Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20151030

Dossiers : T-2634-14

T-2635-14

T-2636-14

Référence : 2015 CF 1236

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 octobre 2015

En présence de monsieur le juge Manson

Dossier : T-2634-14

ENTRE :

ASHLEY LAMBERT

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Dossier : T-2635-14

ET ENTRE :

LESLIE SOBEY

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Dossier : T-2636-14

ENTRE :

BRIAN GILLESPIE

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire concernant trois décisions rendues au deuxième palier par un représentant du ministre du Revenu national [le représentant], représenté ici par le procureur général du Canada [le défendeur], datées du 1er décembre 2014, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de rejeter les demandes d’allègement des demandeurs et d’établir de nouvelles cotisations relativement à leurs années d’imposition 2003 à 2011. Ashley Lambert, Leslie Sobey et Brian Gillespie [les demandeurs] ont déposé des avis de demande distincts le 30 décembre 2014. Comme leurs demandes sont identiques, qu’ils demandent le même allègement et que leurs mémoires diffèrent à peine les uns des autres, cette décision portera sur les trois procédures conjointement et indiquera les différences éventuelles, s’il y a lieu.

I.                   Contexte

[2]               Au cours des années d’imposition 2003 à 2011 inclusivement, les demandeurs se sont livrés à l’entraînement et à la compétition de chevaux de course. Au cours de ces années, ils n’ont pas déclaré leur exploitation chevaline parce qu’ils ignoraient, prétendument, qu’ils devaient la déclarer au même titre qu’une exploitation agricole. Pour chacune des années d’imposition en cause, l’exploitation chevaline s’est soldée par des pertes agricoles nettes.

[3]               En février et en mars 2013, les demandeurs, par l’intermédiaire de leur représentant, ont adressé des lettres à l’Agence du revenu du Canada [ARC] demandant des allègements de leurs déclarations de revenus 2003 à 2011, afin que celles-ci reflètent les pertes agricoles [demandes d’allègement fiscal au premier palier]. Les lettres faisaient référence à l’arrêt Canada c. Craig, 2012 CSC 43 de la Cour suprême du Canada [Craig], la modification de la loi qui en a résulté et l’allégation que [traduction] « la situation des (demandeurs) était semblable aux circonstances dans l’affaire Craig ». Les lettres indiquent que les demandeurs ignoraient qu’ils devaient déclarer leur exploitation chevaline au même titre qu’une exploitation agricole. Le montant cumulatif de la nouvelle cotisation demandée pour les années 2003 à 2011 par chacun des demandeurs est le suivant :

  • Mme Lambert : 102 596,96 $
  • M. Sobey : 234 314,80 $
  • M. Gillespie : 214 779,41 $

[4]               Dans sa réponse à cette demande, le 1er août 2013, un vérificateur au bureau des services fiscaux de Winnipeg les a avisés que leurs déclarations de revenus soumises pour les années en question avaient été sélectionnées aux fins de vérification. Le rapport de vérification qui a été produit rejetait les demandes d’allègement fiscal au premier palier soumises par les demandeurs parce que l’ARC a comme politique de ne pas autoriser les modifications des déclarations de revenus lorsque la demande résulte d’une décision judiciaire. Cette décision a été communiquée par écrit aux demandeurs en mars et en avril 2014; ceux-ci ont alors demandé à l’ARC de procéder à un examen au deuxième palier de la première demande [demandes d’allègement fiscal au deuxième palier].

[5]               Les dossiers ont été transférés et assignés au bureau des services fiscaux de la Saskatchewan, à Saskatoon, aux fins d’examen indépendant de la décision du bureau de Winnipeg. À la suite d’un examen des dossiers, des politiques et lignes directrices pertinentes de l’ARC et de la jurisprudence applicable et d’une enquête auprès de la section technique des vérifications d’entreprises de l’ARC, le vérificateur responsable des dossiers a recommandé le refus des demandes des trois contribuables pour le même motif que le premier refus, c’est-à-dire parce qu’une décision judiciaire, l’arrêt Craig, était à l’origine des demandes d’allègement des contribuables et qu’accepter les demandes pour cette raison contreviendrait à la politique de l’ARC [les rapports de recommandations]. Dans les cas de Mme Lambert et de M. Sobey, le vérificateur a jugé qu’ils ignoraient possiblement que leur exploitation chevaline constituait une exploitation agricole, mais il en doute dans le cas de M. Gillespie.

[6]               Les rapports de recommandations reposent en partie sur les lignes directrices et les politiques de l’ARC, dont les suivantes :

  1. Circulaire d’information 07-1 – Dispositions d’allègement pour les contribuables [IC07-1]
  2. Circulaire d’information 75-7R3 – Nouvelle cotisation relative à une déclaration de revenus [IC75-7R3]
  3. Communication ATR-2014-02 – Retroactive Application of an Adverse Court Decision and Taxpayer Requested Reassessments, émise le 28 juillet 2014 par la Direction des allègements pour les contribuables et des plaintes liées au service, Direction générale des appels [ATR 2014-02]

[7]               M. Wayne Turgeon, directeur par intérim du service de vérification au bureau de la Saskatchewan [le représentant] a confirmé les recommandations de refuser la demande d’allègement fiscal au deuxième palier après avoir examiné les documents et la correspondance susmentionnés [les décisions]. Il en a avisé les demandeurs par écrit dans une lettre datée du 1er décembre 2014 [les lettres de décisions].

[8]               M. Turgeon a produit un affidavit en l’espèce au nom du défendeur. L’affidavit expose le processus de prise de décisions concernant les remboursements ou les réductions des montants payables au-delà de la période de trois ans prévue au paragraphe 152(4.2) de la LIR. Le rapport de recommandations est fondé sur un examen du dossier dans son intégralité, lequel est transmis à un chef d’équipe pour finalement être examiné par le directeur ou le directeur adjoint, qui prend la décision définitive.

[9]               La représentante des demandeurs, Gayle Callis, a souscrit un affidavit détaillant la correspondance et les documents pertinents.

[10]           Les lettres de décision rejetant les demandes d’établissement d’une nouvelle cotisation présentées par les demandeurs sont pratiquement identiques et elles indiquent que l’ARC les a méticuleusement étudiées à la lumière des dispositions législatives applicables, des lignes directrices de l’ARC, de la Charte des droits du contribuable, de la jurisprudence, des antécédents des demandeurs en matière d’observation et des obligations de déclarer prévues dans le régime fiscal d’autocotisation. Le régime fiscal d’autocotisation attache davantage d’importance aux lignes directrices de l’ARC et aux responsabilités des contribuables.

[11]           Le représentant a conclu que les demandes avaient été soumises en réponse à une décision judiciaire et qu’établir de nouvelles cotisations dans de tels cas est contraire à la politique de l’ARC. Le représentant du ministre peut, à sa discrétion, s’écarter de la politique en matière d’établissement de nouvelles cotisations; cependant, les demandeurs devaient démontrer qu’une circonstance extraordinaire ou exceptionnelle les avait empêchés de s’opposer aux cotisations initiales, ce qui n’était pas le cas selon l’examen des faits.

