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Date : 20160708


Dossier : IMM-17-16

Référence : 2016 CF 782

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2016

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

BARRIOS GARCIA, TABATA YAJAIRA

ALVAREZ HERNANDEZ, LUIS FELIPE

BARRIOS GARCIA, YARUTHZA

MATEUS TREJOS, FABIO ANDRESS

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La demanderesse principale (DP), Tabata Yajaira Barrios Garcia, sa sœur, Yaruthza Barrios Garcia, et leurs conjoints respectifs (collectivement, les demandeurs) ont présenté une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 (la LIPR).

[2]               Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Il y a été conclu que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

I.                   Faits

[3]               Les demandeurs sont tous des citoyens de la Colombie. Les deux sœurs sont membres du Parti libéral colombien, parti actuellement au pouvoir dans ce pays. Elles prétendent craindre d’être persécutées par l’Armée de libération nationale (l’ALN). Cette organisation est toujours active en Colombie, même s’il est reconnu dans les documents qu’elle n’est pas aussi puissante que les Forces armées révolutionnaires de Colombie (les FARC). La question de la protection de l’État constitue le fond de la décision faisant l’objet du présent contrôle.

[4]               Il semble que les demandeurs aient été au courant des actes possiblement commis par l’ALN depuis la fin des années 80. La DP affirme que sa mère aurait été menacée de mort en 1987 pour avoir refusé de fabriquer des uniformes pour le groupe. Il semble également qu’un membre de l’ALN aurait été tué après avoir été dénoncé à la police par la mère des demanderesses. Il semble aussi qu’on ait attenté à la vie de cette dernière en 2006.

[5]               Les événements sur lesquels la présente affaire devant la Cour est basée ont commencé le 4 juin 2015. Ce jour-là, la DP aurait été enlevée par des membres de l’ALN, qui apparemment voulaient la convaincre, ainsi que sa sœur, de se joindre au groupe et de rallier d’autres jeunes professionnelles à leur cause.

[6]               La DP les a dénoncés aux procureurs le jour même, après avoir été rapidement libérée. Les parties conviennent qu’il est clair que la police a donné à la DP des conseils de sécurité et offert de poster quelqu’un à son domicile. Cette offre a été refusée, les demandeurs ayant plutôt choisi la surveillance téléphonique. Curieusement, le même jour, la DP a donné suite à sa dénonciation en écrivant à des organismes internationaux comme le Haut-commissariat des Nations Unies et la Croix-Rouge internationale.

[7]               Les demandeurs déclarent qu’ils ont reçu des menaces par téléphone en juillet et en août 2015.

[8]               Lors de l’entrevue avec les agents de la police judiciaire, le 14 septembre 2015 à 8 h 30, la DP n’était pas en mesure de fournir des détails au sujet des appels téléphoniques [traduction] « parce que je n’ai pas enregistré les appels ». De plus, selon la traduction du rapport, on a demandé à la demanderesse principale : [traduction] « [p]ourquoi aucun de vous n’a-t-il demandé l’asile ? » La réponse était que [traduction] « c’est très compliqué pour des raisons d’argent, nous y pensions, mais n’avons jamais essayé ». Compte tenu du fait que la DP demande clairement l’asile, on lui a demandé le lieu de leur domicile actuel. Il est dit dans le rapport :

[traduction]

Q.     Dans votre cas particulier, vous vivez sur une ferme et vous n’avez pas donné d’adresse ; veuillez expliquer comment nous pourrions vous accorder ladite protection.

R.     J’enverrai l’adresse de la ferme par écrit à ce bureau.

[9]               Le rapport explique que [traduction] « les coordonnées de NC Fiscalia ont été fournies à la demanderesse afin qu’elle puisse leur transmettre par écrit l’adresse de la ferme, car elle ne se la rappelle pas en ce moment ».

