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Date : 20150415


Dossier : IMM‑1086‑13

Référence : 2015 CF 464

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 avril 2015

En présence de monsieur le juge de Montigny

ENTRE :

MYUNG SOO JUNG

SUN KYUNG LEE

SANG WUN JUNG

demandeurs

Et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR ou la Loi), à l’encontre de la décision datée du 25 janvier 2013 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR ou la Commission) a rejeté les demandes d’asile des demandeurs. La Commission a conclu que le demandeur, Myung Soo Jung, était exclu de la définition de réfugié au sens de la Convention aux termes de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés, [1969] RT Can no 6 (la Convention sur les réfugiés) et que la femme et le fils du demandeur n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention, ni des personnes à protéger.

[2]               Au début de l’audience, l’avocat des demandeurs a informé la Cour que la femme et le fils du demandeur n’étaient plus au Canada et qu’ils étaient retournés en Corée du Sud. Par conséquent, il a été convenu que leur demande devrait être considérée comme ayant fait l’objet d’un désistement, et la Cour ne traitera donc que la demande de Myung Soo Jung.

[3]               Pour les motifs énoncés ci‑dessous, je conclus qu’il convient d’accueillir la présente demande de contrôle judiciaire. La décision relative à l’exclusion doit être annulée, malgré le fait qu’elle soit exhaustive et qu’un très grand nombre d’éléments de preuve y aient été examinés avec grande compétence. Compte tenu du récent arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Febles c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CSC 68 [Febles CSC ou Febles], l’analyse de la Commission relative à l’exclusion ne tient plus.

[4]               La Commission n’a pas tranché explicitement la question de l’inclusion du demandeur, et elle n’avait pas besoin de le faire du moment où elle concluait à son exclusion. Dans son mémoire écrit, l’avocate du défendeur a néanmoins allégué que l’analyse de la Commission relative à l’inclusion qui, à strictement parler, ne concernait que la femme et le fils du demandeur, devait être considérée comme s’appliquant également au demandeur, puisqu’elle se fondait explicitement sur la demande d’asile du demandeur. Cependant, étant donné que la femme et le fils du demandeur se sont désistés de leur demande, l’avocate du défendeur a concédé au cours de l’audience que le demandeur devrait avoir droit une nouvelle audience devant la SPR, laquelle porterait sur la totalité de sa demande d’asile, si la Cour en arrivait à juger que la conclusion de la Commission quant à l’exclusion doit être annulée. Par conséquent, comme je conclus qu’elle doit l’être, je n’ai pas à traiter l’analyse de l’inclusion. Les présents motifs ne porteront donc que sur la question de l’exclusion.

I.                   Les faits

[5]               Le demandeur est un homme d’affaires de la Corée du Sud. Sa demande d’asile est fondée sur danger auquel il allègue être exposé par suite de ses activités commerciales.

[6]               Le demandeur est bachelier en droit. Il a commencé sa carrière comme propriétaire‑exploitant d’un établissement d’enseignement privé. Il a également travaillé comme directeur des opérations de deux cabinets d’avocats. En 2003, il a changé de carrière et est passé à l’investissement et à la promotion dans le secteur immobilier. Il a dirigé des sociétés d’investissement en Corée et au Canada, entre autres lieux.

[7]               Le demandeur craint d’être persécuté du fait de son appartenance à un groupe social et de ses opinions politiques; il allègue également être exposé à un risque de préjudice grave. Il fonde sa crainte sur le fait que des gangsters ayant des liens avec des éléments corrompus du gouvernement et des tribunaux coréens sont à sa poursuite en raison de transactions commerciales qui se sont gâtées. Il prétend en particulier que, à la suite de certaines transactions commerciales liées à ses sociétés immobilières, deux hommes (M. Hwang Eui Huyn et M. Kim Jung Gum) le poursuivent pour des sommes qu’il leur devrait, selon eux. M. Kim Jung Gum aurait ainsi proféré des menaces au demandeur et l’aurait enlevé. Le demandeur allègue également que M. Kim aurait présenté des plaintes et des allégations à la police coréenne à l’encontre du demandeur et qu’il aurait donné un pot de vin à un procureur pour qu’il rouvre l’affaire. En 2010, MM. Kim et Hwang sont venus au Canada, où ils ont agressé le demandeur et l’ont menacé. Le demandeur a fini par s’adresser à la GRC, qui a arrêté M. Kim pour avoir proféré des menaces et pour extorsion.

[8]               Les demandeurs ont sollicité l’asile au Canada en septembre 2010.

