontal ne faisait pas partie des connaissances générales courantes des personnes versées dans l’art à l’époque pertinente. À cette époque, il était plutôt communément admis qu’un puits de forage devait être tubé et cimenté.

[131] M. Vincent a concédé que les connaissances générales courantes en 2001 englobaient l’utilisation de garnitures d’étanchéité à corps plein avec des éléments extrusibles dans les puits de forage en découvert, sauf dans le cas de la fracturation hydraulique, mais seulement pour le contrôle de la production et pas sous les fortes pressions requises pour la fracturation.

[132] Les défenderesses s’appuient quant à elles sur la description des connaissances générales courantes dans les rapports d’expert de Michael Chambers et de Vikram Rao.

[133] Selon M. Chambers, la personne versée dans l’art aurait su comment utiliser au moins deux garnitures d’étanchéité pour isoler des sections d’un puits de forage en découvert ou tubé aux fins d’une opération de fracturation sélective. Cette personne aurait également été au fait des divers types de garnitures d’étanchéité (extrusibles, gonflables, mécaniques ou hydrauliques) comprenant plus d’un élément et pouvant résister aux pressions appliquées dans les opérations de fracturation d’un trou en découvert. De plus, selon M. Chambers, la personne versée dans l’art aurait connu les techniques de complétion des trous tubés et en découvert, y compris les procédés de fracturation hydraulique faisant appel à des manchons coulissants activés par un dispositif à siège de bille.

[134] M. Rao a tenu à préciser que la personne versée dans l’art avait accès à de nombreuses sources d’information à la date pertinente, et notamment à de la formation en interne, à des publications de la SPE et à d’autres revues renommées. Il a cité au moins une vingtaine d’articles pertinents que la personne versée dans l’art aurait pu trouver moyennant une recherche raisonnable sur l’objet du brevet 072. M. Rao mentionne essentiellement les mêmes éléments que Mme Miskimins dans son opinion sur les connaissances générales courantes, mais il donne un peu plus de détail relativement à ce qu’une personne versée dans l’art aurait connu :

  • le recours à des orifices et à des manchons coulissants activés par des billes ou des bouchons;

  • les outils, y compris les garnitures d’étanchéité, utilisés dans des trous tubés ou en découvert;

  • les garnitures d’étanchéité spécialement conçues pour les trous en découvert;

  • les procédés de fracturation hydraulique en plusieurs étapes dans des puits de forage horizontaux en découvert.

[135] Dans son rapport de réponse, Mme Miskimins conteste certains énoncés de MM. Rao et Chambers concernant les connaissances générales courantes. En particulier, elle a exprimé son désaccord avec M. Rao quand il affirme que l’opération de fracturation s’exécute de la même façon dans un trou en découvert foré dans une formation compétente comme le schiste que dans un trou tubé, même si le trou est lisse, rond et solide. Elle a ajouté qu’une personne versée dans l’art n’aurait pas pu savoir que des garnitures d’étanchéité à corps plein pouvaient être utilisées pour la fracturation d’un trou en découvert. Cette personne aurait craint que des fissures se produisent au point d’appui des garnitures d’étanchéité contre la paroi du puits de forage et se prolongent jusqu’au segment adjacent, ce qui aurait été contre-productif puisque le rôle des garnitures d’étanchéité était d’isoler des segments. Mme Miskimins n’est pas d’accord non plus avec l’opinion de M. Chambers à cet égard.

[136] Elle met aussi en doute l’opinion de M. Rao quant au fait que certaines références à l’art antérieur faisaient partie des connaissances générales courantes d’une personne versée dans l’art. À la décharge de M. Rao, il convient de souligner que durant le contre-interrogatoire, il a précisé son opinion en disant qu’une partie des publications et de l’information citées ne faisaient pas partie des connaissances générales courantes d’une personne versée dans l’art, mais plutôt de l’art antérieur pertinent facilement accessible à toute personne qui aurait fait des recherches sur le domaine de l’invention. Je vais décrire ces sources dans la prochaine partie.

[137] Dans sa réponse aux opinions de Mme Miskimins et de M. Vincent, M. Rao a exprimé son désaccord avec le point de vue que les personnes versées dans l’art en 2001 auraient pensé que la fracturation pouvait se faire seulement dans un puits de forage tubé et cimenté. Selon lui, la personne versée dans l’art aurait su quelles formations se prêtaient à la fracturation dans un puits en découvert non cimenté. Le tubage et la cimentation augmentent certes les chances de réussite d’une opération de fracturation, mais les coûts sont à l’avenant. Selon M. Rao, la personne versée dans l’art aurait été consciente que la certitude avait un prix.

[138] Enfin, il a rejeté l’affirmation de Mme Miskimins et de M. Vincent concernant les craintes qu’aurait eues la personne versée dans l’art que des fissures longitudinales apparaissent aux points d’appui entre la garniture d’étanchéité et la paroi du puits de forage en découvert, que la fracturation ne puisse être exécutée à un emplacement précis et que des fissures apparaissent autour de la garniture d’étanchéité et contrecarre l’objectif d’isolation des segments. M. Rao a fait valoir que l’apparition de fissures longitudinales peut se produire autant dans un puits tubé que dans un puits en découvert. La personne versée dans l’art aurait su quelle sorte de garniture d’étanchéité utiliser pour réduire le risque de fissure au point d’appui sur la paroi du puits de forage. M. Rao a reconnu qu’un tubage perforé facilite le repérage du point de fracturation optimal mais que, dans la plupart des cas, il est impossible de savoir d’avance l’emplacement de ce point. Il a également observé que rien dans les revendications en litige (sauf la revendication 102) n’indique que le tubage ne doit pas être perforé. Si la précision est recherchée, la personne versée dans l’art aurait su qu’il fallait procéder à la perforation du puits de forage. De façon générale, M. Rao a estimé que les craintes évoquées par les autres experts étaient plus théoriques que pratiques, et qu’elles pouvaient être observées en laboratoire, pas sur le terrain.

[139] Si le fossé entre les opinions exprimées au sujet des connaissances générales courantes semble assez profond, son incidence se révèle moins forte quand on considère l’état de la technique à la date pertinente.

C. Concept inventif et état de la technique

[140] L’un des éléments centraux de l’analyse de la question de l’évidence consiste en une comparaison du concept inventif du brevet et de l’état de la technique à la date pertinente. Je résume ci-dessous les preuves d’expert substantielles produites par les parties sur cette question. Tout bien considéré, je suis convaincu que la preuve appuie la thèse des défenderesses selon laquelle le concept inventif du brevet 072 ne représentait pas une avancée par rapport à l’état de la technique.

[141] Pour le compte de Packers, Mme Miskimins a expliqué que le concept inventif des revendications en cause était entièrement lié à la fracturation séquentielle d’un puits de forage en découvert.

[142] D’une manière similaire, M. Vincent a décrit le concept inventif du brevet comme étant lié à un procédé efficace de fracturation d’un puits de forage en découvert au moyen d’un système activé par bille permettant la fracturation séquentielle. L’aspect le plus important du concept inventif, à son avis, était le recours à un procédé activé par bille dans un trou en découvert.

[143] Lors de son contre-interrogatoire, M. Vincent a précisé sa compréhension du concept inventif du brevet. Il a souligné [traduction] « l’élégance de la solution » exposée dans le brevet, soit la fracturation opérée entre une paire de garnitures d’étanchéité rattachées à une colonne de production. Cette configuration, selon M. Vincent, offrait une solution à un problème fréquent sur le terrain, c’est-à-dire la désintégration des garnitures d’étanchéité sous l’effet des fluides injectés à forte pression. Le brevet divulgue une solution à ce problème : l’équilibrage des pressions réciproques par l’orientation d’une garniture d’étanchéité vers le haut du puits et de l’autre vers le fond. M. Vincent a concédé que cet aspect inventif potentiel du procédé activé par bille n’est pas mentionné explicitement dans le brevet (ni même dans son propre rapport), mais qu’une personne versée dans l’art l’aurait su. Il a aussi admis que cette solution avait déjà été divulguée dans l’art antérieur et qu’il n’y avait rien de nouveau à son sujet en 2001.

