Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20160211


Dossier : IMM­1238­15

Référence : 2016 CF 184

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 11 février 2016

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

YIXIANG WANG

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS :

I.  INTRODUCTION

[1]  Cette demande se fonde sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [la Loi] de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [la Commission] datée du 16 février 2015 [la décision], qui a rejeté la demande d’asile du demandeur en vertu de l’article 96 et le paragraphe 97(1) de la Loi.

II.  CONTEXTE

[2]  Le demandeur est un citoyen de la République populaire de Chine. Il a présenté une demande d’asile en raison de sa religion et de son appartenance à l’église clandestine Eastern Lightening [l’Église], affirmant qu’il est recherché par les autorités chinoises qui sont au courant de son appartenance à l’Église.

[3]  Le demandeur affirme qu’il a joint l’Église sur la recommandation d’un ami, qui lui a indiqué que cela lui serait utile face aux difficultés de sommeil et à la dépression dont il avait commencé à souffrir à la suite du tsunami de 2011 au Japon, où le demandeur avait vécu à l’époque.

[4]  Après avoir découvert que l’Église était illégale, le demandeur affirme qu’il a au départ refusé de joindre l’Église et n’a pas suivi la recommandation de son ami. Cependant, après que la médication, des massages et des vacances aient échoué à l’aider, il a décidé d’adopter la religion. Il a commencé à prier avec son ami en juillet 2013 et a commencé à fréquenter une maison­église en août 2013.

[5]  En novembre 2013, le demandeur déclare que le Bureau chinois de la sécurité publique [BSP] a fait une descente pendant un service religieux auquel participait le demandeur. Il est entré dans la clandestinité et une assignation du BSP a été délivrée à son domicile. Avec l’aide d’un agent, le demandeur s’est enfui en obtenant un passeport américain (qu’il n’a pas utilisé), puis un passeport canadien, qu’il utilisa pour entrer au Canada à Vancouver le 22 février 2014.

[6]  Le demandeur a demandé à son père de lui poster certains documents au Canada, notamment son hukou (registre des ménages), le certificat de naissance de son enfant, son certificat de mariage, un dossier médical et une assignation.

[7]  L’Agence des Services frontaliers du Canada [l’ASFC] a saisi le colis contenant les documents qui avaient été adressés au domicile du demandeur au Canada et a fait valoir que les documents qu’il contenait n’étaient pas conformes aux dispositions de sûreté pertinentes.

[8]  L’audience du demandeur a eu lieu le 28 octobre 2014. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration [le ministre] est intervenu, affirmant que les documents du demandeur étaient frauduleux.

III.  DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[9]  La Commission a rejeté la demande, concluant que le demandeur a utilisé des documents frauduleux pour étayer son argumentation et qu’il n’était pas crédible.

A.  Crédibilité

[10]  La Commission a conclu que le demandeur n’est ni recherché par les autorités chinoises en raison de son appartenance à l’Église, ni un véritable croyant ou membre de l’Église en Chine ou au Canada.

(1)  Documents

[11]  Le ministre a fait valoir que, selon la preuve, le demandeur avait un livret médical vierge et un faux certificat de mariage et de faux certificats de naissance reçus à son adresse, dans l’intention de les utiliser à l’appui d’une demande d’asile frauduleuse. Le ministre a utilisé un document du Consulat général de la République fédérale d’Allemagne qui décrit les caractéristiques d’information et de sûreté des documents, y compris les certificats de mariage chinois, pour souligner les contradictions et incohérences qui laissent supposer que les certificats de mariage et de naissance saisis étaient probablement frauduleux. Le ministre a également fait valoir que le document médical vierge était probablement envoyé afin que le demandeur puisse le remplir de détails qui pourraient étayer sa demande d’asile. En outre, en examinant le reçu de l’expéditeur, on a observé que Yin Zhan était le nom du destinataire écrit sur le colis.

[12]  La Commission a considéré les explications du demandeur comme étant de pures conjectures – que le colis avait été posté à l’intention de quelqu’un d’autre, ou que le dossier médical vierge avait été inséré par les autorités chinoises. La Commission a tiré une conclusion défavorable du manque d’efforts du demandeur pour étayer cette explication avec des éléments de preuve ou une lettre de son père. Étant donné la spécificité et la nature des documents, le colis était de toute évidence destiné au demandeur pour étayer sa demande d’asile. La Commission a déclaré qu’en faisant ses constatations sur le colis, elle avait une grande latitude pour accepter et examiner la preuve en format photocopié plutôt que dans son format original.

[13]  La Commission a noté qu’il est très facile d’obtenir des documents frauduleux en Chine et a poursuivi en concluant que, lorsqu’on examine la preuve issue du témoignage du demandeur concernant son dossier de demandes de visa américain et canadien, il est évident qu’il a fourni de faux renseignements, probablement soutenus par de faux documents, dans les deux demandes. Il est probable qu’il a eu accès à des documents faux ou frauduleux.

