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Date : 20150106


Dossier : T-534-14

Référence : 2015 CF 2

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 janvier 2015

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

DEREK ANTHONY WOOD

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               M. Derek Anthony Wood purge une peine d’emprisonnement à perpétuité à l’Établissement de l’Atlantique, au Nouveau-Brunswick. Il conteste une décision par laquelle le Service correctionnel du Canada (le SCC) a rejeté sa demande visant à faire modifier la mise à jour de son plan correctionnel (la MJPC). Il allègue qu’en raison d’erreurs importantes, la MJPC est entachée de partialité et est déraisonnable. Il me demande d’annuler la décision du SCC et d’ordonner que l’on rectifie la MJPC.

[2]               Je ne puis conclure que le SCC a commis une erreur susceptible de contrôle. La MJPC a été établie d’une manière conforme à un processus équitable, dans le cadre duquel M. Wood a été consulté et questionné. Je ne relève aucune preuve de partialité. De plus, la décision du SCC n’est pas déraisonnable, car elle est fondée sur les éléments de preuve dont il disposait. Je devrai donc de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[3]               Il y a trois questions en litige :

1.      L’affaire de M. Wood a-t-elle été déjà tranchée par le Banc de la Reine du Nouveau‑Brunswick?

2.      Le SCC a-t-il traité M. Wood de façon inéquitable?

3.      La décision du SCC était-elle déraisonnable?

II.                La décision du SCC

[4]               La décision du SCC a été rédigée par le sous-commissaire principal par intérim, en réponse au grief au troisième palier de M. Wood. Le SCC a noté que M. Wood contestait l’exactitude de sa MJPC et a fait état des procédures qu’il faut habituellement suivre quand un détenu conteste des renseignements figurant dans son dossier (Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, c 20, article 24 (la LSCMLC). Les dispositions citées sont en annexe.). Aux termes de la LSCMLC, un délinquant peut demander qu’on effectue une correction et le SCC, s’il refuse de le faire, doit en faire mention dans le dossier.

[5]               M. Wood a toutefois insisté pour dire qu’il ne demandait pas juste une chance d’ajouter dans son dossier une note faisant état de ses objections – il voulait en fait que l’on modifie son dossier. Cependant, le SCC a décidé qu’il était lié par le processus indiqué dans la LSCMLC et il a rejeté ce motif du grief de M. Wood.

[6]               Pour ce qui est du processus par lequel la MJPC a été établie, le SCC a fait état de la préoccupation de M. Wood selon laquelle il avait été insuffisamment consulté. En particulier, son agent de libération conditionnelle l’aurait interrompu et n’aurait jamais terminé l’entretien. L’agent a toutefois soutenu que l’entretien était complet et qu’aucun suivi n’était requis. Le SCC a donc rejeté aussi ce motif de plainte.

[7]               Enfin, le SCC a traité de l’observation de M. Wood selon laquelle il fallait considérer qu’il représentait un faible risque de récidive. Dans sa décision, le SCC a passé en revue les divers facteurs qui sont pris en compte pour arriver à une évaluation de risque et il a conclu que l’on avait justifié de manière suffisante la conclusion selon laquelle M. Wood présentait plus qu’un faible risque. Cette conclusion reposait sur un certain nombre de critères, dont son potentiel de réinsertion sociale, sa motivation quant à un changement, sa disposition à être responsable de sa conduite ainsi que son comportement durant son incarcération. Là encore, le SCC a souligné la procédure à suivre pour demander une correction si M. Wood souhaitait modifier les renseignements inscrits dans son dossier. Le SCC a également rejeté ce motif du grief de M. Wood.

III.             Première question – L’affaire de M. Wood a-t-elle été déjà tranchée par le Banc de la Reine du Nouveau‑Brunswick?

[8]               Le procureur général du Canada fait valoir que l’affaire de M. Wood a déjà été tranchée par le Banc de la Reine du Nouveau‑Brunswick (Wood c Canada (Atlantic Institution), 2014 NBQB 135) et qu’il n’y a donc pas lieu de la trancher à nouveau devant la Cour.

[9]               Je ne suis pas d’accord.