[9]               Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre) est intervenu sur la question de l’exclusion. Le ministre a soutenu que le demandeur devrait être exclu aux termes de l’article 98 de la LIPR et de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention relativement à trois allégations de crimes graves :

                     Déclaration de culpabilité pour fraude prononcée en 1997‑1998 : le demandeur a été déclaré coupable de fraude et emprisonné pendant cinq mois. Alors qu’il dirigeait une école privée, il a pris des « dépôts d’emploi » d’environ 50 000 $ d’un employé (So Uyeong), sans retourner le dépôt. Il a été condamné à dix mois d’emprisonnement, mais n’a purgé qu’environ la moitié de sa peine (165 jours); à la demande de sa victime, il s’est vu accorder un sursis à l’égard de sa peine.

                     Notice rouge d’Interpol concernant un mandat d’arrêt pour fraude : l’alerte rouge était datée d’octobre 2009 et indiquait que le demandeur avait détourné 8,8 millions en devises américaines.

                     Mandat de détention de la Cour du district central de Séoul : ce mandat découlait d’une enquête policière menée en mars 2008. Le demandeur a quitté la Corée avant la fin de l’enquête; l’affaire n’est donc pas résolue et un mandat de détention a été délivré.

[10]           L’audience de la SPR a duré onze jours sur une période de neuf mois. Cinq témoins ont comparu et deux autres personnes ont fourni des affidavits. La SPR a rendu sa décision le 25 janvier 2013 et l’autorisation de contrôle judiciaire a été accordée le 7 août 2013.

[11]           Entretemps (le 4 juillet 2013), la Cour suprême a accordé l’autorisation de pourvoi relativement à l’arrêt Febles c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 324 [Febles CAF]. Le 12 novembre 2013, le demandeur a demandé la suspension de la présente instance, jusqu’à ce que la CSC rende sa décision dans l’affaire Febles. Le demandeur a également demandé l’autorisation de présenter d’autres observations après la publication de cet arrêt.

[12]           Le 26 novembre 2013, le juge en chef Crampton a fait droit à la demande. La CSC a rendu l’arrêt Febles le 30 octobre 2014. Le 13 janvier 2015, le juge Beaudry a ordonné que les parties soumettent des observations sur les effets de l’arrêt Febles.

II.                La décision contestée

[13]           La Commission a conclu que le demandeur était exclu de la qualité de personne à protéger au titre de l’article 98 de la LIPR et de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention. Il y avait des raisons sérieuses de penser que le demandeur avait commis un crime grave de droit commun. La Commission a fondé sa conclusion sur une seule allégation, la première, soit la déclaration de culpabilité pour fraude prononcée en 1997‑1998.

[14]           La Commission a effectué une analyse en deux parties. Elle a examiné les questions de savoir (1) s’il existait des raisons sérieuses de penser que le demandeur avait commis le crime, et (2) si le crime était grave.

[15]           La Commission est facilement parvenue à la conclusion selon laquelle le ministre s’était acquitté du fardeau de démontrer qu’il existait des raisons sérieuses de croire que le demandeur avait commis un crime de droit commun à l’extérieur du Canada. Le demandeur a confirmé sa déclaration de culpabilité pour fraude au titre du paragraphe 347(1) du Code criminel de la Corée au cours de l’audience. Cet aveu, ainsi que les documents judiciaires en preuve, répondaient au critère des « raisons sérieuses », selon la Commission, et cette conclusion n’est pas remise en question dans le présent contrôle judiciaire.

[16]           La Commission du cadre exposé dans les arrêts Chan c Canada (Citoyenneté et Immigration), [2000] 4 CF 390 (CAF) [Chan] et Jayasekara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CAF 404 [Jayasekara] pour apprécier la gravité du crime.

[17]           La Commission a conclu qu’il existait une preuve prima facie que le crime était grave selon la perspective adoptée dans l’arrêt Chan. D’après une remarque incidente formulée dans l’arrêt Chan, un crime grave est un crime dont l’équivalent au Canada est punissable d’un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans. Dans le cas qui nous occupe, le crime équivalent au Canada est celui de fraude, qui est défini à l’alinéa 380(1)a) du Code criminel, LRC 1985, c C‑46. Une telle infraction est punissable d’un emprisonnement maximal de quatorze ans. Par conséquent, la Commission a conclu à l’existence d’une preuve prima facie que le demandeur avait commis un crime grave, selon la perspective de la décision Chan. Dès lors, la question qui restait à trancher était celle de savoir si la présomption relative à la gravité pouvait être réfutée, en analysant les facteurs établis dans l’arrêt Jayasekara, ainsi qu’en examinant les lois coréennes et canadiennes pertinentes ainsi que la preuve produite concernant le crime.

[18]           La Commission a ensuite étudié les facteurs Jayasekara : (1) les éléments constitutifs du crime et les faits sous‑jaçents à celui‑ci; (2) le mode de poursuite; (3) la peine prévue; (4) les circonstances atténuantes et aggravantes.