[14]  La Commission était toutefois en désaccord avec l’une des observations du ministre concernant les documents frauduleux. Alors qu’elle soupçonnait qu’une encre différente ait été utilisée pour le nom de la personne sur l’acte de naissance, la Commission ne pouvait démontrer qu’il était impossible d’ajouter un nom à un certificat après la naissance.

[15]  Par l’utilisation de documents médicaux vierges et d’un certificat de mariage frauduleux à l’appui de sa demande, le demandeur a sérieusement miné sa crédibilité, de telle sorte que la Commission ne pouvait se fonder sur d’autres documents fournis ou sur son témoignage, surtout compte tenu que la raison invoquée par le demandeur pour avoir joint une Église illégale était ses problèmes médicaux. La Commission a estimé que si le demandeur est prêt à obtenir de faux documents à l’appui de sa demande, il est probablement prêt à fournir de faux témoignages et à prendre part aux activités de l’Église pour l’étayer davantage. Cette question a été jugée suffisamment flagrante pour statuer sur la demande.

(2)  Autres problèmes de crédibilité

[16]  La Commission a tiré une conclusion défavorable du manque de connaissance du demandeur concernant ce que la religion à laquelle il prétend adhérer enseigne au sujet de ce qui arrivera à sa femme et à son enfant et aux autres bonnes personnes à la fin des temps. La Commission a estimé probable que le demandeur ne sait pas ce que les enseignements de son église pourraient signifier pour ses proches, car il ne croit pas vraiment en ses enseignements. En outre, la Commission ne croit pas que le demandeur est recherché par les autorités chinoises.

B.  La pratique au Canada – revendication de statut de demandeur d’asile sur place

[17]  La Commission a rejeté un argument avancé par le demandeur voulant que son implication dans son église au Canada l’ait mis en péril. Il y avait insuffisance de preuves crédibles pour soutenir que le demandeur est un véritable croyant et son appartenance à l’Église, ou que sa présence et sa conduite au Canada sont venues à l’attention des autorités chinoises.

[18]  Par suite de la tentative du demandeur de présenter des documents frauduleux, la demande a été déclarée comme étant manifestement non fondée en vertu de l’article 107.1 et a été rejetée.

IV.  QUESTION EN LITIGE

[19]  Le demandeur ne soulève qu’une seule question dans la présente instance : la Commission a­t­elle commis des erreurs susceptibles d’examen dans son évaluation de l’authenticité des pièces justificatives du demandeur?

V.  NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

[20]  La Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau­Brunswick, CSC 9 [2008], [Dunsmuir] a conclu qu’une analyse relative à la norme de contrôle ne doit pas être réalisée dans tous les cas. En fait, lorsque la norme de contrôle qui s’applique à une question en litige est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut l’adopter. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse ou que la jurisprudence semble devenue incompatible avec l’évolution récente des principes de common law concernant le contrôle judiciaire que la cour de révision procédera à l’examen des quatre facteurs de l’analyse relative à la norme de contrôle : Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48.

[21]  La norme de contrôle pour l’évaluation de la preuve par la Commission, y compris les problèmes de crédibilité et la sincérité de la foi est la raisonnabilité : Gao c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1139, au paragraphe 12; Hou c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 993, aux paragraphes 8 et 15; Lin c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1276, au paragraphe 11.

[22]  Lorsque la Cour effectue le contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, son analyse porte sur « la justification de la décision, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi [qu’à] l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47 et Khosa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CSC 12, paragraphe 59. Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision contestée est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI.  DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[23]  Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables en l’espèce :

Définition de « réfugié »

Convention Refugee

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques:

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée:

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles­ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de  personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

Crédibilité

Credibility

106. La Section de la protection des réfugiés prend en compte, s’agissant de crédibilité, le fait que, n’étant pas muni de papiers d’identité acceptables, le demandeur ne peut raisonnablement en justifier la raison et n’a pas pris les mesures voulues pour s’en procurer.

106. The Refugee Protection Division must take into account, with respect to the credibility of a claimant, whether the claimant possesses acceptable documentation establishing identity, and if not, whether they have provided a reasonable explanation for the lack of documentation or have taken reasonable steps to obtain the documentation.

Demande manifestement infondée

Manifestly unfounded

107.1 La Section de la protection des réfugiés fait état dans sa décision du fait que la demande est manifestement infondée si elle estime que celle­ci est clairement frauduleuse.

107.1 If the Refugee Protection Division rejects a claim for refugee protection, it must state in its reasons for the decision that the claim is manifestly unfounded if it is of the opinion that the claim is clearly fraudulent.