[12]           Les lettres de décision sont fondées sur un examen des rapports de recommandations. À l’exception des différences ci-après, les rapports se ressemblent.

A.                Rapport de recommandations (Ashley Lambert)

[13]           Contrairement aux rapports concernant M. Sobey et M. Gillespie, le rapport concernant Mme Lambert n’indique pas que sa demande aurait été accueillie si elle avait été déposée à temps. Il indique aussi :

[traduction]

En dépit du fait que son père exploitait une entreprise agricole lui appartenant, il est possible que Mme Lambert ignorait qu’elle devait déclarer son exploitation chevaline dans sa déclaration de revenus. [...] Cependant, il n’en reste pas moins que la demande de Mme Lambert fait suite à une décision judiciaire et qu’elle doit démontrer à l’ARC que des circonstances ou une situation extraordinaires ou exceptionnelles l’ont empêchée de s’opposer aux déclarations de revenus qui avaient initialement été soumises.

[14]           En conclusion, ce rapport indique qu’il incombait à Mme Lambert de déterminer quelles étaient ses obligations, en matière de déclaration, relativement à une activité menée dans le but d’en tirer un bénéfice économique. Le fait qu’elle ignorait qu’elle devait déclarer son exploitation chevaline au même titre d’une exploitation agricole n’est ni exceptionnel ni extraordinaire. Le rapport ne présente pas d’analyse montrant si le vérificateur était ou non d’avis que l’ARC aurait accepté les pertes agricoles si la déclaration de revenus avait été soumise dans les délais prescrits. Cette demande a été rejetée.

B.                 Rapport de recommandations (Leslie Sobey)

[15]           Dans le rapport concernant M. Sobey, on s’est demandé si l’exploitation chevaline avait été une entreprise pendant un certain nombre d’années et si l’on avait rajusté le montant total qui aurait été pris en considération si une nouvelle cotisation avait été autorisée. Le vérificateur ne pensait pas que l’ARC aurait accepté les pertes agricoles si elles avaient été soumises de la manière demandée dans la demande d’équité, parce que celles-ci auraient fait l’objet d’une vérification et que le vérificateur aurait alors appliqué l’arrêt Moldowan c. La Reine, [1978] 1 RCS 480 [Moldowan], qui avait cours à l’époque. Le vérificateur a déclaré que les pertes agricoles réclamées par M. Sobey auraient sans doute été limitées, bien que rien n’indique le fondement de cette conclusion et que l’analyse ne montre pas comment Moldowan aurait mené à cette décision. Cette demande a été rejetée.

C.                 Rapport de recommandations (Brian Gillespie)

[16]           Un vérificateur du bureau des services fiscaux de l’ARC à Winnipeg initialement assigné à cette demande d’allègement fiscal au deuxième palier, avant que celle-ci ne soit transférée au bureau de la Saskatchewan, avait préparé une version préliminaire non signée d’un rapport de décision concernant un allègement fiscal dans lequel il recommandait que la demande soit accueillie.

[17]           Dans le rapport de recommandations officiel, préparé par le bureau de l’ARC de la Saskatchewan, la vérificatrice dit ne pas croire que M. Gillespie ignorait que l’exploitation chevaline constituait une exploitation agricole. Elle a estimé que M. Gillespie savait qu’il exploitait une entreprise et qu’il a choisi de ne pas en déclarer le revenu, ce qui est considéré comme négligent dans la conduite de ses affaires en vertu du régime d’autocotisation. La demande de réexamen a été rejetée.

II.                Questions en litige

[18]           Voici les questions en litige :

A.    La décision de rejeter les demandes d’allègement fiscal des demandeurs est-elle raisonnable?

                                i.            Est-ce que le représentant du ministre a entravé le pouvoir qui lui est accordé aux termes du paragraphe 152(4.2) et de l’alinéa 164(1.5)a) de la LIR?

                              ii.            Est-ce que le représentant du ministre a fourni des motifs suffisants?

                            iii.            Est-ce que le représentant du ministre a appliqué la politique de l’ARC de manière correcte et raisonnable?

III.             Norme de contrôle

[19]           Les demandeurs soutiennent que leurs allégations concernant l’insuffisance des motifs et l’entrave au pouvoir discrétionnaire constituent des questions d’équité procédurale et qu’elles devraient être examinées à la lumière de la norme de la décision correcte (White c. Canada (Procureur général), 2011 CF 556, au paragraphe 50 [White] citant Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43).

[20]           La Cour d’appel fédérale [CAF] a déterminé que la norme de contrôle judiciaire appropriée, en ce qui concerne l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 152(4.2) de la LIR, est le caractère raisonnable (Canada (Procureur général) c. Abraham, 2012 CAF 266, aux paragraphes 33 à 36 [Abraham]; Hoffman c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 310, au paragraphe 5).

[21]           Dans les circonstances particulières, la décision du ministre justifie une grande déférence, car le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré aux termes du paragraphe 152(4.2) est vaste et fondé sur des politiques (Sullivan c. Canada, 2014 CF 486, au paragraphe 14; Khapar c. Air Canada, 2014 CF 138, au paragraphe 47, conf. par 2015 CAF 99 [Khapar]).

[22]           La Cour suprême du Canada a déterminé que, lorsqu’il existe des motifs, un manque de motifs adéquats ne constitue pas à lui seul un motif de contrôle judiciaire, mais fait plutôt partie de l’analyse en vue de déterminer si la décision du représentant est raisonnable (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 22).

[23]           Dans l’arrêt Stemijon Investments Ltd c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, aux paragraphes 20 à 25 [Stemijon], le juge David Stratas de la Cour d’appel fédérale a conclu que, même si Dunsmuir ne traitait pas de la manière dont un motif tel que l’entrave au pouvoir discrétionnaire relève de l’analyse de la norme de contrôle, le résultat est le même :

Toute décision qui ne repose pas sur la loi, par exemple une décision fondée uniquement sur un énoncé de politique informel sans égard à la loi ou connaissance de la loi, ne peut s’inscrire dans une plage de ce qui est acceptable et qui peut être justifié et, par conséquent, être raisonnable comme cela est défini dans Dunsmuir, au paragraphe 47. Une décision qui est fondée sur l’exercice d’un pouvoir entravé doit en soi être déraisonnable (au paragraphe 24).

[24]           À mon avis, ces trois questions doivent être examinées à la lumière de la norme de caractère raisonnable.

IV.             Analyse

[25]           Les dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu, 1985, ch. 1 (5e suppl.) [LIR] et les politiques de l’ARC forment l’annexe A.

A.                Est-ce que le représentant du ministre a entravé le pouvoir qui lui est accordé aux termes du paragraphe 152(4.2) et de l’alinéa 164(1.5)a) de la LIR?

