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Date : 20161020


Dossier : IMM-740-16

Référence : 2016 CF 1169

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 octobre 2016

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

BENITA TALOSIG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               La demanderesse, Mme Talosig, est une citoyenne des Philippines, qui travaille au Canada comme aide familiale résidente depuis 2010. Elle est mariée et a deux enfants. Son conjoint, Edgar, et ses enfants habitent aux Philippines.

[2]               En octobre 2013, Mme Talosig a soumis une demande de résidence permanente en son nom personnel et au nom de sa famille. En juin 2014, le défendeur l’a avisée par lettre que des documents supplémentaires étaient nécessaires. Parmi ces documents, Mme Talosig devait fournir un certificat de la police du National Bureau of Investigation (NBI) des Philippines pour son conjoint Edgar. La lettre envoyée en juin 2014 décrivait la forme et le contenu du certificat demandé et indiquait qu’advenant que le certificat du NBI contienne l’annotation « No Criminal Record » (pas de dossier criminel), Mme Talosig devrait fournir : 1) une explication écrite du NBI; 2) une explication écrite de son conjoint des circonstances entourant les cas indiqués dans les explications écrites du NBI; et 3) les documents de cour connexes.

[3]               La demanderesse a soumis les documents demandés, dont le certificat du NBI. Le certificat du NBI contenait l’annotation « No Criminal Record ». Mme Talosig n’a pas fourni d’explications écrites concernant l’annotation « No Criminal Record ». Par conséquent, le défendeur a envoyé deux autres lettres en mars 2015. Ces lettres contenaient différentes demandes visant à obtenir d’autres renseignements. Mme Talosig a répondu en fournissant un nouveau certificat du NBI, mais n’a pas fourni d’explication concernant l’annotation sur le certificat.

[4]               Reconnaissant la possibilité que les deux lettres différentes envoyées en mars 2015 aient pu créer une certaine confusion chez Mme Talosig, le défendeur lui a écrit de nouveau en septembre 2015 pour lui demander de fournir des explications précises sur l’annotation « No Criminal Record »figurant sur le certificat du NBI de son conjoint. Cette lettre l’avisait également que le fait de ne pas fournir la documentation demandée ou la raison pour laquelle elle ne pouvait pas fournir ces documents pourrait entraîner le refus de sa demande. En septembre 2015, Mme Talosig a fait parvenir une lettre indiquant les éléments suivants : 1) elle ignorait quelle explication fournir puisque le certificat du NBI indique qu’il n’y a pas de dossier criminel; et 2) puisque cette question retardait le traitement de sa demande, « d’aller de l’avant et de traiter sa demande et celle de ses enfants (Erwin Talosig et Eljean Talosig) séparément de celle de son conjoint (Edgar Talosig) », car elle désirait que ses enfants arrivent le plus tôt possible.

[5]               Le 3 février 2016, le défendeur a avisé Mme Talosig qu’elle ne répondait pas aux exigences d’immigration au Canada puisqu’elle n’avait pas fourni la documentation demandée relativement au certificat du NBI de son conjoint. Mme Talosig demande à notre Cour d’annuler la décision et de renvoyer l’affaire à un autre agent pour un nouvel examen. Mme Talosig soutient que le processus était inéquitable sur le plan procédural. Je suis d’accord.

[6]               Mme Talosig soutient qu’il y a eu un certain nombre de manquements à l’équité procédurale. Toutefois, la seule question que je dois traiter consiste à déterminer si le fait que le défendeur n’a pas répondu à la demande de Mme Talosig d’obtenir des clarifications et de faire traiter la demande d’Edgar séparément avant de rendre une décision était équitable sur le plan procédural.

II.                Norme de contrôle

[7]               Le défendeur soutient que les questions mises en cause en l’espèce sont liées exclusivement au caractère raisonnable de la décision et fait valoir que la décision était raisonnable dans ces circonstances. Je ne suis pas de cet avis. La question mise en cause en l’espèce est la manière dont le défendeur a pris sa décision, une question d’équité procédurale à l’égard de laquelle notre Cour n’est pas tenue de faire preuve de déférence (Sinnathamby c. (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1421, au paragraphe 20, citant Canada (Procureur général) c. Sketchley, 2005 CAF 404, aux paragraphes 51 à 55. Voir également : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12).