[144] S’exprimant au nom des défenderesses, M. Chambers a eu de la difficulté à trouver un concept inventif dans les revendications 96 à 111 du brevet 072. À son avis, les revendications décrivent un système activé par bille pour la fracturation d’un segment d’un puits de forage en découvert. Une personne versée dans l’art ne considérerait pas que ce procédé était une invention. Même si l’idée inventive consistait en l’utilisation d’un système activé par bille, une technologie déjà connue, dans un nouvel environnement, le trou en découvert, le brevet ne mentionne pas cette étape et il ne donne aucune explication sur sa réalisation. Selon M. Chambers, un lecteur versé dans l’art tiendrait pour acquis que le brevet 072 expose un procédé applicable à un trou tubé déjà décrit dans l’art antérieur et qui serait facilement adaptable à un trou en découvert, à condition que la formation du puits soit suffisamment compétente.

[145] M. Rao, également cité à titre d’expert par les défenderesses, a conclu que le concept inventif des revendications pertinentes du brevet 072 est un procédé pour isoler des segments d’un puits de forage en vue d’en faire la fracturation sélective. Essentiellement, ce concept est équivalent au système activé par bille, qu’il décrit comme étant [traduction] « astucieux ». À son avis, l’une des caractéristiques potentiellement nouvelles du système était l’utilisation de billes de tailles différentes et de sièges de bille pour réaliser la fracturation séquentielle des différents segments. Toutefois, l’utilisation de ce système dans un puits en découvert ne faisait pas partie du concept inventif puisque le brevet lui-même indique qu’il pourrait être utilisé aussi bien dans un trou tubé que dans un trou en découvert. De plus, le brevet ne révèle rien au lecteur versé dans l’art relativement à d’éventuelles différences ou difficultés possibles dans les deux situations. Par ailleurs, malgré l’absence d’enseignement à ce sujet dans le brevet, un lecteur versé dans l’art saurait que des garnitures d’étanchéité différentes doivent être utilisées dans un trou tubé et un trou en découvert.

[146] M. Rao s’est montré particulièrement en désaccord avec l’affirmation de Mme Miskimins comme quoi le concept inventif du brevet 072 consistait en l’utilisation du système activé par bille dans un trou en découvert. Quoi qu’il en soit, son installation dans un trou en découvert exigerait seulement de la personne versée dans l’art qu’elle applique un procédé connu en prenant soin de choisir une garniture d’étanchéité appropriée. Il ajoute que les connaissances générales courantes de l’époque auraient aisément permis à cette personne de faire ce choix, et qu’aucune étape inventive n’était requise.

[147] Je retiens l’argument de Packers selon lequel le concept inventif des revendications pertinentes du brevet consiste en l’utilisation d’un procédé activé par bille dans un puits de forage en découvert. Les revendications renvoient constamment à l’installation dans un puits de forage en découvert. Même si le brevet ne décrit pas comment le procédé revendiqué doit être appliqué dans un trou en découvert, cette considération touche au caractère suffisant de la divulgation, aucunement au concept inventif.

[148] La véritable question est de savoir s’il existe une différence entre le concept inventif et l’état de la technique à l’époque. Encore une fois, cette question a fait l’objet de témoignages d’expert très détaillés.

[149] Le témoin de Packers, M. Vincent, est parvenu à la conclusion que l’invention décrite dans le brevet 072 n’était pas évidente compte tenu des connaissances générales d’une personne versée dans l’art à l’époque pertinente. En 2003 ou aux environs, quand il a entendu parler pour la première fois du procédé visé par le brevet, il a douté de son efficacité et a conseillé à ses clients de ne pas l’utiliser. Il était en effet généralement admis à l’époque qu’il était essentiel d’entuber et de cimenter le puits de forage avant la fracturation. M. Vincent s’était alors appuyé sur plusieurs publications qui corroboraient ce point de vue. Il avait souligné par ailleurs que les exploitants menaient généralement leurs opérations de fracturation sur des sections beaucoup plus longues d’un puits de forage que celles qui sont visées par le procédé revendiqué. M. Vincent s’est ensuite ravisé en constatant que le procédé breveté non seulement fonctionnait, mais qu’il s’était avéré un grand succès commercial et s’était gagné l’adhésion de l’industrie.

[150] Les défenderesses soulignent à juste titre que M. Vincent a envisagé le concept inventif par rapport aux connaissances générales courantes d’une personne versée dans l’art plutôt qu’à l’état de la technique. Eu égard aux publications liées à des inventions ou à des découvertes antérieures sur lesquelles les défenderesses fondent leur description de l’état de la technique, M. Vincent a conclu qu’une recherche raisonnablement diligente n’aurait pas permis à une personne versée dans l’art de les trouver. J’aborde cet aspect de son témoignage ci-dessous.

[151] Pour le compte des défenderesses, M. Rao s’est appuyé sur sa conclusion comme quoi le seul concept inventif était le système activé par bille pour affirmer que le concept n’était pas différent de l’état de la technique à l’époque. À son avis, l’état de la technique était exposé dans les publications suivantes :

  • Deux publications d’Albert Yost à la fin des années 1980 – Yost décrit ses expérimentations liées à diverses techniques de fracturation, y compris l’isolation de segments au moyen de garnitures d’étanchéité gonflables et d’orifices ouverts par des manchons coulissants dans un puits de forage horizontal en découvert.

  • Article de Bill Ellsworth (et M. Themig), 1999 – Les auteurs expliquent comment des garnitures d’étanchéité à corps plein et des manchons coulissants sont utilisés pour isoler des segments dans un puits de forage horizontal en découvert.

  • Trois articles de Thomson, 1997-1998 – L’auteur décrit un procédé de fracturation en plusieurs étapes dans un puits de forage horizontal tubé au moyen de garnitures d’étanchéité à corps plein et d’un système activé par bille.

[152] Essentiellement, M. Rao n’a relevé aucune différence entre le concept inventif du brevet 072 et les travaux antérieurs de Thomson, qui décrit dans ses écrits un système activé par bille indiscernable du procédé revendiqué dans le brevet 072. M. Rao a conclu par conséquent que l’objet du brevet 072 était évident si on le compare à l’état de la technique.

[153] J’ai examiné ces écrits importants sur des inventions et des découvertes antérieures. Ils révèlent que l’objet des revendications en cause ne représente pas une étape inventive par rapport à l’état de la technique, même au vu de l’interprétation que Packers propose du concept inventif (le système activé par bille dans un puits de forage en découvert).

[154] L’article principal de Yost (SPE 19090), publié en 1989 et présenté à un symposium de la SPE à Dallas, au Texas, s’intitule « Production and Stimulation Analysis of Multiple Hydraulic Fracturing of a 2,000-ft Horizontal Well » [analyse de la production et de la stimulation par fracturation hydraulique multiple d’un puits horizontal de 2 000 pieds]. Il décrit les procédés de traitement par fracturation multiple d’un puits de forage horizontal en découvert dans le schiste dévonien en Virginie-Occidentale. Yost explique les inconvénients associés à la fracturation d’un puits perforé et cuvelé, y compris la possibilité d’avoir à retirer le cuvelage et à descendre une autre colonne de tubage pour effectuer une fracturation sélective. Selon lui, un autre procédé présentait moins de risque, c’est-à-dire l’isolation de segments au moyen de garnitures d’étanchéité gonflables dans un trou en découvert, qui évite d’endommager la formation et ne requiert pas de perforer le puits de forage. Dans le procédé décrit par Yost, les huit garnitures d’étanchéité et les 14 manchons coulissants utilisés ont permis d’isoler sept segments dans le trou en découvert (une garniture n’a pas fonctionné). Il a conclu que les garnitures d’étanchéité permettaient d’isoler des segments, que le puits de forage était stimulé et que la production augmentait.

