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Date : 20150420


Dossier : IMM‑1042‑14

Référence : 2015 CF 499

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 20 avril 2015

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

MARGARITA HAKOBYAN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Contexte

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent des visas a refusé un permis de travail à la demanderesse, Mme Margarita Hakobyan, une citoyenne arménienne. L’agent a fondé sur deux motifs sa conclusion selon laquelle les conditions que fixent la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, et le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement) n’étaient pas remplies :

  1. L’agent n’était pas convaincu de l’authenticité de l’offre d’emploi faite au Canada par Diversified Construction Maintenance Inc. (DCM), dont dépendait la demande de permis de travail présentée par la demanderesse.
  2. L’agent a conclu à l’inauthenticité des documents produits par la demanderesse relativement à ses antécédents professionnels en Arménie.

[2]               Pour les motifs dont l’exposé suit, je conclus que la décision contestée doit être confirmée, et la présente demande de contrôle judiciaire, rejetée.

II.                Récapitulation des arguments des parties

[3]               La demanderesse soutient que l’agent s’est trompé à l’égard des deux motifs de sa décision. Selon elle, il a manqué à son obligation d’équité procédurale aussi bien dans sa conclusion sur l’authenticité des documents relatifs aux antécédents professionnels de la demanderesse en Arménie que dans sa conclusion sur l’authenticité de l’offre d’emploi au Canada. La demanderesse affirme que la décision de l’agent était très importante pour elle, que l’agent était en conséquence tenu à une obligation d’équité procédurale plus rigoureuse, qu’il aurait dû lui communiquer ses préoccupations à elle‑même et à DCM, et qu’il aurait dû leur donner la possibilité d’y répondre. Si l’agent avait rempli son obligation d’équité procédurale, ajoute la demanderesse, elle aurait pu le convaincre de l’authenticité des documents concernant ses antécédents professionnels en Arménie, comme de l’authenticité de l’offre d’emploi au Canada.

[4]               Le défendeur admet que, pour ce qui concerne l’appréciation de l’authenticité des documents relatifs aux antécédents professionnels de la demanderesse en Arménie, l’agent a manqué à son obligation d’équité procédurale. Toutefois, le défendeur fait valoir que l’agent n’a commis aucun manquement de cette nature dans l’appréciation de l’authenticité de l’offre d’emploi au Canada. L’agent, explique le défendeur, a demandé certains documents pertinents à DCM et a examiné les pièces reçues en réponse à sa demande. Le défendeur ajoute que la décision de l’agent n’a pas eu de conséquences graves pour la demanderesse, puisqu’elle pouvait simplement présenter une autre demande de permis de travail en l’étayant de meilleurs éléments de preuve; en conséquence, l’obligation d’équité procédurale de l’agent à cet égard était relativement peu rigoureuse, et il n’était pas tenu de communiquer ni à la demanderesse ni à DCM les doutes suscités par l’examen des documents qu’il avait reçus. Malgré l’erreur commise dans l’appréciation de l’authenticité des documents relatifs aux antécédents professionnels de la demanderesse en Arménie, conclut le défendeur, la présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée au motif que la conclusion d’inauthenticité de l’offre d’emploi au Canada était autonome et suffisait en soi à justifier le rejet de la demande de permis de travail présentée par la demanderesse.

[5]               La demanderesse soutient en réponse qu’on ne peut séparer la conclusion d’inauthenticité des documents relatifs à ses antécédents professionnels en Arménie de la conclusion d’inauthenticité de l’offre d’emploi au Canada, au motif que les doutes sur l’authenticité des documents mettent sa crédibilité en cause et que la crédibilité est aussi un facteur important dans l’appréciation de l’authenticité de l’offre d’emploi. Elle fait valoir que les deux conclusions d’inauthenticité sont essentiellement des conclusions de fausse déclaration et de mauvaise foi, et que la gravité de ces conclusions constitue une raison de plus de reconnaître la nature plus rigoureuse de l’obligation d’équité procédurale en l’espèce. La demanderesse va jusqu’à affirmer que DCM, qui a employé dans le passé de nombreuses personnes ayant pu obtenir un permis de travail, se trouve maintenant [traduction] « mal notée » en raison de la conclusion d’inauthenticité de son offre d’emploi, et ne peut espérer que les demandes ultérieures de permis de travail la concernant soient approuvées à moins que la Cour n’annule la décision de l’agent.