[10]           Lors de cette même entrevue, la DP a répondu à la question concernant ses projets d’avenir. Sa réponse était [traduction] « nous ne voulons pas quitter la Colombie, mais, en dernier recours, nous avons l’intention de demander l’asile quelque part, là où c’est le plus facile ». Cette déclaration est plutôt surprenante. Bien qu’elle ait dit qu’elle enverrait à la police, par écrit, l’adresse de la ferme où les demandeurs vivaient et que ces derniers n’avaient aucunement l’intention de quitter la Colombie, les demandeurs ont quitté le pays pour le Canada le lendemain (en passant par les États-Unis). De plus, ils avaient rendez-vous au bureau du procureur général de Colombie le 16 septembre 2015. Par conséquent, non seulement les demandeurs ont refusé la surveillance qui leur avait été offerte plus tôt au cours de l’été de 2015, mais il semble aussi que la DP n’a pas été complètement franche lors de l’entrevue avec la police, la veille de son départ de Colombie. En fait, elle a quitté la Colombie la veille de son rendez-vous au bureau du procureur général de Colombie.

II.                Décision faisant l’objet du contrôle

[11]           Comme je l’ai déjà mentionné, le motif de la décision de la SPR est fondamentalement que les demandeurs n’ont pas réfuté la présomption de la protection de l’État en Colombie. La présomption selon laquelle un État protège ses citoyens peut certainement être réfutée, mais elle doit être réfutée, selon la prépondérance des probabilités, par une preuve claire et convaincante.

[12]           La SPR a indiqué, à juste titre, qu’[traduction] « [i]l ne suffit pas de faire valoir une croyance subjective en l’absence de protection de l’État. La protection de l’État n’a pas à être parfaite. Les facteurs à prendre en compte dans l’évaluation de la protection de l’État offerte à un individu sont, entre autres, le profil du présumé agent de persécution, les efforts déployés par le demandeur pour obtenir la protection des autorités et la réaction des autorités, ainsi que la preuve documentaire disponible » (décision de la SPR, au paragraphe 8).

[13]           En l’espèce, les demandeurs ont omis de s’acquitter de leur obligation. Comme l’a fait remarquer la SPR, l’affirmation concernant la protection de l’État repose sur deux arguments. Premièrement, les demandeurs n’ont obtenu aucune protection de l’État au cours des trois mois suivant l’enlèvement prétendument survenu en juin 2015. Deuxièmement, l’ALN serait si puissante qu’elle pourrait rattraper les demandeurs n’importe où en Colombie, à cause de la soi-disant grande valeur qu’auraient les demanderesses à ses yeux en raison de leur profil. La Commission a conclu que les demandeurs peuvent bien croire que l’ALN a la capacité de les retrouver n’importe où en Colombie, mais la preuve déposée au dossier n’établit pas un fondement raisonnable pour une telle croyance.

[14]           La SPR était particulièrement préoccupée par le manque de détails descriptifs au sujet des présumés ravisseurs de la DP et de la compagnie de taxi qu’elle aurait utilisée pour se déplacer. Dans le même ordre d’idées, le rapport de police du 15 septembre 2015, susmentionné, ne contient aucun détail sur les présumés appels de menace reçus après l’enlèvement. Comme l’a noté la SPR, [traduction] « [l]es demandeurs n’ont même pas fourni le minimum de renseignements nécessaires » (décision de la SPR, au paragraphe 14).

[15]           La SPR semble avoir été impressionnée par la réaction que les demandeurs ont obtenue de la part de plusieurs organismes publics en Colombie. En fait, les demandeurs ont même refusé la surveillance étroite qui leur avait été offerte.

[16]           La SPR a également noté que la puissance de l’ALN a diminué en Colombie, et qu’elle est une organisation considérablement plus faible que par le passé. S’il est vrai que l’ALN serait intéressée par des femmes bien connues, les demanderesses n’ont pas ce genre de notoriété. Les meilleurs éléments de preuve à cet égard étaient deux lettres du Parti libéral, que la Commission a qualifiées de formules types [traduction] « passe-partout », qui fournissent très peu de renseignements au sujet des activités des demandeurs.

[17]           La SPR a effectivement examiné la question lors de l’audition de la présente affaire et a conclu que [traduction] « [l]e manque de détails dans le témoignage et les lettres d’affiliation amène le tribunal à conclure que le rôle des demanderesses au sein du parti était vraisemblablement mineur. La preuve n’étaye pas l’allégation des demanderesses, selon laquelle les personnes connues sont plus à risque que les autres » (décision de la SPR, au paragraphe 18).

