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Date : 20150505


Dossier : IMM‑6346‑14

Référence : 2015 CF 580

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 mai 2015

En présence de monsieur le juge Noël

ENTRE :

EDGAR MBARAGA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 (LIPR) présentée par Edgar Mbaraga (le demandeur) à l’encontre d’une décision de l’agent d’immigration supérieur W. Manshad (l’agent d’ERAR) de Citoyenneté et Immigration Canada du 9 juillet 2014, par laquelle il rejetait la demande d’examen des risques avant renvoi (la demande d’ERAR) du demandeur.

II.                Les faits allégués

[2]               Le demandeur est un Tutsi, citoyen du Rwanda, né le 21 avril 1994.

[3]               Le demandeur s’est rendu aux États‑Unis en tant que visiteur le 28 juin 2010. Le demandeur est arrivé au Canada le 23 août 2010 et a demandé l’asile le même jour.

[4]               Le demandeur a allégué craindre un haut responsable de l’armée rwandaise, M. Rugumyer Gachinya, qui aurait voulu l’enrôler dans l’armée.

[5]               Le demandeur a prétendu être ciblé en raison des problèmes de son père, Joshua Mbaraga [Joshua]. Il a affirmé que son père était un ancien colonel du Front patriotique rwandais [FPR] et un membre important de l’armée du Rwanda lorsque Paul Kagame a pris le contrôle du pays. Le demandeur a allégué que son père avait été rétrogradé de l’armée et qu’il est ensuite tombé en disgrâce en 2003.

[6]               La SPR a refusé la demande d’asile du demandeur le 1er août 2011 après avoir conclu que les réponses du demandeur n’étaient pas crédibles. La demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la SPR a été rejetée en décembre 2011.

[7]               Le 20 août 2012, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire). La demande a été refusée le 13 juin 2013. Le 26 juillet 2013, le demandeur a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision rendue au sujet de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Cette demande a également été refusée en novembre 2014.

[8]               Le 23 décembre 2013, le demandeur a soumis une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Cette demande a été refusée le 9 juillet 2014. Il s’agit de la décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire.

III.             La décision contestée

[9]               L’agent d’ERAR a d’abord noté que le demandeur a répété dans sa demande d’ERAR les mêmes allégations qu’il avait présentées à la SPR dans sa demande d’asile.

[10]           L’agent d’ERAR a évalué la preuve présentée par le demandeur et il a accepté les nouveaux éléments de preuve suivants :

  1. Une copie des documents relatifs à la demande d’asile aux États‑Unis (É.‑U.) présentée par Kenneth Bahizi [Kenneth], le frère du demandeur;
  2. Une copie des documents relatifs à la demande d’asile aux É.‑U. présentée par Susan Batamuliza [Susan], la sœur du demandeur, incluant notamment une copie d’un affidavit de Joshua Mbaraga daté du 30 novembre 2012 et une copie de la déclaration de Jonathan Musonera datée du 25 novembre 2012, présentés à l’appui de la demande d’asile de Susan;

3.      Une copie d’une déclaration de Joel Bright Mutsinzi [Joel], le frère du demandeur, concernant sa demande d’asile aux É.‑U.;

4.      Une copie d’une citation à comparaître pour Joshua Mbaraga, datée du 9 août 2011, avec une traduction en anglais;

5.      Un document intitulé Proclamation établissant le Congrès national rwandais (RNC) (dans lequel on mentionne le nom de Jonathan Musonera) et d’autres documents liés au RNC;

6.      Un document de la police de Londres daté du 12 mai 2011;

7.      Une lettre de Jonathan Musonera datée du 25 novembre 2012;

  1. Des articles de presse et des rapports sur la situation du pays qui ont été publiés après la décision de la SPR.

[11]           L’agent d’ERAR a rejeté les autres documents présentés par le demandeur à titre de nouveaux éléments de preuve.

[12]           L’agent d’ERAR a conclu que les documents relatifs aux demandes d’asile des frères et de la sœur du demandeur n’avaient aucune valeur probante. En ce qui a trait à la demande d’asile de Kenneth, le demandeur n’a soumis aucune preuve montrant que cette demande avait été acceptée en fonction des mêmes allégations que celles faites par le demandeur, les documents présentés montrant uniquement que la demande d’asile avait été approuvée. En ce qui concerne les documents de Susan et de Joel, rien n’indique que ces demandes d’asile ont été acceptées. De plus, l’agent d’ERAR a noté que la demande d’ERAR du demandeur n’avait aucun lien avec les décisions prises par d’autres tribunaux de l’immigration.