Fonctionnement

Proceedings

170. Dans toute affaire dont elle est saisie, la Section de la protection des réfugiés :

170. The Refugee Protection Division, in any proceeding before it,

[…]

[…]

(g) n’est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve;

(g) is not bound by any legal or technical rules of evidence;

(h) peut recevoir les éléments qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder sur eux sa décision;

(h) may receive and base a decision on evidence that is adduced in the proceedings and considered credible or trustworthy in the circumstances; and

[…]

[…]

[24]  Les dispositions suivantes des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012­256 [Règles de la SPR] sont applicables en l’espèce :

Documents originaux

Original documents

42. (1) La partie transmet à la Section l’original de tout document dont elle lui a transmis copie:

42. (1) A party who has provided a copy of a document to the Division must provide the original document to the Division

(a) sans délai, sur demande écrite de la Section;

(a) without delay, on the written request of the Division; or

(b) sinon, au plus tard au début de la procédure au cours de laquelle le document sera utilisé.

(b) if the Division does not make a request, no later than at the beginning of the proceeding at which the document will be used.

VII.  ARGUMENTS

A.  Demandeur

[25]  Le demandeur fait valoir que la Commission a commis des erreurs justifiant le contrôle judiciaire dans son évaluation de sa preuve en : (1) omettant d’appliquer ses propres règles concernant la production de documents originaux; et (2) en faisant des constatations sans tenir compte des éléments de preuve disponibles et de tous les documents saisis par l’Agence des services frontaliers du Canada.

(1)  Les documents originaux étaient requis

[26]  Le demandeur soutient qu’il était déraisonnable de la part de la Commission de tirer des conclusions sur l’authenticité des documents sans examiner les versions disponibles, les versions originales. Les Règles de la Section de la protection des réfugiés doivent s’appliquer également au ministre sur intervention comme c’est le cas pour les demandeurs. Lorsque le ministre souhaite contester l’authenticité d’un document, des exemplaires originaux du document doivent être divulgués en vertu de la Règle 42. La Cour a confirmé, à plusieurs reprises, le refus de la Commission d’accepter des copies des documents, en particulier lorsqu’il n’y a aucune explication raisonnable justifiant l’absence des originaux : Naeem c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1134 aux paragraphes 10 à 12; Flores c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1138, au paragraphe 7. Non seulement le demandeur dans la présente affaire s’est­il formellement opposé à l’utilisation de photocopies, mais il n’est pas clair si le représentant du ministre lui­même a pu examiner les documents saisis dans leur forme originale.

[27]  Le demandeur fait valoir que la Commission peut s’appuyer sur ses connaissances spécialisées pour évaluer l’authenticité des documents : Merja c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CF 73; Su c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 743 au paragraphe 15. La Commission a toutefois le devoir d’examiner des documents d’identité originaux, surtout lorsqu’ils sont facilement disponibles, avant de conclure qu’ils sont frauduleux. Les caractéristiques de sûreté modernes des documents d’identité contiennent souvent des dispositifs antiphotocopie, des sceaux et des caractéristiques qui réagissent à la lumière ultraviolette. La Commission n’aurait pas dû tirer de conclusions déterminantes sur l’authenticité des documents sans pouvoir examiner les originaux.

(2)  Les conclusions ont été rendues sans un examen de tous les éléments de preuve disponibles

[28]  Le demandeur fait en outre valoir que la Commission a aussi erré en prenant des décisions relatives aux documents sans d’abord examiner toute la preuve disponible. Le demandeur note que le colis saisi devait également contenir son hukou et son assignation. La Commission n’a pas répondu à cette préoccupation précise, mais a déclaré que la crédibilité du demandeur avait été tellement mise à mal que la Commission ne pouvait se fonder sur les autres documents fournis. Par conséquent, il apparaît que, selon les photocopies examinées par la Commission, même si tous les autres documents saisis avaient été divulgués, cela n’aurait fait aucune différence.

[29]  C’est particulièrement gênant alors que les autres documents saisis, mais non divulgués, auraient pu corroborer l’authenticité de ceux qui ont été attaqués. Par exemple, le hukou aurait confirmé que le demandeur est marié à la personne à laquelle il prétend être marié, et cela aurait pu influencer la décision de la Commission sur l’authenticité du certificat de mariage. L’assignation aurait pu corroborer que le BSP avait tenté de procéder à l’arrestation du demandeur en raison de ses activités religieuses illégales.

[30]  Le demandeur affirme que ces documents sont probants et qu’il était déraisonnable de la part de la Commission de ne pas demander la divulgation de la totalité du contenu du colis saisi et que cela constituait une erreur justifiant le contrôle judiciaire.