[26]           Le paragraphe 152(4.2) et l’alinéa 164(1.5)a) de la LIR réfèrent à des dispositions discrétionnaires. Comme ces paragraphes n’énumèrent pas les facteurs à prendre en considération ou ne définissent pas la portée du pouvoir discrétionnaire du ministre, lorsqu’il s’agit de déterminer s’il y a lieu ou non d’approuver la demande de nouvelle cotisation d’un contribuable, on se réfère aux lignes directrices de la Partie IV de la circulaire d’information IC07-1.

[27]           Les demandeurs soutiennent que le représentant s’est appuyé sur la politique de l’ARC, non pas en tant que ligne directrice, mais plutôt comme un énoncé de droit. Ils prétendent qu’il s’en est remis à l’orientation de la politique, non pas pour réexaminer une déclaration frappée de prescription si la demande résulte d’une décision judiciaire, mais pour exclure totalement les demandes d’allègement fiscal des demandeurs, en ignorant les autres facteurs à prendre en considération. Cela constitue une entrave illicite du pouvoir discrétionnaire et en réduit la portée à ce que précise la politique de l’ARC, de sorte que la décision de rejeter les demandes d’allègement fiscal des demandeurs est déraisonnable.

[28]           Il est acceptable jusqu’à un certain point de s’en remettre aux circulaires d’information de l’ARC (arrêt Stemijon, précité, au paragraphe 31; décision Abraham, précitée, au paragraphe 52) : elles permettent une analyse mieux organisée et améliorent la constance et la responsabilité à l’égard du public (Spence c. Agence du revenu du Canada, 2010 CF 52, au paragraphe 24). Cependant, les décideurs administratifs ne peuvent pas réduire le pouvoir discrétionnaire qui leur est conféré par la législature en donnant force de loi aux lignes directrices (Stemijon, au paragraphe 22; Première nation Waycobah c. Canada (Procureur général), 2010 CF 1188 au paragraphe 23, conf. par 2011 CAF 191, au paragraphe 42 [Waycobah]).

[29]           Contrairement à l’opinion des demandeurs voulant que le représentant ait entravé son pouvoir discrétionnaire en appliquant uniquement la politique de l’ARC, il semble que le rapport ait en fait abordé et analysé d’autres facteurs pertinents. Les lettres de décision indiquent que l’importance accordée à une décision d’une cour a été l’un des deux facteurs auxquels le représentant a accordé davantage de poids dans sa conclusion. Il n’a pas exclu totalement l’allègement fiscal, comme le prétendent les demandeurs.

[30]           Au moment de prendre ces décisions discrétionnaires, le représentant est libre de chercher des facteurs plus convaincants et de leur accorder plus de poids qu’à d’autres. Sa décision de s’appuyer davantage sur les politiques de l’ARC et les responsabilités des contribuables en vertu du régime d’autocotisation n’indique pas qu’il a considéré les lignes directrices comme des lois et, ce faisant, qu’il a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. L’attribution d’une plus grande importance à certains facteurs qu’à d’autres fait partie de la tâche d’un décideur administratif lorsqu’il exerce son pouvoir discrétionnaire et, en soi, cela n’indique pas que ses décisions soient déraisonnables.

[31]           Des extraits des rapports montrent également que le vérificateur et le représentant, qui ont examiné les rapports avant de prendre une décision définitive, étaient au courant des dispositions de la loi concernant l’entrave au pouvoir discrétionnaire en vertu des dispositions pertinentes de la LIR.

[32]           La décision du représentant ne reposait pas uniquement sur un énoncé de politique sans égard à la loi ou appréciation de la loi. Les rapports font état de la situation particulière des demandeurs et tiennent compte des dispositions législatives, des politiques et de la jurisprudence pertinente et aborde les erreurs de nature juridique du vérificateur lors de son examen au premier palier, erreurs attribuables au fait qu’il ait entravé son pouvoir discrétionnaire. Même si les lignes directrices de la politique à l’effet que les demandes soumises en réponse à une instance judiciaire ne doivent pas être accueillies ont clairement joué un rôle clé dans la décision, rien n’indique que le représentant se sentait lié ou limité par ces lignes directrices.

B.                 Est-ce que le représentant du ministre a fourni des motifs suffisants?

[33]           Les demandeurs soutiennent que, dans la présente instance, la Cour ne devrait pas inclure le dossier dans les motifs. Ils maintiennent que, comme la décision du représentant de leur refuser un allègement était exclusivement fondée sur la politique de l’ARC, le raisonnement dans Stemijon s’applique, c’est-à-dire que la Cour d’appel fédérale a conclu que la décision du ministre reposait entièrement sur la circulaire d’information. Dans cette instance, il n’était pas approprié de s’en remettre au dossier au moment d’évaluer les motifs exposés dans sa lettre de décision, car il n’avait tenu compte du dossier au moment de prendre sa décision (au paragraphe 38).

[34]           Les circonstances actuelles ne sont pas analogues : rien dans les lettres de décision n’indique que le représentant se croyait obligé de s’en tenir aux circulaires d’information. Au contraire, les lettres indiquent les divers facteurs en jeu et montrent que le représentant a finalement [traduction] « accordé plus de poids aux lignes directrices de l’ARC et aux responsabilités des contribuables découlant du régime d’autocotisation », et ce, même s’il n’était pas tenu de le faire.

[35]           Dans les circonstances actuelles, il convient d’examiner le caractère adéquat des motifs dans le contexte du dossier dont le représentant était saisi. Le représentant a accepté les recommandations formulées dans les rapports; en conséquence, leur contenu a en partie servi de justification et pourrait constituer une partie des motifs de la décision contestée (Lalonde c. Canada (Agence du revenu du Canada), 2008 CF 183, au paragraphe 59 [Lalonde]; Nixon c. Canada (Revenu national), 2008 CF 917, au paragraphe 7).

[36]           Les lettres de décision, ainsi que les rapports, expliquent adéquatement les motifs du refus des demandes d’allègement.

[37]           Même si, en soi, les lettres de décision n’expliquent pas les motifs pour lesquels les demandeurs ont demandé un allègement fiscal, les rapports de recommandations tirent des conclusions explicites en ce qui concerne la possibilité que les demandeurs ignoraient qu’ils pouvaient déclarer leur exploitation chevaline en tant que revenu d’une exploitation agricole. Le rapport concernant Mme Lambert indique ce qui suit : [traduction] « Il se peut que Mme Lambert ignorait qu’elle devait inclure son exploitation chevaline dans sa déclaration de revenus » (rapport de recommandations, page 9 du dossier de demande [Ashley Lambert], page 28). Le rapport visant M. Sobey va dans le même sens (rapport de recommandations, page 10 du dossier de demande [Leslie Sobey], page 32). Quant au rapport traitant de M. Gillespie, le vérificateur n’était pas convaincu que M. Gillespie ignorait que son exploitation chevaline constituait une exploitation agricole et il y décrit ses motifs. Le vérificateur a conclu qu’une conversation entre M. Gillespie et son représentant relativement à l’arrêt Craig était à l’origine de sa demande de nouvelle cotisation (rapport de recommandations, page 10 du dossier de demande [Brian Gillespie], page 32).

