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Date : 20151201


Dossier : IMM-2406-15

Référence : 2015 CF 1333

Ottawa (Ontario), le 1 décembre 2015

En présence de monsieur le juge Bell

ENTRE :

DIEGO FABIAN GARCIA CORREDOR

CARLOS ALBERTO GARCIA BERNAL

PAULA XIMENA LOPERA NINO

JUAN DIEGO GARCIA LOPERA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Nature de l’affaire

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi] à l’encontre d’une décision de la Commission de l’Immigration et du Statut de Réfugié, Section de la protection des réfugiés [SPR] rejetant la demande d’asile des demandeurs. La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas qualité de réfugiés au sens de la Convention selon l’article 96 de la Loi, ni celle de personnes à protéger selon l’article 97. À mon avis, la présente demande de contrôle judiciaire doit être accueillie.

II.                Contexte et faits allégués

[2]               Le demandeur principal, Diego Fabian Garcia Corredor [M. Corredor] est accompagné dans sa demande d’asile de son père, Carlos Alberto Garcia Bernal, de son épouse Paula Ximena Lopera Nino [Mme Nino] et de son fils mineur, Juan Diego Garcia Lopera. M. Corredor a été nommé représentant pour son fils mineur. Les demandeurs sont tous citoyens de la Colombie.

[3]               M. Corredor exerçait la profession d’avocat en Colombie, et Mme Nino était odontologiste. Tous deux travaillaient à Ibagué en Colombie, ville natale de M. Corredor. Depuis plusieurs années, M. Corredor travaillait dans le domaine des liquidations des institutions financières de type coopérative. En 2006, il a commencé à travailler pour l’institution financière nommée Hogarcoop. Dans le cadre de son travail avec Hogarcoop, il a rencontré plus de 300 personnes touchées par la faillite de l’institution et il devait dresser une liste des créanciers prioritaires. Il a complété cette liste en mai 2008 et l’a remis à son superviseur pour publication. La date de publication est incertaine, mais M. Corredor croit que c’était avant le 16 juin 2008.

[4]               Le 23 janvier 2008, Mme Nino reçoit un premier appel téléphonique à la maison, lui demandant où se trouve son mari. Le 26 mars 2008, Mme Nino reçoit trois appels téléphoniques durant lesquels on menace personnellement son mari. M. Corredor a témoigné que c’était la première fois qu’il recevait des menaces de mort de toute sa carrière. Le 27 mars 2008, les demandeurs partent vivre chez un ami à Bogota, à environ 400 kilomètres d’Ibagué.

[5]               Le 10 mai 2008, à Bogota, M. Corredor reçoit deux appels sur son téléphone cellulaire à quelques minutes d’intervalle. M. Corredor allègue que durant le premier appel, on lui a exigé de rendre l’argent investi dans Hogarcoop et que durant le second appel, il s’est fait insulter et on lui aurait dit qu’« on savait où il se cachait à Bogota ». M. Corredor a témoigné qu’il a reçu ces appels sur son téléphone cellulaire privé, numéro que seule sa famille avait.

[6]               Le 15 mai 2008, les demandeurs voyagent aux États-Unis pour une période d’un peu plus de trois mois durant laquelle ils ont aussi visité le Canada pendant quelques jours. Selon M. Corredor, sa famille et lui n’envisageaient pas de faire une demande d’asile à cette époque et souhaitaient attendre que la situation en Colombie se calme. Les demandeurs retournent à Ibagué le 24 août 2008. Avant leur retour, M. Corredor fait sécuriser sa propriété à Ibagué à l’aide d’un système de sécurité d’une compagnie américaine dont il avait retenu les services lors de son séjour aux États-Unis. Du 25 août au 30 septembre 2008, M. Corredor retient aussi les services d’un garde de corps armé.

[7]               Selon M. Corredor, les menaces téléphoniques recommencent le 15 septembre 2008. Le 27 septembre 2008, Mme Nino aurait été abordée de façon agressive par deux personnes alors qu’elle se trouvait dans un supermarché à une centaine de mètres de leur maison, à Ibagué. Ces personnes lui auraient demandé où se trouvait son mari et lui auraient dit qu’il devait « régler ses comptes ».

