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Date : 20161021


Dossier : IMM-1220-16

Référence : 2016 CF 1183

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 21 octobre 2016

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE :

TEGA ODUGBA

ELOHOR ODUGBA

OREZI ODUGBA (mineure)

OREVA ODUGBA (mineure)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS :

(Jugements rendus oralement à l’audience le 17 octobre 2016)

[1]               Les demandeurs sont des citoyens du Nigéria, Tega Odugba, Elohor Odugba, Orezi Odugba (mineure), Oreva Odugba (mineure) et Jayden Odugba (né au Canada). Les demandeurs contestent le refus d’une agente de reporter leur renvoi du Canada vers le Nigéria, prévu pour le 24 mars 2016.

[2]               Par une suspension datée du 23 mars 2016, le juge Campbell a prononcé un sursis jusqu’à ce que la demande soit tranchée.

[3]               Les demandeurs ont présenté une demande d’asile au Canada et, après une audience devant la Section de la protection des réfugiés, ont vu leur demande refusée le 10 avril 2015. Leur appel devant la Section d’appel des réfugiés a été refusé et leur demande de contrôle judiciaire a été refusée par la Cour fédérale.

[4]               Les demandeurs ont demandé un report, car leur fils né au Canada, Jayden, âgé de 7 mois, souffre d’une affection virale accompagnée d’une éruption cutanée et de fièvre, appelé roséole. De plus, comme l’enfant appelée Orezi serait en plein milieu de l’année scolaire, un report lui permettrait de terminer l’école, ce que les demandeurs jugeaient raisonnable dans leur demande. Les demandeurs soutiennent que les enfants étaient en danger; même si l’agente a affirmé qu’elle était sensible aux besoins des enfants, mais ce n’était pas le cas.

[5]               Peu de temps après, les demandeurs ont reçu une convocation pour renvoi. Ils ont déposé une demande pour des motifs d’ordre humanitaire.

I.                   Question en litige

[6]               La seule question à trancher est de savoir si la décision de l’agente était raisonnable.

[7]               Au contrôle judiciaire, je dois déterminer si la décision de l’agente en ce qui concerne les conclusions mixtes de fait et de droit est raisonnable (comme le confirmait l’affaire Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir]). Il s’agit de la norme de contrôle que j’ai appliqué.

[8]               Les limites du pouvoir discrétionnaire d’un agent d’exécution de différer l’exécution d’un renvoi sont circonscrites par la Cour dans l’arrêt Wang, précité, où le juge J.D. Denis Pelletier a conclu qu’il convient « de réserver l’exercice de ce pouvoir aux affaires où il y a des demandes ou procédures pendantes et où le défaut de différer ferait que la vie du demandeur serait menacée ou qu’il serait exposé à des sanctions excessives ou à un traitement inhumain « (Wang, précité, au paragraphe 48)..

[9]               En vertu du paragraphe 48(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, l’agent est tenu d’exécuter les ordonnances de renvoi « dès que possible ». Le pouvoir discrétionnaire que l’agent chargé du renvoi peut exercer est restreint (Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81).

[10]           Après avoir appliqué ces principes en l’espèce, de concert avec l’analyse rigoureuse de tous les facteurs pertinents effectuée par l’agente, je conclus que sa décision était raisonnable. Mon rôle n’est pas de réévaluer les éléments de preuve afin d’en arriver à une conclusion différente. Il incombe aux demandeurs de présenter les éléments de preuve. Je conclus que cette décision repose essentiellement sur le fait que les éléments de preuve présentés à l’agente étaient insuffisants.

[11]           Les demandeurs soutiennent que la décision n’était pas raisonnable puisque l’agente a déraisonnablement traité la preuve médicale concernant Jayden.

[12]           Les demandeurs affirment que l’agente a déraisonnablement traité la lettre du Dr Saito datée du 15 mars 2016 et la lettre du Dr Lui datée du 15 janvier 2016. Les demandeurs ont indiqué que [TRADUCTION] « l’agente n’a pas examiné la question commutativement ou dans l’ensemble, mais s’est lancée dans une série de technicalités pour affirmer que le demandeur né au Canada était en bonne santé et capable de voyager ». En outre, demandeurs ont fait valoir que l’agente a été déraisonnable dans sa conclusion que les éléments de preuve concernant le système de santé du Nigéria étaient insuffisants.

[13]           À la lumière des lettres des médecins, je n’accepte pas cet argument. La lettre du Dr Lui, qui contient trois phrases, indique qu’il effectue le suivi médical régulier de Jayden et [TRADUCTION] « assure l’évaluation et la prise en charge de ses problèmes de santé aigus ». La lettre ne fournit aucun autre élément de preuve qui permettrait de conclure que l’enfant ne peut raisonnablement voyager par avion.

[14]           En outre, la lettre du Dr Saito, d’un autre centre médical, après avoir énoncé ses qualifications, affirme ceci : « Jayden Odugba a été examiné le 15 mars 2016. Il a récemment été atteint d’affection virale (roséole). Il a fait de la fièvre au cours des derniers jours et a présenté une éruption cutanée caractéristique de la roséole. Les déplacements par avion lui sont déconseillés pour les trois prochaines semaines. Il doit se reposer à la maison. » L’agente a raisonnablement conclu que bien que cela ait été déconseillé, le médecin n’a pas indiqué que l’enfant ne pouvait pas voyager et qu’aucun suivi ne semblait nécessaire pour l’affection virale.