[19]           La Commission a d’abord noté que le demandeur n’avait pas divulgué sa condamnation avant que le ministre ne dévoile les accusations en janvier 2012. Le demandeur a changé son explication pour justifier son omission; il a commencé par affirmer qu’il croyait avoir fait l’objet d’une réhabilitation, puis il a prétendu que la condamnation avait été radiée. Sa crédibilité en a été affectée. De plus, le Formulaire de renseignements personnels indiquait expressément qu’il devait préciser s’il avait été recherché, arrêté ou détenu par la police de tout pays ou s’il avait été accusé ou déclaré coupable de tout crime dans tout pays. Enfin, la Commission a constaté que les déclarations de culpabilité n’avaient pas été radiées. Selon le certificat de police, le demandeur n’avait aucun casier judiciaire. Cependant, le seul élément corroborant sa réhabilitation est un affidavit de Chul Min Lee, un policier coréen. La Commission n’a pas estimé l’affidavit crédible : il semblerait que Chul Min Lee ait communiqué avec le demandeur au cours de l’audience, qu’il n’avait pas comparu à titre de témoin et que, lorsqu’un agent de liaison du ministre avait communiqué avec lui, il avait refusé de fournir une déclaration écrite pour le demandeur. Par conséquent, la Commission n’a pas cru à l’affirmation du demandeur selon laquelle il avait été réhabilité. Dans le cas contraire, la Commission a estimé que la réhabilitation n’atténue pas la gravité et n’agit pas comme facteur atténuant :

En raison des explications fournies par le demandeur d’asile principal quant à l’omission des renseignements concernant ses activités criminelles dans ses documents d’immigration, que je ne trouve pas crédibles, et en raison de l’absence d’éléments de preuve corroborants fiables et dignes de foi, je conclus que l’affirmation du demandeur d’asile principal selon laquelle ses déclarations de culpabilité ont fait l’objet d’une réhabilitation ou qu’elles ont été radiées n’est pas crédible. Si j’ai tort, même si les accusations ont été radiées du casier judiciaire du demandeur d’asile principal au titre d’une disposition quelconque de la loi criminelle de la Corée dont le présent tribunal ne dispose pas, cela ne change pas le fait que des déclarations de culpabilité ont été prononcées et n’atténue pas la gravité du crime ou n’agit pas comme facteur atténuant.

Motifs de décision de la Commission, paragraphe 77, p. 21.

[20]           La Commission a alors passé en revue les faits liés au crime, tels qu’ils sont présentés dans le jugement du tribunal coréen. La Commission a constaté que le témoignage du demandeur et les faits liés au crime établis par le juge attestent tous deux que le demandeur avait obtenu les dépôts d’emploi de M. So Uyeong, un ancien employé, et qu’il n’avait pas remis ces dépôts.

[21]           Eu égard au mode de poursuite, la Commission a relevé que le demandeur avait été déclaré coupable par une cour de justice, le 29 avril 1998. Il était représenté par un avocat. Il maintient qu’il était innocent, mais qu’il s’est désisté de son appel, vraisemblablement pour des raisons d’ordre financier. Il n’y avait eu aucun élément de contrainte ou de coercition dans le cadre du processus judiciaire.

[22]           En ce qui concerne la peine infligée, le demandeur a été condamné à dix mois de prison, mais il n’y a passé que 165 jours; à la demande de la victime, un sursis de deux ans lui a été accordé à l’égard du reste de sa peine. Aucune amende ne lui a été imposée. Bien que la peine infligée semble à la limite inférieure de celle qui aurait pu être imposée au demandeur, le jugement n’apporte aucune justification à ce sujet. Comme les motifs de la peine n’ont pas été énoncés et que d’autres facteurs, hormis la gravité du crime, peuvent avoir été pris en compte (notamment le fait que le demandeur n’avait pas d’argent et que sa sœur avait remboursé à la victime le montant qui lui était dû), la Commission a conclu que l’on ne peut ignorer le point de vue du pays d’accueil lorsqu’il s’agit de déterminer la gravité d’un crime.