[10]           Devant le Banc de la Reine, M. Wood a contesté sa cote de sécurité maximale dans le cadre d’une demande d’habeas corpus. Le juge John Walsh a conclu qu’une décision confirmant la cote de sécurité maximale attribuée à M. Wood n’était pas susceptible de révision par voie d’habeas corpus, car cette décision ne serait pas assimilable à une limite à sa liberté résiduelle. Pour arriver à cette conclusion, le juge Walsh a examiné le fondement sur lequel M. Wood avait été placé dans un établissement à sécurité maximale, ainsi que le processus qui avait été suivi à cette fin.

[11]           Ce n’est pas l’affaire dont je suis saisi. En l’espèce, M. Wood conteste une décision relative à la teneur de sa MJPC, et non sa cote de sécurité. Certains des éléments de preuve se rapportent aux deux questions en litige, mais cela ne veut pas dire que celles‑ci sont les mêmes. Le juge Walsh n’a pas tranché la question qui m’est soumise.

IV.             Deuxième question – Le SCC a-t-il traité M. Wood de façon inéquitable?

[12]           M. Wood soutient qu’on aurait dû lui donner une chance d’examiner la MJPC avant qu’on y mette la dernière main, de façon à ce qu’il puisse signaler les erreurs qu’elle contenait. Cette omission, dit-il, a donné lieu à un rapport entaché de partialité.

[13]           Je ne suis pas d’accord.

[14]           L’équité exigeait que l’on donne à M. Wood la chance de faire des commentaires lors du processus menant à l’établissement de la MJPC. C’est ce que prescrit la LSCMLC (paragraphe 15.1(2)). La preuve indique que M. Wood a été consulté, mais celui-ci dit qu’on aurait dû lui accorder un entretien de suivi. Il n’indique pas ce qu’il aurait dit de plus.

[15]           L’équité n’exigeait pas que l’on donne à M. Wood la possibilité d’examiner une ébauche de la MJPC avant qu’on y mette la dernière main. M. Wood a eu une chance de faire des observations, et il en a fait. Rien ne prouve que le rapport qui en a résulté soit entaché de partialité ou ait été établi de mauvaise foi. M. Wood n’a pas été traité d’une manière inéquitable.

V.                Troisième question – La décision du SCC était-elle déraisonnable?

[16]           M. Wood soutient que les opinions que renferme la MJPC sont déraisonnables parce qu’on n’a pas pris en compte des éléments de preuve pertinents. Par ailleurs, pour ce qui est de son grief au troisième palier, il dit que le SCC n’a pas tenu compte des mêmes renseignements, ce qui, là aussi, rend sa décision déraisonnable. Le SCC, fait-il remarquer, est tenu de veiller à ce que les dossiers qu’il tient sur les détenus soient à jour, exacts et complets, ce que le SCC n’a pas fait en l’espèce (article 24). En particulier, le SCC a omis de tenir compte de rapports dans lesquels il avait été conclu que M. Wood assumait la responsabilité de sa conduite.

[17]           Je ne vois aucune raison de conclure que la décision du SCC est déraisonnable.

[18]           Bien qu’il me semble que le SCC a pris en compte les éléments de preuve pertinents quant à l’évaluation de risque de M. Wood, la mesure que celui-ci devait prendre, s’il n’était pas d’accord, était de demander une correction du dossier, conformément à l’article 24 de la LSCMLC. M. Wood fait remarquer à juste titre que le contenu d’un plan correctionnel peut faire l’objet d’un grief, mais la LSCMLC prévoit un mécanisme particulier pour les réserves que l’on peut avoir au sujet de l’exactitude (par opposition à l’équité, par exemple) d’un tel plan. Je ne puis donc conclure que la décision du SCC sur ce point est déraisonnable.

[19]           Les rapports dans lesquels il est dit que M. Wood aurait assumé la responsabilité de ses crimes signalent qu’il s’est montré [traduction« prêt à parler de son infraction à quelques reprises », qu’il a assumé [traduction« la responsabilité de ses actes, mais qu’il ne fait que commencer à comprendre son comportement criminel et à se questionner » et qu’il était capable de décrire les infractions qu’il avait commises, mais qu’il avait [traduction] « beaucoup plus de difficulté à lier ses pensées et ses sentiments aux événements et à tenter de déterminer en quoi ce qu’il avait vécu, les circonstances du moment et ses traits de personnalité contribuaient aux mauvais choix qu’il avait faits ce matin‑là, lesquels s’étaient soldés en fin de compte par son comportement délictueux ».