[13]           De plus, l’agent d’ERAR n’a accordé aucune valeur probante à la citation à comparaître de Joshua, le père du demandeur, qui ne montrait aucun lien entre les accusations de détournement de fonds déposées contre son père et les problèmes de ce dernier avec le gouvernement de M. Kagame.

[14]           L’agent d’ERAR a expliqué qu’il n’était pas en mesure d’examiner le document de la police de Londres, daté du 12 mai 2011, en raison de sa mauvaise qualité et des mots illisibles.

[15]           En ce qui a trait à la lettre de Jonathan Musonera datée du 25 novembre 2012, le demandeur n’a pas fourni suffisamment de preuves pour démontrer qu’il avait des liens de parenté avec cette personne. Peu de valeur probante a été accordée à ce document.

[16]           En ce qui a trait aux articles de presse et aux rapports sur la situation du pays, l’agent d’ERAR a conclu qu’ils n’avaient aucun lien avec l’histoire personnelle du demandeur et qu’ils ne démontraient pas qu’il était personnellement en danger au Rwanda. L’agent a donc rejeté la demande d’ERAR.

IV.             Les observation des parties

[17]           Le demandeur fait valoir que l’agent d’ERAR avait une « obligation accrue » pour trois raisons : (1) le demandeur était mineur lorsqu’il a présenté sa demande d’asile et qu’il est entré dans le système canadien d’octroi de l’asile sans le soutien de ses parents, (2) il n’a pu consulter son représentant désigné que pour une heure avant l’audience relative à sa demande d’asile, et (3) on lui a refusé les services d’un interprète pendant cette audience, bien qu’un interprète était présent. L’agent d’ERAR n’aurait donc pas dû accorder autant d’importance aux conclusions négatives de la SPR à l’égard de sa crédibilité. En outre, le demandeur explique que son conseil l’avait mal représenté pour sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de la SPR devant la Cour fédérale. Le demandeur ajoute qu’en raison des modifications apportées à la LIPR à l’égard des demandes d’ERAR, l’agent avait un fardeau plus lourd d’évaluer pleinement les risques auxquels le demandeur était exposé et de considérer les autres motifs à la lumière de l’ensemble de la preuve dont il disposait. Le défendeur fait valoir que l’argument du demandeur au sujet de « l’obligation accrue » imposée à l’agent d’ERAR dans ce cas n’était pas fondé puisque le demandeur était représenté par un conseil et que l’agent d’ERAR avait évalué de manière appropriée les risques auxquels le demandeur était personnellement exposé. Le défendeur ajoute que le présent contrôle judiciaire n’est pas le moyen approprié de contester la compétence de sa représentation juridique précédente.

[18]           Le demandeur ajoute que l’agent d’ERAR lui avait imposé un fardeau déraisonnable et qu’il avait appliqué deux normes différentes dans l’évaluation générale de son dossier. De plus, le demandeur fait valoir que l’agent d’ERAR n’a pas évalué correctement son profil de risque en fonction de la preuve documentaire. Il affirme que l’agent d’ERAR a commis une erreur en rejetant la documentation concernant les demandes d’asile de ses frères et de sa sœur aux États‑Unis car il a précisé dans son affidavit que les faits décrits dans les demandes d’asile de ses frères et de sa sœur sont les mêmes dans son cas. Le demandeur ajoute que l’agent d’ERAR n’a pas fourni des motifs suffisants expliquant pourquoi il n’a pas tenu compte de ces documents. Le défendeur répond que le simple fait de souscrire un affidavit ne dispense pas le demandeur de s’acquitter du fardeau de la preuve relativement à son risque de persécution.

[19]           Le demandeur soutient que le document de la police de Londres daté du 12 mai 2011 n’aurait pas dû être écarté par l’agent d’ERAR en raison de sa mauvaise qualité, car son contenu est important. Le défendeur répond que le fait que le conseil du demandeur ait présenté son interprétation personnelle de ce document dans son mémoire n’est pas pertinent puisqu’il n’a jamais été présenté à l’agent d’ERAR.

[20]           Le demandeur soutient également que le Rwanda est un pays dangereux et que par conséquent, l’obligation du gouvernement contre le refoulement doit être à son niveau le plus élevé. L’agent d’ERAR devait donc évaluer tous les risques possibles. En outre, le demandeur critique l’évaluation faite par l’agent d’ERAR des articles et des rapports sur la situation du pays, car ces documents concernent son histoire et les risques auxquels il est exposé au Rwanda. À cet égard, le défendeur fait valoir que le demandeur ne peut s’attendre à ce que la situation générale du pays soit considérée comme preuve des risques auxquels il serait personnellement exposé.