[23]           Enfin, la Commission s’est ensuite penchée sur les circonstances atténuantes et aggravantes. La Commission a pris en considération les observations du conseil selon lesquelles le juge coréen ayant déterminé la peine n’avait pas infligé une peine aggravée, l’allégation du demandeur portant que l’obtention d’un cautionnement était une exigence pour les établissements d’enseignement, la vulnérabilité de la victime et le fait que la preuve reste silencieuse quant à ce qui est advenu de l’argent de la caution. La Commission a conclu que certains de ces facteurs étaient aggravants. La Commission a également rejeté l’argument selon lequel le demandeur n’était pas un récidiviste, parce que même s’il avait été déclaré coupable de fraude liée à des chèques avant 1997, l’affaire n’avait aucun lien avec sa déclaration de culpabilité de 1998 : la Commission a conclu que la cause sous‑jacente dans les deux cas était l’incapacité du demandeur à gérer ses dettes d’affaires. La Commission a également constaté que le demandeur savait, lors de la commission des actes criminels, que ce qu’il faisait était erroné. L’augmentation du montant qu’il exigeait à titre de caution n’était pas qu’arbitraire; il avait exigé cette hausse sans avoir l’intention d’employer So Uyeong, contrairement à ce qu’il avait promis, et il a conservé le supposé dépôt de garantie en vue de se verser un salaire pour avoir attiré des clients, tout en sachant que ce qu’il faisait était mal. De plus, la Commission n’a accordé aucune crédibilité à l’allégation selon laquelle le demandeur aurait eu gain de cause dans un litige civil contre So Uyeong et il n’a pas retenu l’argument selon lequel il pourrait s’agir d’un facteur atténuant. La Commission a également conclu que l’absence de violence constituait un facteur atténuant, mais ne diminuait pas la gravité du crime.

III.             La question en litige

[24]           La seule question à trancher dans la présente affaire est celle de savoir si l’analyse effectuée par la Commission quant à l’exclusion est raisonnable.

IV.             Analyse

[25]           Aux termes du paragraphe 107(1) de la LIPR, la SPR accepte ou rejette la demande d’asile « selon que le demandeur a ou non la qualité de réfugié ou de personne à protéger ». L’article 96 de la LIPR définit le réfugié au sens de la Convention et l’article 97 de la LIPR définit la personne à protéger.

[26]           Cependant, la LIPR établit expressément des catégories de personnes qui sont exclues de ces définitions. L’article 98 de la LIPR prévoit que la personne visée à la section E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger. Au moyen de cette disposition, le Parlement incorporait les clauses d’exclusion de la Convention sur les réfugiés et, à l’étape de la détermination du statut de réfugié, étendait précisément les clauses d’exclusion à la « personne à protéger » au sens de l’article 97 de la LIPR. La clause d’exclusion qui s’applique en l’espèce est celle de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés, qui se lit ainsi :

1F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

[]

b) Qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés []

1F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that :

[]

(b) a serious non‑political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee…

[27]           Il n’y a pas de désaccord entre les parties quant à la norme de contrôle applicable. Tout d’abord, la norme de la décision correcte s’applique à la question de savoir si la Commission a commis une erreur de droit en interprétant l’alinéa b) de la section F de l’article premier comme interdisant la prise en compte de la réhabilitation du demandeur après sa condamnation ou du danger qu’il présente actuellement. Bien qu’il existe une présomption selon laquelle la norme de la raisonnabilité s’applique à l’égard de l’interprétation, par un tribunal administratif, de sa loi habilitante, cette présomption ne s’applique pas en l’espèce, parce que les dispositions des conventions internationales doivent recevoir l’interprétation la plus uniforme possible : Febles CAF, au paragraphe 24.

[28]           Par contre, la décision quant à la question de savoir si un crime non politique est grave entraîne l’application de la norme de la raisonnabilité. La Cour d’appel fédérale a maintenu dernièrement dans l’arrêt Feimi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 325 (au paragraphe 16), une affaire connexe à Febles CAF, que « [l]a norme applicable lorsque, comme en l’espèce, le droit et les faits “s’entrelacent et ne peuvent aisément être dissociés” […] est celle de la décision raisonnable »

[29]           L’avocat du demandeur a fait valoir que la Commission avait commis une erreur en écrivant que la Cour d’appel, dans Chan, « a[vait] formulé des remarques incidentes selon lesquelles un crime grave doit être considéré comme l’équivalent d’un crime pour lequel un emprisonnement maximal de dix ans ou plus aurait pu être infligé s’il avait été commis au Canada » (décision, au paragraphe 57). Selon l’avocat, la Cour d’appel, n’avait pas formulé une telle remarque incidente dans l’arrêt Chan et, de toute façon, le ratio decidendi pour lequel Chan faisait autorité n’est plus contraignant.

[30]           Je conviens avec l’avocat qu’une interprétation stricte de l’arrêt Chan n’appuie pas l’interprétation de la Commission. Le juge Robertson, qui rédigeait les motifs de la Cour d’appel fédérale, a simplement déclaré ceci : « […] je supposerai aux fins de la présente affaire, sans toutefois trancher la question, qu’un crime grave de droit commun est assimilable à un crime qui, s’il avait été commis au Canada, aurait pu entraîner l’imposition d’une peine d’emprisonnement maximale égale ou supérieure à dix ans » (paragraphe 9). De toute évidence, une telle supposition n’a pas le même poids qu’une opinion arrêtée qui, même si elle n’est pas nécessaire pour prendre une décision, demeure néanmoins un raisonnement formulé.