III.             Analyse

A.                Le défendeur a-t-il agi de manière équitable sur le plan procédural lorsqu’il a rendu sa décision sans répondre aux demandes de Mme Talosig d’obtenir des clarifications et de faire traiter la demande de son conjoint séparément ?

[8]               Le défendeur fait valoir que Mme Talosig a été informée à maintes reprises que des documents supplémentaires étaient requis en raison de l’annotation « No Criminal Record » figurant sur le certificat du NBI de son conjoint. Le défendeur souligne également que Mme Talosig a été avisée des conséquences de ne pas fournir les documents ou la raison pour laquelle elle ne pouvait pas fournir ces documents. Le défendeur reconnaît que Mme Talosig a fourni la raison pour laquelle elle ne pouvait pas fournir ces documents dans sa lettre datée du 30 septembre 2015, mais il souligne que l’explication se limitait à exprimer son opinion et ne répondait pas à la demande de produire les documents requis ou de fournir une explication. Je ne saurais être d’accord.

[9]               Le contenu de l’obligation d’équité procédurale repose sur les circonstances (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 79, citant Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 CSC 653, à la page 682, Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 CSC 817, au paragraphe 21 et Moreau-Bérubé c. Nouveau-Brunswick (Conseil de la magistrature), 2002 CSC 11, aux paragraphes 74 et 75). Dans la présente instance, il est nécessaire de tenir compte des circonstances.

[10]           La demanderesse sollicitait le statut de résidente permanente à titre de membre de la catégorie des aides familiaux résidants. Elle est arrivée au Canada en 2010 et a terminé la période de travail requise pour demander le statut de résident permanent. L’objectif du Programme concernant les aides familiaux résidants est de faciliter l’obtention du statut de résident permanent pour les aides familiaux étrangers, des travailleurs qui ont souvent assuré des services utiles à la société canadienne (Bernardez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 101 FTR 203). Lorsque la décision négative a été rendue, la demande de Mme Talosig était en traitement depuis plus de deux ans. Pendant toute la durée de traitement, Mme Talosig a répondu rapidement, même si ses réponses étaient incomplètes, aux demandes visant à obtenir des documents supplémentaires et des renseignements visant à étayer sa demande. Je conviens que le défendeur a clairement établi, dans une correspondance antérieure et dans une lettre datée de septembre 2015, ses exigences à l’égard de documents expliquant l’annotation indiquée sur le certificat du NBI ou la nécessité que Mme Talosig explique pourquoi elle ne pouvait fournir ces documents.

[11]           Il ne s’agit pas d’une situation où Mme Talosig a ignoré la demande; elle a répondu rapidement, en abordant directement la demande visant à obtenir des documents supplémentaires ou une explication, affirmant qu’elle « ne savait pas quelle explication fournir ». Bien qu’elle ait exprimé son opinion, cette opinion ne diminue en rien le fait qu’elle a clairement avisé le défendeur qu’elle ne savait pas quelle explication fournir, outre l’absence de dossier criminel. Elle a également demandé que la demande de son conjoint soit traitée séparément.

[12]           Dans les circonstances de l’espèce, je suis d’avis que le défendeur devait fournir une réponse à Mme Talosig concernant les questions soulevées dans sa lettre datée du 30 septembre 2015 avant de rendre sa décision finale relativement à sa demande. Le fait qu’il ait omis de le faire mine l’équité de la procédure et constitue une erreur susceptible de contrôle.

IV.             Conclusion

[13]           Pour les motifs établis ci-dessous, la demande est accueillie.

[14]           Les parties n’ont pas relevé de question de portée générale et aucune question n’a été soulevée.


JUGEMENT

LA COUR accueille la demande et l’affaire est renvoyée pour réexamen à un autre agent. Aucune question n’est certifiée.

« Patrick Gleeson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-740-16

 

INTITULÉ :

BENITA TALOSIG c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 octobre 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 20 octobre 2016

 

COMPARUTIONS :

Mario D. Bellissimo

 

Pour la demanderesse

 

John Locar

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bellissimo Law Group

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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