[8]               Suite à ce dernier événement, les demandeurs quittent à nouveau Ibagué pour Bogota. Le 30 octobre 2008, ils achètent leurs billets d’avion pour le Canada. Ce jour-là, M. Corredor dénonce les menaces aux autorités policières.

[9]               Les demandeurs arrivent au Canada le 13 novembre 2008 et demandent l’asile le même jour.

[10]           Selon M. Corredor, les menaces provenaient des Forces armées révolutionnaires de Colombie [FARC]. Les demandeurs auraient appris leur identité après leur départ d’Ibagué, alors que ceux-ci auraient laissé des dépliants devant la maison de M. Corredor et auraient révélé leur identité à la mère de Mme Nino lors d’un appel téléphonique qui serait survenu entre le 24 janvier 2009 et le 7 février 2009. M. Corredor aurait aussi appris, à l’aide de l’outil « Google Maps », que des graffiti contenant le mot « FARC » avaient été faits sur les murs de sa maison. M. Corredor, dans son affidavit, déclare que les dépliants laissés chez lui identifiaient l’agent de préjudice comme appartenant au Front 25 des FARC et que ces dépliants le déclaraient objectif militaire. 

III.             Décision contestée

[11]           La SPR a conclu que les demandeurs n’ont pas pu établir une possibilité raisonnable de persécution pour l’un des motifs de la Convention ou que, selon la prépondérance des probabilités, ils seraient personnellement exposés au risque d’être soumis à la torture, à une menace à leur vie ou au risque de traitement ou peines cruels et inusités, advenant un retour en Colombie. En bref, la SPR n’a pas été satisfaite de la crédibilité des allégations avancées lors du témoignage, et ce malgré les éléments de preuve présentés. La SPR a aussi conclu que les demandeurs disposaient d’une possibilité de refuge intérieur à Pereira, en Colombie.

[12]           Selon la SPR, M. Corredor n’a pas été crédible quant à ses allégations de menace de mort. La SPR a conclu que M. Corredor n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que les FARC étaient à la source des menaces alléguées. La SPR a pris en compte la preuve documentaire au sujet de l’organisation et des actes commis par les FARC, en plus de la preuve documentaire déposée par les demandeurs établissant que les FARC participent à des activités de blanchiment d’argent et d’extorsion. Toutefois, la SPR a déterminé qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’une telle organisation s’identifie à la première occasion pour obtenir ce qu’elle désire (plutôt que d’attendre plusieurs mois avant de s’identifier à la mère de Mme Nino) et qu’elle soit plus précise sur ses objectifs, étant donné la nature criminelle de leurs activités.

[13]           La SPR a aussi interrogé M. Corredor à savoir pourquoi il avait choisi de retourner à Ibagué plutôt que d’aller à Bogota ou de rester aux États-Unis. M. Corredor a répondu qu’il pouvait être retracé à Bogota, mais la SPR n’a pas été satisfaite de cette réponse. La SPR a ajouté que cette explication n’est pas raisonnable, étant donné le fait qu’il avait quitté très rapidement Ibagué après les menaces, menaces qu’il avait de toute évidence prises au sérieux. M. Corredor a aussi déclaré ne pas avoir voulu rester aux États-Unis, car il voulait retourner à Ibagué et voir si la situation s’était calmée depuis son départ. Le fait que M. Corredor ait pris les menaces assez sérieusement pour décider de quitter Ibagué pour Bogota dès le lendemain et de revenir à Ibagué quelques mois plus tard révèle des actions contradictoires selon la SPR.

[14]           La SPR a aussi trouvé incompatible le fait que M. Corredor ait fait installer chez lui un système de sécurité si avancé, mais qu’en même temps, il soit retourné à Ibagué en pensant que la situation s’était calmée. La SPR a donc conclu qu’un lien ne pouvait être établi entre les mesures de sécurité prises et les allégations de menaces en raison des conclusions sur le manque de crédibilité de la demande d’asile.

[15]           À l’audience, la SPR a invité M. Corredor à expliquer pourquoi il avait attendu sept mois après le début des menaces téléphoniques pour dénoncer les événements aux autorités policières. M. Corredor a témoigné que c’était parce qu’il avait toujours espoir que l’État pourrait le protéger. La SPR ne donne aucune force probante à la dénonciation faite aux autorités policières, en affirmant qu’il est contradictoire de croire en la protection de l’État, mais d’attendre si longtemps avant de faire une dénonciation, sachant qu’il allait quitter la Colombie pour le Canada 15 jours plus tard.

