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Date : 20151027


Dossier : IMM-1303-15

Référence : 2015 CF 1216

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 octobre 2015

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

NADJA BETTHAUS

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Madame Betthaus est une citoyenne de l’Allemagne. Elle est au Canada illégalement, et une mesure de renvoi a été prise contre elle. Elle demande le contrôle judiciaire de la décision d’un agent d’exécution refusant sa demande de sursis à son renvoi du Canada, en attendant l’issue de sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[2]               Les parties conviennent que l’intitulé de la cause doit être modifié parce que des erreurs se sont glissées dans les noms de la demanderesse et du défendeur.

Contexte

[3]               En mai 2010, Mme Betthaus est arrivée au Canada munie d’un visa de travail d’un an. Pendant son séjour au Canada, elle a commencé à fréquenter Matthew Phillips et est tombée enceinte.  En mai 2011, elle a quitté le Canada à l’expiration de son visa.

[4]               En juin 2011, Mme Betthaus a voulu revenir au Canada à titre de visiteur. Lorsqu’elle a été interrogée à l’aéroport, elle a négligé de faire savoir à l’Agences des services frontaliers du Canada (ASFC) qu’elle était enceinte et qu’elle avait l’intention de rester au Canada pour une période indéterminée. Elle a obtenu un visa de visiteur, valide jusqu’au 31 août 2011.

[5]               En juillet 2011, elle a épousé Matthew Phillips et a donné naissance à son fils, Mason Dean Phillips, en octobre 2011.

[6]               En août 2014, la demanderesse a été agressée par son époux.  Matthew Phillips a été arrêté et accusé de voies de fait. Mme Betthaus a cessé de vivre avec son époux après l’agression et s’est installée dans le sous-sol de la maison des parents de son époux, où Mason et elle vivent toujours.

[7]               En octobre 2014, l’ASFC a appris que Mme Betthaus avait demandé une aide au revenu. Jusqu’alors, il semble que l’ASFC ignorait que la demanderesse avait prolongé indûment la durée de séjour autorisée par son visa.

[8]               En novembre 2014, deux agents de l’ASFC ont interrogé Mme Betthaus au sujet de sa situation et de son statut d’immigration. Le lendemain, une mesure d’exclusion était prise contre elle. En décembre 2014, la demanderesse a présenté une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[9]               En mars 2015, la demanderesse a demandé qu’il soit sursis à son renvoi du Canada en attendant l’issue de sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. La demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a été entièrement soumise à l’agent d’exécution, avec l’observation selon laquelle elle [traduction] « reposait sur l’intérêt supérieur de l’enfant canadien âgé de trois ans de Mme Betthaus, Mason Dean Phillips ».  Parmi les documents qui ont été produits à l’appui de la demande figure une lettre datée du 27 novembre 2014, rédigée par Samantha Hosie, préposée à la protection de l’enfance, Ministère du Développement de l’enfance et de la famille, dans laquelle elle a écrit :

[traduction]

Le directeur a conclu que Mme Phillips doit être la principale pourvoyeuse de soins à Mason, en raison de la violence manifestée par M. Phillips et aggravée par sa toxicomanie. À l’heure actuelle, Mason ne voit son père qu’à la faveur de visites supervisées, à la discrétion du directeur. J’estime, à titre de professionnelle de la protection de l’enfance, qu’il est sans nul doute dans l’intérêt supérieur de Mason que Mme Phillips reste au Canada pour s’occuper de lui. Mason montre des signes de traumatisme parce qu’il a été témoin d’actes de violence perpétrés contre sa mère et il suit une thérapie à cet égard. Il est très probable que, si Mason perd sa mère, il sera encore plus traumatisé. De plus, si Mme Phillips fait l’objet d’une mesure d’expulsion, le directeur ne peut pas, à l’heure actuelle ni dans un proche avenir, recommander que M. Phillips devienne le principal pourvoyeur de soins à Mason.

Veuillez informer immédiatement le directeur si une mesure d’expulsion est prise parce qu’il devra prendre des mesures immédiates pour protéger l’enfant.  [Non souligné dans l’original.]

[10]           Le 17 mars 2015, l’agent d’exécution a rendu sa décision refusant le sursis, et la présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a été présentée le même jour.

[11]           Mme Betthaus soutient essentiellement que l’agent d’exécution a, de façon déraisonnable, omis de prendre en compte les éléments de preuve selon lesquels l’enfant serait traumatisé par le fait d’être séparé de sa mère, si celle-ci était renvoyée dans son pays.  