[31]           De plus, le ratio decidendi de l’arrêt Chan n’avait aucun lien avec la gravité du crime. L’aspect central de cette décision, c’est que l’alinéa b) de la section F de l’article premier ne s’applique pas aux demandeurs d’asile qui ont été déclarés coupables d’avoir commis un crime à l’étranger et qui ont purgé leur peine avant de venir au Canada (voir l’arrêt Chan, au paragraphe 16). Selon cet arrêt, il est évident que le demandeur ne tomberait pas sous le coup de l’article 1Fb). Toutefois, comme la Cour d’appel fédérale l’a fait observer dans Febles CAF (au paragraphe 39), les cours ont par la suite adopté une interprétation plus large de l’alinéa b) de la section F de l’article premier, et l’arrêt Chan n’est plus contraignant à cet égard.

[32]           Cela dit, et malgré les lacunes de l’arrêt Chan mentionnées ci‑dessus, les tribunaux ont constamment utilisé la présomption selon laquelle un crime est « grave » au sens de l’alinéa b) de la section F de l’article premier lorsque le crime, s’il avait été commis au Canada, aurait été passible d’une peine d’emprisonnement maximale égale ou supérieure à dix ans; d’ailleurs, la Cour d’appel fédérale a plus ou moins tenu cette présomption pour acquise lorsqu’elle a rendu l’arrêt Febles CAF. Il est vrai que la gravité du crime n’était alors pas en cause, puisque le demandeur avait été déclaré coupable d’agression avec une arme meurtrière et avait avoué avoir commis un crime grave. Le litige portait sur la question de savoir si la réhabilitation après le crime pouvait être mise en balance avec la gravité du crime, au titre de l’alinéa b) de la section F de l’article premier. Le juge d’appel Evans a néanmoins écrit :

[31] L’argument suivant lequel un crime peut être considéré comme étant moins grave des années après avoir été commis parce que le demandeur d’asile s’est réadapté et qu’il ne représente plus un danger pour le public semblerait incompatible avec cet extrait [se référant au paragraphe 44 de Jayasekara]. La réadaptation est incontestablement un facteur « étranger aux faits et aux circonstances sous‑jacents à la déclaration de culpabilité ». Il ne doit donc pas être mis en balance avec la présumée gravité du crime découlant du fait que, s’il avait été commis au Canada, il constituerait un crime punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

[Non souligné dans l’original.]

[33]           Quoi qu’il en soit, nous avons l’avantage de pouvoir compter sur l’arrêt Febles de la Cour suprême. Le litige y était, une fois de plus, la question de savoir si la criminalité grave aux termes de l’alinéa b) de la section F de l’article premier se rapporte tout simplement de la gravité du crime au moment de sa commission, comme le ministre l’a fait valoir, ou si, comme M. Febles et le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCNUR) l’ont prétendu, elle nécessite la prise en compte d’autres considérations – comme de savoir si le demandeur est un fugitif ou quelle est sa situation actuelle, notamment la réadaptation, l’expiation de la peine et le danger qu’il présente.

[34]           Après avoir discuté de la question de façon exhaustive et conclu que l’alinéa b) de la section F de l’article premier s’applique à quiconque ayant déjà commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admis comme réfugié, les juges majoritaires ont formulé les commentaires suivants sur la manière d’apprécier la gravité d’un crime :

[61] L’appelant admet que les crimes qu’il a commis étaient « graves » lorsqu’il les a commis, et point n’est besoin d’examiner en quoi consiste un « crime grave » au sens de l’article 1Fb). Toutefois, quelques commentaires à ce sujet peuvent s’avérer utiles.

[62] Dans les arrêts Chan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 17150 (CAF), [2000] 4 C.F. 390 (C.A.), et Jayasekara, la Cour d’appel fédérale s’est dite d’avis que le crime est généralement considéré comme grave lorsqu’une peine maximale d’au moins dix ans d’emprisonnement aurait pu être infligée si le crime avait été commis au Canada. C’est aussi mon avis. Toutefois, il ne faut pas voir dans cette généralisation une présomption rigide qu’il est impossible de réfuter. Lorsqu’une disposition du Code criminel du Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑46, prévoit un large éventail de peines, qui vont d’une peine relativement légère jusqu’à une peine d’au moins dix ans d’emprisonnement, on ne saurait exclure de façon présomptive un demandeur qui serait condamné au Canada à une peine parmi les plus légères. L’article 1Fb) vise à n’exclure que les personnes qui ont commis des crimes graves. Le HCR a indiqué qu’une présomption de crime grave pourrait découler de la preuve de la perpétration des infractions suivantes : l’homicide, le viol, l’attentat à la pudeur d’un enfant, les coups et blessures, le crime d’incendie, le trafic de drogues et le vol qualifié (Goodwin‑Gill et McAdams, p. 179). Il s’agit là d’exemples valables de crimes suffisamment graves pour justifier de façon présomptive l’exclusion de la protection offerte aux réfugiés. Toutefois, je le rappelle, la présomption peut être réfutée dans un cas donné. Le fait qu’une peine maximale d’au moins dix ans d’emprisonnement aurait pu être infligée si le crime avait été perpétré au Canada s’avère un guide utile, et les crimes qui, au Canada, rendent leur auteur passible d’une peine maximale d’au moins dix ans seront en général suffisamment graves pour justifier l’exclusion, mais il ne faudrait pas appliquer la règle des dix ans machinalement, sans tenir compte du contexte ou de manière injuste.