[16]           La SPR n’a accordé aucun poids aux dépliants qui auraient été déposés sur le palier de la maison de M. Corredor par les FARC et aux graffiti apparaissant sur la façade de sa maison. Selon la SPR, n’importe qui aurait pu écrire ces graffiti et imprimer ces dépliants. La SPR n’accorde aussi aucun poids à l’affidavit de la mère de M. Corredor ainsi qu’à l’affidavit de la mère de Mme Nino, étant donné qu’il ne s’agissait pas de preuve pertinente et qu’il était déjà établi que M. Corredor n’était pas crédible dans ses allégations.

[17]           La SPR a conclu que les demandeurs disposaient d’une possibilité de refuge intérieur et que M. Corredor pourrait changer de profession pour se protéger. La SPR a conclu que les demandeurs pouvaient habiter chez son frère, à Pereira, situé à 124 kilomètres d’Ibagué, étant donné que celui-ci n’a jamais été contacté par les auteurs des menaces au sujet de M. Corredor et que plus de sept années se sont écoulées depuis le début des menaces. En ce qui concerne le changement de profession, la SPR a déterminé que la source des menaces était due à la profession exercée par M. Corredor et non en raison de qui il est. Selon l’arrêt Sanchez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 99, [2007] ACF no 336, la possibilité pour M. Corredor de renoncer à sa profession, s’il craint être retracé parce qu’il est avocat, ne constitue pas une atteinte à l’un de ses droits fondamentaux.

IV.             Question en litige

[18]           Après avoir révisé les prétentions des parties et leurs dossiers respectifs, je reprends les questions en litige proposées par le ministre et les reformule ainsi :

1.         La décision de la SPR quant au manque de crédibilité de M. Corredor est-elle raisonnable dans les circonstances?

2.         La décision de la SPR voulant que les demandeurs disposent d’une possibilité de refuge intérieur est-elle raisonnable?

V.                Norme de contrôle

[19]           La norme de révision applicable à la question de crédibilité d’un demandeur d’asile est celle de la décision raisonnable (Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 732, 160 NR 315). Cette question requière un examen des faits et du droit, et il est établi par la jurisprudence que la compétence et l’expertise de la SPR quant à la crédibilité d’un demandeur doivent être accordées un haut degré de déférence. Cette Cour n’interviendra donc que si la décision vis-à-vis la crédibilité est déraisonnable, soit qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 au para 47 [Dunsmuir]), et si le processus décisionnel n’est pas justifié, transparent et intelligible (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339 au para 59; Dunsmuir, précité au para 47).

[20]           En ce qui concerne la conclusion de la PRI, la norme applicable est aussi celle de la décision raisonnable (Diaz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1243, [2008] ACF no 1543 au para 24; Kumar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 30, [2012] ACF no 26 au para 16). À cet égard, la SPR bénéficie d’une expertise particulière à laquelle il faut accorder un haut niveau de déférence. Cette Cour n’interviendra donc pas si la conclusion de la SPR répond à la norme de la raisonnabilité telle qu’élaborée dans l’arrêt Dunsmuir.