V.                La question en litige

[21]           J’ai examiné les arguments des parties et leurs dossiers respectifs et je pose la question comme suit :

  1. La décision de l’agent d’ERAR était‑elle raisonnable?

VI.             La norme de contrôle

[22]           La question de savoir si la décision d’ERAR est raisonnable doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable (Pareja c. Canada [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration], 2008 CF 1333, au paragraphe 12; Kandel c. Canada [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration], 2014 CF 659, au paragraphe 17). La Cour n’interviendra que si elle conclut que la décision est déraisonnable, c’est‑à‑dire qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] ACS 9, au paragraphe 47).

VII.          Analyse

[23]           Une demande d’ERAR présentée par un demandeur d’asile débouté ne constitue pas un appel ni un réexamen de la décision de la SPR de rejeter une demande d’asile (Raza c. Canada [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration], 2007 CAF 385, au paragraphe 12 [Raza]; Sayed c. Canada [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration], 2010 CF 796, au paragraphe 37 [Sayed]). Néanmoins, une demande d’ERAR peut nécessiter l’examen de quelques‑uns ou de la totalité des mêmes points de fait ou de droit qu’une demande d’asile (Raza, précité, au paragraphe 12). L’« alinéa [113a) de la LIPR] repose sur l’idée que l’agent d’ERAR doit prendre acte de la décision de la SPR de rejeter la demande d’asile, à moins que des preuves nouvelles soient survenues depuis le rejet, qui auraient pu conduire la SPR à statuer autrement si elle en avait eu connaissance » (Raza, au paragraphe 13). L’agent d’ERAR peut validement rejeter des preuves relatives aux risques examinés par la SPR si elles n’établissent pas que les faits pertinents tels qu’ils se présentent à la date de la demande d’ERAR sont sensiblement différents des faits constatés par la SPR (Raza, au paragraphe 17). En l’espèce, les allégations du demandeur sont les mêmes que celles qu’il a présentées à la SPR. En outre, l’agent d’ERAR a correctement évalué tous les éléments de preuve soumis. La Cour ne voit donc aucune raison d’intervenir.

[24]           Le demandeur fait d’abord valoir qu’il y avait en l’espèce des raisons d’imposer une « obligation accrue » à l’agent d’ERAR parce qu’il était mineur au moment de l’audience de la SPR et que sa représentation juridique n’était pas adéquate. Il cite la décision Jama c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 668 [Jama] pour appuyer ce fait. Toutefois, je ne suis pas d’accord avec le demandeur. La décision Jama repose sur trois facteurs : (1) le demandeur avait rempli sa demande sans l’aide d’un avocat, (2) la demande d’ERAR a été tranchée 18 mois après sa présentation et (3) le demandeur était originaire de la Somalie, un pays considéré dangereux, (au paragraphe 21).

[25]           En l’espèce, contrairement aux faits dans Jama, le demandeur a reçu l’aide d’un avocat pour préparer sa demande d’ERAR et se présenter à la SPR. Cependant, le demandeur fait valoir que l’avocat qui l’a représenté devant la SPR était incompétent. Cet argument ne peut être retenu. Il s’agit d’allégations très graves, et le critère pour établir l’incompétence est très strict. (Tjaverua c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 288, au paragraphe 15). Le demandeur ne s’est pas conformé au Code procédural de la Cour fédérale : Code procédural concernant les allégations formulées contre les avocats ou contre d’autres représentants autorisés au cours des instances de la Cour fédérale en matière de citoyenneté, d’immigration et de personnes à protéger, du 7 mars 2014, qui précise que l’ancien avocat ou représentant autorisé doit être informé par écrit des allégations faites contre lui. De plus, le juge Martineau a déclaré dans la décision Parast c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 660, au paragraphe 11 que :

[11]      Le demandeur doit accepter les conséquences du choix de son conseiller et de la décision qu’il a délibérément pris de mentir sur sa situation personnelle. Ce n’est que dans les circonstances les plus exceptionnelles que la Cour peut tenir compte de l’incompétence d’un avocat. Selon la jurisprudence, la preuve de l’incompétence de l’avocat doit être si claire et sans équivoque et les circonstances si déplorables que l’injustice causée au demandeur crèverait pratiquement les yeux : voir Dukuzumuremyi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 278 au para. 9, [2006] A.C.F. no 349 (QL); Drummond c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 112 F.T.R. 33 au para. 6 (C.F. 1re inst.).