[155] Dans le procédé de Yost, des garnitures d’étanchéité gonflables étaient utilisées dans un trou en découvert pour isoler des segments et effectuer une stimulation sélective de segments distincts du puits de forage. En revanche, elle ne fait pas appel à des garnitures d’étanchéité à corps plein ni à des manchons coulissants activés par bille.

[156] L’article d’Ellsworth (1999), cosigné par M. Themig, s’intitule « Production Control of Horizontal Wells in a Carbonite Reef Structure » [contrôle de la production de puits horizontaux dans une structure récifale de carbonite]. Il décrit des opérations menées à Rainbow Lake, en Alberta, faisant appel à des garnitures d’étanchéité à corps plein pour isoler des segments d’un puits de forage en découvert. L’article commence comme suit : [traduction] « La complétion en découvert constitue la pratique reconnue pour les puits horizontaux dans la région de Rainbow Lake, au nord de l’Alberta. » Les auteurs présentent les dernières avancées en matière d’isolation dans le cadre d’opérations de complétion en découvert à diverses fins (l’isolement de l’eau ou du gaz du puits de pétrole, par exemple). Ils vantent les avantages des garnitures d’étanchéité à corps plein réglées de manière hydraulique (par exemple, la garniture Wizard, conçue par M. Themig) par rapport aux garnitures gonflables, parce que [traduction] « les garnitures à corps plein offrent une solution de rechange à long terme aux garnitures collées pour l’isolation de segments dans un trou en découvert ». L’article présente quatre cas concrets illustrant l’efficacité des garnitures d’étanchéité comme dispositif d’isolation et l’utilisation de manchons coulissants dans les segments. En bref, il y est énoncé que [traduction] « [l]a possibilité d’isoler des segments de manière prolongée dans un trou en découvert en production ouvre la voie à de nombreuses configurations inédites de production ». De plus, [traduction] « la segmentation cadre tout à fait avec l’objectif de rentabilité des puits horizontaux puisqu’elle permet de contrôler la production sans qu’il soit nécessaire de recourir à un revêtement de ciment ».

[157] L’article d’Ellsworth explique l’intérêt d’utiliser des garnitures d’étanchéité à corps plein dans un trou en découvert, ainsi que des manchons coulissants entre chacune. Il n’y est pas explicitement question de fracturation, mais il fait allusion à un large éventail d’utilisations potentielles des garnitures d’étanchéité, y compris dans certaines configurations pour isoler des segments lors d’opérations de fracturation. Comme le signale M. Rao, l’article d’Ellsworth explique comment des garnitures d’étanchéité à corps plein permettent d’isoler des segments dans un puits de forage en découvert afin de stimuler la formation.

[158] L’article de Thomson, publié en 1997, décrit un système activé par bille utilisé lors d’une opération de fracturation d’un puits de forage tubé dans la mer du Nord au sud-est d’Aberdeen, en Écosse. L’article s’intitule « Design and Installation of a Cost Effective Completion System for Horizontal Chalk Wells Where Multiple Zones Require Acid Stimulation » [conception et installation d’un système de complétion abordable pour puits horizontal foré dans la pierre calcaire et dont plusieurs segments doivent être stimulés par l’acide]. Les auteurs ont décrit le système comme étant [traduction] « novateur » quoique nullement nouveau puisque sa conception était inspirée d’un outil de fracturation à l’acide en plusieurs étapes (MSAF) mis au point par la Phillips Petroleum Company. Aucune date n’est donnée pour cette antériorité. Le procédé décrit par Thomson fait appel à un outil de fracturation de segments multiples (MSAF), des manchons coulissants, des garnitures d’étanchéité récupérables réglées de manière hydraulique, des sièges de bille filetés et des billes de tailles croissantes. Les auteurs ont estimé que ce procédé [traduction] « hautement efficace » permettait de fracturer 10 segments dans une période 12 à 18 heures et de réaliser d’importantes économies. Le traitement adapté aux conditions de chaque segment du puits horizontal contribuait aussi à la réduction des coûts.

[159] Les parties divergent d’avis sur la question de savoir si des recherches raisonnablement diligentes d’une personne versée dans l’art lui auraient permis de trouver ces publications traitant d’inventions et de découvertes antérieures.

[160] M. Vincent, s’exprimant au nom de Packers, s’est dit d’avis que la personne versée dans l’art aurait fait des recherches sur les antériorités visant à régler les problèmes rencontrés par EOG au puits Garner. EOG souhaitait utiliser des garnitures d’étanchéité réutilisables pour stimuler un puits de forage bilatéral en découvert et augmenter la production d’hydrocarbures. La société a évoqué [traduction] « le défi immense de stimuler de manière adéquate, efficace et économique chaque section latérale ». EOG a fait connaître son intérêt à M. Themig à l’égard de ses garnitures d’étanchéité réutilisables permettant d’exécuter plusieurs petites opérations de traitement dans chaque section latérale d’un trou en découvert. EOG comptait sur ces garnitures pour réaliser ses objectifs de stimulation. M. Vincent a laissé entendre qu’EOG voulait stimuler une ramification du puits et ensuite déplacer la garniture d’étanchéité dans l’autre ramification. Il a indiqué qu’à son avis, une personne versée dans l’art à la recherche de pistes de solutions à ce problème dans les écrits ne serait pas tombée sur les publications concernant les antériorités susmentionnées parce qu’elle aurait sans doute cherché des articles sur les puits bilatéraux ou multilatéraux. Pour cette raison, il a remis en cause la description d’une recherche raisonnablement diligente selon M. Chambers, qui a omis des termes d’interrogation comme [traduction] « bilatéral » ou « multilatéral ».

[161] Plus précisément, M. Vincent ne croyait pas que la personne versée dans l’art aurait trouvé la publication de Yost. Il en a lui-même entendu parler seulement en 2003. Il s’ensuit qu’une personne versée dans l’art n’aurait pas été au fait de cet écrit en 2001 et qu’il n’aurait donc pas été généralement accepté dans le domaine de l’invention. De plus, les données de Yost révèlent, selon M. Vincent, l’échec de son procédé à isoler des segments, contrairement à ce que MM. Chambers et Rao en disent. Yost a indiqué que des fluides injectés dans un segment s’étaient infiltrés dans un autre. Sa conclusion était, données à l’appui, que cet écoulement des fluides d’un segment à l’autre n’était pas dû à un échec de l’isolation, mais à des fissures naturelles dans la formation. M. Vincent interprète au contraire ces données comme révélant un échec de l’isolation de segments ou des garnitures d’étanchéité d’effectuer une obturation efficace entre les segments.

[162] Quant à la publication d’Ellsworth, elle traitait seulement du contrôle de la production, aucunement de fracturation, et M. Vincent a estimé qu’une personne versée dans l’art ne l’aurait pas trouvée dans le cadre d’une recherche documentaire sur des solutions aux problèmes liés aux opérations de fracturation d’EOG. Par conséquent, la publication ne décrivait pas un procédé de fracturation généralement reconnu en 2001.

[163] Enfin, en ce qui a trait à l’article de Thomson, M. Vincent a aussi exprimé l’avis qu’une personne versée dans l’art ne l’aurait pas forcément perçu comme énonçant un procédé généralement reconnu dans l’industrie en 2001. Après la publication de cet article, ce procédé n’était utilisé nulle part ailleurs, pas même par l’employeur de Thomson, Halliburton (la société qui effectuait la fracturation des puits d’EOG), pas plus dans un trou en découvert que dans un trou tubé. Thomson n’a pas évoqué la possibilité de recourir au système activé par bille dans un trou en découvert. Bien au contraire, il a insisté sur l’importance d’entuber et de cimenter le puits.