VI.             Analyse

A.                La crédibilité de M. Corredor

[21]           Même si je dois accorder un haut degré de déférence à la décision de la SPR, je suis satisfait, pour les raisons qui suivent, que la conclusion concernant la crédibilité de M. Corredor n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » [Dunsmuir, précité au para 47]. Je suis aussi d’avis que le processus décisionnel n’est pas justifié, transparent et intelligible dans les circonstances, au sens de l’arrêt Dunsmuir. Je m’explique. Premièrement, les menaces contre M. Corredor ont débuté aux alentours de mars 2008. Apparemment, les membres de FARC ne se sont identifiés comme étant les agents persécuteurs qu’en janvier 2009, au moment où la mère de Mme Nino, belle-mère de M. Corredor, aurait reçu des menaces par téléphone. La SPR a conclu que FARC n’attendrait pas 10 mois pour « se faire connaitre », étant donné la nature criminelle de cette organisation. Cette conclusion, sans fondement, est basée sur des hypothèses purement conjecturales. La SPR a utilisé cette conjecture pour miner la crédibilité de M. Corredor. Deuxièmement, la SPR a conclu que M. Corredor, lors de l’audience, n’avait pas pu décrire ce que les auteurs des menaces lui avaient demandé de faire lors des menaces téléphoniques du 26 mars 2008. Selon la SPR, le fait que M. Corredor n’ait pas pu répondre a eu pour effet de miner sa crédibilité. Toutefois, je note que M. Corredor a bel et bien mentionné que les auteurs des menaces voulaient qu’il ne respecte pas les priorités pour le paiement des créanciers tel que stipulé dans le droit applicable. Troisièmement, il n’est pas contesté que Mme Nino ait été agressée le 27 septembre 2008 et que pendant l’agression, les attaquants aient proféré des menaces à l’égard de M. Corredor. Cette preuve, qui corrobore le témoignage de M. Corredor, n’a pas été mentionnée par la SPR dans son analyse. Quatrièmement, la mère et la belle-mère de M. Corredor ont toutes deux déposé des affidavits dans lesquels elles décrivaient les menaces proférées à leur égard dû au refus de M. Corredor d’obtempérer aux demandes des agents persécuteurs. Face à ces affidavits, la SPR a simplement mentionné qu’elle ne leur accordait « aucun poids » étant donné qu’il était déjà établi que les allégations de M. Corredor n’étaient pas crédibles. Cependant, ces affidavits touchaient clairement la question en litige et étaient centrales aux allégations de M. Corredor. De plus, les faits énoncés dans l’affidavit de la belle-mère de M. Corredor n’ont pas été contestés.  En effet, sa réclamation pour statut de réfugié au Canada a été accordée et fondée, entre autres, sur les mêmes faits contenus dans son affidavit devant la SPR soutenant la demande de M. Corredor. Puisque cet affidavit non contesté était pertinent à la demande de M. Corredor, il était déraisonnable pour la SPR de ne lui accorder « aucun poids ». Finalement, M. Corredor a déposé en preuve deux dépliants qui avaient été trouvés sur le palier de sa maison et qui prétendaient provenir de FARC. Il a aussi présenté devant la SPR des photographies des initiales « FARC » peintes sur la façade de sa maison en Colombie suite à son départ. La SPR n’a accordé aucun poids aux dépliants FARC et aux photographies des initiales FARC. Selon les circonstances et compte tenu de l’affidavit non contesté de la belle-mère, je considère qu’il était déraisonnable de n’accorder « aucun poids » à ces preuves.

[22]           En effet, aucun poids n’a été accordé aux éléments de preuve qui soutenaient les allégations de M. Corredor. La SPR n’a jamais envisagé si ces preuves devraient être prises en considération pour appuyer sa crédibilité. Son évaluation de la preuve n’a pas été raisonnable. Je reconnais qu’il revient à la SPR et non pas à la Cour d’apprécier les éléments de preuve présentés et d’en évaluer leur force probante (Kanthasamy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CAF 113, [2014] ACF no 472 au para 99). Il est toutefois établi que la RPD a un devoir de considérer la preuve dans son ensemble avant de rendre une décision (Islam v Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2015 FC 1246, [2015] FCJ No 1292 au para 26), et ne peut rejeter des éléments de preuve sous seul prétexte que ceux-ci sont incompatibles avec une conclusion déjà établie (Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 311, [2013] ACF no 335 aux para 20-21). L’importance de considérer certains éléments de preuve augmente en fonction de leur degré de pertinence aux faits allégués (Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425, 157 FTR 35 au para 17; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Gabor, 2015 CF 168, [2015] ACF no 145 au para 18). En ne considérant pas toute la preuve pertinente aux faits allégués, il devient impossible pour le décideur de faire une analyse éclairée et informée. Les explications données par la SPR pour justifier ses conclusions n’étaient pas transparentes, intelligibles et justifiées. Quoi qu’il en soit, compte tenu du fait que plusieurs des conclusions de la SPR sur la crédibilité des allégations de M. Corredor sont spéculatives et sans fondement, tel qu’élaboré ci-haut, la décision de la SPR de ne pas considérer les preuves énumérées ne tient plus.