[20]           On peut lire dans la MJPC que, pendant deux ans, M. Wood s’est montré [traduction« très réticent à parler de son passé ». M. Wood soutient que cet énoncé n’est pas justifiable au vu de la preuve qui figure dans le paragraphe précédent. À mon avis, toutefois, compte tenu des rapports dans leur ensemble, je ne puis établir que la conclusion du SCC, à savoir que M. Wood n’était pas parvenu au fil des ans à assumer la responsabilité de son infraction, est déraisonnable.

[21]           Dans le même ordre d’idées, la conclusion du SCC selon laquelle M. Wood aurait dû demander que l’on effectue une correction dans le dossier n’est pas déraisonnable. M. Wood a relevé de nombreux endroits où il n’est pas d’accord avec les opinions que contient sa MJPC. Par exemple, il dit qu’il faudrait coter son attitude comme [traduction] « faible » pour ce qui est du besoin de s’améliorer, et non comme [traduction] « élevée » comme l’indique la MJPC. Il fait des observations semblables sur d’autres facteurs examinés : fréquentations, vie personnelle/ affective, responsabilisation, etc. Mais il s’agit là d’évaluations faites par du personnel correctionnel professionnel. Là encore, je crois que la voie appropriée serait que M. Wood fasse part de ses propres opinions sur ces facteurs et demande que l’on modifie son dossier en conséquence. Si le SCC n’est pas d’accord, au moins les opinions de M. Wood seraient incluses dans son dossier. Au vu de la preuve, je ne puis trouver que la conclusion du SCC, à savoir que l’on a fait état dans la MJPC d’une justification suffisante dans chacune des parties de l’analyse, est déraisonnable.

[22]           En conséquence, en me fondant sur le dossier dont disposait le SCC, je ne puis conclure que la décision de ce dernier était déraisonnable.

VI.             Conclusion et décision

[23]           L’affaire de M. Wood n’a pas été tranchée antérieurement par le Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick. Cependant, je ne suis pas persuadé que le SCC l’a traité d’une manière inéquitable. De plus, au vu de la preuve et du droit, la décision du SCC de ne pas modifier la MJPC de M. Wood est une issue défendable. Sa décision n’était pas déraisonnable. Je me dois donc de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« James W. O'Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

C. Laroche


Annexe

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, c 20

Corrections and Conditional Release Act, SC 1992, c 20, s 24

Suivi

15.1(2) Un suivi de ce plan est fait avec le délinquant afin de lui assurer les meilleurs programmes aux moments opportuns pendant l’exécution de sa peine dans le but de favoriser sa réhabilitation et de le préparer à sa réinsertion sociale à titre de citoyen respectueux des lois.

Maintenance of plan

15.1(2) The plan is to be maintained in consultation with the offender in order to ensure that they receive the most effective programs at the appropriate time in their sentence to rehabilitate them and prepare them for reintegration into the community, on release, as a law-abiding citizen.

Exactitude des renseignements

Accuracy, etc., of information

24.(1) Le Service est tenu de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu’il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets.

24.(1) The Service shall take all reasonable steps to ensure that any information about an offender that it uses is as accurate, up to date and complete as possible.

(2) Le délinquant qui croit que les renseignements auxquels il a eu accès en vertu du paragraphe 23(2) sont erronés ou incomplets peut demander que le Service en effectue la correction; lorsque la demande est refusée, le Service doit faire mention des corrections qui ont été demandées mais non effectuées.

(2) Where an offender who has been given access to information by the Service pursuant to subsection 23(2) believes that there is an error or omission therein,

(a) the offender may request the Service to correct that information; and

(b) where the request is refused, the Service shall attach to the information a notation indicating that the offender has requested a correction and setting out the correction requested

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-534-14

 

INTITULÉ :

DEREK ANTHONY WOOD c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Fredericton (Nouveau-Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 SEPTEMBRE 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 6 JANVIER 2015

 

COMPARUTIONS :

Derek Anthony Wood

 

POUR LE demandeur – POUR SON PROPRE COMPTE

 

Melissa A. Grant

 

POUR LE défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Derek Anthony Wood

13175, Route 8

Renous (Nouveau-Brunswick)

 

POUR LE demandeur – POUR SON PROPRE COMPTE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

POUR LE défendeur

 

 

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