[38]           Même si les lettres de décision ne précisent pas la décision judiciaire sur laquelle les demandeurs se sont appuyés, ni comment le représentant en est venu à sa conclusion, les rapports de recommandations expliquent les précédents, les liens entre les demandeurs qui ont incité le vérificateur à croire que leurs demandes avaient été soumises à la suite d’une décision judiciaire et la correspondance des représentants des demandeurs faisant état d’une décision judiciaire.

[39]           Le représentant n’est pas tenu d’énumérer chacune des conclusions, et il n’est pas nécessaire que la décision soit parfaite pour résister à un contrôle (3563537 Canada Inc c. Canada Agence du revenu, 2012 CF 1290, au paragraphe 70). Pour que les motifs soient considérés insuffisants, ceux-ci ne doivent contenir aucun mode d’analyse qui puisse raisonnablement amener le représentant, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait (Ryan c. Barreau du Nouveau-Brunswick, 2003 CSC 20, au paragraphe 55). Certes, la lettre de décision aurait pu fournir davantage de précisions sur la manière dont le représentant en était venu à sa conclusion et celle-ci aurait dû, au minimum, aborder les motifs invoqués par les demandeurs dans leurs demandes d’allègement fiscal, mais on ne peut pas dire que la décision, lorsqu’elle est examinée conjointement avec le rapport, ne renferme aucun mode d’analyse qui puisse raisonnablement amener le représentant à la conclusion qu’il a tirée. Mis ensemble, les lettres de décision et les rapports montrent comment et sur quels éléments de preuve le représentant s’est appuyé pour en venir à sa conclusion ultime (Administration de l’aéroport international de Vancouver c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2010 CAF 158, aux paragraphes 16 et 17 [Aéroport de Vancouver]).

C.                 Est-ce que le représentant du ministre a appliqué la politique de l’ARC de manière correcte et raisonnable?

[40]           Les demandeurs soutiennent que le représentant n’a pas appliqué la politique de l’ARC correctement. Ils prétendent que les décisions n’indiquent pas clairement si le fait que le représentant se soit fondé ou non sur [traduction] « les responsabilités des contribuables en vertu du régime d’autocotisation » constitue une application du paragraphe 71 de la Partie IV de la circulaire d’information IC07-1, laquelle suggère les facteurs qu’il convient de prendre en considération au moment de prendre une décision en vertu du paragraphe 152(4.2).

[41]           Par souci de commodité, le paragraphe applicable de la circulaire d’information IC07-1 se lit comme suit :

71. L’ARC peut émettre un remboursement ou réduire le montant dû si elle est convaincue qu’un tel remboursement ou une telle réduction aurait été accordé si la déclaration ou la demande avait été produite ou présentée à temps et à condition que la cotisation à établir soit conforme à la Loi et qu’elle n’ait pas déjà été accordée

87. La politique de l’ARC ne permet pas l’établissement d’une nouvelle cotisation à l’égard d’une déclaration frappée de prescription si la demande est motivée par une décision judiciaire (pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez consulter la circulaire d’information IC75‑7R3, Nouvelle cotisation relative à une déclaration de revenus). Les demandes visant l’établissement d’une nouvelle cotisation à l’égard d’une déclaration frappée de prescription fondée uniquement sur le fait qu’un autre contribuable a obtenu gain de cause dans le cadre d’un appel ne seront pas acceptées aux termes du paragraphe 152(4.2).

[42]           L’affidavit de M. Turgeon indique que les facteurs ci-après sont pris en considération au moment de déterminer si un remboursement ou une réduction d’impôt sera accordé :

(a)    Est-ce que la demande fait suite à une décision judiciaire?

(b)   Est-ce le contribuable a respecté, par le passé, ses obligations fiscales?

(c)    Est-ce que le contribuable a, en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance qui a engendré des arriérés d’intérêts?

(d)   Est-ce que le contribuable a fait des efforts raisonnables et n’a pas été négligent dans la conduite de ses affaires en vertu du régime d’autocotisation?

(e)    Est-ce le contribuable a agi avec diligence pour remédier à tout retard ou à toute omission (affidavit de Wayne Turgeon; dossier de demande [Ashley Lambert], aux pages 348 à 481, 353, au paragraphe 6).

[43]           Les facteurs (b) à (e) sont énumérés à la Partie II, et non à la Partie IV, de la circulaire d’information IC07-1 et se rapportent à l’annulation des pénalités et des intérêts ou à l’exemption à ceux-ci. Par conséquent, les demandeurs soutiennent que le représentant n’a pas appliqué correctement les facteurs ci-dessus conçus pour des types de demandes d’allègement fiscal qui différaient de leurs demandes de nouvelles cotisations. Les demandeurs n’avaient pas été informés que ces facteurs étaient pris en considération et la décision n’en fait pas mention.

[44]           Les rapports de recommandations abordent et analysent la teneur des facteurs (b) à (e), et ce, même s’ils ne le mentionnent pas expressément. Il n’est pas déraisonnable de prendre en considération des facteurs pertinents en plus des lignes directrices : les lignes directrices ne sont pas contraignantes ni conçues pour être exhaustives (Lalonde, précitée, au paragraphe 9). Même si les facteurs (b) à (e) ne sont pas énumérés dans la Partie IV de la circulaire d’information IC07-1, ils m’apparaissent comme des facteurs pertinents pour un représentant qui doit déterminer s’il y a lieu ou non d’accorder un remboursement ou une réduction d’impôt aux termes des dispositions d’équité de la LIR, particulièrement les directives à l’article 71, et lorsque le représentant accorde du poids aux obligations en matière d’autodéclaration.

[45]           Les demandeurs allèguent également que le représentant n’a pas tenu compte de leurs motifs de réexamen évoqués – ils ignoraient qu’ils devaient déclarer leur exploitation chevaline en tant qu’exploitation agricole.