[26]           En l’espèce, le demandeur a fait valoir l’incompétence de ses conseils précédents dans ses demandes d’ERAR. À cet égard, l’agent d’ERAR a conclu ce qui suit :

[Traduction]

Tout d’abord, je constate que la Commission a déclaré dans sa décision que le demandeur était « un jeune homme intelligent qui a compris la procédure et les questions qu’on lui posait ». Deuxièmement, le demandeur n’a présenté aucune preuve (copie d’une plainte contre son ancien avocat, etc.) montrant que son représentant désigné et le conseil présent à l’audition de sa demande l’asile n’ont pas fait leur travail correctement. Pour toutes ces raisons, je rejette les explications du demandeur [...] (Dossier du demandeur [DD], décision d’ERAR, page 14).

[27]           On peut en dire autant en l’espèce. Le demandeur n’a fourni aucune preuve claire de l’incompétence de son avocat, de son représentant désigné ou de son interprète pendant l’audience de la SPR. En outre, comme on peut le constater ci‑dessus, la SPR a conclu que le demandeur est un jeune homme intelligent qui a compris les procédures et ce qu’on lui demandait.

[28]           Également à l’encontre des faits que l’on trouve dans la décision Jama, en l’espèce, la demande d’ERAR du demandeur a été tranchée moins de sept mois après avoir été soumise. En outre, l’agent d’ERAR a examiné les récents articles de presse et les documents sur la situation actuelle du pays qui avaient été soumis par le demandeur. Bien que l’agent d’ERAR ait déclaré que ces documents n’avaient aucun lien avec l’histoire du demandeur et qu’ils ne montraient pas qu’il était personnellement en danger au Rwanda, il les a tout de même examinés et analysés dans sa décision, ainsi que [traduction] « d’autres sources objectives récentes touchant la situation au Rwanda en fonction du profil personnel du demandeur » (DD, décision d’ERAR, page 017). Contrairement à la situation dans Jama, dans lequel l’agent d’ERAR avait déclaré que la situation s’était empirée en Somalie depuis la décision de la SPR, en l’espèce l’agent d’ERAR a reconnu que la situation des droits de la personne au Rwanda n’était pas sans problèmes, mais que le demandeur n’avait pas présenté des preuves suffisantes pour montrer qu’il serait personnellement exposé à un risque s’il retournait au Rwanda ou que sa situation serait différente de celle du reste de la population (DD, décision d’ERAR, page 018). Aucune « obligation accrue » n’était donc imposée à l’agent d’ERAR. Enfin, à cet égard, je veux ajouter que l’affirmation selon laquelle une « obligation accrue » doit être imposée dans certains cas particuliers est troublante. Dans tous les cas, les agents d’ERAR ont l’obligation d’examiner entièrement et correctement les dossiers avant de rendre une décision. Toutes les décisions d’ERAR devraient être traitées avec la même attention et aucun cas ne mérite plus d’attention que d’autres.

[29]           Le demandeur conteste également l’évaluation de l’agent d’ERAR à l’égard des nouveaux éléments de preuve présentés. Il ajoute que l’agent d’ERAR lui a attribué un fardeau déraisonnable et qu’il a évalué l’ensemble de son dossier en appliquant une double norme. De nouveau, cet argument ne peut être retenu. Le demandeur fait valoir que le document de la police de Londres daté du 12 mai 2011 n’aurait pas dû être écarté en raison de sa mauvaise qualité. J’ai examiné le document que l’on trouve dans le dossier certifié du Tribunal, tel qu’il a été présenté à l’agent d’ERAR (dossier certifié du Tribunal [DCT], page 265), et je conviens qu’il est très difficile à lire. Comme l’agent d’ERAR l’a souligné, le demandeur n’a pas présenté l’original et n’a pas donné d’explication à ce sujet. Le conseil du demandeur, dans son exposé des arguments, a transcrit le document (DD, page 353, au paragraphe 100). Il est bien établi que le contrôle judiciaire d’une décision administrative doit se faire à partir des mêmes éléments de preuve que ceux dont disposait le décideur (Alabadleh c. Canada [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration], [2006] ACF 913, au paragraphe 6). Bien que cet élément de preuve fût soumis à l’agent d’ERAR, il n’a pas été présenté tel qu’il l’est maintenant dans le présent contrôle judiciaire. En tenant compte de la qualité de la présentation du document, il était raisonnable que l’agent d’ERAR n’en tienne pas compte. Il ne sera pas non plus considéré sous sa nouvelle forme dans le présent contrôle judiciaire.