[164] De manière générale, selon M. Vincent, la personne versée dans l’art, même si elle était tombée sur ces publications, n’aurait pas pu parvenir à l’invention du brevet 072 sans un certain degré d’inventivité.

[165] J’ai deux réserves concernant le témoignage de M. Vincent à ce sujet. Premièrement, je ne crois pas qu’il ait conféré l’importance qui s’imposait à la télécopie qu’EOG a envoyée à M. Themig. Il y est mentionné explicitement que des garnitures d’étanchéité sont utilisées dans un trou en découvert pour stimuler plusieurs segments dans chacune des ramifications latérales. Même si une personne versée dans l’art s’était appuyée sur cette télécopie pour circonscrire la portée d’une recherche d’antériorités au lieu de l’étendre au domaine général de l’invention, elle aurait cherché des renseignements sur des techniques de fracturation séquentielle en plusieurs étapes applicables à un puits de forage horizontal en découvert. L’application de la technique dans un puits bilatéral n’était d’aucun intérêt.

[166] Par ailleurs, M. Vincent a examiné les publications sur les antériorités essentiellement pour déterminer si elles faisaient partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art; il a minimisé leur importance à titre d’antériorités.

[167] Du côté des défenderesses, les experts ont reçu une liste de références dont faisaient partie les documents susmentionnés, et il leur a été demandé de déterminer si une personne versée dans l’art les aurait découvertes en faisant une recherche raisonnablement diligente en 2001. MM. Rao et Chambers ont tous les deux estimé que c’était possible.

[168] M. Rao s’est opposé aux conclusions de Mme Miskimins et de M. Vincent comme quoi la personne versée dans l’art n’aurait pas trouvé les références sur lesquelles M. Rao s’est appuyé, y compris les écrits de Yost, d’Ellsworth et de Thomson. Ces écrits, a affirmé M. Rao, ont un lien avec le domaine de l’invention faisant l’objet du brevet 072 – communication sélective avec le puits de forage en vue du traitement par des fluides – et une recherche raisonnablement diligente aurait permis de les trouver. Tout particulièrement, l’article de Yost a été largement diffusé par le Département de l’Énergie des États-Unis, et certains l’ont cité comme marquant un précédent dans l’industrie.

[169] Les défenderesses font valoir que toutes les antériorités accessibles publiquement doivent être prises en compte dans l’analyse de l’évidence, pas seulement celles qu’une personne versée dans l’art pourrait trouver en faisant une recherche raisonnablement diligente. Elles citent l’arrêt Mylan Pharmaceuticals ULC c Eli Lilly Canada Inc., 2016 CAF 119, aux paragraphes 23 à 25 et 29, ainsi que la décision Pollard Banknote Limited c BABN Technologies Corp., 2016 CF 883, aux paragraphes 194 et 195.

[170] Dans la présente affaire, il n’est pas nécessaire d’examiner cette question, car je suis convaincu qu’une personne versée dans l’art aurait fait lesdites découvertes en faisant une recherche raisonnablement diligente.

[171] MM. Chambers et Rao ont également invoqué un brevet américain délivré à Stephen Carlisle, et al. Selon M. Rao, le brevet Carlisle divulguait l’invention du brevet 072. M. Vincent n’est pas d’accord. Bien qu’il ait reconnu que le brevet Carlisle décrivait l’utilisation potentielle de la garniture d’étanchéité Wizard pour stimuler un puits de forage, il a fait remarquer que le procédé de fracturation visé faisait appel à des garnitures d’étanchéité cupuliformes.

[172] Pour ma part, après examen du brevet Carlisle, je conclus qu’il ne divulgue pas l’invention du brevet 072. En revanche, il renferme un important renvoi à l’état de la technique à l’époque pertinente.

[173] Le brevet américain Carlisle 6 315 041 a été demandé le 15 avril 1999 et délivré le 13 novembre 2001. Il s’intitule [traduction] « Outil d’isolation multizone et procédé de stimulation et d’essai dans un puits souterrain ». Voici ce qu’on peut lire sous l’en-tête [traduction] « Domaine de l’invention » :

[traduction]

L’invention concerne de façon générale la stimulation des puits du secteur pétrolier et gazier et, plus particulièrement, l’isolation de segments d’un trou souterrain tubé ou en découvert à des fins de stimulation ou d’essai.

[. . .]

Un autre outil, la garniture d’étanchéité Wizard de Dresser, permet d’isoler des longueurs prédéterminées d’un puits horizontal pour faciliter la stimulation de la formation. Toutefois, cet outil requiert de lancer des fléchettes dans les sections pour ouvrir les manchons coulissants qui laisseront passer le fluide de traitement dans la section isolée. Malgré l’isolation, il peut arriver que le segment prédéfini ne soit pas stimulé si au moins une section d’intervalle ne renferme pas de fissure naturelle à élargir. Il est impossible de modifier la longueur isolée et d’en stimuler efficacement une autre sans retirer et réinitialiser le système en entier. La garniture d’étanchéité Wizard coûte souvent très cher et n’est pas récupérable. De plus, comme elle est assez longue et rigide, il est souvent difficile de la manier sur un petit rayon dans un puits de forage. Un outil moins dispendieux et plus maniable est nécessaire pour isoler les sections d’un trou latéral horizontal de la longueur désirée sans le retirer du puits de forage, considérant les coûts considérables en temps et en argent occasionnés par l’installation et la désinstallation d’un outil dans un puits.

[174] J’interprète ce passage comme décrivant l’état de la technique en 1999. Il présente un sommaire du système activé par bille, qui fait appel à des garnitures d’étanchéité à corps plein pour isoler les segments d’un puits de forage qui doivent être stimulés. Toutefois, il n’est mentionné nulle part que ce procédé est réservé aux puits de forage tubés et cimentés. Il décrit les inconvénients des garnitures d’étanchéité Wizard (coût élevé et faible maniabilité), mais il ne dit pas que ces outils n’ont jamais été utilisés avec succès pour isoler des segments en vue de la stimulation de puits de forage en découvert.

[175] De fait, selon la brochure décrivant la garniture d’étanchéité Wizard (publiée par Dresser Oil avant le 19 novembre 2001), celle-ci représentait [traduction] « une révolution pour isoler des segments de manière fiable dans un puits horizontal ». Par ailleurs :

[traduction]

La garniture d’étanchéité Wizard convient autant aux trous en découvert qu’aux trous tubés. Les garnitures d’étanchéité Wizard peuvent être installées et réglées par paires pour isoler des sections distinctes d’un puits.

[. . .]

Le système d’isolation Wizard est composé d’élastomères à fort taux d’expansion qui en facilitent l’adaptation aux irrégularités du trou en découvert.

[176] La brochure dresse une liste d’applications possibles de la garniture d’étanchéité :

  • Arrêt d’eau

  • Arrêt de gaz

  • Stimulation

  • Essai de production

  • Isolation d’une fissure de la formation

  • Production sélective

  • Stimulation et nettoyage d’intervalles indépendants

  • Opérations de cimentation progressive

  • Puits horizontal

[177] La brochure confirme le renvoi à l’état de la technique dans le brevet Carlisle bien avant le dépôt de la demande du brevet 072. La technique faisait intervenir des garnitures d’étanchéité à corps plein pour isoler des segments en vue de la stimulation et de la fracturation de puits de forage horizontaux en découvert.

[178] Afin de démontrer qu’une personne versée dans l’art aurait pu découvrir l’antériorité à l’époque pertinente, les défenderesses ont demandé à Rebekah Stacha, de la SPE, d’expliquer comment sa base de données aurait pu être consultée. Mme Stacha a déclaré qu’en 2001, il était possible de faire une recherche plein texte de la première page de chaque document de la collection de la bibliothèque électronique de la SPE.