[15]           Il semble que le médecin a demandé des tests, mais la lettre n’en fait pas mention, pas plus que les deux rapports médicaux au dossier ne font mention de traitements médicaux de suivi. Cumulativement, je ne crois pas que cela rend la décision déraisonnable.

[16]           Je ne crois pas que l’agente a été déraisonnable dans son évaluation du système de santé du Nigéria. Encore une fois, il incombe aux demandeurs de présenter les éléments de preuve. À la lumière des renseignements dont disposait l’agente, il était raisonnable de conclure que l’enfant [traduction« se verrait refuser des soins médicaux ou que les traitements requis ne seraient pas offerts à l’enfant au Nigéria ». Comme les demandeurs n’ont fourni aucun autre élément de preuve concernant l’état de santé de l’enfant ou que ces éléments de preuve n’étaient pas disponibles, particulièrement sur le traitement au Nigéria, nous ne pouvons demander à l’agente de formuler des hypothèses.

[17]           L’agente a examiné en détail les conséquences de perturber les études d’Orezi. Elle note qu’il n’y a aucun élément de preuve donnant à croire qu’Orezi ne pourrait poursuivre ses études au Nigéria. En outre, l’agent accorde une grande importance à l’amour et au soutien accordés par ses parents pour l’aider au cours de cette transition difficile à son retour au Nigéria.

[18]           À l’oral et dans le matériel écrit déposé, les demandeurs ont soutenu qu’il était déraisonnable pour l’agente de ne pas reporter le renvoi puisque Jayden ne détient pas de visa et que les demandeurs ne peuvent en obtenir un. Je dois tenir compte uniquement des éléments de preuve présentés à l’agente et non à ce qui a été présenté au juge responsable du sursis.

[19]           Dans le dossier certifié du tribunal, à la page 23, la note rédigée par l’agente en date du 23 janvier 2016 indique ce qui suit : [traduction]

- Renvoi prêt

- M’ont avisé qu’ils avaient un fils de 7 mois citoyen canadien

- Renvoi prévu pour le 24 mars 2016 pour les 4, avis de convocation pour le 2 février pour démontrer qu’une demande de passeport a été envoyée pour le fils citoyen canadien. Avisés qu’ils doivent obtenir un visa approprié du Haut-commissariat du Nigéria

- Ils m’indiqueront s’ils désirent que l’ASFC achète un billet d’avion pour leur fils citoyen canadien.

[20]           Puis, le 31 janvier 2016, les notes au dossier indiquent ceci : [traduction]

Parlé au client au téléphone ce matin. Il confirme que la demande de passeport pour son fils citoyen canadien sera soumise comme demandé et qu’il le recevra d’ici 10 jours. Il a demandé à l’ASFC d’acheter un billet d’avion puisqu’il n’a pas les moyens.

[21]           En outre, il y a une note indiquant que le père a téléphoné le 18 février : [traduction] « Demande de passeport soumise pour le fils citoyen canadien – nous avisera à la réception. ».

[22]           Encore une fois, le 16 mars, le père fait une déclaration solennelle au paragraphe 8 : [traduction]

De plus, Jayden ne détient pas de visa actuellement pour se rendre au Nigéria. Ce retard est dû au fait que je n’ai reçu le passeport canadien de Jayden que récemment (à la fin de la semaine dernière). J’ai communiqué avec le Haut-commissariat du Nigéria à Ottawa et j’ai demandé un visa pour Jayden. Les représentants du Nigéria m’ont avisé qu’ils devaient valider mes propres documents du Nigéria avant de pouvoir émettre un visa pour Jayden et ils n’ont pas encore terminé le processus.

[23]           Je ne suis pas d’accord avec les arguments du demandeur que leur renvoi constituait une erreur puisque M. Tega Odugba a indiqué à l’agent chargé du renvoi que le visa serait émis avant le départ de la famille pour le Nigéria. À la lumière des dates que je viens de lire et des renseignements dont disposait l’agent responsable du renvoi, je ne trouve pas déraisonnable qu’il ait refusé de reporter le renvoi alors que les éléments de preuve indiquent que Jayden aurait un visa pour voyager avec la famille.

[24]           Le Haut-commissariat du Nigéria a effectivement exigé que des documents soient fournis, mais compte tenu de la preuve présentée, il était quand même raisonnable pour l’agent de poursuivre le processus. Encore une fois, il s’agissait de matériel figurant dans le dossier certifié du tribunal, dans les éléments de preuve, et non ce dont il a été question après le dossier certifié du tribunal.

[25]           Le caractère raisonnable d’une décision tient à sa justification, à sa transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, précité, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12).

[26]           Après avoir examiné la décision dans son ensemble, je conclus que cette décision n’est pas susceptible de révision et la demande est rejetée.

[27]           Les parties n’ont proposé aucune question pour certification, et aucune ne sera certifiée.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La présente demande est rejetée.

2.      Aucune question n’est certifiée.

« Glennys L. McVeigh »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1220-16

INTITULÉ :

TEGA ODUGBA, OREZI ODUGBA (mineure), OREVA ODUGBA (mineure) c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 octobre 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCVEIGH

DATE DES MOTIFS :

Le 21 octobre 2016

COMPARUTIONS :

KINGSLEY JESUOROBO

Pour les demandeurs

CHRISTOPHER EZRIN

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

KINGSLEY JESUOROBO, avocat

North York (Ontario)

Pour les demandeurs

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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