B.  Défendeur

(1)  La preuve n’était pas crédible

[31]  Le défendeur soutient que la Commission a tiré une conclusion raisonnable voulant que la demande n’était pas crédible, en se fondant sur le fait que le demandeur a présenté des documents frauduleux, sur son manque de connaissance des aspects centraux de la religion à laquelle il prétend adhérer et sur d’autres éléments.

[32]  Déterminer la crédibilité d’un demandeur est au cœur de la compétence de la Commission. La Commission a le droit de tirer des conclusions raisonnables en se fondant sur des invraisemblances, le bon sens et la rationalité. Pour qu’une conclusion ayant trait à la crédibilité soit trouvée déraisonnable, elle doit être tirée de façon abusive ou arbitraire sans tenir compte des éléments de preuve : Aguebor v. Canada (Minister of Employment and Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (CAF), au paragraphe 4; Singh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2002 CFPI 1272 aux paragraphes 6 et 7; Giron c. Canada (Emploi et Immigration), (1992) 143 N.R. 238 (CAF). Il n’était pas déraisonnable pour la Commission de conclure que le demandeur avait gravement entaché sa crédibilité, ce qui a eu une influence sur d’autres conclusions : Raphael c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2002 CFPI 368 aux paragraphes 18 à 21.

[33]  Une conclusion défavorable a également été tirée du manque de connaissances du demandeur à l’égard d’aspects centraux de la religion à laquelle il prétend adhérer. La conclusion de la Commission en découlant, soit que le demandeur n’était pas crédible en général, était suffisante pour statuer sur la demande. C’est au demandeur qu’il incombait de démontrer qu’il y avait des preuves crédibles au dossier qui pouvaient étayer une décision positive à l’égard de sa demande, et il ne l’a pas fait : Sellan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CAF 381 au paragraphe 3.

(2)  La Commission n’a pas erré en admettant en preuve des documents présentés par le ministre

[34]  La Commission n’a pas erré en admettant en preuve des documents saisis par l’Agence des services frontaliers du Canada, bien que les originaux n’aient pas été présentés comme preuve. La qualité et la précision des reproductions ont été approuvées et les conclusions de la Commission ont porté principalement sur des questions autres que l’apparence des documents. Une conclusion défavorable a été tirée d’un dossier médical vierge, expédié probablement pour être rempli de façon à correspondre à la demande. En outre, il est bien établi que la Commission dispose d’une grande latitude sur l’admission de la preuve, et que les Règles de la Section de protection des réfugiés peuvent être appliquées avec une certaine souplesse. Notamment, en vertu des alinéas 170(g) et (h) de la Loi, la Commission peut recevoir et fonder sa décision sur la preuve qu’il estime digne de confiance.

[35]  En ce qui concerne les photocopies des documents, un manque d’information serait reproduit dans la copie d’un document. En ce qui concerne le certificat de mariage, la Commission a tenu compte de la preuve documentaire en examinant la vraie facture des certificats de mariage chinois et a noté des différences : la photo numérisée du certificat touche la partie inférieure des caractéristiques ornementales de sûreté; il n’y a pas de sceau sur le plat inférieur intérieur; et le sceau apposé n’est pas un sceau provincial. La Commission était aussi au fait de l’accès facile à des documents frauduleux en Chine. Le défendeur affirme qu’à la lumière de ce qui précède, le demandeur n’a pas démontré comment l’examen des versions originales des documents aurait une incidence quelconque sur les conclusions de la Commission.

[36]  L’argument du demandeur selon lequel l’Agence des services frontaliers du Canada a saisi d’autres documents qui pourraient avoir corroboré sa demande n’est étayé par aucune preuve et est fondé sur des conjectures. Aucun élément de preuve n’a été présenté devant la Commission suggérant que d’autres documents se trouvaient dans le colis saisi. En outre, la Commission avait une copie du hukou du demandeur et a examiné l’allégation du demandeur selon laquelle une assignation lui avait été signifiée. Les documents frauduleux ont entaché la crédibilité du demandeur de telle manière qu’aucun autre document ou témoignage ne pouvait être considéré. Par conséquent, il n’était pas déraisonnable de la part de la Commission de ne pas chercher à obtenir tous les documents saisis.

(3)  La conclusion fondée sur des documents du ministre était raisonnable

[37]  Il n’a pas été contesté que le colis de documents saisi a été expédié à l’adresse du requérant. La confirmation par le demandeur que son père lui avait expédié un colis de documents et l’analyse par la Commission des documents ont finalement mené la Commission à conclure que deux des documents avaient été expédiés au demandeur dans le but de faire une demande frauduleuse.

[38]  Le défendeur soutient que la Commission a tiré une conclusion raisonnable compte tenu de la preuve soumise et a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur en raison des documents frauduleux. Étant donné que le demandeur allègue que sa conversion religieuse reposait sur des problèmes médicaux, le dossier médical vierge est particulièrement préoccupant, et la Commission a conclu de façon raisonnable qu’il a été expédié pour étayer une demande d’asile frauduleuse.

