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Date : 20150925


Dossier : IMM-3081-14

Référence : 2015 CF 1106

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 septembre 2015

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

EDWARD CYRIL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS RÉVISÉS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Edward Cyril (le demandeur) au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR) de la décision de la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SAR) datée du 2 avril 2014 et communiquée au demandeur le 10 avril 2014, par laquelle la SAR a conclu que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. J’estime que la demande devrait être rejetée pour les motifs qui suivent.

[2]               Le demandeur est un Tamoul âgé de 28 ans, de Jaffna, au Sri Lanka, dont la famille a été victime de nombreux actes de violence commis par les autorités sri lankaises depuis 2000. Il allègue qu’il a été détenu et torturé dans une prison ouverte à Vanni en 2009. Dans son formulaire Fondement de la demande d’asile (FDA) initial, le demandeur a déclaré qu’il est arrivé au Canada directement du Sri Lanka. Dans le même formulaire, il a aussi allégué qu’il a été arrêté et détenu par la police alors qu’il se rendait à son travail à l’Université de Jaffna, le 23 janvier 2013. Le demandeur est arrivé au Canada le 9 mars 2013. Dès son arrivée, il a demandé l’asile. Quand il a été confronté à des éléments de preuve biométriques faisant état de sa présence à Doha, au Qatar, en 2012, et de son voyage subséquent aux États‑Unis la même année sans retour au Sri Lanka, le demandeur a modifié son récit destiné au tribunal de la Section de la protection des réfugiés (la SPR); il a prétendu que la détention alléguée du 23 janvier 2013 avait bel et bien eu lieu, mais à une autre date que celle indiquée dans son formulaire FDA. Le demandeur a produit un formulaire FDA modifié lorsque ses allégations mensongères ont été mises au jour. Lors de la deuxième séance de l’audience devant la SPR, le demandeur a précisé qu’il n’avait pas été torturé pendant sa détention et qu’il avait été détenu en juin 2012, avant son départ pour le Qatar et les États‑Unis, où il a passé plusieurs mois avant d’entrer au Canada.

[3]               L’ancien avocat du demandeur a demandé et obtenu l’autorisation de se récuser lors de la première séance devant la SPR. Le demandeur s’est présenté, sans avocat, à la deuxième séance de l’audience devant la SPR, qui a eu lieu 12 jours plus tard. Il n’a pas demandé de report ni l’aide d’un avocat; le demandeur s’est donc représenté lui-même à la deuxième séance. Le demandeur a notamment accusé son agent et son ancien avocat de lui avoir recommandé de dénaturer la vérité. La SPR a rejeté la quasi-totalité de sa demande d’asile en raison des nombreux doutes qu’elle avait quant à sa crédibilité (par souci d’exhaustivité, la SPR a aussi affirmé que, selon les documents objectifs sur la situation dans son pays, le profil de base du demandeur ne correspondait pas aux profils de personne à risques).

[4]               Dans son appel devant la SAR, le demandeur, représenté par un nouvel avocat, a tenté de déposer des preuves nouvelles pour démontrer l’utilité d’être représenté par un avocat lors des audiences en matière d’immigration (des extraits de rapports d’organisations internationales) ainsi qu’une lettre de son ancien avocat.

[5]               La SAR a effectué son examen en appliquant la norme de la décision correcte pour les questions juridiques et la norme de la décision raisonnable pour les autres questions; la décision de la SAR a été rendue avant la décision Huruglica c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 799 [Huruglica].

[6]               Les questions en litige dans le présent contrôle judiciaire sont les suivantes : 1) la norme de contrôle que devait appliquer la SAR dans le cadre de son examen et la façon dont elle l’a appliquée en l’espèce; 2) l’applicabilité de la décision de la Cour d’appel fédérale concernant les preuves nouvelles dans Raza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 385 [Raza]; et 3) la SPR a‑t‑elle privé le demandeur de son droit à l’équité procédurale en poursuivant l’audience sans que celui-ci soit représenté par un avocat.