[179] Elle a également mentionné un manuel d’instruction sur la recherche des ressources de la SPE. À l’instar de Packers, j’estime que ce document ne peut être admis à titre de pièce commerciale puisque je ne dispose d’aucune preuve m’indiquant qui est l’auteur du manuel ou le cadre dans lequel il a été produit. Je retiens toutefois le témoignage oral de Mme Stacha, fondé sur ses connaissances personnelles, au sujet de la marche à suivre pour faire une recherche de publications en 2001 de la SPE.

[180] Je constate que l’article de Yost aurait pu être trouvé au moyen de l’un ou l’autre des termes d’interrogation suivants : [traduction]

  • Production

  • Stimulation

  • Multiple

  • Hydraulique

  • Fracturation

  • Traitements

  • Isolation de segments

  • Garnitures d’étanchéité externes

  • Colliers à orifice

  • Trou en découvert ou non tubé

[181] De même, l’article d’Ellsworth aurait pu être trouvé avec les termes d’interrogation suivants : [traduction]

  • Complétion de trou en découvert

  • Puits horizontal

  • Contrôle de la production

  • Isolation

[182] Enfin, une personne versée dans l’art aurait trouvé l’article de Thomson avec les termes d’interrogation suivants :

  • Complétion

  • Multiple

  • Puits horizontal

  • Stimulation

  • Efficient

  • Segments ou zones

  • Manœuvre unique

  • En plusieurs étapes

  • Manchon coulissant

  • Isolation

  • Garnitures d’étanchéité réglées par voie hydraulique

  • Siège de bille

  • Séparation

  • Ciblée

[183] S’agissant de la découverte, Packers a admis qu’une personne versée dans l’art serait tombée sur l’article de Thomson en faisant une recherche diligente. Toutefois, Packers a ultérieurement précisé que cette déclaration visait à corriger une réponse sur la découverte. Packers a plaidé que les questions se sont précisées à mesure que le procès approchait et qu’il lui était loisible de clarifier une affirmation précédente. À ce stade-ci, cette divergence a très peu d’importance étant donné ma conviction qu’une recherche sur les antériorités dans le domaine de l’invention aurait conduit à l’article de Thompson.

[184] À mon avis, une personne versée dans l’art qui s’intéressait à l’objet de l’invention à l’époque pertinente aurait pu trouver les publications de Yost, d’Ellsworth et de Thomson en utilisant les termes d’interrogation susmentionnés. Conjuguées aux connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, ces publications constituent le corpus des antériorités pouvant être invoquées aux fins de l’analyse de la question de l’évidence.

[185] La question est donc celle de savoir si le concept inventif du brevet 072 représentait un progrès par rapport à l’antériorité. Je suis d’avis que non.

[186] Packers ne revendique aucune inventivité relativement au procédé activé par bille. De toute évidence, il faisait déjà partie de l’antériorité (Thomson). La seule autre question à trancher a donc trait au caractère inventif de l’application du système activé par bille dans un trou en découvert. Là encore, je suis d’avis que cette application n’était pas une invention.

[187] Comme le concède Packers, l’antériorité divulguait des garnitures d’étanchéité résistantes aux pressions de la fracturation dans un trou en découvert, ainsi que les avantages d’effectuer la complétion dans un trou ouvert plutôt que dans un puits tubé et cimenté. La personne versée dans l’art aurait su quelle garniture d’étanchéité pouvait être utilisée pour la fracturation d’un trou en découvert.

[188] De fait, EOG et Headington ont toutes les deux approché Packers afin de mettre à l’essai ses garnitures d’étanchéité pour trou en découvert dans une opération de stimulation segment par segment d’un puits de forage. Les clients de Packers étaient probablement au fait, parce qu’ils l’avaient eux-mêmes observée ou en avaient entendu parler, de l’utilisation de ces garnitures d’étanchéité pour des opérations de fracturation. M. Powell a d’ailleurs témoigné qu’il avait entendu parler d’une entreprise de Calgary (Packers) qui produisait de l’équipement d’isolation et de fracturation pour trous en découvert. Packers a tout simplement ajouté un composant non inventif – le système activé par bille – à un procédé auquel EOG et Headington avaient songé et, plus important encore, qui était déjà divulgué dans l’antériorité.

[189] Je ne dispose d’aucun élément de preuve qui me permet de savoir comment M. Themig en est venu à intégrer le système activé par bille dans les propositions qu’il a soumises à EOG et à Headington. Il affirme qu’il ignorait tout des travaux de Thomson à l’époque, bien qu’il en ait eu vent plus tard. Or, les deux étaient des collègues chez Halliburton quand Thomson a mené ces travaux. Il n’a certainement jamais tenté de prétendre devant EOG ou Headington que c’était une idée nouvelle. Comme je l’ai exposé précédemment, il n’a pas invoqué assidûment la confidentialité de ses propositions. Il est évident qu’il a fini par avoir vent des travaux de Thomson puisqu’ils étaient cités dans les antériorités présentées au bureau des brevets.

[190] M. Themig a fait valoir que le procédé décrit dans l’article de Thomson se distinguait du système revendiqué dans le brevet 072 du fait que le premier portait sur la fracturation dans un puits de forage cimenté, tubé et perforé, alors que son système portait sur la fracturation dans un trou en découvert. Le procédé de Thomson, aux dires de M. Themig, est beaucoup plus complexe et coûteux que celui qui est revendiqué dans le brevet 072.

[191] Les experts conviennent qu’il est plus économique d’effectuer la fracturation dans un trou en découvert si la formation est suffisamment compétente et s’il existe une raison de recourir à ce procédé. Les garnitures d’étanchéité accessibles et connues des personnes versées dans l’art à l’époque permettaient de créer un effet d’obturation sous haute pression dans un trou en découvert. Dans le cas d’une formation insuffisamment compétente, la personne versée dans l’art se serait attendue à la possibilité qu’il faille entuber et cimenter le puits de forage, et elle aurait choisi les outils appropriés. Comme il a été vu, cette personne aurait connu les caractéristiques de la formation à fracturer et elle aurait choisi les outils appropriés. Le brevet ne donne aucune précision à cet égard.

[192] Packers insiste énormément sur les difficultés qu’aurait escomptées une personne versée dans l’art eu égard au recours au système activé par bille dans un trou en découvert, ce qui à ses yeux indique que l’invention n’était pas évidente. Ces difficultés, tel qu’il a été mentionné précédemment, englobent la fissuration longitudinale, au point de contact entre la garniture d’étanchéité et le puits de forage, l’incapacité de fracturer un endroit précis et la fissuration autour de la garniture d’étanchéité et le désenclavement du segment. Une personne versée dans l’art aurait pu régler ces difficultés de diverses façons, notamment en choisissant une garniture d’étanchéité appropriée, en la réglant en tenant compte du niveau de pression, et peut-être en perforant le puits de forage. Je n’ai entendu aucun témoignage sur les conditions des sites des puits Garner, Noelke et Dynneson, mais je présume que M. Themig avait appris que les caractéristiques géologiques de ces formations se prêtaient à la fracturation dans un trou en découvert. Le succès de l’opération était tributaire de la nature de la formation et non du procédé utilisé.

[193] Il peut arriver que le succès commercial soit le fruit de l’inventivité. Cependant, je ne dispose d’aucune preuve directe que Packers a connu un succès commercial avec ses outils. Cela dit, j’ai entendu des témoignages concernant les prix récompensant l’esprit d’entreprise qui ont été décernés à Packers, à M. Themig et à ses collègues ces dernières années, et je ne doute pas qu’ils étaient pleinement mérités. Cette preuve n’est cependant d’aucun secours à Packers pour ce qui est d’établir l’inventivité.