[46]           Les rapports de recommandations examinent les arguments des demandeurs et les décisions au premier palier et énumèrent les mesures prises et les documents examinés au moment de l’analyse des demandes d’allègement au deuxième palier. Les rapports énumèrent les dispositions législatives, les politiques, les lignes directrices et les précédents applicables, y compris l’arrêt Craig. Les trois rapports traitent des motifs évoqués par les demandeurs pour obtenir un réexamen et exposent les conclusions quant à la possibilité que la preuve offerte suggère qu’ils ignoraient qu’ils devaient déclarer leur exploitation chevaline en tant qu’exploitation agricole. Les rapports décrivent également les liens entre les demandes des demandeurs qui ont incité le vérificateur à croire que celles-ci étaient présentées en réponse à une décision judiciaire, notamment :

(a)    les demandes d’allègement fiscal ont été déposées par le même représentant autorisé, à environ deux semaines d’intervalle (six mois après la diffusion de la décision rendue dans l’arrêt Craig) et visaient les mêmes types d’activités et de problèmes fiscaux;

(b)   toutes les années d’imposition faisant l’objet d’une demande de nouvelle cotisation se soldaient par une perte nette;

(c)    les demandeurs demandaient que les pertes agricoles ne soient pas limitées comme dans l’arrêt Craig;

(d)   toutes les demandes reposaient sur la même allégation, soit que les contribuables ignoraient que leurs activités constituaient une entreprise aux fins de l’impôt sur le revenu;

(e)    l’un des trois demandeurs (M. Gillespie) avait déclaré explicitement que sa demande d’allègement fiscal faisait suite à une décision judiciaire, notamment [traduction] « l’interprétation légale et les arrêts de la Cour suprême du Canada ont été publiés en 2012, ce qui a donné lieu au dépôt de demandes de nouvelle cotisation entre 2003 et 2011 » (rapport de vérification de l’ARC, Ashley Lambert; dossier de la demande, à la page 56);

(f)    M. Gillespie est le père de Mme Lambert.

[47]           Les rapports étaient complets, et il est tout simplement inexact ou déraisonnable de prétendre que le représentant n’a pas pris en considération les éléments de preuve pertinents au moment de rendre ses décisions.

[48]           Le défendeur soutient que la décision dans la décision Abraham constitue une réponse complète aux allégations des demandeurs et que la Cour devrait se pencher uniquement sur le caractère adéquat et raisonnable de la décision, et non sur la politique dans les circulaires d’information à l’origine de cette décision.

[49]           Je ne suis pas d’accord. Le caractère raisonnable de la politique est de toute évidence en jeu : si une décision est fondée principalement sur une politique déraisonnable, on ne peut pas considérer qu’elle est raisonnable.

[50]           On a porté à l’attention de la Cour la décision dans Abraham, aux paragraphes 31, 52, 57 à 61 et 66. Je conclus que l’interprétation par la Cour d’appel fédérale des dispositions et des politiques applicables dans la présente instance :

[31]      Envisagé ainsi, le paragraphe 152(4.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu s’apparente à n’importe quelle autre disposition qui confère un vaste pouvoir discrétionnaire à un décideur, c’est‑à‑dire un pouvoir discrétionnaire fondé sur des éléments juridiques et factuels. Dans l’affaire qui nous occupe, le ministre (ou la représentante en l’espèce) doit, selon les termes employés au paragraphe 71 de la circulaire d’information IC07‑1, Dispositions d’allègement pour les contribuables, « être convainc[u] qu’un tel remboursement ou une telle réduction aurait été accordé si la déclaration ou la demande avait été produite ou présentée à temps » – il s’agit de l’aspect du pouvoir discrétionnaire ayant un certain caractère juridique – et il peut tenir compte de certains autres facteurs, dont bon nombre sont également énumérés dans la circulaire d’information.

[52]      Lorsqu’elle a pris sa décision, la représentante a étroitement suivi la circulaire d’information pertinente IC07‑1, Dispositions d’allègement pour les contribuables, et elle a choisi une issue qui était compatible avec ce document. Il est bien connu que les circulaires d’information comme celle en cause sont considérées, sur le plan juridique, comme des politiques ou des lignes directrices, et non comme des lois.

[54]      Le fait qu’un décideur administratif se conforme à des énoncés de politique ou à des lignes directrices non contestés a été considéré comme une indication, quoique non concluante, du caractère raisonnable : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 72 (« une indication utile de ce qui constitue une interprétation raisonnable du pouvoir conféré par l’article »); Herman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 629; Khoja c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 142. De même, à l’occasion, le fait qu’une décision s’écarte sans raison d’énoncés de politique et de lignes directrices peut soulever des doutes quant au caractère raisonnable : Kane c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 19, aux paragraphes 44 à 56.

[57]      Les paragraphes 73, 87 et 88 de la circulaire d’information sont également pertinents. De façon générale, ces dispositions empêchent les personnes qui demandent l’établissement d’une nouvelle cotisation après l’expiration des délais normaux de se prévaloir de modifications ultérieures de la loi ou de son application. Ces dispositions sont ainsi rédigées :

73. […] La capacité de l’ARC de permettre un rajustement de montants pour une année d’imposition frappée de prescription ne devrait pas être utilisée pour effectuer un nouvel examen des points en cause […] lorsque le particulier […] a choisi de ne pas contester les points en cause au moyen des processus d’opposition et d’appel normaux […].

87. La politique de l’ARC ne permet pas l’établissement d’une nouvelle cotisation à l’égard d’une déclaration frappée de prescription si la demande est motivée par une décision judiciaire (pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez consulter la circulaire d’information IC75‑7R3, Nouvelle cotisation relative à une déclaration de revenus). Les demandes visant l’établissement d’une nouvelle cotisation à l’égard d’une déclaration frappée de prescription fondée uniquement sur le fait qu’un autre contribuable a obtenu gain de cause dans le cadre d’un appel ne seront pas acceptées en vertu du paragraphe 152(4.2) […].

[58]      La représentante a suivi ces dispositions de la circulaire d’information. Dans les motifs de sa décision, elle a déclaré :

[traduction] En outre, la politique de l’ARC précise que les dispositions d’allègement pour les contribuables ne constituent pas un remplacement acceptable à l’application rétroactive d’une décision judiciaire défavorable lorsque le contribuable a omis de protéger son droit de produire une opposition ou d’interjeter appel.

[59]      Pour plus de précision, j’ajouterais que rien ne donne à penser que la représentante a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en utilisant la circulaire d’information comme elle l’a fait. Dans les circonstances en l’espèce, son observation de la circulaire d’information tend à montrer que sa décision était raisonnable.

[60]      La représentante s’est ensuite demandé, dans les termes employés au paragraphe 71 de la circulaire d’information, si elle était « convaincue qu’un […] remboursement ou une […] réduction aurait été accordé si la déclaration ou la demande avait été produite ou présentée à temps ». La réponse à cette question nécessitait un examen de la jurisprudence concernant l’article 87 de la Loi sur les Indiens. Elle s’est penchée sur chacune des années d’imposition, elle a évalué l’état du droit à ce moment au regard de l’article 87 et elle s’est demandé si les intimés avaient droit à une réduction d’impôt pour l’année en cause à la lumière de l’état du droit au cours de cette période.

[61]      Le libellé du paragraphe 152(4.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu étaye cette méthodologie qui consiste à examiner l’état du droit pour chacune des années en cause. Si la représentante avait adopté une méthodologie contraire au paragraphe 152(4.2), la décision qu’elle a rendue par suite de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire n’appartiendrait pas aux issues acceptables pouvant se justifier au regard du droit, mais ce n’est pas le cas en l’espèce.

