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Date : 20171205


Dossier : IMM-2687-17

Référence : 2017 CF 1105

Ottawa (Ontario), le 5 décembre 2017

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

GUSTAVO DE JESUS GONZALEZ ZULUAGA

OFELIA ROSA GONZALEZ DIAZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’examiner la raisonnabilité du refus d’un agent d’immigration de délivrer aux demandeurs des super visas. Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judicaire est rejetée.

[2]               Les demandeurs – mari et femme – sont citoyens colombiens. Le 30 mars 2017, ils ont respectivement sollicité un visa de résident temporaire [VRT] dans la catégorie super visa (parents et grands-parents). Le super visa permet aux parents ou grands-parents d’un citoyen canadien ou d’un résident permanent d’obtenir un visa de visiteur à entrées multiples valide pour une durée de dix ans et permettant de rester au Canada pour deux ans lors de la première visite, sans avoir à renouveler leur statut. Il s’agit là de la principale différence avec un visa de visiteur « régulier » qui permet seulement des visites de six mois à la fois (voir « Déterminer son admissibilité – Visiter ses enfants ou petits-enfants » (30 octobre 2015), en ligne : Gouvernement du Canada <https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/visiter-canada/super-visa-parents-grands-parents/admissibilite.html> [Déterminer son admissibilité]).

[3]               Rappelons que dans le cadre d’une demande ordinaire de VRT, l’agent doit évaluer si le demandeur a véritablement l’intention de venir temporairement et repartira une fois sa visite terminée (voir alinéa 179b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [Règlement]). L’agent pourra considérer les liens du demandeur avec son pays d’origine; le but de sa visite; sa situation familiale et financière; la stabilité économique et politique globale du pays d’origine; les invitations faites par les hôtes canadiens; etc. Ces derniers facteurs sont d’ailleurs conformes à la jurisprudence de notre Cour (voir par ex Duong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 834 [Duong]).

[4]               En principe, un demandeur (parent ou grand-parent) est admissible à un super visa s’il répond aux exigences de résidence temporaire au Canada à titre de visiteur et s’il fournit les documents supplémentaires requis (voir « Résidents temporaires : Super visa » (21 septembre 2017), en ligne : Gouvernement du Canada <https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/organisation/publications-guides/bulletins-guides-operationnels/residents-temporaires/visiteurs/super-visa.html> [Résidents temporaires : Super visa]). Le demandeur de super visa doit remplir certaines exigences particulières, soit : prouver que l’enfant ou le petit-enfant au Canada atteint un seuil de revenu minimal; présenter un engagement écrit de soutien financier de la part de l’enfant ou du petit-enfant; prouver que la souscription à une assurance médicale auprès d’un assureur canadien valide pour au moins un an; et finalement se soumettre à un examen médical aux fins d’immigration (voir Déterminer son admissibilité; Résidents temporaires : Super visa).

[5]               Le 20 avril 2017, les deux demandes de super visa ont été refusées. Selon le formulaire standard, les facteurs considérés par l’agent sont les liens familiaux au Canada et en Colombie, ainsi que les biens mobiliers et la situation financière. Dans le cas de la demanderesse, l’agent a ajouté les voyages antérieurs. D’autre part, selon les notes au SMGC, l’agent ne croit pas que les demandeurs soient des visiteurs de bonne foi qui vont quitter le Canada à la fin de leur séjour autorisée.

[6]               L’agent appuie son refus sur les éléments suivants :

                    Les demandeurs ont une fille au Canada qui y est arrivé de manière irrégulière;

                    Les demandeurs ont formulé diverses demandes pour obtenir des autorisations d’entrée au Canada et aux États-Unis, sans compter la demande de parrainage au Canada les visant. Or, toutes ces demandes ont été refusées. L’agent note au passage que la demanderesse a un historique de fausses représentations. Elle déclare à présent l’existence de son dossier criminel aux États-Unis;

                    Les demandeurs n’ont présenté aucune information bancaire, ni de preuves de leur établissement financier en Colombie;

                    Leurs liens familiaux en Colombie sont faibles : tous leurs enfants résideraient au Canada et aux États-Unis. Ils n’ont fait aucune tentative pour se rencontrer dans un pays tiers où un visa ne serait pas requis;

                    La famille a un historique d’immigration irrégulière au Canada et on peut déduire des refus aux États-Unis que cela est aussi le cas; et

                    Au niveau de l’historique de voyages, le demandeur a fait seulement un voyage international dans la dernière décennie, et la demanderesse aucun.

