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Date : 20150408


Dossier : IMM-634-15

Référence : 2015 CF 433

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 8 avril 2015

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

et

RICHARD OKWEROM

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Motifs prononcés à l’audience par téléconférence depuis Ottawa le 7 avril 2015)

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire par laquelle le ministre la prie d’examiner la décision de la Section de l’immigration de mettre M. Okwerom en liberté. M. Okwerom ne s’est pas présenté à l’audition de la demande, mais je suis convaincue, d’après le dossier dont je dispose, qu’il a été avisé de la présente audience.

[2]               Après avoir entendu l’avocat du ministre, et après avoir examiné attentivement le dossier de la présente affaire, je suis convaincue que la décision de mettre M. Okwerom en liberté était effectivement déraisonnable compte tenu de la preuve accablante selon laquelle :

                     il ne s’est pas réadapté;

                     il n’a manifesté aucun remords à l’égard de la très grave agression commise sur son épouse, agression qui lui a presque coûté la vie;

                     il ne comprend pas la gravité de ses actes, qu’il considère manifestement appropriés dans les circonstances;

                     il a maintes fois affirmé qu’il ne voit rien de mal dans sa conduite, car il croit que son épouse est sa chose, et qu’elle lui appartient;

                     il a maintes fois exprimé le désir de retrouver son épouse et ses enfants après sa mise en liberté.

[3]               Dans la mesure où la commissaire King a souscrit aux motifs qu’il a prononcés dans le cadre de l’examen des motifs de détention de décembre 2014, le commissaire Tessler n’a fourni aucune explication quant à savoir pourquoi il croyait tout à coup l’affirmation de M. Okwerom selon laquelle il ne chercherait pas à voir sa famille s’il était mis en liberté, en dépit de son désir maintes fois exprimé de le faire. Cette conclusion n’est pas raisonnable, car elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La conclusion selon laquelle il n’y avait [traduction] « aucun élément de preuve » établissant qu’il chercherait à voir sa famille était en outre abusive, compte tenu du dossier dont disposait le commissaire.

[4]               Je tiens également à souligner qu’on ne peut concilier la conclusion du commissaire voulant que M. Okwerom présente un risque pour les membres de sa famille avec l’apparente admission de son affirmation selon laquelle il ne chercherait pas à les voir s’il était libéré.

[5]               Le commissaire n’a pas non plus expliqué pourquoi on pouvait s’attendre à ce que M. Okwerom respecte les conditions de la mise en liberté à la lumière des conclusions antérieures des commissaires de la Section de l’immigration, dont la commissaire King, selon lesquelles il était incapable de le faire. La conclusion qu’il respecterait les conditions imposées par la Section de l’immigration ne présente donc pas la transparence, l’intelligibilité et la justification que commande une décision raisonnable.

[6]               Je retiens également l’argument du ministre selon lequel l’obligation de M. Okwerom de se présenter à l’Agence des services frontaliers du Canada deux fois par semaine ne l’empêcherait pas de quitter la province et d’aller voir son épouse et ses enfants si telle était son intention.

[7]               Enfin, je suis d’accord avec le ministre pour dire que la commissaire King semble avoir considéré la durée de la détention de M. Okwerom et l’incertitude concernant son futur renvoi comme étant d’une importance primordiale en l’espèce.

[8]               Même en admettant qu’il n’existe pas de possibilité immédiate que M. Okwerom soit renvoyé du Canada, comme la Cour l’a souligné dans les affaires B147 citées par le ministre (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. B147, 2012 CF 655), la nature indéterminée de la détention d’une personne n’est qu’un des facteurs dont il faut tenir compte dans l’examen des motifs de la détention. Il faut le soupeser par rapport à d’autres considérations pour décider si la mise en liberté est indiquée, et c’est commettre une erreur de droit que de considérer la nature indéterminée d’une détention comme un facteur déterminant : [B147, précité, aux paragraphes 53 à 56].

[9]               En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La décision du 6 février 2015 de la commissaire King de mettre M. Okwerom en liberté sera annulée, et l’affaire sera renvoyée à un autre commissaire de la Section de l’immigration pour qu’une nouvelle décision soit rendue.

[10]           Je conviens avec le ministre que la présente affaire constitue un cas d’espèce et ne soulève pas de question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la commissaire King datée du 6 février 2015 est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre commissaire de la Section de l’immigration pour qu’une nouvelle décision soit rendue conformément aux présents motifs.

« Anne L. Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-634-15

INTITULÉ :

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c RICHARD OKWEROM

AUDIENCE TENUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 7 AVRIL 2015 DEPUIS OTTAWA (ONTARIO) ET WINNIPEG (MANITOBA)

JUGEMENT ET MOTIFS :

la juge MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :

le 8 avril 2015

COMPARUTIONS :

Alexander Menticoglou

POUR LE DEMANDEUR

Aucune comparution

POUR LE DÉFENDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DEMANDEUR

 

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