[7]               Étant donné qu’il s’agit d’un contrôle judiciaire, je dois évaluer le caractère raisonnable de la décision de la SAR conformément à l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], lequel expose au paragraphe 47 les obligations de la cour de révision qui applique  la norme de la décision raisonnable :

La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité.  Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[8]               J’estime que la décision Huruglica énonce le critère que doit appliquer la SAR dans les appels comme celui‑ci. Par conséquent, la SAR doit effectuer un examen indépendant et instruire l’affaire comme une procédure d’appel hybride exhaustive, fondée sur les faits, comme il est énoncé aux paragraphes 54 et 55 de la décision Huruglica :

54        […] la SAR doit instruire l’affaire comme une procédure d’appel hybride. Elle doit examiner tous les aspects de la décision de la SPR et en arriver à sa propre conclusion quant à savoir si le demandeur d’asile a qualité de réfugié au sens de la Convention ou qualité de personne à protéger. Lorsque ses conclusions diffèrent de celles de la SPR, la SAR doit y substituer sa propre décision.

55        Lorsque la SAR effectue son examen, elle peut reconnaître et respecter la conclusion de la SPR sur des questions comme la crédibilité et/ou lorsque la SPR jouit d’un avantage particulier pour tirer une conclusion, mais elle ne doit pas se borner, comme doit le faire une cour d’appel, à intervenir sur les faits uniquement lorsqu’il y a une « erreur manifeste et dominante ».

[9]               La question du seuil consiste à établir si la SAR a effectué un examen fondé sur la décision Huruglica. À mon humble avis, et nonobstant les habiles observations contraires de l’avocat, je ne suis pas convaincu que le demandeur a été privé d’une appréciation fondée sur Huruglica. La SAR ne commet pas d’erreur fatale quand elle affirme simplement qu’elle appliquera la norme de la décision raisonnable : Siliya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 120 [Siliya]. En fait, comme il est indiqué dans Hossain c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 312, la SAR peut avoir appliqué la bonne norme de contrôle, c’est‑à‑dire celle décrite dans la décision Huruglica, bien qu’elle « ait abondamment utilisé la terminologie associée à la décision raisonnable ». La Cour doit plutôt aller au‑delà des mots et établir quel type d’examen la SAR a effectué : Hamidi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 243. C’est la teneur de l’examen qui prévaut, et non pas sa forme.

[10]           Selon la décision Huruglica, les conclusions relatives à des questions comme la crédibilité, qui ont essentiellement tranché la présente affaire, requièrent un traitement particulier; la décision Huruglica affirme expressément, au paragraphe 55, que la SPR « peut reconnaître et respecter la conclusion de la SPR sur des questions comme la crédibilité ». De plus, selon Njeukam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 859 [Njeukam], quand la SAR se penche sur des conclusions portant sur la crédibilité, il lui est loisible de faire preuve de retenue à l’égard des conclusions de la SPR. J’estime que cette règle tranche un grand nombre des questions que le demandeur a soulevées concernant les nombreuses conclusions quant à la crédibilité qu’a tirées la SPR à son sujet et tranche également ses arguments relatifs à la retenue dont aurait dû faire preuve et dont a fait preuve la SAR à leur égard. Le demandeur a soutenu que la SAR a fait montre de trop de retenue à l’égard de la SPR sur les questions relatives à la crédibilité mais, comme il est indiqué plus haut, la SAR, selon la décision Huruglica, pouvait faire montre de retenue et je ne peux pas conclure que cette retenue était excessive, déraisonnable ou contraire à la loi. Je souligne aussi que la Cour avait donné instruction à la SAR de s’en remettre à la SPR en ce qui concerne les questions relatives à la crédibilité : Siliya, au paragraphe 21; Huruglica, au paragraphe 55; Njeukam, au paragraphe 19; Allalou c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 1084, au paragraphe 17; Spasoja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 913, au paragraphe 40; Akuffo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 1063, au paragraphe 39. On ne peut pas reprocher à la SAR d’avoir suivi ces instructions. En dépit du fait que le demandeur ne souscrit pas aux conclusions de la SPR et la SAR, je conclus que la SAR a examiné les éléments de preuve et les témoignages conformément à la décision Huruglica et à la jurisprudence de la Cour.