[7]               Il n’est pas contesté que les indications au formulaire et les notes au SMGC permettent de comprendre le raisonnement de l’agent. Toutefois, les demandeurs reprochent à ce dernier de fonder son refus sur des considérations non pertinentes. Ainsi, il aurait plutôt dû considérer les critères d’admissibilité relatifs aux super visas contenus dans les instructions ministérielles disponibles sur le site d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, et comme le prescrit le paragraphe 15(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]). Or, les demandeurs ont fourni la documentation requise attestant qu’ils remplissent tous les critères d’admissibilité : une promesse de soutien financier de leur fille; une preuve de capacité financière de leur fille et son mari; une preuve de relation; une preuve de citoyenneté canadienne des membres de la famille; et une preuve d’assurance. Une preuve des liens familiaux et de leur situation financière en Colombie n’est pas exigée par les instructions ministérielles. Les références aux antécédents judiciaires de la demanderesse, à l’historique d’immigration et à l’arrivée irrégulière de la famille au Canada sont également des considérations non pertinentes et constituent l’imposition « double pénalité » à la demanderesse – puisque la période d’inadmissibilité est terminée. De plus, l’agent a commis des erreurs de fait. Notamment, il mentionne que tous les enfants sont au Canada et aux États-Unis, alors qu’en réalité, deux des six enfants des demandeurs demeurent en Colombie. Il omet également de mentionner les titres de propriétés inclus au dossier. La procureure des demandeurs soutient que ces documents pouvaient être déposés en espagnol auprès de l’ambassade, et auraient dû être considérés. Enfin, le refus est contraire à l’esprit du régime des super visas. Il est donc normal que les demandeurs entrant dans cette catégorie aient des enfants et des petits-enfants au Canada, ainsi que des attaches faibles avec leur pays d’origine en raison de leur âge. Le refus d’émettre des super visas ne constitue pas une issue acceptable.

[8]               De son côté, le défendeur soumet que, outre les instructions ministérielles publiées, les demandeurs devaient rencontrer les autres exigences en matière d’admissibilité de la LIPR et du Règlement. En particulier, l’agent devait être satisfait qu’ils quitteraient le Canada à la fin de la période autorisée (alinéa 20(1)b) et para 22(1) de la LIPR; alinéa 179b) du Règlement). Or, la preuve au dossier n’était pas suffisante pour convaincre l’agent de l’intention des demandeurs de retourner en Colombie à la fin de la période autorisée. Les motifs de refus sont intelligibles et transparents : tous les enfants des demandeurs sont au Canada et aux États-Unis; ils ont déjà présenté de nombreuses demandes qui ont été refusées; ils n’ont fourni aucune information financière démontrant leur établissement en Colombie; l’agent n’avait aucune obligation de considérer des documents en espagnol non traduits; enfin, les demandeurs ont un historique de voyage récent quasi-inexistant. Par ailleurs, bien qu’une preuve indépendante de capacité financière ne soit pas requise dans le cas d’un super visa, la situation financière des demandeurs pouvait être considérée pour les fins d’établir leurs liens en Colombie, et donc leur intention de quitter ou non le Canada à la fin de la période autorisée. Pour ce qui est des fausses déclarations et du dossier criminel, le défendeur soutient que l’agent était libre de considérer ces faits dans l’appréciation globale du profil des demandeurs. Enfin, pour ce qui est de l’erreur par rapport au nombre d’enfants, la procureure du défendeur s’en remet à la discrétion de la Cour.

[9]               Il n’y a pas lieu d’intervenir en l’espèce.