[194] Packers pose la question suivante : [traduction] « Si l’invention était évidente, alors pourquoi personne d’autre n’y avait pensé avant? » (ou ce qu’il est convenu d’appeler la question posée par Beloit). Or, il ressort de la preuve que d’autres avaient effectivement découvert le système activé par bille et l’utilisation de garnitures d’étanchéité à corps plein pour isoler des segments dans un puits de forage en découvert. Toutefois, comme je l’ai indiqué, le facteur déterminant du succès du procédé breveté n’était pas son concept ou ses composants, mais plutôt la qualité du puits de forage dans lequel il était appliqué. En l’occurrence, la formation idéale était le schiste. La hausse des cours du pétrole et du gaz dans les années 2000 a suscité un intérêt croissant pour la fracturation du schiste, pour laquelle le procédé décrit dans le brevet 072 s’est avéré très efficace. C’est seulement à ce moment que Packers et d’autres fournisseurs de technologies similaires ont connu d’importants succès commerciaux.

[195] Au vu de l’ensemble de la preuve sur cette question, le concept inventif du brevet 072 – l’utilisation d’un procédé activé par bille dans un trou en découvert – ne représentait pas un progrès par rapport à l’état de la technique à l’époque.

D. L’invention est-elle réductible à un « essai allant de soi »?

[196] Dans un domaine d’activité « où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation » (Sanofi, précité, au paragraphe 68), le recours à la notion d’» essai allant de soi » pourrait être indiqué. Je doute fort que ce soit le cas dans le secteur pétrolier et gazier. De nombreux témoins ont confirmé la frilosité du secteur à essayer de nouvelles techniques en raison du coût considérable d’un échec.

[197] Néanmoins, les facteurs pertinents à l’examen de l’essai allant de soi renforcent ma conclusion que l’invention revendiquée était évidente.

[198] Premièrement, était-il plus ou moins évident que l’essai serait fructueux? À mon avis, oui. Thomson avait démontré que le système activé par bille fonctionnait, et c’était aussi un fait connu au vu de l’antériorité (Carlisle). Les garnitures d’étanchéité résistant aux pressions et aux températures élevées lors des opérations de fracturation dans un trou en découvert étaient connues. Les personnes versées dans l’art se seraient attendues à ce que cette combinaison de composants donne le résultat désiré. Il aurait été plus ou moins évident que le procédé breveté fonctionnerait à condition que les caractéristiques du puits de forage conviennent.

[199] Quels efforts – leur nature et leur ampleur – étaient requis pour réaliser l’invention? La preuve montre que M. Themig a mis au point le procédé proposé à EOG assez rapidement. Il a fait des esquisses du procédé (ainsi que d’autres procédés possibles) alors qu’il était en route pour rencontrer Glenn Carter. Après la réunion, M. Themig est retourné à Calgary et a poursuivi la conception, la fabrication et les essais des composants du système activé par bille. Les étapes de la conception et de la mise en œuvre lui ont pris à peine quelques semaines.

[200] L’art antérieur fournissait-il un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tendait le brevet? Les travaux de Thomson faisaient la démonstration des avantages du système activé par bille, c’est-à-dire des économies en temps et en argent, ainsi que des gains d’efficacité. Les gens de métier auraient compris l’intérêt, étant donné les avantages de la fracturation dans un trou en découvert – elle évite notamment les coûts en argent et en temps de l’entubage et du cimentage du puits de forage – d’utiliser le système activé par bille dans un puits en découvert et non cimenté si les conditions s’y prêtaient.

E. Conclusion concernant l’évidence

[201] Les revendications pertinentes du brevet 072 ne constituaient pas une avancée sur l’état de la technique à l’époque. La combinaison du système activé par bille et des garnitures d’étanchéité adaptées à un trou en découvert avait déjà été divulguée dans l’antériorité ou constituait un équivalent évident des procédés de l’antériorité.

VI. Deuxième question en litige – c) Le brevet 072 est-il invalide du fait de l’absence d’utilité de ses revendications?

[202] Un brevet confère un monopole à son titulaire si l’invention revendiquée est réellement nouvelle, utile et non évidente.

[203] Les défenderesses soutiennent que l’utilité déclarée du brevet 072 – la communication sélective de fluides à des segments isolés d’un puits de forage – n’avait pas été établie à la date du dépôt de la demande de brevet. Elles allèguent également que l’utilité des revendications n’aurait pas pu être prévue avec certitude à l’époque.

[204] Tout d’abord, les défenderesses ont plaidé la contrefaçon en droit strict au vu de la rédaction des revendications en litige en invoquant le principe de la [traduction] « différenciation des revendications ». La revendication 97 réclame le procédé décrit en détail dans la revendication 96, mais précise que les manchons coulissants doivent être fermés. Les autres revendications, la revendication 96 et les revendications dépendantes 98 à 111, ne précisent pas que les manchons coulissants doivent être fermés. Il s’ensuit, selon les défenderesses, qu’il faut les interpréter comme si elles visaient les manchons coulissants en position fermée ou ouverte. Toutefois, comme le procédé fonctionne seulement si la colonne de production est descendue dans le puits de forage alors que les manchons sont ouverts, les revendications 96 et 98 à 111 décrivent un procédé qui ne fonctionnera pas.

[205] Je ne suis pas d’accord avec la manière dont les défenderesses interprètent les revendications. Le lecteur versé dans l’art comprendrait que le brevet revendique un procédé qui fonctionne si les manchons coulissants sont en position fermée; autrement, il serait impossible d’appliquer la pression voulue dans la colonne de production et de régler les garnitures d’étanchéité. Toutefois, il serait possible de descendre la colonne de production dans le puits de forage lorsque les manchons coulissants sont ouverts par un moyen mécanique quelconque avant d’y pomper le fluide. Un lecteur versé dans l’art pourrait donc interpréter que les revendications 96 et 98 à 111 décrivent un procédé selon lequel la colonne de production est descendue lorsque les manchons sont fermés ou ouverts, à condition dans ce dernier cas de prévoir un moyen de les refermer. La revendication 97 s’applique expressément à une configuration dans laquelle les manchons coulissants sont fermés.

[206] Packers conteste la thèse globale des défenderesses sur la question de l’utilité; elle plaide que l’utilité de son procédé breveté a été établie ou, à tout le moins, qu’elle aurait pu être valablement prédite à la date pertinente. Je ne suis pas convaincu que la preuve montre que l’utilité avait été établie, mais je souscris à l’affirmation de Packers qu’elle aurait pu être valablement prédite.

[207] M. Vincent a déclaré que Packers avait établi l’utilité de l’invention revendiquée au puits Garner. L’information recueillie sur le site de forage indique une hausse marquée de la production de gaz après la fracturation. Selon l’interprétation de M. Vincent, les données indiquaient que les garnitures d’étanchéité avaient contribué à la distribution plus efficace des fluides de fracturation. Par surcroît, l’information recueillie au puits Dynneson, et notamment les données sur la pression, confirmait selon lui l’isolation de segments grâce aux garnitures d’étanchéité.

[208] D’autre part, selon le témoignage de M. Vincent, il est évident qu’il n’existe aucun lien établi entre la preuve d’une hausse de production dans le cadre du projet de Yost et l’isolation de segments. Son témoignage à cet égard semble pour le moins contradictoire. De plus, même si les données concernant le site Dynneson pourraient tendre à indiquer qu’il y a eu isolation de segments, le fait est que le procédé breveté n’y a pas été utilisé. Aucune autre preuve directe ne m’a été présentée qui me permet d’induire qu’il y a eu isolation de segments. Enfin, le procédé breveté a été mis à l’essai seulement avec les outils RockSEAL de Packers; aucun autre de ses modèles de garnitures d’étanchéité n’a été éprouvé. Comme le procédé breveté ne requiert pas un modèle particulier de garniture d’étanchéité à corps plein, il s’impose de conclure qu’aucun élément de preuve ne montre que l’utilité a été établie pour l’étendue complète des revendications.

