Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20170426


Dossier : T-1796-15

Référence : 2017 CF 400

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 avril 2017

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

MARAWAN MOHAMED MAHROUS

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie du troisième contrôle judiciaire concernant trois membres d’une famille égyptienne (la mère, la fille et le fils). Le présent contrôle judiciaire de la décision d’une juge de la citoyenneté (la décision) concerne le fils, Marawan Mohamed Mahrous (par souci de commodité, appelé M. Mahrous aux présentes).

[2]  La présente décision devrait être interprétée conjointement avec les décisions rendues dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Ashmawy, 2017 CF 398 [Ashmawy] et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Mahrous, 2017 CF 399 [Mahrous], en ce qui concerne les questions et les principes juridiques fondamentaux applicables à ces décisions.

[3]  La décision visée par le présent litige n’a pas été rendue par la même juge qui avait rendu sa décision dans les causes Ashmawy et Mahrous qui ont fait l’objet d’un contrôle judiciaire et son format était différent.

II.  Résumé des faits

[4]  M. Mahrous a soutenu que la période pertinente le concernant était du 7 janvier 2006 au 15 mai 2009 – il a déclaré 1 214 jours de présence et dix jours d’absence durant cette période. Sa présence effective au Canada dépassait de 119 jours la durée de la période minimale exigée de 1 095 jours. La juge de la citoyenneté a prolongé la période pertinente du 15 mai 2005 au 15 mai 2009.

[5]  Il a été précisé que M. Mahrous a fréquemment voyagé avant de devenir un résident permanent, le 7 janvier 2006, mais qu’il a très peu voyagé par la suite. Selon sa prétention, il était un travailleur indépendant et il avait une femme et un enfant (non mentionnés dans les questionnaires sur la résidence). Son adresse déclarée, Hickling Crescent, était la même que celle de sa mère et de sa sœur. Son père a expliqué que ce lieu était également occupé par d’autres personnes non apparentées. Il n’a pas répondu à plusieurs questions du questionnaire sur la résidence, indiquant du fait même qu’il n’exploitait aucune entreprise au Canada ni à l’extérieur du pays.

[6]  À son audience relative à la citoyenneté, M. Mahrous a produit des documents, notamment les formulaires de voyage (dossiers du SIED) et des documents commerciaux, dont une facture relative à des ventes de conteneurs, des photos d’appareils réfrigérants vendus, une communication avec le fournisseur et une illustration d’une carrière qui, selon les indications données, constituait une partie d’une nouvelle entreprise.

[7]  La juge de la citoyenneté a abordé plusieurs questions soulevées par l’agent de la citoyenneté :

  • M. Mahrous a donné les grandes lignes de la nature de l’entreprise d’achat d’appareils réfrigérants d’occasion auprès de Thermo King et de leur vente à l’étranger. Il a quitté cette entreprise en 2009 et s’est lancé dans la fourniture de pierres à finition en Égypte. Cette preuve a été jugée crédible.

  • La juge de la citoyenneté a également reconnu que M. Mahrous faisait du commerce au Canada durant la période pertinente.

  • La question du mariage non déclaré a été réglée par l’acception de l’explication de M. Mahrous selon laquelle il n’avait pas estimé devoir déclarer un mariage religieux; ils ne vivaient pas ensemble et sa femme ne venait au Canada que de manière occasionnelle.

  • La juge de la citoyenneté a accepté le retard de neuf mois avant d’obtenir sa carte de l’Assurance-santé de l’Ontario qu’il attribuait au fait qu’il était en bonne santé et à son aversion à l’égard des médecins.

  • La question de l’hébergement a été réglée à la suite de la présentation d’éléments de preuve de la part du père du défendeur selon lesquels toute la famille vivait au sous-sol à l’adresse Hickling Crescent, alors que les étages supérieurs étaient occupés par les propriétaires.

  • La juge de la citoyenneté a accepté le récit de M. Mahrous selon lequel l’entreprise était exploitée comme [traduction] « en parallèle » avec un associé qui vendait des appareils en Égypte. L’entreprise a été constituée en personne morale par la suite.

[8]  La juge de la citoyenneté a conclu en dernier ressort que M. Mahrous satisfaisait aux critères établis dans Re Pourghasemi, 62 FTR 122, 39 ACWS (3d) 251, [1993] ACF no 232 (1re inst.) et qu’il a démontré qu’il résidait au Canada durant le nombre de jours requis.

[9]  Certaines notes de la juge de la citoyenneté pouvaient également être consultées, mais elles n’ajoutaient pratiquement rien aux éléments du raisonnement déjà indiqués dans la décision.