[39]  Le demandeur ne pouvait pas apporter une explication acceptable de la présence du dossier médical vierge. Ses explications selon lesquelles le document était destiné à quelqu’un d’autre ou avait été inséré par les autorités chinoises pour nuire à sa demande ont été examinées et rejetées.

[40]  Le défendeur soutient que le demandeur n’a pas soulevé une erreur justifiant un contrôle judiciaire de la conclusion de la Commission à l’égard des documents frauduleux. Le fait que les documents frauduleux aient été envoyés au demandeur sans explication était suffisamment grave pour rejeter sa demande.

(4)  Appartenance religieuse non authentique

[41]  En se fondant sur les préoccupations liées à la crédibilité, la Commission a raisonnablement conclu que le demandeur n’était pas un véritable membre de l’Église Eastern Lightening en Chine et que la preuve était insuffisante pour démontrer que sa fréquentation de l’Église au Canada le mettait en péril. Il ne pouvait, par conséquent, être reconnu comme étant un demandeur d’asile sur place. Le défendeur note que le demandeur n’a pas vraiment prétendu être un réfugié sur place, puisque sa demande était fondée sur son adhérence à l’Église en Chine.

VIII.  ANALYSE

[42]  La Commission conclut que le demandeur a tenté de faire une demande d’asile frauduleuse et tire une conclusion d’absence de crédibilité générale :

[traduction]

[22] Ayant conclu que le demandeur a tenté d’utiliser des documents médicaux vierges et un certificat de mariage frauduleux à l’appui de sa demande, le tribunal constate que la crédibilité du demandeur est gravement ébranlée, de telle sorte qu’il ne peut s’appuyer sur d’autres documents fournis ou sur son témoignage. Comme l’a souligné le ministre, le fondement même de la raison que le demandeur avance pour expliquer sa conversion à la religion illégale, soit ses problèmes médicaux, et par le fait d’avoir tenté de fournir de fausses preuves à l’appui de ces problèmes médicaux, le demandeur a démontré que ses déclarations concernant tout document relié à ce qui s’est produit en Chine ne sont pas crédibles.

[23]  Le tribunal estime que cette question est en soi suffisante pour statuer sur la demande, étant suffisamment grave pour amener ce dernier à rejeter comme preuve admissible toutes les déclarations et tous les agissements du demandeur, y compris au Canada, dans le cadre de ses tentatives pour étoffer une demande d’asile frauduleuse, et n’y voit aucunement une véritable pratique de la religion à laquelle il prétend adhérer. Autrement dit, si le demandeur est prêt à obtenir de faux documents à l’appui de sa demande, il est probablement prêt à fournir de faux témoignages et à prendre part aux activités de l’Église pour l’étayer davantage.

[43]  Le demandeur soutient que ces conclusions sont déraisonnables pour diverses raisons. Je vais aborder chacune de ces conclusions.

A.  Omission de divulguer les documents originaux saisis

[44]  Le demandeur soutient que c’était déraisonnable de la part de la Commission de parvenir à des conclusions sur l’authenticité des documents sans avoir eu l’occasion d’examiner les documents originaux qui étaient facilement disponibles. Il fait valoir ce qui suit :

[traduction]

[28] Il en est particulièrement ainsi, étant donné que les caractéristiques de sûreté modernes des documents d’identité contiennent souvent des caractéristiques antiphotocopies. Ces caractéristiques faussent l’apparence des images qui sont photocopiées et cela pourrait expliquer pourquoi il manquait un sceau et que la photo était déformée sur la photocopie du certificat de mariage du demandeur. En fait, les éléments de preuve du ministre indiquaient que les certificats de mariage chinois contiennent des caractéristiques de sûreté avancées, notamment une réaction particulière à la lumière UV. Compte tenu de ces caractéristiques de sûreté avancées, il est d’autant plus important que les personnes évaluant les demandes d’asile examinent les pièces d’identité originales avant de tirer des conclusions importantes sur leur authenticité.

[souligné dans l’original]

[45]  Comme le souligne le défendeur, la Commission dispose d’une grande latitude en ce qui concerne l’admission de la preuve et a en l’espèce donné des raisons précises justifiant que les originaux n’étaient pas nécessaires. Tout d’abord, la Commission a rejeté les prétentions du ministre selon lesquelles le certificat de naissance était probablement frauduleux et a fondé sa décision sur le certificat médical vierge et le faux certificat de mariage. La Cour doit donc déterminer si, d’un point de vue raisonnable, la Commission aurait dû examiner les originaux de ces documents et, en supposant qu’il était raisonnable de regarder les copies, de déterminer s’il était raisonnable de tirer une conclusion d’absence de crédibilité générale fondée sur ces deux documents.