[35]           Ce qui existait principalement avant cet arrêt, c’était une analyse en deux étapes : un crime était présumé grave lorsqu’il aurait été punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans s’il avait été commis au Canada. Cependant, cette présomption pouvait être réfutée en se fondant sur les circonstances énoncées dans l’arrêt Jayasekara (les éléments constitutifs du crime, le mode de poursuite, la peine prévue et les circonstances atténuantes et aggravantes). Sans surprise, les parties ne s’entendent pas quant aux répercussions de Febles CSC et à la portée du changement (le cas échéant) sur les paramètres d’analyse antérieurs.

[36]           Le conseil du demandeur a soutenu que la Cour suprême du Canada a établi dans l’arrêt Febles qu’il n’y a pas lieu de présumer qu’un crime est grave lorsqu’une disposition du Code criminel du Canada prévoit un large éventail de peines et que le demandeur d’asile serait condamné au Canada à une peine parmi les plus légères, on ne saurait considérer de façon présomptive qu’un crime est grave. Dans un tel cas, la présomption de crime grave n’existe pas et il incombe au ministre d’établir la gravité du crime; le demandeur n’a pas à réfuter la présomption de crime grave.

[37]           Par conséquent, aucune présomption ne devrait être appliquée au cas en l’espèce. La disposition du Code criminel concernant la fraude prévoit un large éventail de peines (de zéro à quatorze ans) et la peine au demandeur (10 mois, mais 165 jours purgés) se trouvait à la limite inférieure de l’éventail de peines. La Commission a donc commis une erreur de droit en considérant que la peine réellement imposée était pertinente pour trancher la question de savoir si la présomption s’appliquait, plutôt que celle de savoir si l’application de la présomption était déclenchée en premier lieu.

[38]           Avec égards, je ne souscris pas à cette interprétation de l’arrêt Febles CSC. La Cour suprême du Canada n’a, nulle part, aboli la présomption de gravité lorsqu’il s’agit de crimes punissables d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans. Tout au contraire, la Cour suprême entérine expressément cette présomption. Elle insiste sur l’importance de l’analyse contextuelle et elle donne une mettre en garde contre l’application rigide et machinale de la présomption. En fait, la Cour suprême ajoute un nouveau facteur – l’éventail de peines au Canada – à la combinaison de facteurs à considérer. L’élément central des observations formulées par la Cour suprême au paragraphe 62 est celui selon lequel la présomption de gravité des crimes pour lesquels une peine d’emprisonnement maximale égale ou supérieure à dix ans serait infligée au Canada constitue un guide utile, mais qu’elle ne devrait pas s’appliquer aveuglément; elle peut assurément être réfutée dans certaines circonstances, mais il faut garder à l’esprit que l’alinéa b) de la section F de l’article premier vise à exclure uniquement les personnes ayant commis des crimes graves, tandis que les demandeurs dont les crimes sont parmi les moins graves selon notre Code criminel ne devraient pas être exclus au seul motif qu’ils font l’objet d’une présomption. Si elle avait voulu apporter un changement plus substantiel au droit, je crois que la Cour suprême l’aurait fait explicitement et certainement pas sous les apparences de « quelques remarques » incidentes. Par conséquent, je suis d’avis que les paragraphes de l’arrêt Febles cités ci‑dessus confirment la démarche qui découle des décisions Chan et Jayasekara, assouplissent quelque peu la question de la présomption (allant jusqu’à s’y référer comme à un « guide utile ») et ajoutent un nouveau facteur pertinent pour trancher la question de savoir si le crime est grave.