[18]           La SPR poursuit en déclarant :

[traduction]

19.       La preuve documentaire mentionnée dans les observations de l’avocat fait effectivement état de plusieurs types de personnes connues en Colombie qui sont exposées à un plus grand risque que le reste de la population ; exemples pertinents en l’espèce : les représentants du gouvernement, les défenseurs des droits de la personne et [traduction] « les femmes dotées d’un certain profil ou se trouvant dans des circonstances particulières ». L’appartenance des demanderesses au Parti libéral et le faible niveau des activités liées à cette appartenance ne portent pas leur notoriété au niveau énoncé dans les documents. Le tribunal reconnaît que le critère applicable pour déterminer si les demandeurs sont exposés à un risque est un critère prospectif. L’avocat soutient que les futures activités des demanderesses pourraient accroître leur notoriété, et, par conséquent, augmenter le niveau de risque qu’ils courent. Le tribunal estime que cette observation est hypothétique dans le cadre de l’examen de la demande d’asile dont il est saisi aujourd’hui.

III.             Position des parties

[19]           Les demandeurs ne croient pas qu’il existe une protection de l’État en Colombie, en raison, selon eux, d’un grand nombre d’éléments de preuve. Ils soutiennent que les éléments de preuve qu’ils prétendent avoir présentés auraient dû être examinés attentivement et appréciés. Le fait de recevoir une réponse de la part d’un organisme d’État ne confirme pas la capacité de l’État d’offrir une protection adéquate et efficace. En fait, les demandeurs ont tenté d’obtenir de l’aide, mais, en fin de compte, ils n’en ont reçu aucune.

[20]           Ils semblent prétendre qu’il ne leur incombe pas de fournir aux autorités les renseignements qui permettraient à celles-ci d’enquêter sur l’affaire, mais soutiennent plutôt qu’il appartient aux autres pas de poser les bonnes questions.

[21]           Le défendeur est d’avis que la présomption concernant la disponibilité de la protection de l’État est bien établie et que les demandeurs ne se sont pas déchargés de leur fardeau. Plus important encore, des éléments de preuve, en l’espèce, montrent que des organismes d’État ont immédiatement tenté d’offrir une protection, que les demandeurs ont refusée, avant de quitter le pays sans donner suite aux entrevues ni fournir les renseignements de base qui auraient été utiles aux autorités.

[22]           Le défendeur est d’avis que les conclusions de la SPR étaient raisonnables en l’espèce, étant entendu que l’évaluation doit être faite au cas par cas.

IV.             Norme de contrôle

[23]           La norme de contrôle applicable en l’espèce est manifestement celle de la décision raisonnable. Sur la question de la protection de l’État, la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale est bien établie que : la norme applicable est celle de la décision raisonnable (Omorogie c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 C.F. 1255, au paragraphe 47 ; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Flores Carrillo, 2008 C.A.F. 94, [Flores Carrillo], au paragraphe 36).

V.                Analyse

[24]           La question en litige selon les demandeurs serait l’erreur commise par la SPR dans l’évaluation de la protection de l’État, lorsqu’elle aurait prédit les actions des agents de persécution et tiré des conclusions au sujet des motivations des demandeurs sans disposer d’aucun élément de preuve à l’appui. Dans les demandes de contrôle judiciaire, le fardeau qui incombe au demandeur n’est pas de démontrer que le tribunal administratif a commis une erreur sur tel ou tel aspect, mais plutôt de convaincre la cour de révision que le résultat est déraisonnable. La tâche d’un demandeur est décrite au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 C.S.C. 9, [2008] 1 R.C.S. 190 :