[46]  Le défendeur fait remarquer que les alinéas 170(g) et (h) de la Loi confèrent à la Commission une grande latitude quand il s’agit de la preuve. La Commission n’est pas liée par les règles juridiques et techniques de la preuve et peut recevoir et fonder une décision sur une preuve qui est présentée dans la procédure et est considérée comme crédible et digne de confiance dans les circonstances. Le demandeur invoque la règle 42 des Règles de la SPR qui stipule que la Commission doit s’appuyer uniquement sur les documents originaux, mais je ne crois pas que la règle 42 puisse être lue de cette façon, puisque cela contredirait clairement l’article 170 de la Loi – et le demandeur ne cite aucune source à l’appui de cette interprétation extrême. À mon avis, la Commission n’a fait qu’exercer sa discrétion en vertu de l’article 170 de la Loi en examinant des copies qui, compte tenu de leur source, lui ont paru être fiables. Je ne peux affirmer que la Commission a agi de façon déraisonnable à cet égard.

[47]  En ce qui concerne le dossier médical, la Commission n’avait pas besoin de voir l’original afin de déterminer que le demandeur avait reçu un formulaire vierge. Le demandeur a fourni des motifs inacceptables pour essayer d’expliquer la conclusion évidente qu’on lui avait envoyé un formulaire vierge pour qu’il puisse le remplir lui­même d’une manière qui confirmerait les problèmes médicaux qui ont constitué la base de son adhésion à l’Église. Il n’y avait rien de déraisonnable de la part de la Commission dans le fait de se fonder sur une copie fournie par le ministre pour déterminer que le dossier médical était vierge. L’original n’aurait pas changé les conclusions et déductions de la Commission.

[48]  En ce qui concerne le certificat de mariage, la Commission a tenu compte des arguments du demandeur plutôt que de s’appuyer sur une copie, mais a conclu que les reproductions sont d’une qualité suffisamment élevée pour évaluer « de visu » la différence notée par le ministre. Je n’ai rien devant moi laissant supposer que cette conclusion n’était pas exacte ou n’était pas raisonnable.

[49]  Toutefois, le demandeur soutient, et il est cité ci­dessus, que les caractéristiques anticopie pourraient avoir faussé la version copiée du certificat de mariage. Néanmoins, ces suggestions n’expliquent pas les incohérences que le ministre a portées à l’attention de la Commission dans les observations du ministre :

[TRADUCTION]

[14]  Le certificat de mariage fut prétendument émis à Xiao Ju CAO le 23 janvier 2007 avec le nom du demandeur Yi Xiang WANG inscrit comme étant sa conjointe. (Pièce M­1 : Certificat de mariage – original, p.3; Pièce M­2 – Certificat de mariage – traduction anglaise, p.5)

[15] Il est important de noter que les certificats de mariage chinois ont été uniformisés et sont imprimés et distribués par le gouvernement central chinois depuis le 1er janvier 2004. Par conséquent, les caractéristiques de sûreté décrites ici sont applicables au certificat de mariage du demandeur, délivré en 2007. (Pièce M­3 : Modèle de certificat de mariage chinois et caractéristiques de sûreté, p.6)

[16]  Si l’on compare le certificat de mariage du demandeur et le modèle authentique communiqué par le Centre national de documentation de l’Agence des services frontaliers du Canada, le ministre note que le certificat de mariage du demandeur n’est pas conforme aux caractéristiques de sûreté d’un document authentique. (Pièce M­3 : Modèle de certificat de mariage chinois et caractéristiques de sûreté)

[17]  Selon les éléments de renseignement communiqués par l’Agence des services frontaliers du Canada, le certificat de mariage chinois émis après le 1er janvier 2004 devrait comporter des photographies sécurisées par un sceau de gaufrage. Toutefois, le ministre fait observer que, au lieu d’une photographie réelle, le certificat de mariage du demandeur contient uniquement une copie numérisée d’une photo. D’une manière encore plus suspecte, cette photo numérisée ne semble pas comporter un sceau complet, mais un sceau partiel qui n’est pas de qualité équivalente à celle d’un sceau de gaufrage. (Pièce M­1 : Certificat de mariage – original, p.3; Pièce M­3 – Modèle de certificat de mariage chinois et caractéristiques de sûreté, p.12)

[18]  De plus, la ligne supérieure de la photo numérisée semble toucher la partie inférieure des caractéristiques de sûreté ornementales, un niveau de qualité qui ne se retrouve généralement pas dans un document authentique. (Pièce M­1 : Certificat de mariage – original, p.3)