[39]           La Commission avait donc droit de considérer que le crime dont le demandeur avait été déclaré coupable était, prima facie, un crime grave aux fins de l’alinéa b) de la section F de l’article premier et n’a pas commis d’erreur de droit rétrospectivement par rapport à l’arrêt Febles de la Cour suprême. La proposition mise de l’avant par le conseil du demandeur est sans fondement, qu’il s’agisse du libellé de l’alinéa b) de la section F de l’article premier ou des Travaux préparatoires de la Convention sur les réfugiés, proposition selon laquelle le véritable critère de gravité consiste à déterminer si le crime est tel que le demandeur ne mérite pas d’être protégé, et que les crimes visés à l’alinéa b) de la section F de l’article premier sont apparemment aussi graves que les crimes visés à l’article 1Fa) (les crimes contre la paix, les crimes de guerre ou les crimes contre l’humanité). Comme l’a mentionné le juge Décary dans Zrig c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 178, au paragraphe 119, l’alinéa b) de la section F de l’article premier est le résultat d’un délicat compromis entre la souveraineté des États et les droits de la personne :

… [Cet objectif] indique que les signataires, s’ils sont prêts à sacrifier leur souveraineté, voire leur sécurité, quand il s’agit d’auteurs de crimes politiques, entendent au contraire les préserver, pour des raisons de sécurité et de paix sociale, quand il s’agit d’auteurs de crimes ordinaires graves. [Il] indique aussi que les signataires ont voulu s’assurer que la Convention soit acceptée par la population d’accueil qui ne risque pas d’être forcée, sous le couvert du droit d’asile, à côtoyer des individus particulièrement dangereux.

[40]           Ce compromis, qui sous‑tend l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés, a été adopté par les juges majoritaires de la Cour suprême dans l’arrêt Febles CSC, au paragraphe 35 :

Je ne puis accepter les arguments relatifs aux objectifs de l’article 1Fb) qu’avancent M. Febles et le HCR. Je conclus que l’article 1Fb) n’a qu’un objectif principal – l’exclusion des personnes qui ont commis un crime grave. Cette exclusion est essentielle à l’équilibre qu’établit la Convention relative aux réfugiés entre l’aide qui permettra aux victimes d’oppression d’entreprendre une nouvelle vie dans un autre pays et la protection des intérêts des pays d’accueil. L’article 1Fb) ne vise pas uniquement les criminels fugitifs; il ne vise pas non plus uniquement un sous‑groupe de grands criminels qui sont indignes de la qualité de réfugié au moment où ils la revendiquent. Au contraire, en excluant tous les demandeurs qui ont commis un crime grave de droit commun, l’article 1Fb) exprime l’accord des États contractants selon lequel ces personnes, par définition, seront indignes de l’asile en raison de leur grande criminalité.

[41]           Dans la même veine, la Cour suprême tranche définitivement l’affirmation du demandeur selon laquelle les événements ultérieurs au crime (notamment la réadaptation) s’appliquent à la conclusion quant à l’exclusion. Au paragraphe 60 des motifs de l’arrêt Febles CSC, les juges majoritaires ont écrit ce qui suit :

L’article 1Fb) exclut toute personne qui a déjà commis un crime grave de droit commun à l’extérieur du pays d’accueil avant son admission en tant que réfugié dans ce pays. Cet article ne s’applique pas uniquement aux criminels fugitifs, et la gravité du crime n’a pas à être mise en balance avec des facteurs extrinsèques au crime tel le danger présent ou futur pour la société d’accueil, ou la réadaptation ou l’expiation subséquente au crime.

[42]           Il s’ensuit que les arguments du demandeur qui sont étrangers au crime et à la déclaration de culpabilité (le fait que le demandeur ait purgé sa peine, qu’il se soit réadapté et qu’il ne représente plus de danger pour le public) ne s’appliquent pas. Dans la mesure où elle n’a pas tenu compte de ces facteurs, la Commission n’a pas erré en droit.

[43]           Enfin, l’avocat du demandeur a allégué que la Commission avait commis une erreur en ne tenant pas compte de tous les facteurs atténuants soulevés et en ne tirant aucune conclusion à leur sujet. Selon le conseil, la Commission a appliqué la présomption des dix ans d’une manière machinale, décontextualisée ou injuste.

[44]           Comme il a été établi dans Jayasekara, la gravité du crime pour les besoins de l’alinéa b) de la section F de l’article premier doit être appréciée en fonction de normes internationales, du point de vue du pays d’accueil et d’autres facteurs liés au crime, comme les éléments constitutifs du crime, le mode de poursuite, la peine prévue, les faits et les circonstances atténuantes et aggravantes sous‑jacentes à la déclaration de culpabilité.

[45]           Je conviens avec le conseil du demandeur que l’analyse des facteurs atténuants ou aggravants effectuée par la Commission est quelque peu déficiente. En premier lieu, la Commission a reconnu que le demandeur n’avait pas eu recours à la violence et elle a convenu qu’il s’agissait d’un facteur atténuant, mais elle a poursuivi en disant (au paragraphe 107) que cela ne n’atténuait pas la gravité du crime. Il ne s’agit pas simplement, comme l’avocate du défendeur voudrait bien le faire croire, [traduction« d’un choix de mots légèrement étrange »; au contraire, cela montre une compréhension erronée du concept même de facteur atténuant, en l’absence de toute explication qui permettrait à la Cour de comprendre pourquoi la Commission est parvenue à cette conclusion.