[66]      Au contraire, ce raisonnement me paraît inattaquable. Il étaye le point de vue selon lequel, pour chaque année d’imposition 1985 à 1991, le ministre n’aurait pas été « convainc[u] qu’un […] remboursement ou une […] réduction aurait été accordé si la déclaration ou la demande avait été produite ou présentée à temps ».

[51]           La conclusion dans Abraham – que la décision du ministre était raisonnable – est fondée sur le fait que la représentante avait procédé à un examen minutieux, pour chaque année, de l’état du droit applicable aux années d’imposition en question pour déterminer si elle jugeait qu’un remboursement ou une réduction aurait ou non été consenti si la déclaration ou la demande avait été soumise à temps. Tel n’est pas le cas aux présentes; le représentant n’a pas examiné les années d’imposition 2003 à 2011 conformément aux dispositions législatives en vigueur à ce moment et, en fait, il n’a pas fondé sa décision sur des observations à ce sujet.

[52]           Il a été établi que les responsabilités des contribuables sous le régime d’autocotisation avaient déjà influé sur la décision définitive. Sous le régime d’autocotisation en vigueur au Canada, il incombe aux demandeurs de soumettre leurs déclarations de revenus correctement [Sivadharshan c. Canada (Revenu national), 2013 CF 47, au paragraphe 14]. Le ministre n’est nullement tenu d’établir de nouvelles cotisations pour des années d’imposition pour lesquelles la cotisation était telle qu’elle avait été soumise. Comme l’a indiqué la Cour d’appel fédérale dans Lanno c. Canada (Agence des Douanes et du Revenu), 2005 CAF 153, au paragraphe 6, « [l]’octroi d’une dispense est une mesure discrétionnaire et ne peut être revendiqué de droit. »

[53]           Pour ce qui est de la décision Abraham, le défendeur n’a pas référé la Cour au paragraphe 53, où la Cour d’appel fédérale déclare :

[53]      Il serait loisible à une partie de soutenir que la représentante a mal interprété le paragraphe 152(4.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu ou que la circulaire d’information est incompatible avec cette disposition, de telle sorte que la représentante, en s’appuyant sur ce document, a agi contrairement à la loi. Mais les intimés n’invoquent aucun de ces arguments en l’espèce.

[54]           L’interprétation du paragraphe 154(4.2) et la congruence possible entre les circulaires d’information et cette interprétation sont précisément ce que les demandeurs contestent dans la présente instance. À leur avis, la politique de l’ARC voulant que les demandes fondées uniquement sur une décision judiciaire soient rejetées est subjective, mène à l’absurdité et est déraisonnable.

[55]           Je ne suis pas d’accord avec cette opinion. La conclusion du représentant à l’effet que la demande est fondée sur une décision judiciaire est le fruit d’un examen objectif de la preuve offerte. En outre, un élément subjectif du processus décisionnel n’a pas pour effet de conférer un caractère particulier à une décision et ne constitue pas une source d’incertitude ou d’incohérence.

[56]           Comme le souligne le défendeur, les politiques ne sont pas incompatibles avec les dispositions visant l’équité de la LIR. Les paragraphes applicables de la circulaire d’information IC07-1 (71 et 87) correspondent à l’objectif du paragraphe 152(4.2), à savoir que les personnes qui demandent une nouvelle cotisation après l’expiration des délais normaux ne doivent pas pouvoir tirer avantage des modifications ultérieures de la loi ou de son application (Abraham, au paragraphe 82). La communication ATR-2014-02 insiste sur ce point. Il risquerait davantage d’y avoir un manque de constance et des décisions absurdes si l’ARC devait autoriser les contribuables à se prévaloir rétroactivement de modifications ultérieures de la loi au moyen de demandes de nouvelles cotisations chaque fois qu’une décision judiciaire se traduit par une modification.

[57]           À mon avis, la politique n’est ni illégale ni déraisonnable, et le fait que le représentant s’y appuie ne l’est pas non plus.

[58]           Par contre, je suis d’avis que la décision que le représentant a prise est déraisonnable dans le cas de Mme Lambert et de M. Sobey, car les éléments de preuve et les observations indiquent qu’ils n’avaient pas demandé l’établissement de nouvelles cotisations en s’appuyant uniquement sur une décision judiciaire. La situation est différente dans le cas de M. Gillespie, car il y a davantage d’éléments de preuve qui auraient raisonnablement permis au représentant de conclure que la demande reposait uniquement sur une décision judiciaire.

[59]           Je partage l’avis des demandeurs voulant qu’une politique qui prétendrait ignorer le principe du stare decisis, la jurisprudence et l’interprétation appropriée des dispositions législatives serait de toute évidence déraisonnable. Cependant, à mon avis, lequel correspond à l’interprétation de la Cour d’appel fédérale, ce n’est pas là l’objectif de la politique. Son objectif est d’« empê[cher] les personnes qui demandent l’établissement d’une nouvelle cotisation après l’expiration des délais normaux de se prévaloir de modifications ultérieures de la loi ou de son application » (Abraham, au paragraphe 57). L’objectif sous-jacent de la politique est d’apporter la certitude et de régler pour de bon un aspect des dispositions législatives qui touche chaque année la situation de contribuables individuels et la loi qui s’applique à ces années. À mon avis, ce fait et l’application étroite de la politique (celle-ci étant pertinente seulement lorsqu’une demande repose sur une décision judiciaire uniquement) ne font pas que la politique soit contraire à la loi – si elle est appliquée correctement.

[60]           Toutefois, si le représentant du ministre déclare s’être fondé sur la politique pour en venir à sa décision, la politique doit être appliquée correctement pour que la décision soit raisonnable.

[61]           Le dossier montre qu’il n’est pas absolument évident que les demandes (du moins celles de Mme Lambert et de M. Sobey) ont été soumises à la suite de la publication d’une décision judiciaire. Dans la note au dossier d’Ashley Lambert, M. Omaga, vérificateur au bureau de Winnipeg qui a vérifié les demandes des contribuables au premier niveau, déclare dans sa note du 29 novembre 2013 (extrait) :

[traduction]

J’ai transmis la recommandation de Joe à AM et celui-ci a confirmé que je devrais demander l’opinion de l’une des personnes-ressources mentionnées dans Memorandum, Subject: Farm Losses, ITA Section 31, Supreme Court ruling on The Queen v. Craig, and Budget 2013. Même s’il a déclaré que l’on ne pouvait pas attendre la réponse trop longtemps, AM a déclaré que nous devons examiner la question attentivement et Joe Gaspar a confirmé qu’il n’y avait pas de raison de refuser le redressement demandé par le contribuable, comme il n’y avait pas d’éléments de preuve solides que la demande faisait suite à la publication d’une décision judiciaire.