47        La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[25]           En l’espèce, la Cour a conclu que la décision rendue, fondée sur les faits, est raisonnable. Ce n’est pas parce que les demandeurs sont originaires de la Colombie que la protection de l’État sera jugée inefficace. Il n’a pas été établi que la Colombie est un État non viable. Comme je l’ai mentionné précédemment, les faits doivent être examinés au cas par cas pour déterminer s’il est raisonnablement loisible de conclure qu’un demandeur n’a pas établi que la présomption a été réfutée (Osorio c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 C.F. 20, aux paragraphes 14 et 15). Je note, en passant, que la plupart des décisions récemment rendues portaient sur la menace posée par les FARC ; or ces décisions, dans lesquelles les demandes l’asile ou d’ERAR avaient été rejetées, ont été confirmées (Vargas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 C.F. 484 ; Osorio, précité ; Rujana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 C.F. 197 ; Hurtado c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2015 C.F. 768). À mon avis, il ressort clairement du rapport du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés publié en septembre 2015 et intitulé Eligibility Guideline for Assessing the International Needs of Asylum-Seekers from Colombia que les FARC sont encore un des groupes armés les plus puissants parmi ceux actifs en Colombie, quoique leurs capacités aient été réduites.

[26]           La SPR a eu raison de conclure que la présomption de la protection de l’État s’applique dans le cas d’un pays comme la Colombie. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, la Cour suprême a établi ce qui est nécessaire pour réfuter la présomption. On y lit ce qui suit, aux pages 724 et 725 :

Il s’agit donc de savoir comment, en pratique, un demandeur arrive à prouver l’incapacité de l’État de protéger ses ressortissants et le caractère raisonnable de son refus de solliciter réellement cette protection. D’après les faits de l’espèce, il n’était pas nécessaire de prouver ce point car les représentants des autorités de l’État ont reconnu leur incapacité de protéger Ward. Toutefois, en l’absence de pareil aveu, il faut confirmer d’une façon claire et convaincante l’incapacité de l’État d’assurer la protection. Par exemple, un demandeur pourrait présenter le témoignage de personnes qui sont dans une situation semblable à la sienne et que les dispositions prises par l’État pour les protéger n’ont pas aidées, ou son propre témoignage au sujet d’incidents personnels antérieurs au cours desquels la protection de l’État ne s’est pas concrétisée. En l’absence d’une preuve quelconque, la revendication devrait échouer, car il y a lieu de présumer que les nations sont capables de protéger leurs citoyens. La sécurité des ressortissants constitue, après tout, l’essence de la souveraineté. En l’absence d’un effondrement complet de l’appareil étatique, comme celui qui a été reconnu au Liban dans l’arrêt Zalzali, il y a lieu de présumer que l’État est capable de protéger le demandeur.

[27]           Aucun élément de preuve sérieux n’indique que la Colombie est un État dont l’appareil s’est complètement effondré. Comme je l’ai déjà mentionné, la Cour a déjà établi que l’État était en mesure de protéger ses citoyens en Colombie.

[28]           L’analyse vise à déterminer si la présomption a été réfutée en l’espèce. La question est de savoir si une protection adéquate est offerte, compte tenu du risque. La qualité de la preuve est importante dans les affaires de cette nature. Dans l’arrêt Flores Carrillo, précité, la Cour d’appel fédérale a statué qu’il ne suffit pas que la preuve produite pour réfuter la présomption de la protection de l’État soit digne de foi :

[30]      À mon humble avis, il ne suffit pas que la preuve produite soit digne de foi ; elle doit aussi avoir une valeur probante. Pensons par exemple au cas d’éléments de preuve dénués de pertinence : ils seront peut-être dignes de foi, mais ils n’auront aucune valeur probante. Non seulement la preuve doit être digne de foi et avoir une valeur probante, mais il faut aussi que cette valeur probante se révèle suffisante pour satisfaire à la norme de preuve applicable. La preuve aura une valeur probante suffisante si elle convainc le juge des faits de l’insuffisance de la protection accordée par l’État considéré. Autrement dit, le demandeur d’asile qui veut réfuter la présomption de la protection de l’État doit produire une preuve pertinente, digne de foi et convaincante qui démontre au juge des faits, selon la prépondérance des probabilités, que la protection accordée par l’État en question est insuffisante.