III.             Analyse

[6]               J’estime que la conclusion d’inauthenticité des documents relatifs aux antécédents professionnels de la demanderesse en Arménie n’a eu aucun effet sur la conclusion d’inauthenticité de l’offre d’emploi de DCM. Rien ne l’indique ni ne le donne à penser dans les documents et les notes concernant la décision contestée. Par conséquent, je conclus qu’il est possible d’examiner séparément la question de l’authenticité de l’offre d’emploi de DCM. Je conviens aussi avec le défendeur que si je conclus que la question de l’authenticité de l’offre d’emploi de DCM a été tranchée de manière juste et raisonnable, la décision de l’agent prise dans son ensemble peut être confirmée.

[7]               S’agissant de l’équité procédurale, je pense comme le défendeur que la charge de l’agent était peu élevée. Il incombait à la demanderesse de convaincre l’agent du bien‑fondé de tous les aspects de sa demande (Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 484, au paragraphe 31; et Grewal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 627, au paragraphe 19), et à DCM d’établir qu’elle était un employeur véritablement actif dans l’entreprise à l’égard de laquelle l’offre d’emploi avait été faite (paragraphe 200(5) du Règlement). Je conviens aussi avec le défendeur que la décision défavorable de l’agent n’entraîne pas de conséquences graves pour la demanderesse, puisqu’elle peut tout simplement présenter une nouvelle demande en faisant en sorte de l’étayer d’éléments de preuve plus probants. J’estime que la conclusion d’inauthenticité de l’offre d’emploi ne permet pas de conclure que la demanderesse ou DCM ont dénaturé les faits ou sont de mauvaise foi. Je souscris à l’argument selon lequel la conclusion d’inauthenticité de l’offre d’emploi tirée en l’espèce revient simplement à dire que la preuve était insuffisante. À mon avis, la décision de l’agent ne risque pas d’entraîner ultérieurement des conséquences défavorables pour la demanderesse ou DCM. La demanderesse n’a pas étayé son affirmation selon laquelle DCM serait maintenant [traduction] « mal notée » en raison de la conclusion d’inauthenticité de l’offre d’emploi.

[8]               S’agissant du caractère raisonnable de la conclusion d’inauthenticité de l’offre d’emploi tirée par l’agent, je constate que cette conclusion semble uniquement fondée sur le défaut de l’employeur éventuel de produire les documents fiscaux exigés pour établir qu’il était véritablement actif dans l’entreprise à l’égard de laquelle l’offre d’emploi avait été faite. Plus précisément, l’avis de cotisation communiqué par DCM n’était pas celui de l’année demandée par l’agent. En outre, le défendeur fait observer que l’avis de cotisation présenté portait des montants nuls pour tous les impôts fédéraux et un crédit pour l’impôt provincial; cependant, on ne sait pas avec certitude si l’agent a pris ce fait en considération. Quoi qu’il en soit, l’agent a conclu que les documents communiqués ne prouvaient pas que DCM était véritablement active dans l’entreprise à l’égard de laquelle l’offre d’emploi avait été faite.

[9]               Bien que l’agent se soit fondé sur une preuve assez mince pour conclure que l’offre d’emploi n’était pas authentique, je suis convaincu que l’insuffisance de la preuve est à mettre au compte de la demanderesse et/ou de DCM, et non de l’agent. Même si DCM avait communiqué à l’agent exactement les documents demandés, rien ne permet de penser avec certitude que sa décision aurait été favorable à la demanderesse.

[10]           La demanderesse a invoqué le témoignage de Mme Laurel Stevenson, chef de bureau à DCM, selon laquelle, si l’agent avait exprimé le moindre doute sur l’authenticité de l’offre d’emploi, elle aurait pu lui communiquer des documents qui l’auraient dissipé. Je constate cependant que la demanderesse n’a dans les faits produit aucun document de cette nature, que ce soit par l’intermédiaire de Mme Stevenson ou d’un autre déposant, de sorte que je dispose seulement de l’opinion de celle‑ci comme quoi les documents dont elle parlait auraient répondu aux préoccupations de l’agent, ce qui ne suffit pas à me convaincre.

IV.             Conclusion

[11]           En dernière analyse, je conclus que l’agent a agi raisonnablement lorsqu’il a conclu que les éléments de preuve produits n’établissaient pas que DCM était véritablement active dans l’entreprise à l’égard de laquelle l’offre d’emploi avait été faite et qu’il fallait par conséquent considérer cette offre comme inauthentique.


JUGEMENT

LA COUR :

1.      REJETTE la présente demande de contrôle judiciaire.

  1. DÉCLARE qu’aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« George R. Locke »

Juge

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑1042‑14

 

INTITULÉ :

MARGARITA HAKOBYAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 MARS 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 20 AVRIL 2015

 

COMPARUTIONS :

Peter Lulic

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Eleanor Elstub

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter Lulic

Avocat

Toronto (Ontario)

 

pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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