[19]  De plus, le ministre observe aussi les taches d’encre inhabituelles à gauche de la photo numérisée. Il s’avère que le motif des taches d’encre est d’une qualité qui n’est pas uniforme en comparaison de la quantité notable apparaissant sur le dessus et qui diminue graduellement vers le bas. Encore une fois, ces observations ne concordent pas avec les caractéristiques de sûreté associées à un document authentique. (Pièce M­1 : Certificat de mariage – original, p.3)

[20]  Les caractéristiques de sûreté standard communiquées par l’Agence des services frontaliers du Canada indiquent qu’un sceau imprimé par le ministère provincial des Affaires civiles devrait apparaître sur le plat inférieur intérieur du certificat de mariage. Cependant, il n’y a aucun sceau apparaissant sur le plat inférieur intérieur du certificat de mariage du demandeur. En fait, le sceau officiel sur la page 1 du document n’est pas un sceau provincial, mais un sceau d’enregistrement de mariage du Bureau des affaires civiles du comté de Gucheng. (Pièce M­1 : Certificat de mariage – original, p.3; Pièce M­2 – Certificat de mariage – traduction anglaise; Pièce M­3 – Modèle de certificat de mariage chinois et caractéristiques de sûreté, p.13)

[21]  Le ministre n’estime pas plausible que le certificat de mariage du demandeur présente tant de différences par rapport au modèle du document authentique. Ces différences soulèvent un doute sérieux sur l’authenticité du document et sur la véracité de l’information.

[50]  Les problèmes étaient « copie numérisée d’une photo », « pas de sceau complet, mais un sceau partiel qui n’est pas de qualité équivalente à celle d’un sceau de gaufrage », « la ligne supérieure de la photo numérisée touche la partie inférieure des caractéristiques de sûreté ornementales », « la tache d’encre inhabituelle », « aucun sceau sur le plat inférieur intérieur » « pas un sceau provincial, mais un sceau d’enregistrement de mariage du Bureau des affaires civiles du comté de Gucheng ». Ces différences ne peuvent pas toutes s’expliquer par les caractéristiques « antiphotocopies ».

[51]  Ma conclusion est donc que ce n’était pas à l’encontre des règles de droit, et il n’était pas déraisonnable en se fondant sur les faits en l’espèce, que la Commission s’appuie sur des copies du dossier médical vierge et du certificat de mariage.

B.  Omission de divulguer tous les documents saisis

[52]  Le demandeur soutient également que la Commission a commis une erreur en rendant des décisions sur « certains » des documents saisis du demandeur sans avoir eu l’occasion d’examiner tous les documents saisis par l’Agence des services frontaliers du Canada. Selon le demandeur, cela signifie que la Commission a tiré ses conclusions sans tenir compte de toute la preuve disponible. Le demandeur affirme que les autres documents saisis pourraient avoir confirmé l’authenticité des documents contestés et corroboré les éléments centraux de sa demande.

[53]  Le document central était le formulaire médical vierge. Ce document est central, parce que le récit du demandeur est qu’il s’est tourné vers l’Église pour l’aider avec ses problèmes médicaux que les médecins et les médicaments n’ont pu résoudre. Sans pouvoir établir objectivement la nature de ces problèmes médicaux et des efforts qu’il a faits pour les soulager avant de se tourner vers l’Église, le demandeur ne peut pas asseoir le pilier central de sa demande. Le demandeur ne peut non plus contredire la conclusion évidente selon laquelle son père lui a expédié un formulaire médical vierge afin qu’il puisse le remplir d’une manière qui soutiendrait le principe central de sa demande.

[54]  Le demandeur n’a pas expliqué comment tout autre document dans le colis saisi n’aurait pu avoir dissipé ce problème de crédibilité capital. Il soutient que l’assignation aurait confirmé sa position selon laquelle il est recherché par le BSP. Toutefois, le dossier révèle que la Commission avait une copie du hukou et du certificat de mariage. Le dossier indique également que la Commission était tout à fait consciente qu’une assignation avait été signifiée au domicile du demandeur en Chine. La Commission a toutefois conclu qu’elle n’avait pas besoin de voir l’assignation ou les originaux d’autres documents parce que, compte tenu de ses conclusions concernant le dossier médical vierge frauduleux et le faux certificat de mariage, la crédibilité du demandeur a été si gravement entachée qu’aucun autre document que le demandeur aurait pu produire n’aurait pu étayer sa demande :

[TRADUCTION]

[22]  Ayant conclu que le demandeur a tenté d’utiliser des documents médicaux vierges et un certificat de mariage frauduleux à l’appui de sa demande, le tribunal constate que la crédibilité du demandeur est gravement ébranlée, de telle sorte qu’il ne peut s’appuyer sur d’autres documents fournis ou sur son témoignage. Comme l’a souligné le ministre, le fondement même de la raison que le demandeur avance pour expliquer sa conversion à la religion illégale, soit ses problèmes médicaux, et par le fait d’avoir tenté de fournir de fausses preuves à l’appui de ces problèmes médicaux, le demandeur a démontré que ses déclarations concernant tout document relié à ce qui s’est produit en Chine ne sont pas crédibles.