[30]           Le demandeur s’objecte également à l’évaluation des demandes d’asile aux États‑Unis de ses frères et de sa sœur dans laquelle l’agent d’ERAR a conclu que le demandeur n’avait pas démontré que sa demande d’asile reposait sur les mêmes motifs que celles de ses frères et de sa sœur. Le demandeur a soumis un affidavit dans lequel il écrit que ses allégations et celles de ses frères et de sa sœur reposaient toutes sur les mêmes faits. Le demandeur s’appuie sur Maldonado c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 CF 302, pour faire valoir que les déclarations incluses dans son affidavit sont présumées être vraies. J’ai examiné les documents présentés relativement aux demandes d’asile des frères et de la sœur du demandeur aux É.‑U. (pages 250, 254 à 260, et 261 du DCT) et je suis d’accord avec le caractère raisonnable de l’analyse faite par l’agent d’ERAR à cet égard. Tout d’abord, l’agent d’ERAR a noté qu’aucun élément de preuve ne montrait que la demande d’asile de Kenneth avait été acceptée en raison des mêmes motifs que ceux présentés par le demandeur. Le document concernant Joel est simplement une déclaration dans laquelle il fait part de sa crainte vis‑à‑vis le Rwanda. En ce qui a trait à la demande d’asile de Susan, les documents présentés appuient simplement le fait qu’elle a présenté une demande d’asile reposant sur une situation semblable à celle du demandeur. Bien que je sois d’accord le demandeur au sujet du fait que l’agent d’ERAR a commis une erreur lorsqu’il a écrit qu’il n’y avait aucune indication que la demande d’asile de Susan aux É.‑U. ait été acceptée puisque la date prévue de l’audience est le 28 novembre 2016, cette seule erreur ne rend pas toute la décision déraisonnable. Par conséquent, dans l’ensemble, l’agent d’ERAR a fourni des motifs suffisants pour accorder peu de poids à ces documents; la Cour n’a donc pas besoin d’intervenir (Sayed, précité, au paragraphe 24).

[31]           De plus, en l’espèce, la demande d’asile du demandeur a été rejetée par la SPR, ainsi que son contrôle judiciaire. L’agent d’ERAR a également noté que les risques présumés dans la présente demande d’ERAR n’étaient pas vraiment différents de ceux présentés à la SPR (DD, page 016). Malgré ce fait, l’agent d’ERAR a décidé d’examiner les documents du demandeur, y compris ceux de ses frères et de sa sœur (DD, page 016). Bien que le demandeur ait présenté un affidavit attestant que les allégations mentionnées dans les demandes d’asile de ses frères et de sa sœur étaient les mêmes que les siennes, le demandeur doit tout de même s’acquitter du fardeau de la preuve relativement à son risque de persécution (Gao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 59, aux paragraphes 36 et 39 [Gao]). Dans ce cas, l’agent d’ERAR a correctement évalué la preuve et a décidé de ne pas lui accorder de valeur probante. L’agent d’ERAR a tiré une conclusion raisonnable et la Cour n’a pas à intervenir.

[32]           En ce qui concerne le rejet de la copie de la citation à comparaître du père du demandeur, l’agent d’ERAR a raisonnablement conclu que le demandeur n’a pas démontré qu’il existait un lien entre le contenu du document et sa demande d’ERAR, puisque le document concerne des accusations de détournement de fonds public portées contre son père. Il n’a pas établi de lien entre ce document et les problèmes éprouvés par son père avec le gouvernement de Kagame. La conclusion de l’agent d’ERAR à l’égard de ce document est raisonnable, ainsi que les raisons fournies pour ne pas lui accorder de valeur probante (Sayed, précité, au paragraphe 24).