[29]           En l’espèce, c’est à cela que l’affaire se résume. La DP affirme qu’elle a été enlevée pendant ce qui semble être une courte période, en juin 2015. Elle s’est ensuite adressée, non seulement aux autorités colombiennes, mais également à des organismes internationaux, afin de porter l’incident à l’attention des autorités. Cependant, elle n’a pas donné de détails au sujet de l’enlèvement, notamment aucune description des personnes impliquées, et elle a refusé les offres de protection, affirmant se contenter d’une surveillance téléphonique. Elle n’a fourni aucun détail sur les appels qu’elle prétend avoir reçus en juillet et en août 2015. Le 14 septembre 2015, en entrevue avec la police, elle a affirmé n’avoir aucune intention de quitter la Colombie et indiqué qu’elle fournirait l’adresse où elle résidait, mais elle a quitté la Colombie pour le Canada le lendemain, avec sa sœur et leurs conjoints respectifs. En fait, elle avait un rendez-vous avec le procureur le 16 septembre 2015, qu’elle a de toute évidence manqué. Le départ de Colombie semble avoir été prémédité et délibéré.

[30]           De plus, le manque de détails au sujet des activités des demanderesses au sein du Parti libéral est quelque peu troublant. Il est difficile de ne pas souscrire à la conclusion de la SPR, selon laquelle ni l’une ni l’autre des demanderesses n’a le profil des personnes qui intéresseraient les organisations comme l’ALN d’après les documents qui s’y rapportent.

[31]           La conclusion tirée par mon collègue, la juge Strickland, sur des faits assez similaires est rassurante. Elle a écrit ce qui suit dans l’arrêt Vargas, précité :

[23]      À mon avis, d’après le dossier dont elle était saisie, y compris le FRP de la demanderesse principale et le témoignage des autres demandeurs, la SPR a conclu de manière raisonnable que les demandeurs n’ont pas réfuté la présomption de protection de l’État. La SPR a formulé plusieurs conclusions qui sont raisonnables, compte tenu du dossier, notamment que les demandeurs n’ont signalé l’incident qui serait survenu en décembre 2005 à la police qu’en 2006, qu’il n’y avait aucun élément de preuve démontrant que les autorités n’avaient pas réagi de façon appropriée lorsqu’elles avaient été mises au courant des menaces proférées contre la mère de la demanderesse principale, que les policiers ont enquêté sur les incidents survenus à la ferme et que les demandeurs n’ont déposé aucune plainte avant que la demanderesse principale ne quitte le pays, et que son mari est parti le lendemain du signalement.

[24]      En ce qui a trait au dernier point, il était raisonnable pour la SPR de conclure que la présentation d’une dénonciation et le départ subséquent de la Colombie, alors que la procédure était en cours, ne constituaient pas une preuve claire et convaincante de l’incapacité de la Colombie de protéger la demanderesse principale. Une conclusion semblable a été formulée dans Montemayor Romero c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 977 (CanLII), au par. 24, et dans Romero Davila c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1116 (CanLII), au par. 39.

[32]           Il s’agit, à mon avis, du même type de situation que celle devant la SPR en l’espèce. Malgré le manque de détails au sujet des incidents allégués, les autorités colombiennes ont traité la dénonciation avec diligence. Les demandeurs n’ont pas donné l’impression d’être francs et ont, en fait, indiqué être disposés à fournir des renseignements qu’ils savaient ne pas compter fournir puisqu’ils ont quitté la Colombie le lendemain de la dernière entrevue avec la police. Ils n’ont pas accepté la protection offerte en Colombie et ont, en fin de compte, quitté le pays sans chercher à obtenir la protection qu’un État est en mesure d’offrir.

[33]           La présomption selon laquelle la protection de l’État serait accordée n’a pas été réfutée en l’espèce et cela suffit pour statuer sur l’affaire. La décision de la SPR n’était pas déraisonnable. En fait, à mon avis, elle était raisonnable.

[34]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question grave de portée générale n’est soulevée en l’espèce.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question grave de portée générale n’est soulevée en l’espèce.

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-17-16

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

BARRIOS GARCIA, TABATA YAJAIRA, ALVAREZ HERNANDEZ, LUIS FELIPE, BARRIOS GARCIA, YARUTHZA, MATEUS TREJOS, FABIO ANDRESS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 6 juin 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge Roy

 

DATE DES MOTIFS :

Le 8 juillet 2016

 

COMPARUTIONS :

John W. Grice

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Lucan Gregory

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Davis & Grice

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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