[62]           En outre, la politique stipule que le ministre doit refuser des demandes d’établissement de nouvelles cotisations fondées uniquement sur une décision judiciaire. Je suis sensible aux arguments des demandeurs voulant que, parce qu’ils avaient fait référence à une décision judiciaire, on a jugé qu’ils s’étaient fondés uniquement sur celle-ci. En outre, il apparaît (et, dans le cas des décisions visant Mme Lambert et M. Sobey, le rapport l’a démontré) qu’il est possible qu’ils ignoraient le fait qu’ils devaient déclarer leur exploitation chevaline en tant qu’exploitation agricole jusqu’au début de 2013, soit la date de leur demande. Cela constitue une explication de leurs demandes d’établissement d’une nouvelle cotisation et, en conséquence, leurs demandes ne peuvent pas être attribuées uniquement à une décision judiciaire. Compte tenu des éléments de preuve et des observations dans les rapports, il serait déraisonnable de conclure que c’était leur seul motif.

[63]           Si les demandeurs avaient fondé leur demande d’établissement d’une nouvelle cotisation sur le fait qu’ils n’étaient pas au courant qu’ils pouvaient déclarer leur exploitation chevaline en tant qu’exploitation agricole, sans mention de l’arrêt Craig, il paraît n’y avoir rien d’autre dans la décision qui indiquerait que leur demande serait rejetée. Le dossier montre que ce facteur a primé et, en réalité, que c’est le seul motif du rejet des demandes de nouvelle cotisation de Mme Lambert et de M. Sobey. Le représentant a mal appliqué la politique, ce qui confère à la décision son caractère déraisonnable dans le cas des deux contribuables.

[64]           Par ailleurs, le vérificateur n’a pas admis que M. Gillespie ignorait qu’il devait déclarer son exploitation chevaline en tant qu’exploitation agricole, et il a conclu qu’il avait simplement choisi de ne pas déclarer ses pertes jusqu’au moment de sa demande. En outre, son témoignage montre qu’il a déclaré à l’ARC dans un questionnaire qu’une décision judiciaire l’avait incité à soumettre sa demande. Compte tenu de ces faits, l’application de la politique à sa situation n’est pas déraisonnable.


LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  En ce qui concerne la demande de Mme Lambert dans le dossier de la Cour T-2634-14, la demande est accueillie, la décision de rejeter sa demande d’établissement d’une nouvelle cotisation pour les années d’imposition 2003 à 2011 est annulée et l’affaire est renvoyée au ministre pour réexamen et nouvelle décision conformément aux motifs décrits aux présentes.

2.                  En ce qui concerne la demande de M Sobey dans le dossier de la Cour T-2635-14, la demande est accueillie, la décision de rejeter sa demande d’établissement d’une nouvelle cotisation pour les années d’imposition 2003 à 2011 est annulée et l’affaire est renvoyée au ministre pour réexamen et nouvelle décision conformément aux motifs décrits aux présentes.

3.                  Quant à la demande de M. Gillespie dans le dossier de la Cour T-2637-14, la demande est rejetée.

4.                  Dépens en faveur des demandeurs Mme Lambert et M. Sobey dans les dossiers de la Cour T-2634-14 et T-2635-14, respectivement.

5.                  Dépens en faveur du défendeur dans le dossier de la Cour T-2637-14.

« Michael D. Manson »

Juge


ANNEXE A

Loi de l’impôt sur le revenu, 1985, ch. 1 (5e suppl.)

Nouvelle cotisation et nouvelle détermination

152(4.2) Malgré les paragraphes (4), (4.1) et (5), pour déterminer, à un moment donné après la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable à un contribuable — particulier (sauf une fiducie) ou succession assujettie à l’imposition à taux progressifs — pour une année d’imposition, le remboursement auquel le contribuable a droit à ce moment pour l’année ou la réduction d’un montant payable par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie, le ministre peut, si le contribuable demande pareille détermination au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de cette année d’imposition, à la fois :

a) établir de nouvelles cotisations concernant l’impôt, les intérêts ou les pénalités payables par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie;

b) déterminer de nouveau l’impôt qui est réputé, par les paragraphes 120(2) ou (2.2), 122.5(3), 122.51(2), 122.7(2) ou (3), 122.8(2) ou (3), 127.1(1), 127.41(3), ou 210.2(3) ou (4), avoir été payé au titre de l’impôt payable par le contribuable en vertu de la présente partie pour l’année ou qui est réputé, par le paragraphe 122.61(1), être un paiement en trop au titre des sommes dont le contribuable est redevable en vertu de la présente partie pour l’année.

Reassessment with taxpayer’s consent

152(4.2) Notwithstanding subsections (4), (4.1) and (5), for the purpose of determining — at any time after the end of the normal reassessment period, of a taxpayer who is an individual (other than a trust) or a graduated rate estate, in respect of a taxation year — the amount of any refund to which the taxpayer is entitled at that time for the year, or a reduction of an amount payable under this Part by the taxpayer for the year, the Minister may, if the taxpayer makes an application for that determination on or before the day that is 10 calendar years after the end of that taxation year,

(a) reassess tax, interest or penalties payable under this Part by the taxpayer in respect of that year; and

(b) redetermine the amount, if any, deemed by subsection 120(2) or (2.2), 122.5(3), 122.51(2), 122.7(2) or (3), 122.8(2) or (3), 127.1(1), 127.41(3) or 210.2(3) or (4) to be paid on account of the taxpayer’s tax payable under this Part for the year or deemed by subsection 122.61(1) to be an overpayment on account of the taxpayer’s liability under this Part for the year.

Remboursement: Exception

164(1.5) Malgré le paragraphe (1), le ministre peut, à la date d’envoi d’un avis de cotisation pour une année d’imposition ou par la suite, rembourser tout ou partie d’un paiement en trop d’un contribuable pour l’année si, selon le cas :

a) le contribuable est un particulier (sauf une fiducie) ou une succession assujettie à l’imposition à taux progressifs pour l’année et sa déclaration de revenu pour l’année en vertu de la présente partie a été produite au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition;

Refunds: Exception

164(1.5) Notwithstanding subsection (1), the Minister may, on or after sending a notice of assessment for a taxation year, refund all or any portion of any overpayment of a taxpayer for the year

(a) if the taxpayer is an individual (other than a trust) or a graduated rate estate for the year and the taxpayer’s return of income under this Part for the year was filed on or before the day that is 10 calendar years after the end of the year;

Politiques et lignes directrices de l’ARC

Circulaire d’information 07-1 – Dispositions d’allègement pour les contribuables [IC07-1]
Partie IV « Lignes directrices concernant l’émission de remboursements ou la réduction de montants payables au-delà de la période normale de trois ans »

Acceptation d’une demande de remboursement ou de rajustement

¶ 71. L’ARC peut émettre un remboursement ou réduire le montant dû si elle est convaincue qu’un tel remboursement ou une telle réduction aurait été accordé si la déclaration ou la demande avait été produite ou présentée à temps et à condition que la cotisation à établir soit conforme à la Loi et qu’elle n’ait pas déjà été accordée.

