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Date : 20150330


Dossier : IMM-4748-14

Référence : 2015 CF 399

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 mars 2015

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

INPANATHAN THIRUMANEY

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur conteste la légalité de la décision en date du 22 mai 2014 par laquelle la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la SAI] a rejeté l’appel qu’il avait interjeté à l’encontre de la décision d’un agent des visas de refuser la demande de visa de résident permanent présentée à l’égard de son épouse, Marinathevaki Inpanathan, dans le cadre d’une demande de parrainage au titre de la catégorie des époux.

[2]               Le demandeur est né au Sri Lanka et il est devenu citoyen canadien en 1990. Il vit de l’aide sociale, car il a perdu ses dix doigts à la suite d’engelures en 1994. En 1990, il a commencé à être suivi par un psychiatre en raison d’une dépression, et il a aussi reçu un diagnostic de schizophrénie par la suite. Le demandeur et son épouse, une citoyenne du Sri Lanka, se sont mariés le 7 juillet 2009, et une demande de parrainage a été présentée en 2010. L’épouse du demandeur a fait l’objet d’une première entrevue le 2 mars 2011, et l’agent des visas a reconnu que le mariage était authentique même si le demandeur était dans l’incapacité de travailler en raison de la perte de ses doigts. La question de l’état de santé mentale du demandeur ne semble pas avoir été portée à l’attention de l’agent, mais après en avoir été mis au fait, l’agent s’est dit préoccupé. Après une deuxième entrevue, le même agent des visas a refusé la demande le 20 juin 2011. Il a conclu que le mariage n’était pas authentique. Les connaissances de l’épouse à l’égard de la maladie mentale du demandeur et la nature de cette maladie mentale sont les principaux éléments qui ont amené l’agent à douter de l’authenticité du mariage.

[3]               Lors de l’appel, la SAI a conclu que le demandeur était sincère : de son côté, il avait contracté le mariage de bonne foi. Cependant, la SAI a conclu que l’épouse du demandeur avait contracté le mariage dans le but d’acquérir un statut au Canada. En conséquence, le mariage n’était pas authentique. La SAI a fait remarquer que l’épouse du demandeur ne savait pas que celui‑ci avait perdu ses doigts et ignorait tout de l’ampleur de la maladie mentale du demandeur. La SAI a relevé quelques contradictions entre ce que le demandeur affirmait avoir dit à son épouse et ce que celle‑ci savait réellement, ainsi que des contradictions dans le témoignage de son épouse. De plus, la SAI a conclu que le manque de connaissances et le manque d’intérêt de l’épouse à l’égard des maladies mentales du demandeur n’étaient pas compatibles avec une relation de bonne foi. La SAI a également relevé des incompatibilités inhérentes, dont le handicap et l’état de santé mentale du demandeur, la différence d’âge de vingt ans et le fait que le demandeur et son épouse étaient de confessions différentes. La SAI a conclu que le demandeur n’avait pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le mariage était authentique et elle a rejeté l’appel.

[4]               La seule question en litige en l’espèce est celle de savoir si la décision de la SAI est raisonnable.

[5]               En bref, le demandeur avance que la SAI a agi de façon déraisonnable en mettant en doute l’ampleur des connaissances de son épouse à l’égard de ses maladies mentales et en concluant qu’elle avait témoigné d’un manque d’intérêt quant à ces aspects importants de la santé du demandeur. Le demandeur affirme que la conclusion antérieure de l’agent des visas reposait sur le fait que le demandeur semble continuer de souffrir de schizophrénie. La SAI n’a pas tenu compte du fait que le demandeur ne présentait aucun symptôme au moment du mariage et de l’audition de l’appel. La SAI a ignoré un élément de preuve médicale hautement pertinent à cet égard provenant du psychiatre Jacques Bernier (lettre datée du 27 mars 2014). Par ailleurs, la SAI a commis une erreur de fait en déclarant que l’épouse du demandeur avait seulement fait état des troubles du sommeil lors de l’entrevue avec l’agent des visas, car elle avait également mentionné qu’il pensait beaucoup et qu’il prenait une pilule pour cette raison. Selon le demandeur, le témoignage de son épouse n’était pas contradictoire : elle connaissait son problème de santé mentale et elle acceptait le demandeur tel qu’il était. Le demandeur avance en outre que le fait que son épouse ne savait pas comment il avait perdu ses doigts n’était pas pertinent. Qui plus est, la SAI a totalement ignoré la preuve documentaire témoignant de la bonne foi du mariage, y compris des témoignages de membres de la famille et une preuve de soutien financier. Par conséquent, la décision de la SAI est déraisonnable.

[6]               Selon le défendeur, la décision est raisonnable. La SAI est présumée avoir tenu compte de la lettre du psychiatre. De plus, cet élément de preuve n’est pas déterminant. Le fait que le demandeur soit asymptomatique ou non n’est tout simplement pas pertinent en l’espèce. Le demandeur a reçu un diagnostic de grave problème de santé mentale. Il a également un handicap physique. Il ne travaille pas et il vit de l’aide sociale. Il y a une différence d’âge de vingt ans entre les époux. Il était donc raisonnable pour la SAI de conclure que l’épouse du demandeur aurait dû en savoir davantage ou du moins démontrer un plus grand intérêt à l’égard des maladies du demandeur, de la perte de ses doigts et de ses proches. Il incombait à la SAI de décider du poids à accorder à ces facteurs. Le fait qu’un autre commissaire de la SAI aurait pu évaluer la preuve différemment ne suffit pas à justifier une intervention de la Cour.

[7]               La présente demande doit être rejetée malgré l’habile présentation de la savante conseil du demandeur. L’ensemble de l’appel a trait aux faits particuliers de l’affaire et à leur interprétation par la SAI. Aucune erreur de fait manifeste n’a été commise. Il ne s’agit pas d’un cas où un cumul de conclusions de fait douteuses tirées par le tribunal rendrait déraisonnable la conclusion finale de celle‑ci. À l’audience tenue devant moi, la conseil du demandeur a fait référence aux réponses que l’épouse du demandeur a données à la fois à l’agent des visas et devant la SAI. Elle a proposé une interprétation différente de ces mêmes réponses. Toutefois, il n’appartient pas à la Cour de réévaluer la preuve et de substituer son opinion à celle de la SAI. Il pouvait manifestement être conclu que le mariage n’était pas authentique, compte tenu de la preuve au dossier, entre autres du manque de connaissances et d’intérêt de l’épouse à l’égard des maladies mentales du demandeur et de la perte de ses doigts, et vu les diverses contradictions dans son témoignage. De plus, le demandeur lui‑même concède que [traduction« son épouse n’avait pas eu l’occasion d’apprendre […] à le connaître davantage et de lui poser des questions ». La compatibilité est très importante dans les mariages arrangés. Il était loisible à la SAI de conclure que l’épouse du demandeur « n’[avait] pas pu expliquer la raison pour laquelle elle était malgré tout véritablement engagée dans sa relation avec [le demandeur], malgré leurs incompatibilités, mis à part le fait d’acquérir un statut au Canada ». Par conséquent, la décision de la SAI était raisonnable.

[8]               La demande sera rejetée. Les conseils n’ont proposé aucune question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Luc Martineau »

Juge

Traduction certifiée conforme

Myra-Belle Béala De Guise


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4748-14

 

INTITULÉ :

INPANATHAN THIRUMANEY c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (QuÉbec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 MarS 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 30 MARS 2015

 

COMPARUTIONS :

Me Rachel Benaroch

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Andrea Shahin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MRachel Benaroch

Avocate

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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