[11]           La deuxième grande question en litige en l’espèce concernait la façon dont la SAR a appliqué la décision Raza. Je ne peux pas souscrire à l’argument du demandeur selon lequel la SAR a appliqué la décision Raza [traduction] « de façon trop stricte » en l’espèce et qu’elle n’aurait pas dû l’appliquer du tout. En l’espèce, la SAR a d’abord examiné les critères énoncés au paragraphe 110(4) de la LIPR, qui est ainsi libellé :

110. (4) Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles où, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présenté, dans les circonstances, au moment du rejet.

110. (4) On appeal, the person who is the subject of the appeal may present only evidence that arose after the rejection of their claim or that was not reasonably available, or that the person could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection.

Cette approche était tout à fait appropriée et raisonnable.

[12]           En ce qui concerne ces conditions préalables prévues par la loi, s, la SAR a conclu que les preuves nouvelles proposées répondaient aux critères énoncés au paragraphe 110(4) de la LIPR.

[13]           Toutefois, le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur en poursuivant l’instruction et en appréciant les preuves « nouvelles » à l’égard de trois des facteurs mentionnés dans l’arrêt Raza, c’est‑à‑dire la crédibilité, la pertinence et le caractère substantiel des preuves (la SAR n’a pas analysé la nouveauté des preuves parce qu’elle avait déjà fait une telle analyse au titre du paragraphe 110(4)). J’estime que la SAR n’a pas commis d’erreur ni agi de façon déraisonnable en appréciant les éléments de preuve dont elle disposait en fonction de leur crédibilité, de leur pertinence et de leur caractère substantiel. Il me semble que ces critères s’appliquent à tous les éléments de preuve dont dispose tout tribunal, qu’il s’agisse de preuves « nouvelles » ou non. Il est certain que le droit n’oblige pas la SAR, après avoir accepté les preuves « nouvelles » conformément aux critères prévus par la loi, à les appliquer aveuglément aux faits sans tenir compte de leur crédibilité, leur pertinence ou leur caractère substantiel. La SAR ne pouvait se pencher sur la question du manquement à l’équité procédurale à l’égard de laquelle les preuves « nouvelles » ont été déposées qu’en fonction d’éléments de preuve admis à bon droit et convenablement évalués. En l’espèce, à mon humble avis, il importe peu à la fin que la crédibilité, la pertinence et le caractère substantiel de ces éléments de preuve aient été appréciés avant ou après qu’ils aient été acceptés à titre de preuves « nouvelles » dans l’examen du manquement allégué. La SAR affirme qu’elle s’est fondée sur l’arrêt Raza, et je ne vois là aucune erreur à cet égard. De plus, elle a pris en compte et appliqué Raza essentiellement de la même façon que celle approuvée par la Cour dans Abdi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 906, aux paragraphes 10 et 11. Par conséquent, je rejette ce motif de contrôle.

[14]           La dernière question en litige a trait à l’équité procédurale. Cette question est appréciée selon la norme de la décision correcte. Le demandeur soutient qu’il y a eu manquement à son droit à une audience équitable parce que la deuxième séance n’a pas été reportée quand il s’y est présenté sans avocat. Il a ajouté qu’il avait aussi le droit d’être informé de son droit à être représenté par un avocat. J’ai examiné les règles sur l’obligation d’accorder une audience équitable aux demandeurs qui se représentent eux‑mêmes dans Thompson c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 808, aux paragraphes 12 et 13 (même si cette décision concerne la SAI, les règles s’appliquent aussi à la SPR) :

12        Les demandeurs qui se représentent eux‑mêmes n’ont pas toujours ou nécessairement droit à un degré plus élevé d’équité procédurale : Martinez Samayoa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 441, au paragraphe 6 [Martinez]; Turton c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1244; Adams c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 529, aux paragraphes 24 et 25; Agri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 349, aux paragraphes 11 et 12. Toutefois, même si l’on doit faire preuve de déférence envers la SAI dans son choix de procédure et même si celle-ci n’est pas obligée d’agir comme avocate des parties non représentées, elle a néanmoins l’obligation de s’assurer que l’audience est équitable, et la portée de ces droits procéduraux dépend du contexte et doit être déterminée au cas par cas : Singh Dhaliwal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 201, aux paragraphes 13 et 14; Martinez, précitée, au paragraphe 7; Kamtasingh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 45, aux paragraphes 9 à 10 et 13; Law c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1006, aux paragraphes 14 à 19; Nemeth c Canada (Ministre de l’Immigration et de la Citoyenneté), 2003 CFPI 590, au paragraphe 13.

