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Date : 20150312


Dossier : IMM-4713-14

Référence : 2015 CF 314

Ottawa (Ontario), le 12 mars 2015

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

RANIA BELLA INARUKUNDO

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada dans laquelle elle a déterminé que la défenderesse a la qualité de réfugiée au sens de la Convention.

[2]               La défenderesse est citoyenne du Burundi. Elle allègue plusieurs incidents justifiant une crainte subjective.

[3]               Dans ses soumissions, le demandeur soulève les problèmes suivants :

a.                   La défenderesse ne s’est pas acquittée du fardeau d’établir son identité.

b.                  Le tribunal n’a pas observé les principes de justice naturelle lorsqu’il a permis le dépôt d’un rapport psychologique le matin de l’audience.

c.                   La décision est déraisonnable puisqu’elle omet de considérer  la possibilité d’une arnaque orchestrée par des demandeurs d’asile du Burundi, telle que décrite dans des brefs de renseignements préparés par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et conclu qu’il n’y a pas de possibilité de refuge interne.

I.                   La norme de contrôle applicable

[4]               En l’espèce, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, à l’exception de la question portant sur l’équité procédurale qui doit être décidée selon la norme de la décision correcte.

II.                L’identité de la défenderesse

[5]               Le demandeur prétend que la défenderesse n’a pas réussi à établir son identité. Ce fait est d’autant plus apparent lorsque l’on considère la possibilité de l’existence d’une arnaque au Burundi impliquant l’obtention de visas américains. Dans le cadre de cette arnaque, les demandeurs d’asile obtiennent un visa américain, séjournent aux États-Unis pour quelques jours et demandent l’asile au Canada. C’est exactement ce qu’a fait la défenderesse en l’espèce.

[6]               Des analyses des documents d’identité de la défenderesse, tels son passeport, son acte de naissance et sa carte d’identité, ont été effectuées. À la suite de ces analyses, l’ASFC a conclu que le passeport est authentique. Toutefois, l’analyse des autres documents s’est avérée « non concluante ». Le demandeur prétend que puisque le passeport a été obtenu sur la base des documents jugés « non concluants », l’identité de la défenderesse n’est pas démontrée et par conséquent la décision du tribunal est déraisonnable.

[7]               À mon avis, ce point de vue est incorrect. Voir : Masongo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 39 au para 12 :

L’affaire de M. Masongo est plutôt conforme à celles dans lesquelles la Cour a affirmé qu’un document censé avoir été délivré par une autorité étrangère est présumé valide à moins d’une preuve contraire (Ramalingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 10, 77 A.C.W.S. (3d) 156; Osipenkov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 59, 120 A.C.W.S. (3d) 111; et Sitoo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1513, [2004] A.C.F. no 1850).

[8]               Sur la base des faits en l’espèce, le fardeau reposait sur le demandeur de démontrer une preuve contraire pour réfuter la présomption de validité du passeport. Toutefois, le demandeur n’a pas réussi à réfuter la présomption. En ce qui concerne l’activité frauduleuse au Burundi concernant l’émission de faux documents, monsieur le juge von Finckenstein a conclu dans Cheema c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 224 au para 7 :

Les documents produits par le demandeur peuvent fort bien être des faux. Toutefois, la preuve d'une pratique répandue de fabrication de faux documents dans un pays n'est pas en soi suffisante pour justifier le rejet de documents étrangers au motif qu'il s'agit de faux. Comme l'a souligné le défendeur, la preuve d'une pratique répandue de fabrication de faux documents démontre uniquement que le demandeur pouvait se procurer des faux documents.

Voir : Jiang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 499, [2006] ACF no 621 (QL).

[9]               Compte tenu des faits en l’espèce, je suis d’avis que la décision par rapport à l’identité de la défenderesse est raisonnable.

III.             L’équité procédurale

[10]            Le tribunal a accepté le dépôt du rapport psychologique comme preuve le matin de l’audience et ce, malgré l’opposition du demandeur qui n’a obtenu que quelques minutes pour l’étudier. Le demandeur prétend que le tribunal doit avoir pris en considération le contenu du rapport puisqu’il fait référence au viol de la défenderesse dans les motifs de sa décision. Toutefois, il n’y a aucune mention explicite du rapport dans les motifs de la décision du tribunal. De plus, il existe un rapport médical contemporain relatif à l’incident du viol confirmant l’état physique de la défenderesse.

[11]           Malgré le fait que le rapport a été déposé à l’extérieur des délais envisagés par la règle 34 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, le tribunal a la discrétion d’accepter le dépôt d’un document après l’expiration des délais conformément à la règle 36. De toute façon, le contenu du rapport ne ferait que confirmer la crainte subjective de la défenderesse; crainte qui a été prouvée d’une autre façon.

[12]           Le demandeur prétend également que le rapport médical du Burundi est une contrefaçon puisqu’il contient des erreurs de grammaire. Cependant, la description des blessures de la défenderesse contenue dans le rapport est claire et il n’y a aucune indication que la langue maternelle du médecin est le français. Selon moi, cet argument équivaut à de la spéculation pure et simple de la part du demandeur.

IV.             Le caractère raisonnable de la décision

[13]           Finalement, en ce qui concerne le caractère raisonnable de la décision, le fait que la défenderesse a obtenu un visa américain sous de faux prétextes, puisqu’elle n’avait pas l’intention d’y étudier, n’appuie aucunement l’argument du demandeur à l’effet qu’elle n’était pas victime de persécution. En fait, la crainte subjective de la défenderesse ayant été prouvée, la décision du tribunal est raisonnable.

[14]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.


JUGEMENT

POUR LES MOTIFS ÉNONCÉS;

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIE :

IMM-4713-14

INTITULÉ :

MCI c RANIA BELLA INARUKUNDO

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 FÉVRIER 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :

LE 12 MARS 2015

COMPARUTIONS :

Me Simone Truong

pour le demandeur

Me Pacifique Siryuyumusi

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

pour le demandeur

Siryuyumusi Law Office

Ottawa (Ontario)

pour le défendeur

 

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