[10]           Le refus d’accorder à chacun des demandeurs un super visa repose sur la preuve au dossier et est justifié par des motifs intelligibles et transparents. Il s’agit d’une issue acceptable compte tenu du droit applicable et de la preuve au dossier. Le fardeau de convaincre l’agent qu’il quitteront le Canada à la fin de la période de séjour autorisé incombait aux demandeurs (voir alinéa 20(1)b) de la LIPR). Faut-il le rappeler, toute personne qui cherche à entrer au Canada est présumée être un immigrant (voir par ex Danioko c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 479 au para 15). L’agent pouvait raisonnablement s’appuyer sur les liens familiaux, ainsi que sur la situation financière des demandeurs, pour conclure que ces derniers ne quitteront pas le Canada à la fin de la période autorisée (voir par ex Duong aux paras 9-10).

[11]           L’agent a conclu que les demandeurs avaient des liens familiaux faibles en Colombie, compte tenu du fait que tous leurs enfants et leur famille sont au Canada ou aux États-Unis. Force est de reconnaître que l’agent a fait une erreur de fait sur ce point, puisque les demandeurs ont deux enfants (et également plusieurs frères et sœurs) en Colombie. Je ne crois toutefois pas que cette erreur de fait soit déterminante. L’agent mentionne également que les demandeurs n’ont pas fourni d’information bancaire et conclut que ceux-ci n’ont pas prouvé qu’ils avaient un quelconque établissement financier en Colombie. En l’espèce, l’agent était en droit de ne pas considérer les titres de propriété rédigés en espagnol. En effet, le guide pour présenter une demande de super visa indique clairement que les documents en langue étrangère doivent être traduits dans une des langues officielles au Canada (voir « Présenter une demande de visa de visiteur » (31 août 2017), en ligne : Gouvernement du Canada < https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/demande/formulaires-demande-guides/guide-5256-presenter-demande-visa-visiteur-visa-resident-temporaire.html>).

[12]           Dans le cas de la demanderesse, l’agent a également coché le facteur « voyages antérieurs ». Or, l’absence d’antécédents de voyage peut au plus constituer un facteur neutre et ne devrait pas en soi nuire à la demande (voir Dhanoa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 729 au para 12). L’agent a donc vraisemblablement erré en considérant ce facteur comme négatif. Je ne crois toutefois pas que cet élément ait joué un rôle déterminant dans son évaluation du dossier. Cela n’est donc pas suffisant pour rendre la décision déraisonnable.

[13]           Enfin et plus généralement, les notes au SMGC indiquent que l’agent entretenait diverses préoccupations quant au fait que les demandeurs étaient des visiteurs de bonne foi. Les demandeurs ont présenté plusieurs autres demandes de visas aux États-Unis et au Canada, incluant une demande de parrainage les visant. Toutes ces demandes ont été rejetées. L’agent note aussi une fausse déclaration de la demanderesse et un historique d’immigration irrégulière au Canada dans la famille. Il m’apparaît raisonnable d’inférer de ces faits non contestés que l’intention des demandeurs pourrait être de s’établir au Canada et non d’y venir pour une simple visite.

[14]           En terminant, même si un résultat différent semblait possible, il n’appartient pas à cette Cour de se substituer au décideur administratif. Il n’empêche, même si la décision de l’agent demeure discrétionnaire, la présence de deux enfants et plusieurs frères et sœurs et l’existence de biens matériels en Colombie jouent certainement en faveur des demandeurs. Rien ne les empêche cependant de soumettre une nouvelle demande de visa, en insistant cette fois sur ces facteurs positifs et en produisant des preuves recevables de l’existence de biens immobiliers et de liquidités en Colombie. Bien que la Cour comprenne la frustration des demandeurs de ne pas pouvoir eux-mêmes venir au Canada pour voir leurs enfants et petits-enfants, la présente demande de contrôle judiciaire doit échouer.

[15]           Les procureurs n’ont soulevé aucune question de droit d’importance générale.


JUGEMENT au dossier IMM-2687-17

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2687-17

 

INTITULÉ :

GUSTAVO DE JESUS GONZALEZ ZULUAGA, OFELIA ROSA GONZALEZ DIAZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 novembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 5 décembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Me Nancy Cristina Muñoz Ramirez

 

Pour les demandeurs

Me Suzon Létourneau

 

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Nancy Cristina Munoz Ramirez

Montréal (Québec)

 

Pour les demandeurs

Procureur générale du Canada

 

Pour le défendeur

 

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