[209] En ce qui a trait à la question de la prédiction valable, Packers devait établir le fondement factuel permettant de prédire que le procédé revendiqué fonctionnerait, proposer un raisonnement rigoureux à l’appui de cette prédiction et démontrer la divulgation dans le brevet autant de ce fondement factuel que de ce raisonnement (sauf s’ils découlaient des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art).

[210] Packers estime que la proposition de complétion énoncée dans le brevet (figure 1A) donne la preuve que le brevet divulguait le fondement factuel étayant que l’utilité aurait pu être valablement prédite. Il est intéressant de constater que, contre toute logique, Packers renvoie à l’opinion de M. Chambers, exposée précédemment, comme quoi les travaux au puits Garner ont divulgué l’invention revendiquée avant le dépôt de la demande de brevet et que, partant, la description du procédé revendiqué devait se rapporter à ce projet. Je ne suis pas de cet avis. Le fait que l’objet du brevet a été divulgué avant le dépôt de la demande n’emporte pas en soi une conclusion qu’il exposait le fondement factuel d’une prédiction valable de l’utilité.

[211] Je souscris à l’opinion de M. Rao sur cette question. Le brevet ne renferme aucun fondement factuel donnant à croire qu’il aurait pu être valablement prédit que la combinaison d’un système activé par bille et de garnitures d’étanchéité à corps plein permettrait d’isoler des segments dans un trou en découvert. Il a néanmoins reconnu qu’une personne versée dans l’art aurait su que le procédé revendiqué fonctionnerait moyennant le recours aux bonnes garnitures d’étanchéité à corps plein, et que cette personne aurait su comment les choisir. M. Themig a déclaré qu’il ne savait pas vraiment si des garnitures d’étanchéité qui ne sont pas du modèle RockSeal pourraient faire le travail, mais plusieurs experts ont indiqué que le choix de garnitures appropriées relève tout à fait du champ d’expertise d’une personne versée dans l’art.

[212] De toute évidence, le choix de garnitures d’étanchéité appropriées serait déterminant de la démonstration de la capacité de la personne versée dans l’art de prédire l’efficacité du procédé revendiqué. Il serait toutefois plus important encore que la personne versée dans l’art sache que le procédé breveté ne fonctionnerait pas dans tous les puits de forage en découvert. Le plus probable serait qu’il fonctionne seulement dans un puits de forage doté, dans une certaine mesure, des caractéristiques d’un puits tubé et cimenté.

[213] Je suis par conséquent convaincu que l’utilité des revendications du brevet 072 pouvait être valablement prédite à la date du dépôt de la demande parce que le fondement factuel et le raisonnement suivi auraient relevé des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, et parce que l’information donnée dans le brevet suffisait pour qu’elle fasse une telle prédiction. Il s’agit d’une conclusion tout à fait compatible avec celle que j’ai tirée quant à l’évidence de l’invention revendiquée à la lumière de l’état de la technique.

VII. Deuxième question en litige – d) Le brevet 072 est-il invalide du fait de l’insuffisance du mémoire descriptif?

[214] Les défenderesses soutiennent en dernier lieu que le brevet 072 ne donne pas une description conforme de l’invention (paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets; se reporter à l’annexe B pour les renvois législatifs). Elles prétendent que M. Themig a délibérément omis des détails concernant les outils et le procédé qui étaient nécessaires aux fins de l’application du brevet afin de s’assurer un avantage commercial, et qu’il a ainsi manqué à l’obligation de l’inventeur de divulguer sa découverte au public pour se voir conférer un monopole.

[215] Je ne suis pas d’accord avec les défenderesses. Le brevet contient une description adéquate de l’invention. Une personne versée dans l’art serait capable d’utiliser l’invention à partir du mémoire descriptif du brevet (Teva Canada Ltée c Pfizer Canada Inc., 2012 CSC 60, au paragraphe 50).

[216] Plus précisément, les défenderesses plaident que le brevet ne contient aucune précision quant aux garnitures d’étanchéité à corps plein recommandées ou aux distances de dégagement à prévoir pour le siège de bille. Toutefois, le brevet explique ce que sont les garnitures d’étanchéité à corps plein et pourquoi il est préférable de les associer à des éléments de garniture multiples. La personne versée dans l’art en déduirait que parmi les garnitures d’étanchéité réglables de manière hydraulique qui sont offertes sur le marché, certaines conviennent mieux en raison de caractéristiques comme l’anti-préréglage. De plus, la personne versée dans l’art – en l’occurrence, un ingénieur d’expérience – serait capable de calculer la distance de dégagement du siège de bille aux fins de l’application du procédé breveté. J’observe qu’aucun des experts n’a eu de grande difficulté à comprendre l’invention décrite dans le brevet.

[217] Les défenderesses ont également évoqué l’obligation d’exposer « la meilleure manière » d’appliquer l’invention (alinéa 27(3)c), Loi sur les brevets). Je souligne que cette obligation vaut seulement pour une machine. Ici, le brevet porte sur un procédé. Certes, il fait appel à certains composants et outils qui, collectivement, pourraient être désignés comme de la machinerie, mais l’invention ne devient pas pour autant une machine. À mon avis, l’obligation d’expliquer « la meilleure manière » ne s’applique pas en l’espèce.

Par conséquent, le mémoire descriptif du brevet n’était pas déficient.

VIII. Conclusion et dispositif

[218] Selon moi, Packers n’a pas établi qu’Essential a contrefait le brevet 072, directement ou de concert avec d’autres parties. Par ailleurs, la preuve ne soutient pas l’allégation de Packers qu’Essential aurait incité d’autres parties à contrefaire le brevet.

[219] De plus, je conclus que les défenderesses ont prouvé l’invalidité du brevet du fait de la divulgation antérieure de l’invention et de son évidence. Les défenderesses n’ont toutefois pas établi l’invalidité du brevet du fait de son inutilité ou de la déficience de la divulgation.

[220] Par conséquent, je dois rejeter l’allégation de contrefaçon de Packers et faire droit à la demande reconventionnelle en invalidité des défenderesses.

 


JUGEMENT dans les dossiers T-1741-13, T-1569-15, T-1728-15 et T-2088-15

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1. L’allégation de contrefaçon des demanderesses contre Essential est rejetée, avec dépens.

2. La demande reconventionnelle en invalidité des défenderesses est accueillie, avec dépens.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 24e jour d’août 2020

Lionbridge


ANNEXE A


ANNEXE B

Loi sur les brevets (LRC (1985), ch P-4)

Patent Act (RSC 1985, c P-4)

27. (3) Le mémoire descriptif doit :

27. (3) The specification of an invention must

a) décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

(a) correctly and fully describe the invention and its operation or use as contemplated by the inventor;

b) exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;

(b) set out clearly the various steps in a process, or the method of constructing, making, compounding or using a machine, manufacture or composition of matter, in such full, clear, concise and exact terms as to enable any person skilled in the art or science to which it pertains, or with which it is most closely connected, to make, construct, compound or use it;

c) s’il s’agit d’une machine, en expliquer clairement le principe et la meilleure manière dont son inventeur en a conçu l’application;

(c) in the case of a machine, explain the principle of the machine and the best mode in which the inventor has contemplated the application of that principle; and

d) s’il s’agit d’un procédé, expliquer la suite nécessaire, le cas échéant, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l’invention en cause d’autres inventions.

(d) in the case of a process, explain the necessary sequence, if any, of the various steps, so as to distinguish the invention from other inventions.