13        La portée du droit du demandeur à une audience équitable comprend la possibilité de présenter intégralement son point de vue et sa preuve et de les faire examiner par la SAI : Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 22; Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 531, aux paragraphes 13 à 15 et 19.

[15]           Vu les faits de l’espèce, je ne peux pas souscrire à la position du demandeur selon laquelle il y a eu manquement à l’équité procédurale parce que la séance n’a pas été reportée ou parce qu’il n’y a pas eu représentation par avocat. Cela tient essentiellement au fait que la SAR a rejeté les nouveaux éléments de preuve présentés à l’appui de cet argument. De plus, il n’existe pas d’obligation indépendante d’informer les demandeurs quant à la possibilité ou au droit d’avoir recours aux services d’un avocat dans les procédures d’immigration : Austria c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 423; ce qui est absolu, c’est le droit à une audience équitable (voir aux paragraphes 6 et 7).

[16]           Par conséquent, la SAR avait raison de conclure que « la SPR n’est pas tenue d’informer les demandeurs d’asile de la disponibilité de services d’aide juridique ». Rien n’indiquait que le demandeur souhaitait avoir recours aux services d’un avocat ou avait demandé le report de la séance. L’audience relative à la demande du demandeur a été reportée à l’issue de la première séance. Si le demandeur voulait plus de temps pour se trouver un autre avocat en prévision de la deuxième séance, il aurait pu le demander au tribunal à la première ou à la deuxième séance, mais il ne l’a pas fait. La SAR a conclu que le demandeur avait amplement eu la possibilité de retenir les services d’un autre avocat, et rien n’indique que le demandeur n’était pas en mesure de s’offrir les services d’un avocat ni qu’il lui fallait plus de temps pour retenir de tels services.

[17]           La SAR a expressément examiné et rejeté l’argument du demandeur selon lequel la représentation par avocat était une condition essentielle à la tenue d’une audience équitable en raison de la complexité alléguée de l’affaire. Elle a affirmé que l’affaire n’était pas compliquée, particulièrement étant donné que la crédibilité du demandeur était la seule question à trancher; de plus, la SAR a affirmé que les allégations de ce dernier étaient directes. Même si le demandeur s’oppose vigoureusement aux appréciations qu’a faites la SAR, je ne vois aucune raison de les rejeter moi‑même. Il s’agit exactement du type d’appréciations que la SAR est la plus apte à effectuer. Étant donné que la SAR entend les appels de ce genre, elle est en mesure de faire la distinction entre les appels de nature simple et les appels de nature complexe. J’estime que la SAR n’a pas commis d’erreur quant à cet aspect de son appréciation de l’absence alléguée d’équité procédurale.

[18]           En dépit du fait que j’accepte que la SAR a commis une erreur lorsqu’elle a affirmé qu’il n’y avait « aucun » élément de preuve démontrant que l’ancien avocat du demandeur a été informé des allégations que le demandeur a formulées contre lui, il était loisible à la SAR de conclure que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau d’établir que son ancien avocat avait reçu un avis suffisant et avait eu l’occasion de répondre aux allégations. Selon Pusuma c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1025, au paragraphe 56, l’obligation de donner un avis suffisant et une occasion valable est examinée selon les circonstances de chaque cas. Bien que le demandeur ait envoyé à son ancien avocat copie de la décision de la SPR, nous ne savons pas quels autres avis l’ancien avocat a reçus. Nous savons, cependant, que le demandeur n’a pas porté plainte auprès de la Law Society of Upper Canada; l’absence d’une telle plainte peut, en soi, empêcher la tenue d’un contrôle judiciaire, comme l’affirme Molnar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 530, au paragraphe 60.