III.  Discussion

[10]  Malgré les distinctions entre cette décision et celles concernant la mère et la sœur du défendeur, les questions en litige et la norme de contrôle – la décision raisonnable – sont les mêmes. Les présents motifs portent principalement sur le caractère raisonnable de la décision.

[11]  Bien que les motifs de la présente décision soient plus complets que ceux relatifs à la mère et à la sœur, la juge de la citoyenneté n’a pas abordé les questions importantes ni expliqué son raisonnement, ce qui aurait permis à la Cour d’établir que cette décision est raisonnable.

[12]  La Cour accepte, au nom du principe de la retenue à l’égard de la personne qui tranche la question des faits, l’acceptation par la juge de la citoyenneté du retard dans l’obtention de la carte de l’Assurance-santé de l’Ontario. Néanmoins, certains autres éléments de préoccupation ne peuvent simplement pas être acceptés sous prétexte qu’on les « croit » véridiques.

[13]  La juge de la citoyenneté n’a pas abordé adéquatement l’importante question du mariage non déclaré du défendeur, ni n’a cherché à en apprendre davantage sur la façon dont M. Mahrous était parvenu à se marier durant la période de dix jours au cours de laquelle il se trouvait à l’extérieur du Canada. Il se peut qu’une explication puisse être présentée à cet égard, mais il semble qu’aucune n’ait été fournie. Il importe de souligner que la juge de la citoyenneté n’a jamais tenté d’en savoir davantage quant à la signification d’un tel mariage par rapport à la question de la résidence et de la possibilité que la période de dix jours d’absence soit la seule période d’absence du Canada.

[14]  Le fait de ne pas avoir cherché à en savoir plus au sujet de cette question importante est d’autant plus pertinent qu’il concerne le cas de l’enfant non déclaré : aucune explication n’a été fournie en ce qui a trait à l’enfant non déclaré et la juge de la citoyenneté n’a pas pris en compte l’incidence potentielle qu’une réelle explication aurait pu avoir sur l’analyse relative à la résidence.

[15]  La juge de la citoyenneté a également omis d’évaluer l’importance de l’adresse au Caire inscrite sur le passeport égyptien du défendeur, plus particulièrement à la lumière du fait que la femme du défendeur et l’enfant résidaient apparemment au Caire.

[16]  La juge de la citoyenneté a semblé considérer les éléments de preuve liés aux activités commerciales de M. Mahrous comme une preuve de sa résidence. Cependant, comme il est indiqué au dossier certifié du tribunal (aux pages 24 à 28), les divers documents liés à la vente d’appareils de réfrigération n’établissent rien en ce qui a trait à la résidence. Bien que, dans ces documents, l’Égypte y soit mentionnée comme une destination, les seules adresses au Canada sont celles d’organisations situées principalement à Montréal alors que M. Mahrous prétendait travailler dans la région de Toronto.

[17]  Même les documents de banque de M. Mahrous, lesquels indiquaient une adresse sur le chemin Lakeshore (ne correspondant ni à sa résidence et ni à son bureau), soulèvent plus de questions que de réponses.

[18]  Il n’est pas raisonnable de conclure à une présence ou à une résidence au Canada, ou les deux, à partir de ces documents commerciaux.

[19]  Dans la mesure où la juge de la citoyenneté s’est fiée à des éléments de preuve produits par le père du défendeur dans le cadre d’une procédure distincte, il s’agit là d’une erreur alors qu’elle aurait tout au moins dû les soumettre à M. Mahrous aux fins de vérification.

[20]  M. Mahrous a convenu, à juste titre, que la décision comportait des éléments problématiques, mais il a soutenu, avec éloquence et avec vigueur, qu’il y avait suffisamment de fondement pour maintenir la décision.

[21]  S’il s’agissait de problèmes mineurs, M. Mahrous aurait raison de défendre une telle position. Les lacunes dans la décision sont par contre importantes. Je ne crois pas que la décision est raisonnable, considérant l’ensemble des circonstances.

IV.  Conclusion

[22]  Pour ces motifs, le présent contrôle judiciaire sera accueilli et la décision sera annulée.

[23]  Pour les motifs donnés ci-dessus, la demande visant à compléter le dossier est rejetée. Aucuns dépens ne sont adjugés.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1796-15

LA COUR accueille la demande de contrôle judiciaire, et la décision du juge de la citoyenneté est annulée. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 12e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1796-15

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c MARAWAN MOHAMED MAHROUS

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 avril 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 26 avril 2017

 

COMPARUTIONS :

Charles Jubenville

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Raj Napal

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Raj Napal

Avocat

Brampton (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.