ANNEXE C

Profil des experts

Michael Roy Chambers Sr. : M. Chambers détient un baccalauréat en sciences en génie pétrolier de l’Université Texas A&M. Il compte plus de 35 années d’expérience à titre d’ingénieur, de gestionnaire et de consultant dans le secteur pétrolier et gazier. Il a publié une quinzaine d’articles et prononcé de nombreuses conférences devant des représentants de l’industrie. Il est titulaire de quatre brevets américains liés à des technologies du gaz et du pétrole.

Jennifer Miskimins : Mme Miskimins est professeure agrégée à la Colorado School of Mines et possède plus de 15 années d’expérience en enseignement. Elle est titulaire d’un baccalauréat en sciences en génie pétrolier du Montana College of Mineral Science and Technology. Elle a aussi obtenu une maîtrise en sciences et un doctorat en génie pétrolier de la Colorado School of Mines. Elle est ingénieure agréée dans l’État du Colorado. Outre son expérience universitaire, elle a été ingénieure consultante principale chez Barree & Associates de 2013 à 2016.

Vikram Rao : M. Rao est le directeur général du Research Triangle Energy Consortium. Il détient un baccalauréat en métallurgie de l’Indian Institute of Technology. Il a également obtenu une maîtrise en sciences et un doctorat en sciences des matériaux et génie de l’Université Stanford. Il est l’auteur de nombreux articles et de livres portant sur l’industrie pétrolière et gazière. Il est titulaire de plus de 30 brevets américains et de titres étrangers analogues.

Michael C Vincent : M. Vincent est ingénieur-conseil chez Insight Consulting FracWell LLC, au Colorado. Il détient un baccalauréat en sciences en génie chimique et raffinage du pétrole de la Colorado School of Mines. Il a rédigé plus d’une trentaine d’articles spécialisés et donné plus de 250 séminaires sur l’écoulement des fluides, la conception de la fracturation et l’optimisation pratique de la production.

Cameron M Matthews : M. Matthews détient un baccalauréat en sciences en génie civil de l’Université du Manitoba, ainsi qu’une maîtrise en sciences de l’Université de l’Alberta. Il est ingénieur agréé en Alberta et compte plus de 30 années d’expérience à titre d’ingénieur-conseil dans le secteur pétrolier et gazier. Il travaille chez C-FER Technologies depuis 35 ans. Tout au long de sa carrière chez C-FER, il a occupé plusieurs postes d’ingénieur et de gestionnaire dans le secteur des technologies pétrolières et gazières.

John Ryberg : M. Ryberg est titulaire d’un baccalauréat en sciences en génie mécanique de l’Université de l’Illinois, ainsi qu’un doctorat en jurisprudence de l’Université du Wisconsin. Il s’est spécialisé en droit de la propriété intellectuelle au cours des 30 dernières années. Il possède 25 années d’expérience à titre d’avocat-conseil en interne pour le compte de diverses sociétés de services pétroliers présentes aux États-Unis, en Europe et en Asie.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Dossiers :

T-1741-13, T-1569-15, T-1728-15 ET T-2088-15

 

DOSSIER :

T-1741-13

 

INTITULÉ :

PACKERS PLUS ENERGY SERVICES INC. c ESSENTIAL ENERGY SERVICES LTD. ET TRYTON TOOL SERVICES LIMITED PARTNERSHIP

 

ET DOSSIER :

T-1569-15

 

INTITULÉ :

RAPID COMPLETIONS LLC ET PACKERS PLUS ENERGY SERVICES INC. c BAKER HUGHES CANADA COMPANY

 

ET DOSSIER :

T-1728-15

 

INTITULÉ :

PACKERS PLUS ENERGY SERVICES INC. ET RAPID COMPLETIONS LLC c WEATHERFORD INTERNATIONAL PLC., WEATHERFORD CANADA LTD., WEATHERFORD CANADA PARTNERSHIP ET HARVEST OPERATIONS CORP.

 

ET DOSSIER :

T-2088-15

 

INTITULÉ :

PACKERS PLUS ENERGY SERVICES INC. ET RAPID COMPLETIONS LLC c RESOURCE WELL COMPLETION TECHNOLOGIES INC. ET RESOURCE COMPLETION SYSTEMS INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta) et Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Du 6 au 10, du 13 au 16, du 21 au 24, 27 et 28 février, ainsi que du 7 au 9 mars 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 6 décembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Robert MacFarlane

Joshua Spicer

Michael Burgess

Donald Cameron

 

Pour la demanderesse

(défenderesse reconventionnelle)

PACKERS PLUS ENERGY SERVICES INC.

 

Anthony Prenol

Antonio Turco

 

Pour les défenderesses

(demanderesses reconventionnelles)

ESSENTIAL ENERGY SERVICES LTD. ET TRYTON TOOL SERVICES LIMITED PARTNERSHIP

Anthony Creber

William Boyer

 

POUR LES DEMANDERESSES

RAPID COMPLETIONS LLC ET PACKERS PLUS ENERGY SERVICES INC.

 

Dalton McGrath, c.r.

Michael O’Brien

Sarah O’Grady

 

Pour la défenderesse

BAKER HUGHES CANADA COMPANY

 

Robert MacFarlane

Joshua Spicer

Michael Burgess

Donald Cameron

 

Pour les demanderesses

(défenderesses reconventionnelles)

PACKERS PLUS ENERGY SERVICES INC. ET RAPID COMPLETIONS LLC

 

David Madsen, c.r.

Evan Nuttall

 

Pour les défenderesses

(demanderesses reconventionnelles)

WEATHERFORD INTERNATIONAL PLC., WEATHERFORD CANADA LTD., WEATHERFORD CANADA PARTNERSHIP ET HARVEST OPERATIONS CORP

Robert MacFarlane

Joshua Spicer

Michael Burgess

Donald Cameron

 

Pour les demanderesses

(défenderesses reconventionnelles)

PACKERS PLUS ENERGY SERVICES INC. ET RAPID COMPLETIONS LLC

 

Andrew Bernstein

Yael Bienenstock

Leora Jackson

Neil Kathol

Laura MacFarlane

Pour les défenderesses

(demanderesses reconventionnelles)

RESOURCE WELL COMPLETION TECHNOLOGIES INC. ET RESOURCE COMPLETION SYSTEMS INC.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bereskin & Parr LLP/S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

(défenderesse reconventionnelle)

PACKERS PLUS ENERGY SERVICES INC.

 

Blake, Cassels & Graydon LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les défenderesses

(demanderesses reconventionnelles)

ESSENTIAL ENERGY SERVICES LTD. ET TRYTON TOOL SERVICES LIMITED PARTNERSHIP

 

Gowling WLG

Avocats

Ottawa (Ontario)

Pour les demanderesses

RAPID COMPLETIONS LLC ET PACKERS PLUS ENERGY SERVICES INC.

 

Blake, Cassels & Graydon LLP

Avocats

Calgary (Alberta)

 

Pour les défenderesses

BAKER HUGHES CANADA COMPANY

 

Bereskin & Parr LLP/S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les demanderesses

(défenderesses reconventionnelles)

PACKERS PLUS ENERGY SERVICES INC. ET RAPID COMPLETIONS LLC

 

Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Calgary (Alberta)

Pour les défenderesses

(demanderesses reconventionnelles)

WEATHERFORD INTERNATIONAL PLC., WEATHERFORD CANADA LTD., WEATHERFORD CANADA PARTNERSHIP ET HARVEST OPERATIONS CORP

 

Bereskin & Parr LLP/S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les demanderesses

(défenderesses reconventionnelles)

PACKERS PLUS ENERGY SERVICES INC. ET RAPID COMPLETIONS LLC

 

Torys LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

Field Law

Avocats

Calgary (Alberta)

Pour les défenderesses

(demanderesses reconventionnelles)

RESOURCE WELL COMPLETION TECHNOLOGIES INC. ET RESOURCE COMPLETION SYSTEMS INC.

 

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