[12]           L’agent a écrit :

[traduction]

La jurisprudence montre que, dans la prise en compte de l’intérêt supérieur à court terme de l’enfant, l’obligation se limite aux circonstances dans lesquelles il n’existe pas de solution de rechange pratique au report du renvoi pour assurer l’éducation et la protection de l’enfant. L’agent de renvoi doit être convaincu que le renvoi n’exposerait pas l’enfant à des risques. Les éléments de preuve doivent démontrer qu’il y a risque imminent de préjudice si l’enfant reste au Canada et que le parent est renvoyé dans son pays. Il ne semble pas que ce soit le cas ici car une lettre du Ministère du Développement de l’enfance et de la famille (MDEF) indique que celui-ci prendra immédiatement des mesures pour protéger l’enfant si Nadja Betthaus est renvoyée dans son pays.

[13]           Mme Betthaus affirme que la décision de l’agent d’exécution est déraisonnable parce que, en concluant qu’il n’existe pas de preuve que Mason serait exposé à un risque imminent de préjudice, l’agent n’a pas pris en compte ou a négligé de prendre en compte l’opinion de Mme Hosie selon laquelle « [i]l est très probable que, si Mason perd sa mère, il sera encore plus traumatisé ».

[14]           L’agent d’exécution a appelé Mme Hosie après avoir reçu la demande de sursis, mais la demanderesse le critique pour avoir négligé de demander [traduction] « [q]uels traumatismes avait subis l’enfant; quelle thérapie avait été offerte; si la thérapie avait aidé l’enfant; quels signes ou comportements montrés par l’enfant ont porté Mme Hosie à croire qu’il était traumatisé ou les raisons pour lesquelles elle croyait que l’enfant serait encore plus traumatisé s’il était séparé de sa mère; si le traumatisme était grave ou bénin ».

[15]           La demanderesse soutient que, puisqu’il a omis de prendre en compte le fait que l’enfant sera encore plus traumatisé s’il était séparé de sa mère, on ne peut pas dire que l’agent a examiné tous les éléments de preuve pertinents. Par conséquent, elle affirme que, en dépit du fait que la décision est intelligible, elle n’est pas justifiée et ne peut se défendre au regard des faits dont disposait l’agent.

[16]           Je ne peux pas souscrire à l’opinion de la demanderesse selon laquelle, compte tenu des éléments de preuve dont disposait l’agent, la décision n’est pas justifiée et selon laquelle l’agent n’a pas pris en compte tous les éléments de preuve.

[17]           Il est clair, d’après le dossier, que l’agent d’exécution s’est entretenu avec Mme Hosie après avoir reçu la demande de sursis et avant de rendre sa décision. Les notes de l’agent sont succinctes, mais révèlent qu’il a eu une discussion au sujet des risques auxquels était exposé Mason. L’agent a écrit ce qui suit :

[traduction]

Pendant l’entrevue, j’ai été informé des renseignements suivants :

[…]

-si BETTHAUS part, Mason sera exposé à des risques; le MDEF assumera la garde si PHILLIPS n’est pas en mesure de s’occuper de Mason à ce stade.

-BETTHAUS est la principale responsable des soins de l’enfant

Je ne peux pas conclure, comme le souhaite la demanderesse, que les risques dont il a été question ne comprennent pas le traumatisme mentionné dans la lettre qui a donné lieu à l’appel téléphonique.

[18]           Il est certes triste que Mason risque d’être traumatisé par la perte de sa mère, mais l’opinion sur laquelle se fonde la demanderesse, qui constitue le seul élément de preuve dont disposait l’agent, ne laisse pas du tout entendre que l’intervention du MDEF ne pourrait pas ou ne saurait pas remédier à cette conséquence. En fait, il semble que le MDEF a déjà pris des mesures en offrant une thérapie quant aux traumatismes subis par Mason. De plus, il est indiqué que, dans la demande fondée sur les motifs d’ordre humanitaire, Mme Betthaus a fourni des éléments de preuve selon lesquels Mason a des liens étroits avec ses grands-parents et d’autres parents.

[19]           Vu ces éléments de preuve, je ne peux pas conclure que la décision de l’agent d’exécution de ne pas surseoir au renvoi était déraisonnable.

[20]           Aucune partie n’a proposé de question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

  1. L’intitulé de la cause est modifié par la présente comme suit :

Nadja Betthaus

demanderesse

et

Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile

défendeur

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;
  2. Aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Line Niquet, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1303-15

 

INTITULÉ :

NADJA BETTHAUS  c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 OCTOBRE 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

le 27 octobre 2015

COMPARUTIONS :

James E. Turner

POUR LA DEMANDERESSE

Edward Burnet

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Turner Immigration Law

Avocats

Victoria (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Bureau régional de la C.-B.

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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