[19]           Après avoir examiné les questions juridiques et procédurales selon la norme de la décision correcte, à titre de cour de révision, je dois maintenant apprécier la décision de la SAR selon la norme de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt Dunsmuir. Je dois prendre du recul et examiner la décision de la SAR globalement. Le contrôle judiciaire n’est pas une chasse aux erreurs; la décision est appréciée en fonction de son caractère raisonnable général. J’estime que la décision de la SAR est raisonnable en ce qui concerne les conclusions quant à la crédibilité tirées par la SPR parce que l’appréciation de la SAR des éléments de preuve appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La décision de la SAR est raisonnable en ce qui concerne son appréciation des preuves « nouvelles »; sa décision à cet égard appartient aussi aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[20]           En ce qui concerne l’équité procédurale, j’ai apprécié les allégations à cet égard selon la norme de la décision correcte et estimé que l’argument selon lequel l’audience n’avait pas été équitable n’est pas fondé.

[21]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[22]           Trois autres éléments ont été soulevés à l’audience. En premier lieu, l’ancien avocat a produit deux lettres et un affidavit en prévision de la tenue de l’audience qui précisent sa position sur les allégations qui ont été formulées contre lui. Les deux parties se sont opposées à la prise en compte des documents; la Cour ne les a pas pris en compte.

[23]           En deuxième lieu, le demandeur m’a demandé de reporter le prononcé de ma décision en attendant l’audition et la décision de la Cour d’appel fédérale quant à l’appel dont il est question  dans Huruglica. Avec égards, je ne suis pas disposé à le faire. On ne sait pas combien de temps il faudra à la Cour d’appel fédérale pour trancher les questions soulevées dans Huruglica. De plus, le fait de demander le report du prononcé d’un jugement équivaut à demander un ajournement, ce qui n’a pas été fait. En outre, le fait de retarder le prononcé d’un jugement incite très explicitement au fractionnement de l’audience; en fait, l’avocat a demandé l’autorisation de présenter de nouvelles observations après que la Cour d’appel fédérale aura rendu son jugement. En reportant le prononcé de sa décision, la Cour se trouverait à faire fi de son obligation de trancher les affaires à mesure qu’elles sont soulevées et à contrevenir à la directive du législateur selon laquelle elle doit « statuer sur la demande à bref délai », conformément à l’alinéa 72(2)d) de la LIPR.

[24]           En troisième lieu, l’avocat a demandé que du temps lui soit accordé pour réfléchir à la possibilité de demander la certification d’une question grave de portée générale au titre de l’alinéa 74d) de la LIPR. Il n’a fourni aucune version préliminaire. J’estime que c’est là une approche inhabituelle. Il aurait dû signifier et présenter la version provisoire de la question à certifier avant l’audience. À défaut, l’avocat devrait être en mesure d’aborder cet aspect de son argumentation pendant l’audience. La Cour et les parties ont le droit d’être saisies de l’ensemble des arguments sur l’ensemble des questions à la date à laquelle l’audience doit se tenir; le contrôle judiciaire ne devrait pas être fait en multiples étapes, sans raison valable, et, en toute franchise, il n’y en a pas en l’espèce. Cela dit, j’ai accordé au demandeur un délai d’un jour pour formuler des observations, et un délai équivalent au défendeur et au demandeur pour leurs réponses. Par conséquent, le demandeur m’a demandé de certifier la question suivante :

[traduction]

Dans le cadre de son rôle d’organe d’appel se fondant sur les faits, la Section d’appel des réfugiés (SAR) examine‑t‑elle la demande d’asile ou un appel interjeté à l’égard d’une demande d’asile à la lumière de la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés?

[25]           Je conviens avec le défendeur que cette question sera débattue devant la Cour d’appel fédérale dans Huruglica, et comme il a été affirmé dans Alyafi c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2014 CF 952, et d’autres affaires, la certification de questions ne facilite pas les interventions opportunes dans un appel où les mêmes questions sont soulevées. De plus, la Cour a cessé il y a un certain temps de certifier les questions selon la norme de contrôle dans les affaires instruites par la SAR, et je n’ai aucune raison de déroger à cette pratique.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée, aucune question n’est certifiée et aucuns dépens ne sont adjugés.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Line Niquet, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3081-14

 

INTITULÉ :

EDWARD CYRIL c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’MMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE 

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 Septembre 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 23 SEPTEMBRE 2015

 

DATE DES MODIFICATIONS :

LE 25 SEPTEMBRE 2015

COMPARUTIONS :

Robert Israel Blanshay

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Laoura Christodoulides

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robert Israel Blanshay Professional Corporation

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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