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Date : 20161205


Dossier : IMM-2630-16

Référence : 2016 CF 1337

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 5 décembre 2016

En présence de monsieur le juge Campbell

ENTRE :

VIKTOR GASPAR

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La présente demande concerne la demande d’asile du demandeur pour le motif qu’il est un citoyen hongrois d’origine ethnique rome. La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté sa demande. L’appel du demandeur auprès de la Section d’appel des réfugiés (SAR) a été rejeté par la décision datée du 8 juin 2016 qui fait présentement l’objet d’un contrôle judiciaire.

[2]               Pour en arriver à une décision relative à l’appel, la SAR a examiné l’évaluation par la SPR de l’expérience du demandeur pendant qu’il habitait en Hongrie et a formulé la conclusion suivante :

[traduction] La SPR a reconnu la discrimination répandue envers les Roms [sic] en Hongrie. Toutefois, elle a trouvé que la discrimination vécue par le demandeur ne pouvait être perçue comme de la persécution. La SPR a tenu compte du guide publié par le Haut Commissariat des Nations Unie pour les réfugiés traitant de la discrimination cumulative.

[…]

La SPR a conclu qu’étant donné les conditions globales dans le pays et les actions du gouvernement à l’égard de l’équité en matière d’emploi pour les Roms, le demandeur ne rencontrerait pas des difficultés qui équivaudraient à de la persécution. La SPR a conclu que l’effet cumulatif de la discrimination endurée par le demandeur ne pouvait être qualifié de persécution. Elle a trouvé que les droits fondamentaux de la personne du demandeur n’étaient pas menacés, mais plutôt que ce que le demandeur a vécu a eu une incidence sur la qualité de son [sic] existence dans son pays d’origine.

[Non souligné dans l’original]

(Décision, paragraphes 25 et 27)

[3]               Par conséquent, la SAR a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour établir l’existence d’un risque de persécution si le demandeur retournait en Hongrie (Décision, au paragraphe 35). Toutefois, à mon avis, la SAR a également tiré une conclusion qui, en plus de contester la décision de la SPR, constitue une erreur susceptible de révision.

[4]               Le passage suivant de la décision de la SAR établit qu’il y a des éléments de preuve convaincants dans le dossier présenté à la SPR qui n’ont pas été examinés par cette dernière :

[traduction] Le demandeur prétend que la SPR a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le tribunal était incapable de trouver des rapports d’attaques violentes commises contre des Roms en Hongrie au cours des deux dernières années, alors qu’en réalité, de tels rapports d’attaques contre les Roms avant 2014 et après existent. Le demandeur fait valoir que la SPR a commis une erreur lorsqu’elle a ignoré tous les éléments de preuve susmentionnés, et qu’elle n’a pas expliqué quelle preuve documentaire appuie sa conclusion.

La SAR juge que la décision de la SPR n’était pas fondée sur la question de la « protection de l’État ». Par conséquent, la SAR refuse de commenter les arguments relativement à cette question. Cela étant dit, la SAR est d’accord avec le demandeur que la SPR a commis une erreur en mentionnant que le tribunal était incapable de trouver des rapports d’attaques violentes commises contre des Roms en Hongrie au cours des deux dernières années. La preuve documentaire prouve le contraire. Toutefois, cette erreur par la SPR n’a aucune incidence, de quelque façon que ce soit, sur le résultat de la décision puisque la détermination de la SPR était fondée sur la crédibilité et la discrimination plutôt que sur la persécution.

[Non souligné dans l’original]

(Décision, paragraphes 37 et 38)

[5]               À l’égard de l’importance de la découverte de la preuve, je conclus que la conclusion tirée par la SAR constitue une erreur susceptible de révision.

[6]               La SPR a été chargée d’effectuer une évaluation prospective du risque afin de déterminer si, à son retour en Hongrie, le demandeur serait confronté à plus qu’une faible possibilité de persécution conformément à l’article 96 de la LIPR ou à une probabilité de risque conformément à l’article 97. Dans le cadre d’une évaluation, la SPR a examiné l’expérience antérieure du demandeur en Hongrie et, à juste titre, a également examiné les éléments de preuve liés aux conditions actuelles en Hongrie. Toutefois, dans le cadre de l’exécution de sa propre évaluation des éléments de preuve, la SAR a découvert qu’en raison d’une erreur, la SPR n’a pas tenu compte des éléments de preuve essentiels sur le pays qui sont au dossier. Donc, à mon avis, la SPR a effectivement rendu sa décision sur une erreur de fait.

[7]               Pour les questions de fait ou mixtes de fait et de droit, la SAR est tenue d’examiner une décision de la SPR selon la norme de la décision correcte (voir : Huruglica c. Canada, 2016 CAF 93, au paragraphe 103). Par conséquent, lors de la découverte que la SPR avait rendu sa décision avec l’erreur non corrigée, la SAR avait la responsabilité de composer avec cette erreur. Compte tenu de la gravité de l’erreur, je conclus que, conformément aux alinéas 111(1)b) et c) de la LIPR, la SAR était tenue d’annuler la décision de la SPR ou de faire sa propre détermination, de façon indépendante, une fois qu’elle a examiné adéquatement tous les éléments de preuve à l’égard des risques dans le dossier de la SPR. Étant donné que la SAR n’a fait ni l’un ni l’autre, mais a plutôt agi de façon à ignorer complètement l’erreur, je conclus que la décision rendue par la SAR comprend une erreur de droit.

[8]               Par conséquent, je conclus que la décision faisant l’objet du contrôle n’est pas raisonnable.

 


JUGEMENT

LA COUR infirme la décision à l’examen, et l’affaire est renvoyée pour réexamen à un autre commissaire de la SAR.

Aucune question n’est certifiée.

« Douglas R. Campbell »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-2630-16

 

INTITULÉ :

VIKTOR GASPAR c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er décembre 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :

Le 5 décembre 2016

COMPARUTIONS :

Jack Davis

Pour le demandeur

Ladan Shahrooz

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

DAVIS & GRICE

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

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