[33]           De plus, en ce qui concerne le père du demandeur, le conseil du demandeur a expliqué au cours de l’audience du présent contrôle judiciaire que le père du demandeur n’a pas pu quitter le pays parce que le gouvernement avait saisi son passeport afin de l’empêcher de quitter le Rwanda, comme l’a expliqué le demandeur dans son affidavit (DD, affidavit du demandeur, page 022, au paragraphe 15). L’avocat du défendeur a toutefois fait valoir que le demandeur avait déclaré dans son affidavit que bien que son père avait commencé à avoir des problèmes avec le gouvernement rwandais en 2003 (DD, affidavit du demandeur, page 020, au paragraphe 4) et qu’il avait reçu la citation à comparaître en 2011, lui et sa famille n’avaient pas quitté le Rwanda. Le conseil a ajouté que le demandeur a indiqué dans son affidavit que le passeport de son père avait été [traduction] « saisi récemment ». L’affidavit du demandeur a été assermenté le 24 septembre 2014 (DD, affidavit du demandeur, page 022, au paragraphe 15). Comme le défendeur l’a fait remarquer, si la situation du père du demandeur était dangereuse pour sa famille et s’il craignait vraiment le gouvernement de Kagame, lui et sa famille auraient pu quitter le Rwanda il y a plusieurs années. Ceci renforce le caractère raisonnable de l’évaluation de l’agent d’ERAR à l’égard de la citation à comparaître et de ses motifs pour ne pas lui accorder de valeur probante.

[34]           En outre, le demandeur conteste la conclusion de l’agent d’ERAR selon laquelle les éléments de preuve présentés étaient insuffisants pour confirmer que Jonathan Musonera, qui a écrit une lettre à l’appui de la demande d’asile de Susan aux États‑Unis, est l’oncle du demandeur, tel que déclaré dans son affidavit. L’agent d’ERAR a toutefois raisonnablement décidé d’accorder peu de valeur probante à ce document, car ni le certificat de naissance du père du demandeur ni celui de Jonathan Musonera n’a été fourni pour confirmer le lien de parenté entre ce dernier et le demandeur. Comme il a été mentionné ci‑dessus, bien que les déclarations du demandeur dans son affidavit sont présumées être vraies, à savoir qu’il a des liens de parenté avec Jonathan, le simple fait de signer un affidavit ne dispense pas le demandeur de s’acquitter du fardeau de la preuve relativement à son risque de persécution. Aucun lien entre le demandeur et Jonathan Musonera n’a été montré à l’agent d’ERAR. Il était donc raisonnable de lui accorder peu poids. La Cour ne voit donc aucune raison d’intervenir.

[35]           L’argument du demandeur selon lequel l’agent d’ERAR a mal évalué les articles de journaux et les documents relatifs à la situation du pays n’est pas retenu non plus. Le demandeur fait valoir que l’agent d’ERAR n’a pas tenu compte des articles de journaux (DD, page 357, au paragraphe 116). Il conteste également l’évaluation de l’agent à l’égard des documents sur la situation du pays (DD, page 358, aux paragraphes 118 à 125). Ceci est inexact. Comme il est mentionné ci‑dessus, l’agent d’ERAR a examiné toute la preuve présentée et a fait des commentaires sur les articles de journaux et la documentation sur la situation du pays qui lui avaient été présentés, et il a même examiné d’autres sources objectives sur la situation au Rwanda en fonction du profil du demandeur (DD, décision d’ERAR, page 017). C’est après cette évaluation que l’agent d’ERAR a raisonnablement conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il serait exposé à un risque personnel s’il retournait au Rwanda ou que sa situation est différente de celle du reste de la population. Le fait que certains portent sur la façon dont des membres d’une famille sont traités parce que d’autres membres de cette famille se sont opposés au régime du Rwanda ne constitue pas un risque personnel lorsque l’évaluation a des incidences sérieuses sur la véracité de l’histoire racontée.

[36]           Compte tenu de ce qui précède, l’agent d’ERAR a raisonnablement conclu que le demandeur ne n’était pas acquitté du fardeau de la preuve relativement à ses allégations. La décision est raisonnable.

VIII.       Conclusion

[37]           La décision de l’agent d’ERAR est raisonnable. Aucune obligation accrue n’était imposée à l’agent d’ERAR. L’agent d’ERAR a examiné toute la preuve au dossier et a correctement évalué et commenté chaque élément de preuve. La Cour n’a aucune raison d’intervenir.

[38]           Aucune des parties n’a proposé de question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire visant la décision de l’agent d’ERAR est rejetée.

2.      Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Simon Noël »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑6346‑14

 

INTITULÉ :

EDGAR MBARAGA c. LE MINISTRE DE

CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

27 AVRIL 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE NOËL

 

DATE DU JUGEMENT :

5 mai 2015

 

COMPARUTIONS :

Adolfo Morais

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Sarah Jane Harvey

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Adolfo Morais

Avocat, procureur

et notaire

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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