Demandes fondées sur une décision judiciaire ou autre règlement

¶ 87. La politique de l’ARC ne permet pas l’établissement d’une nouvelle cotisation à l’égard d’une déclaration frappée de prescription si la demande est motivée par une décision judiciaire (pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez consulter la circulaire d’information IC75-7R3, Nouvelle cotisation relative à une déclaration de revenus). Les demandes visant l’établissement d’une nouvelle cotisation à l’égard d’une déclaration frappée de prescription fondée uniquement sur le fait qu’un autre contribuable a obtenu gain de cause dans le cadre d’un appel ne seront pas acceptées en vertu du paragraphe 152(4.2).

¶88. De même, la connaissance d’un règlement négocié d’un autre contribuable visant à régler une opposition, ou d’un consentement à jugement à l’égard d’un appel d’un autre contribuable ne pourra être utilisée pour permettre l’établissement d’une nouvelle cotisation à l’égard de la déclaration frappée de prescription d’un contribuable en vertu du paragraphe 152(4.2) lorsque le contribuable a choisi de ne pas protéger son droit de faire opposition ou d’interjeter appel.

Acceptance of a Refund or Adjustment Request

¶ 71. The CRA may issue a refund or reduce the amount owed if it is satisfied that such a refund or reduction would have been made if the return or request had been filed or made on time, and provided that the necessary assessment is correct in law and has not been already allowed.

Requests Based on a Court Decision or Other Resolution

¶ 87. CRA policy does not allow for the reassessment of a statute-barred return if the request is made as a result of a court decision (for more information, see Information Circular 75-7R3, Reassessment of a Return of Income). Requests made to reassess a statute-barred return based only on the successful appeal by another taxpayer will not be granted under subsection 152(4.2).

¶88. Similarly, knowledge of another taxpayer’s negotiated settlement to resolve an objection, or another taxpayer’s consent to judgment on an appeal, will not be extended to permit a reassessment of a taxpayer’s statute barred return under subsection 152(4.2), if the taxpayer has chosen not to protect his or her right of objection or appeal.

Circulaire d’information 75-7R3 – Nouvelle cotisation relative à une déclaration de revenus [IC75-7R3]

Nouvelle cotisation visant à réduire l’impôt à payer

4. Sur réception d’une demande écrite du contribuable, le Ministère établit ordinairement une nouvelle cotisation pour donner un remboursement, même si un avis d’opposition n’a pas été produit dans le délai prescrit, pourvu

a) que le contribuable ait produit la déclaration de revenu dans le délai de quatre ans mentionné au paragraphe 164(1);

b) que le Ministère soit convaincu que la cotisation ou nouvelle cotisation précédente était inexacte;

c) qu’il soit possible d’établir une nouvelle cotisation dans le délai de quatre ans ou de sept ans, selon le cas, dont il est fait mention au numéro 1 précédent ou, s’il n’est pas possible de remplir cette condition, que le contribuable ait produit une renonciation en la forme prescrite;

d) que la réduction du revenu imposable établi ne résulte pas uniquement d’une majoration des déductions pour amortissement ou d’autres déductions laissant une marge de manoeuvre au contribuable, lorsque ce dernier a demandé au départ une déduction inférieure au maximum déductible; et

e) que la demande de remboursement ne se fonde pas uniquement sur un appel devant les tribunaux d’un autre contribuable ayant eu gain de cause.

Reassessment to reduce tax payable

4. A reassessment to create a refund ordinarily will be made upon receipt of a written request by the taxpayer, even if a notice of objection has not been filed within the prescribed time, provided that

a) the taxpayer has, within the four year filing period required by subsection 164(1), filed the return of income;

b) the Department is satisfied that the previous assessment or reassessment was wrong;

c) the reassessment can be made within the four year period or the seven-year period, as the case may be, referred to in paragraph 1 above or, if that is not possible, the taxpayer has filed a waiver in prescribed form;

d) the requested decrease in taxable income assessed is not based solely on an increased claim for capital cost allowances or other permissive deductions, where the taxpayer originally claimed less than the maximum allowable; and

e) the application for a refund is not based solely upon a successful appeal to the Courts by a taxpayer.

Communication ATR-2014-02Retroactive Application of an Adverse Court Decision and Taxpayer Requested Reassessments, émise le 28 juillet 2014 par la Direction des allègements pour les contribuables et des plaintes liées au service, Direction générale des appels [ATR 2014-02]

Extrait pertinent :

[traduction]

Cette politique a pour objet de limiter l’application des changements apportés à l’interprétation ou à l’application de la loi résultant de l’accueil de l’appel d’un autre contribuable lorsque le délai prescrit pour s’opposer à une cotisation ou à l’établissement d’une nouvelle cotisation ou pour interjeter appel d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation est expiré. Le pouvoir discrétionnaire d’établir une nouvelle cotisation à l’endroit d’une déclaration de revenus en vertu des paragraphes 152(4) ou (4.2) ne doit pas être utilisé comme méthode d’application rétroactive indirecte d’une décision négative d’une cour lorsque les contribuables ont choisi de ne pas contester une nouvelle cotisation au moyen du mécanisme habituel d’objection ou d’appel prévu dans la LIR. De tels établissements de nouvelles cotisations saperaient la raison d’être du processus d’objection et d’appel.

Cependant, les dispositions visant l’établissement de nouvelles cotisations sont de nature discrétionnaire et l’observation rigoureuse de la politique afin de refuser un redressement lié à une décision négative d’une cour sans prendre en considération les circonstances particulières entourant la demande constituerait un usage inapproprié du pouvoir discrétionnaire. Il peut y avoir des circonstances exceptionnelles où l’Agence peut s’écarter de sa politique en matière d’établissement de nouvelles cotisations, par exemple lorsqu’un contribuable peut démontrer qu’il avait l’intention de déposer un avis d’objection ou d’appel, mais qu’il a été incapable de le faire à cause de circonstances exceptionnelles. Chaque cas doit être examiné sur la base de ses propres mérites.

Toute dérogation à la politique dans le but d’établir une nouvelle cotisation pour une déclaration de revenus antérieure et pour appliquer rétroactivement une décision négative d’une cour doit se limiter aux circonstances rares et exceptionnelles.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :

T-2634-14, T-2635-14, T-2636-14

 

INTITULÉ :

LAMBERT ET AL c. PGC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

WINNIPEG (MANITOBA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 OCTOBRE 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE :

LE 30 OCTOBRE 2015

 

COMPARUTIONS :

Jeff Pniowsky

Pour les demandeurs

Melissa Danish

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Thompson Dorfman Sweatman LLP

Winnipeg (Manitoba)

 

Pour les demandeurs

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

Pour le défendeur

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.