[23]  Le tribunal estime que cette question est en soi suffisante pour statuer sur la demande, étant suffisamment grave pour amener ce dernier à rejeter comme preuve admissible toutes les déclarations et tous les agissements du demandeur, y compris au Canada, dans le cadre de ses tentatives pour étoffer une demande d’asile frauduleuse, et n’y voit aucunement une véritable pratique de la religion à laquelle il prétend adhérer. Autrement dit, si le demandeur est prêt à obtenir de faux documents à l’appui de sa demande, il est probablement prêt à fournir de faux témoignages et à prendre part aux activités de l’Église pour l’étayer davantage.

[55]  À mon avis, il était raisonnablement loisible à la Commission de décider qu’aucun autre document n’aurait pu faire une différence. Il faut garder à l’esprit qu’en arrivant à cette conclusion, la Commission était pleinement consciente qu’il est facile d’obtenir des documents frauduleux en Chine et que le demandeur savait comment se procurer des documents frauduleux et qu’il l’avait en effet fait :

[TRADUCTION]

[20]  Le tribunal note également que la preuve documentaire indique que les documents frauduleux sont largement disponibles en Chine et que la preuve établie par le témoignage du demandeur au sujet de son visa américain et au sujet de son dossier de visa canadien démontre qu’il a en fait fourni de faux renseignements, probablement soutenus par de faux documents, dans les deux demandes et en soi démontre qu’il a eu accès à de tels documents faux ou frauduleux.

[Notes de bas de page omises]

[56]  Dans le cadre de la présente affaire, je ne peux pas soutenir qu’il était déraisonnable de la part de la Commission de ne pas exiger du ministre le colis complet des documents originaux, ou de la part de la Commission de fonder sa conclusion de crédibilité générale négative sur le formulaire médical vierge (et sur le défaut du demandeur de fournir une explication plausible) et sur le certificat de mariage frauduleux. Compte tenu de l’importance capitale du formulaire médical vierge dans la demande du demandeur, la conclusion selon laquelle il était frauduleux signifie que le demandeur ne pourrait pas restaurer sa crédibilité avec des pièces justificatives supplémentaires.

[57]  Comme monsieur le juge De Montigny l’a souligné dans Seyoboka c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 104 au paragraphe 34 [Seyoboka] :

… [L]e degré de divulgation dû à un demandeur ne peut pas être décidé par une simple invocation de la différence entre les instances criminelles et les instances administratives et que les conséquences sur le demandeur d’une conclusion défavorable doivent être prises en compte.

[58]  Le demandeur invoque Seyoboka, précité, en l’espèce. Ce cas n’en est toutefois pas vraiment un de manque de divulgation à un demandeur. Le demandeur était pleinement conscient de ce que le colis saisi contenait et a témoigné à cet égard, entre autres au sujet de l’assignation. La principale allégation du demandeur est que la Commission aurait dû examiner la version originale de l’assignation afin de déterminer si elle était authentique, de sorte qu’une véritable assignation puisse étayer son argumentation. La Commission a conclu que le ministre n’avait pas démontré que le certificat de naissance était frauduleux, mais cela n’a pas eu de répercussions sur la conclusion d’absence de crédibilité générale. La Commission a néanmoins conclu que la crédibilité du demandeur avait été si gravement entachée par les documents médicaux vierges et le certificat de mariage frauduleux qu’il était raisonnable de conclure que le demandeur avait tenté de présenter une demande d’asile frauduleuse. Voir Waraich c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1257 paragraphes 42 et 43; Oukacine c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1376 paragraphes 32 et 35. Et la Commission savait très bien que le demandeur avait une assignation à produire. Je crois que, étant donné la preuve examinée, notamment la facilité avec laquelle des documents frauduleux peuvent être obtenus en Chine et la capacité et la volonté du demandeur de les acquérir et de les utiliser, ainsi que les conclusions générales d’une intention frauduleuse, la Commission n’était pas disposée à accepter l’assignation comme étant un élément de preuve fiable. Je ne peux pas soutenir que c’était déraisonnable au vu des faits en l’espèce. Voir Dzey c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 167 aux paragraphes 19, 22 et 48.

[59]  Les parties conviennent qu’il n’y a aucune question à faire certifier et la Cour est d’accord.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

« James Russell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM­1238­15

 

INTITULÉ :

YIXIANG WANG c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 novembre 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge RUSSELL

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 11 février 2016

 

COMPARUTIONS :

Matthew Oh

Pour le demandeur

 

Amy King

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis and Associates

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.