[23]           En ce qui concerne le défaut de M. Corredor de contacter les autorités colombiennes plus tôt, le ministre allègue qu’attendre plusieurs mois avant de dénoncer les menaces aux autorités policières, soit 15 jours avant son départ pour le Canada, ne démontre pas qu’il avait une intention réelle de se prévaloir de la protection de son État avant de demander l’asile au Canada. Selon moi, le fait que M. Corredor n’ait pas contacté les autorités policières colombiennes plus tôt démontre qu’il n’a pas fait toutes les démarches possibles dans les circonstances pour obtenir de la protection (Fuentes Hernandez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1126, [2008] ACF no 1397 aux para 27-28; Quintero Sanchez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 491, [2011] ACF no 610 au para 25). Il était donc raisonnable pour la SPR de conclure qu’une telle conduite compromette la vraisemblance de ses allégations et sa crédibilité. Cependant, à la lumière des erreurs identifiées précédemment, cette lacune dans la preuve de M. Corredor ne justifie pas une conclusion d’absence générale de crédibilité (RKL v Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] ACF no 162, 2003 CFPI 116 au para 14).

B.                 La possibilité de refuge intérieur

[24]           M. Corredor affirme que l’analyse de la SPR sur la possibilité de refuge intérieur [PRI] est déraisonnable, car elle ne prend pas en considération les faits et la preuve documentaire établissant une grande concentration de FARC à Pereira. Il soutient que sa famille et lui ne peuvent pas retourner en Colombie, car M. Corredor a été déclaré objectif militaire. Il est donc très possible qu’il soit retrouvé, car les FARC, étant donné que ceux-ci ont des contacts sur l’ensemble du territoire colombien.

[25]           L’existence d’une PRI demande l’application d’un test à deux volets, incombant au demandeur de démontrer, selon la prépondérance des probabilités : (1) qu’il existe une possibilité sérieuse d’être persécuté dans cette région, et (2) que dans toutes les circonstances, il serait déraisonnable pour le demandeur de se réfugier dans cette région (Chavarro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1119, [2010] ACF no 1397 au para 38; Berber c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 497, [2012] ACF no 587 au para 37 [Berber]). Pour en faire la démonstration, le demandeur doit présenter des preuves concrètes et réelles de conditions qui mettraient sa vie ou celle de sa famille en danger (Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 2118, [2001] 2 CF 164 au para 15; Berber, précité au para 37).

[26]           Vu la preuve incontestée de la belle-mère de M. Corredor, la preuve incontestée de Mme Nino concernant l’agression à son égard, la preuve incontestée des activités des FARC, qui n’a été accordée aucun poids, en plus du défaut de la SPR de prendre en considération la preuve documentaire concernant les conditions en Colombie, je constate que la décision de la SPR concernant une PRI n’est pas raisonnable. La SPR doit reposer son fondement sur des éléments de preuve établissant la sécurité d’un demandeur dans la région ciblée par la PRI. Les conditions de la région géographique font partie intégrante des éléments de preuve à prendre en considération avant de conclure qu’une PRI est raisonnable (Keerthaponrajah v Canada (Minister of Employment and Immigration), [1993] FCJ No 627; 41 ACWS (3d) 701 au para 7). Ainsi, la conclusion de la SPR sur la PRI pour M. Corredor et de sa famille n’appartient pas aux issues possibles et acceptables (Dunsmuir, précité au para 47).

VII.          Conclusion

[27]           La décision de la SPR à l’effet que le récit de M. Corredor n’était pas crédible et que lui et sa famille disposent d’une possibilité de refuge intérieur à Pereira n’est pas raisonnable et justifie l’intervention de cette Cour.

 


JUGEMENT

LA COUR :

ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire, sans dépens, et renvoie l'affaire à un membre différent de la SPR pour nouvel examen. Aucune question n'est certifiée.

« B. Richard Bell »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2406-15

 

INTITULÉ :

DIEGO FABIAN GARCIA CORREDOR, CARLOS ALBERTO GARCIA BERNAL, PAULA XIMENA LOPERA NINO, JUAN DIEGO GARCIA LOPERA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 novembre 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS:

LE JUGE BELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 1 décembre 2015

 

COMPARUTIONS :

Cristian Roa

 

pour les demandeurs

Lyne Prince

 

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Carolina Roa Sanchez

Avocate

Montréal (Québec)

 

pour les demandeurs

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

pour le défendeur

 

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