[46]           Je note également qu’au paragraphe 100 de ses motifs, la commissaire a énoncé divers facteurs et qu’elle a ensuite déclaré qu’elle considérait certains de ces facteurs comme aggravants, sans préciser lesquels. Elle semblait d’avis que le fait d’avoir été déclaré coupable de ne pas avoir payé trois chèques relativement à son entreprise d’établissement d’enseignement privé est lié au crime pour lequel il a été exclu aux termes de l’alinéa b) de la section F de l’article premier, car cela montre qu’il a de la difficulté à gérer la dette de son entreprise. Un tel lien est à tout le moins douteux, sinon spécieux. Elle a également conclu que le remboursement de la victime constituait un facteur aggravant, parce qu’il avait été fait par la sœur du demandeur plutôt que par le demandeur lui‑même; à nouveau, je n’arrive pas à saisir le raisonnement d’une telle conclusion. La sœur du demandeur aurait remboursé la victime en suivant les instructions du demandeur, et plusieurs raisons pourraient expliquer pourquoi le demandeur n’a pas lui‑même remboursé la victime.

[47]           Je conviens également avec l’avocat du demandeur que la commissaire a bel et bien renvoyé aux observations du conseil relatives aux facteurs atténuants, mais qu’elle n’a pas indiqué si elle était d’accord ou en désaccord avec le conseil pour dire que ces facteurs étaient effectivement atténuants. Tel est le cas, par exemple, en ce qui concerne le fait qu’un sursis ait été accordé à l’égard de la peine, que la victime ne voulait pas voir le demandeur puni et que le tribunal coréen n’a pas ordonné le dédommagement.

[48]           Tout bien considéré, cependant, l’erreur la plus flagrante de la commissaire a été de ne pas avoir pris en considération ce que la Cour suprême tenait pour un facteur crucial dans Febles, à savoir le grand éventail de peines au Canada et le fait que le crime dont le demandeur avait été déclaré coupable entrainerait l’imposition d’une peine parmi les plus légères. Ce facteur était parfaitement pertinent en l’espèce : l’échelle des peines canadiennes pour fraude de plus de 5 000 $ est vaste (de 0 à 14 ans), et le crime du demandeur – fraude de 50 000 $ assortie d’une peine de 10 mois – se trouve à première vue au bas de cette échelle. Le grand éventail de peines et la faible peine purgée par le demandeur (non seulement la peine infligée n’était que de deux ans, mais le demandeur s’est vu accorder un sursis après165 jours de détention avant procès) constituaient de toute évidence un facteur des plus pertinents pour la détermination de la gravité du crime.

[49]           Pour ce motif seulement, la décision de la Commission devrait être annulée et l’affaire renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour réexamen.

[50]           L’avocat du demandeur a proposé trois questions à des fins de certification :

                     La question de savoir si la nature du crime commis par le demandeur le rend indigne de la protection constitue‑t‑elle un critère valable de la gravité d’un crime au sens de l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés?

                     L’alinéa b) de la section F de l’article premier devrait‑il être interprété de la même façon que les alinéas a) et c) de la section F de l’article premier, de sorte que les seuls crimes suffisamment graves pour être visés par l’alinéa b) de la section F de l’article premier soient ceux du même ordre de gravité que ceux qui sont visés par les alinéas a) et c) de la section F de l’article premier?

                     Est‑ce que l’affirmation de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Febles c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CSC 68, au paragraphe 62, selon laquelle « on ne saurait exclure de façon présomptive un demandeur qui serait condamné au Canada à une peine parmi les plus légères » devrait être interprétée comme signifiant qu’il n’existe aucune présomption pour l’exclusion dans le cas d’un demandeur qui serait condamné au Canada à une peine parmi les plus légères?

[51]           L’avocate du défendeur s’est opposée à la certification de ces questions, en particulier aux deux premières. Je conclus que ces dernières ne soulèvent pas de questions de portée générale, étant donné que la Cour d’appel fédérale y a déjà répondu par la négative et que la Cour suprême du Canada a fait de même, du moins implicitement, dans l’arrêt Febles. Quant à la troisième question, elle ne permettrait pas de trancher un appel quant à la présente demande, puisque j’ai déjà conclu, indépendamment de toute présomption pertinente, que la Commission avait commis une erreur de droit dans son appréciation des facteurs atténuants.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié pour nouvelle décision, conformément aux présents motifs. Aucune question n’est certifiée.

« Yves de Montigny »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑1086‑13

 

INTITULÉ :

MYUNG SOO JUNG

SUN KYUNG LEE

SANG WUN JUNG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 mars 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge de Montigny

 

DATE DES MOTIFS :

Le 15 avril 2015

 

COMPARUTIONS :

David Matas

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Nalini Reddy

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Matas

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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